--- [Part 1](full-text-french-1.md) # [Chapitre 6. Le Clergé et le Personnel des Temples.](#chapitre-6) ## [1\.](#1-8) ## [2\.](#2-8) ## [3\.](#3-8) ## [4\.](#4-8) ## [5\.](#5-5) # [Chapitre 7. Les Confréries.](#chapitre-7) ## [1\.](#1-9) ## [2\.](#2-9) ## [3\.](#3-9) ## [4\.](#4-9) # [Chapitre 8. Les Galles.](#chapitre-8) ## [1\.](#1-10) ## [2\.](#2-10) ## [3\.](#3-10) ## [4\.](#4-10) ## [5\.](#5-6) # [Chapitre 9. Sanctuaires de Magna Mater à Rome et à Ostie.](#chapitre-9) ## [1\.](#1-11) ## [2\.](#2-11) ## [3\.](#3-11) # [Chapitre 10. Le Culte en Asie Mineure à l'Époque Impériale.](#chapitre-10) ## [1\.](#1-12) ## [2\.](#2-12) ## [3\.](#3-12) ## [4\.](#4-11) ## [5\.](#5-7) ## [6\.](#6-3) ## [7\.](#7-2) ## [8\.](#8-2) # [Chapitre 11. L'Expansion du Culte en Italie et dans les Provinces.](#chapitre-11) ## [1\.](#1-13) ## [2\.](#2-13) ## [3\.](#3-13) ## [4\.](#4-11) ## [5\.](#5-8) ## [6\.](#6-4) ## [7\.](#7-3) ## [8\.](#8-3) # [Chapitre 12. L'Expansion du Culte dans les Provinces (_Suite_). Europe Orientale et Provinces d'Afrique.](#chapitre-12) ## [1\.](#1-14) ## [2\.](#2-14) ## [3\.](#3-14) ## [4\.](#4-12) ## [5\.](#5-9) ## [6\.](#6-5) # [Chapitre 13. Le Culte au 4e Siècle. --- La Résistance au Christianisme.](#chapitre-13) ## [1\.](#1-15) ## [2\.](#2-15) ## [3\.](#3-15) ## [4\.](#4-13) # [Conclusions](#conclusions-1) --- # Chapitre 6 ### Le Clergé et le Personnel des Temples. 1\. L'Empereur, grand maître du Collège Quindécemviral et chef du culte phrygio-romain. Les 15virs ; leurs attributions administratives, leur rôle religieux. --- 2. L'Archigalle. Rachat de l'eunuchisme par la consécration taurobolique. Prophète et prêtre. Centres de résidence. Nomination. Costume et insignes. --- 3. Les prêtres. Recrutement. Nomination municipale et investiture quindécemvirale. Durée du sacerdoce. Leurs insignes. Leurs fonctions. Leur situation dans la cité. --- 4. Les prêtresses. Sacerdoce recherché. Affranchies et ingénues. Mode d'élection. Insignes. Fonctions. --- 5. Diaconesses. Schola Cantorum. Musique : flûtiste, cymbalières et tambourinières. Cérémoniaires et sacristains. Gardiens. Curateurs des temples. Le culte oriental de la Mère des Dieux exigeait un personnel considérable et une hiérarchie compliquée de prêtres et de prêtresses, d'hiéropes des deux sexes et d'hiérodules. Rome fut obligée d'accepter les éléments essentiels de ce clergé : couple sacerdotal, correspondant au couple divin, prophète qui est l'Archigalle, musiciens et musiciennes dont ne peut se passer la liturgie d'une religion orgiastique. Le jour où elle avait accueilli dans ses murs la Dame noire de Phrygie, elle avait dû subir la présence d'un prêtre phrygien, d'une prêtresse phrygienne et d'une séquelle de Galles attachés au service de la Grande Mère, _famuli_ que l'on n'osait chasser par crainte de déplaire à la divinité. Mais le Sénat avait interdit aux citoyens de participer aux cérémonies du culte phrygien, à plus forte raison d'en devenir les ministres. Lorsque ces rites entrent dans la religion de Rome, l'exercice de la prêtrise ne peut plus être défendu aux Romains. Mais, par suite, des conditions nouvelles s'imposent à l'antique sacerdoce. Line évolution s'opère, qui transforme le caractère de l'ancien clergé. Cette évolution n'est pas seulement l'œuvre fatale du temps. Elle est accélérée par les dispositions mêmes que prend Rome pour adapter l'organisme oriental aux traditions de la cité romaine. ## 1\. Le centre de la religion phrygienne s'est déplacé des bords du Sangarios aux rives du Tibre. Mais Pessinonte n'avait jamais exercé sur l'Anatolie qu'une suprématie toute spirituelle ; et les Attis n'avaient jamais étendu leur autorité au-delà des étroites limites de leur royaume. Rome, au contraire, est vraiment la capitale administrative du culte. Celui-ci dépend d'une direction centrale, qui siège dans les bureaux du Quindécemvirat. Son chef suprême est l'Empereur, président-maître du sacré collège des Quindécemvirs. A Rome même, pendant les anciennes fêtes d'avril, qui ont un caractère plus particulièrement local, le prince laisse la présidence des jeux aux préteurs. Mais il assiste aux représentations scéniques dans la même tribune que le président. Il prend part aux cérémonies publiques et aux processions de mars. Les Archigalles, en ordonnant à leurs prêtres des oraisons solennelles et aux dévots des sacrifices extraordinaires pour le salut du prince, accomplissent un acte de loyalisme à l'égard de leur souverain politique et religieux. L'Amplissime et Très Saint* Collège des 15virs est l'ancien collège décemviral, dont l'effectif fut augmenté entre 640/114 et 703/51, sans doute par Sylla. Le nombre des membres s'accrut encore plus tard, quand les empereurs créèrent des 15virs hors cadre.* Cette dignité sacerdotale n'était du reste pas incompatible avec les fonctions civiles ni avec les autres sacerdoces. Fort recherchée, elle imposait des charges qui ne laissaient pas d'être absorbantes. Les 15virs restent les théologiens officiels de la religion gréco-romaine, de même que les Pontifes sont les théologiens de la religion indigète. Interprètes d'une tradition sans cesse accrue, ils constituent l'autorité compétente en matière de cultes grecs. L'Empire ajoute au programme le culte phrygien, qui devient l'un des plus importants services de leur département. Désormais, en effet, bien qu'ils aient toujours la garde des livres sibyllins, bien qu'ils conservent pour insignes le trépied prophétique et le dauphin, Cybèle les occupe autant, sinon plus qu'Apollon.* Selon toute vraisemblance, le culte de l'Idéenne, introduit par l'intermédiaire des 10virs, ne s'était jamais passé de leur concours ; d'anciennes prérogatives ont déterminé les nouvelles attributions.* Quand Rome adopte la liturgie phrygienne, les 15virs ont seuls compétence pour élaborer la réglementation du culte phrygio-romain, assimilé aux cultes d'origine hellénique. Chargés de constituer le sacerdoce, ils restent les directeurs du personnel. La nomination des prêtres et des prêtresses doit leur être soumise et demeure subordonnée à leur approbation. *) Cic., _Verr._ 4, 49 ; _CIL._ 6, 508. *) Textes dans Marquardt, _Culte_ 2, p. 84 ; sur le recrutement, 1. p. 80. *) Stat., _Silv._ 1, 2, 176 : « certe iam nunc Cybeleia novit | limina el Euboicae carmen legit ille Sibyllae. » *) Cic., _De har. resp._ 13, 26 : « sacerdotimn (le 10virat) quo est haec tota religio (le culte de Magna Mater) constituta. » Ce sont eux qui donnent l'investiture. Celle-ci consiste dans la remise d'un diplôme par lequel on autorise le port des insignes rituels (_ornatus_). Le diplôme est signé par le vice-président (_promagister_). à qui est attribuée l'expédition des affaires courantes. Nous en avons conservé un exemplaire qui est adressé au conseil municipal de Cumes, en réponse à l'envoi d'un procès-verbal d'élection. La formule consacrée était la suivante : « Les 15virs préposés au culte, aux préteurs et aux magistrats de..., salut. Votre lettre nous a fait connaître votre choix de... comme prêtre de la Mère des Dieux, en remplacement de..., décédé. Conformément à votre volonté, nous lui avons permis de porter l'occabos et la couronne, mais seulement dans la limite du territoire de votre colonie. Nous vous souhaitons bonne santé. En foi de quoi moi..., au nom et à la place du président, ai signé ce... jour des (Kalendes, Ides ou Nones) de..., sous le consulat de… » Le prêtre muni de ce bref prenait le titre de quindécemviral. Mais tous ne sont pas cités avec ce titre. Quelques-uns s'en prévalent-ils comme d'une supériorité sur d'autres prêtres de leur ville, élus simplement par le conseil municipal ? D'autres le considèrent-ils comme un certificat d'honorabilité et de romanité, qui évite toute confusion possible avec les Galles eunuques et méprisables ? Voici les localités où l'investiture quindécemvirale est signalée : Lyon en 160, Forum Popilii (dans l'ager Falernus) en 186, Bénévent en 228, Orange en 245, Cumes en 289, Brescia, Compsa (Lucanie), Potenza, Suessula (Campanie).* Elle était donc obligatoire au moins en Italie et dans les Gaules.* Sans doute ce régime s'appliquait-il en principe à toutes les colonies romaines.* Les confréries de Dendrophores et de Cannophores, indispensables au fonctionnement normal du culte, sont aussi placées sous la dépendance et curatelle du sacré collège. *) _CIL._ 5, 4400 (Br.) ; 9, 981 (Compsa), 1538, 1541 (Ben.) ; 10, 129 (Pot.), 3698 (Cumes), 3764 (Suess.), 4726 (F. P.) ; 12, 1567 (Or.) ; 13, 1751 (Lyon). Sur le texte de Cumes, cf. Bouché-Leclercq, _Hist. de la divination_ 4, p. 310. *) Nous voyons de même l'action des Pontifes s'exercer hors de Rome, mais seulement dans les limites de la Péninsule. « Il n'existe pas dans tout oppidum italique, écrit Tacite (qui fut 15vir), de cérémonies religieuses, de temples, d'images des dieux qui ne soient sous la juridiction romaine. » *) Cf. supra, p. 143. Ce type d'organisation cultuelle est-il unique dans la religion romaine, à l'époque des Empereurs ? Ou bien s'appliquait-il également aux cultes de Cérès, d'Esculape, et, d'une façon générale, à tous ceux que le collège fit pénétrer dans la cité ? Aucun témoignage n'autorise la seconde hypothèse. Il est fort vraisemblable que des conditions spéciales furent imposées à Cybèle. C'était une mesure de sage politique. L'État ne savait que trop quelle était la puissance des prêtres dans les religions mystiques de l'Orient. Il maintient ses garanties par le droit d'investiture. Car ce droit rend toujours possible une enquête préalable, de même qu'il suppose un contrôle permanent, par conséquent une autorité disciplinaire ; et qui accorde un privilège peut le retirer. Aussi bien, la délivrance du brevet devait-elle devenir avec le temps, sauf à Rome, une simple formalité, une tradition bureaucratique. A Rome, la nomination du haut clergé conserva toujours son importance. Les 15virs entretiennent des rapports constants avec le clergé de la métropole. Ces administrateurs sont eux-mêmes des prêtres, _sacerdotes et antistites caerimoniarum_.* A ce titre ils assistent aux cérémonies publiques de mars et d'avril, aux processions solennelles, aux jeux, aux fêtes d'actions de grâce. Mais nous ignorons quels actes religieux ils accomplissaient par eux-mêmes. Après le rite du Bain, ce sont eux qui prononcent la formule d'oraison invitant la déesse à rentrer dans Rome. Ils ne participent pas seulement aux fêtes du Palatin. Lorsque le taurobole devient une institution officielle, ils interviennent dans les grandes taurobolies du Vatican pour le salut des empereurs et de la Maison Divine. Ils y vont en corps, couronnés de laurier,* font parfois l'offrande du sacrifice et ne se bornent pas à honorer de leur présence la cérémonie ; ils jouent un rôle liturgique dans la célébration du mystère. Personnellement ils dédient des autels tauroboliques aux Tout Puissants et, dans les derniers siècles, tiendront à recevoir le baptême rouge, seuls ou en famille.* Ils peuvent être appelés aussi à taurobolier hors de Rome.* *) Liv. 10, 8, 2 ; cf. Cic., _l. c._ : « sibyllinus sacerdos. » *) Cf. Liv. 27, 37 : « Decemviri coronati laurea praetextatique » ; Arnob. 4, 35 : « sedent (au théâtre) 15viri laureati. » *) V. supra, p. 167, liste B, _1_, _2_, _3_, _5_, _12_, _13_, _17_, _18_, _20_. Toutes ces inscriptions datent du 4e siècle. *) _Ibid._ _25_. Mais rien ne prouve que ce sacrifice n'avait pas un caractère privé. ## 2\. Les 15virs ne sont que les intermédiaires entre l'État et le clergé municipal, sans doute aussi, dans certains actes, entre l'État et la divinité. Ils n'ont point qualité pour s'occuper des fidèles. Les relations entre la déesse et ses dévots, simples particuliers, confréries ou villes, sont assurées par les Archigalles et les prêtres des deux sexes. L'Archigalle est un pur produit de l'Orient. En principe, il est le premier des Galles, leur Supérieur hiérarchique, mais leur frère en Attis, soumis à la même ordination. Or, tandis que les Galles restent en dehors de la religion nationale et municipale, il devient un personnage officiel et important du culte phrygio-romain. L'anomalie, toutefois, n'est qu'apparente. Ce prêtre perpétue dans Rome le sacerdoce primitif de l'Idéenne. Il a succédé normalement, au prêtre phrygien qui accompagna la Dame noire, chef des Galles attachés au service de la déesse. Mais la romanisation du sacerdoce devait entraîner la suppression de l'eunuchisme. Si Juvénal connut certain Archigalle de Rome qui méritait l'épithète méprisante de _semivir_,* il faut admettre que l'organisation définitive de l'archigallat romain est postérieure aux Flaviens. Elle serait contemporaine de celle du taurobole, laquelle attribue précisément à l'Archigalle un rôle considérable ; et peut-être en fut-elle la conséquence. D'autre part, Firmicus Maternus, Prudence et Servius prétendent que les Archigalles sont eunuques.* Il est possible en effet que, vers la fin de l'Empire, l'eunuchisme ait reconquis ses droits. Mais il ne constitue plus l'ordination obligatoire. On ne saurait même affirmer que, sous la République, les prêtres phrygiens de l'Idéenne aient été nécessairement des eunuques. Aussi bien, l'éviration sacerdotale pouvait n'être, dans la mystique anatolienne, qu'une importation relativement récente du sémitisme.* Le mythe lydien d'Attis, blessé et tué par un sanglier, laisserait croire que « l'autocastration « ne fut point, en Lydie, le principe fondamental du sacerdoce. Dans l'Anatolie grecque, où cependant le culte métroaque comportait l'orgiasme, l'hellénisme ne se laissa pas trop entamer, ce semble, par ces pratiques barbares. A Pessinonte même, où l'influence hellénique fut puissante au temps des Attalides, les Attis ont renoncé à cette ressemblance avec leur dieu.* Qu'à l'origine ils aient sacrifié leur virilité, comme le dieu pessinontien, leur nom théophore ne permet guère d'en douter. Mais, lorsque Clodius met à l'encan le sacerdoce suprême de la ville sainte, ils ne sont plus des prêtres eunuques. De même le Battakès, qui partage avec P Attis la grande prêtrise et les insignes royaux, n'est pas un castrat. Lorsque l'un d'eux vint à Rome en 652/102, ses insulteurs n'eussent point manqué de lui prodiguer cette injure. A plus forte raison, sous l'Empire, les dix membres du sacré collège des Attis n'ont-ils que le nom de commun avec le dieu émasculé. Les Galles représentent seuls désormais l'ancien clergé. Ce ne sont pas seulement les prêtres municipaux de la Mère des Dieux qui ont conservé tous leurs droits au nom d'hommes ; le sacrifice du sexe a cessé d'être la condition primordiale de l'archigallat. Un Archigalle de Tusculum est marié.* Même en Asie Mineure, au cœur de la Pisidie,nous constatons cette dérogation à la loi religieuse.* *) Juv., _Sat._ 6, 513. *) Firm. Mat., _Mathes._ 3, 6, 22 : « abscisos archigallos » ; Prudent., _Contra Symm._ 2, 51 (mais il n'est pas sûr que le « Berecynthiacus sacerdos » désigne l'archigalle) ; 858 s : « Megalesius hinc _spado_ diris | incensus furiis caeca ad responsa vocatur » ; Serv. ad _Aen._ 9, 115 : « Mater Magna... effecit ut cultores sui sibi viriles suas partes amputarent, qui archigalli appellantur. » *) Cf. Gruppe, _Gr. Mythol. u. Relig._, p. 1542 ss. *) Cf. un phénomène analogue dans le culte de l'Artemis d'Ephèse. A l'élément purement oriental des prêtres eunuques, dits Mégabyzes, ayant à leur tête un prêtre roi, dit Myzos, s'est surajouté d'abord, ce semble, puis a succédé un clergé de type hellénique, prêtres et hiéropes, sous la direction d'un « archiereus. » *) _Not. Scavi_ 1895, p. 104 : « coniugi be[ne merenti] cum quo vi[xit ann...] archigallo Tus[culanorum] et sibi. » *) Sterret, _Wolfe Expedition_, dans _Papers of Amer. School_ 3, 1888, p. 165, n° 380 ; Ramsay, _Studies_, p. 343, n° 22 : statue élevée à Zeuxis, archigalle d'Artemis, par Aurélia Venusta (sa femme ? ). A vrai dire, beaucoup semblent s'être voués au célibat.* Peut-être le vœu de chasteté avait-il remplacé tout d'abord l'éviration volontaire. Toutefois ce vœu ne pouvait suffire. Ce qu'il fallait surtout aux dieux, c'était un sacrifice de substitution. Ils acceptèrent en dédommagement les « vires » du taureau et du bélier. L'Archigalle se rachetait par un taurobole. Le sacrifice taurobolique devint la cérémonie de consécration, qui accompagnait la prise de possession du titre et des insignes. Ne pourrait-on rapporter à cette fête le fameux passage de Prudence* ? *) Monuments funéraires de Camerius, à Rome : « vivus sibi fecit et libertis » ; de Barbunteius, à Salone, par une de ses affranchies ; de Publicius, à Capo d'Istria, « vivus fecit sibi. » En Lycaonie, cf. Dada, « alumna » d'Attalos. *) Prudent., _Peristeph._ 10, 1011 s. _Summus sacerdos_ nempe sub terram scrobe Acta in profundum _consecrandus_ mergitur. Le personnage dont parle Prudence porte sur la tête une couronne d'or, posée, ce semble, sur un bonnet phrygien à longues bandelettes.* Ce sont là des attributs de l'Archigalle. *) _Ibid._, 1013 ss : « _mitra_ (Dressel, éd. 1860, préfère la leçon _mire_, moins intéressante) infulatus, festa vittis tempora nectens, corona tum repexus aurea, etc. » ; cf. Virg., _Aen._ 9, 616 (à propos du costume oriental des Troyens) : « habent redimicula mitræ. » Enfin n'est-ce pas le bonnet phrygien, à larges fanons couvrant les joues, que décrit Juvénal, 6, 515, comme coiffure de l'archigalle ? « Et Phrygia vestitur bucca tiara » ; cf. la scolie : « tiara est _frigium_ quod dicunt. » La tiare papale est qualifiée de _frigium_ ; Duchesne, _Orig. du culte chr._, 5e éd., 1909, p. 403. Dans ces conditions, l'archigallat est accessible aux citoyens romains. Q. Caecilius Fuscus, Archigalle d'Ostie vers la fin du 2e siècle ou le début du 3e, C. Camerius Crescens, Archigalle de Rome au 3e ou 4e siècle, portent des noms tout romains. Le plus souvent, le cognomen trahit la qualité d'affranchi : L. Barbunteius Demetrius, à Salone, est d'origine libertine ; Fl. Antonius Eustochius, qui occupait le siège de Rome en 319, paraît être un affranchi de l'empereur Constantin ou de son père Constance. Il y a aussi d'anciens esclaves publics, ou fils d'esclaves publics, affranchis de leur ville : tels Publicius Mysticus, en Lusitanie, à la fin du 2e siècle, et L. Publicius Syntropus, en Istrie. Prophète et prêtre,* l'Archigalle conserve officiellement sous l'Empire sa double fonction. Par la théopneustie, il reste l'interprète de l'Omnipotente. C'est pourquoi il n'a point perdu son nom théophore. Quand il vaticine, sa personnalité disparaît ; il est Attis Gallus. Aussi, sur les monuments dédiés _ex vaticinatione Archigalli_, la mention des noms personnels est-elle anormale. Il mêle ses révélations aux cérémonies mêmes du culte, le jour du Sang, lorsque les jeûnes antérieurs, les blessures du moment, les cris, les ululements, les mélopées plaintives, le rythme sourd du tambourin, les stridulations de la flûte ont surexcité ses sens et provoqué en lui l'enthousiasme prophétique. A toute époque de l'année on pouvait le consulter, dans des conditions que nous ignorons ; et il transmettait les volontés de la Dame. Celles-ci se manifestaient par des réponses souvent obscures* ; mais en général la déesse imposait des expiations, surtout des tauroboles et des crioboles. L'État romain, dont l'ancienne divination ne laissait point de place au fanatisme inspiré, ne se borne pas à autoriser l'oracle phrygien ; il le favorise. 11 le tient en si haute estime qu'il accorde, en certains cas, des privilèges juridiques à ceux qui en usent.* Mais il se réserve les avantages spirituels du sacrifice ordonné. Aux tauroboles que nous voyons accomplir à la suite d'une vaticination d'Archigalle correspond toujours, sur la dédicace, la même formule précatoire ; leur raison d'être est d'assurer le salut des empereurs et de la famille impériale, c'est-à-dire la continuité de l'Empire et l'éternité de Rome. Le culte phrygien payait ainsi son droit de cité. *) Ce sont les _Phrygii vates_ ; Ambr., _Ep._ 1, 18, 30. *) Prudent., _Contra Symm._ 864 : « caeca responsa. » *) Supra, p. 153. Sur les rapports de l'État avec les prophètes orientaux, cf. à Carthage les proconsuls, à partir d'Antonin, interrogeant officiellement l'oracle de Caelestis, dès leur arrivée dans la province : Capitolin., _Macr._ 3. En tant que prêtre, l'Archigalle a des devoirs à la fois envers le municipe et envers la communauté métroaque. Dans le culte public il célèbre certains offices solennels. Le 15 mars, jour de la Cannophorie, c'est lui qui préside à la fête agraire et sacrifie le taureau de six ans pour la prospérité des champs situés dans les montagnes. Le 24, jour du Sang, c'est lui qui commence les libations de sang humain en se tailladant les bras ; le même jour, dans un mandement à son clergé et aux fidèles, il ordonne des prières pour la conservation de l'empereur et de l'Empire. Le 27, jour du Bain, c'est lui qui baigne l'image sainte. Mais il est aussi le pasteur d'un troupeau mystique. Chef spirituel de son église, il préside aux initiations et administre les sacrements.* Il est le bienfaiteur des confréries en même temps que du sanctuaire. L'un d'eux, M. Modius Maximus, à Ostie, offre un ex-voto qui reproduit ses armes parlantes : un modius en marbre, orné d'attributs cultuels ou symboliques, et surmonté d'un coq (_gallus_). Un autre, dans la même localité, donne des statuettes de Cybèle et d'Attis aux Cannophores pour décorer leur « schola. » Tel autre enfin, à Capoue, consacre dans le temple une statue de la déesse, en marbre. *) Le nom de l'Archigalle figure avec celui du prêtre sur une _ara taurobolu natalicii redditi_, à la fin du 2e s. ; _CIL._ 2, 5260. Mais toutes les villes qui rendent un culte public à la Mère des Dieux ne possèdent pas un Archigalle.* Le choix des sièges fut sans doute déterminé par l'importance des temples et la prospérité des églises. C'est ainsi que, dans le voisinage immédiat de Rome, il y eut des Archigalles à Tusculum et à Ostie. Dans son église, le prêtre-prophète exerce une sorte de suprématie de droit divin. Car il est le Très Grand,* l'Éminence. Il est le Très Saint,* que la déesse a marqué du signe d'élection. Il est en quelque manière une incarnation d'Attis ; et parfois il s'attribue le nom même de son dieu. Cette primauté spirituelle s'étendait-elle sur un véritable diocèse ? En Italie, rien ne laisse supposer qu'elle dépassât les limites de la colonie ou du municipe. La titulature officielle comporte une restriction qui est tout à fait conforme aux traditions administratives et religieuses de l'État romain. L'Archigalle qui siège à Ostie prend le titre « d'Archigalle de la colonie d'Ostie. » Comme les simples prêtres, il ne peut donc revêtir ses insignes ni remplir ses fonctions liturgiques en dehors d'un territoire déterminé. Celui de Rome, _Attis Populi Romani_, n'est pas un métropolitain de la religion ; il n'est que T Attis de la population romaine. Dans les provinces, le nombre des Archigalles paraît être beaucoup plus restreint que dans la péninsule. Nous n'en connaissons en Gaule, jusqu'à présent, qu'à Lyon et à Narbonne,* qui sont deux capitales. En Dalmatie, le seul dont il soit fait jusqu'ici mention est également celui de la capitale, Salone. On venait les consulter de toute une province et même, selon la facilité des communications, de provinces voisines. En 184, un taurobole fut célébré à Tain, dans la vallée du Rhône, entre Valence et Vienne, à la suite d'une vaticination de l'Archigalle de Lyon. Tain appartenait à la Narbonnaise, mais se trouvait dans le cercle d'attraction de l'autre capitale, dont quatre-vingts kilomètres seulement la séparent. Rien ne prouve toutefois que ce sacerdoce n'ait pas conservé le même caractère municipal qu'en Italie. *) Liste des Archigalles signalés par les textes épigraphiques et les monuments figurés : Roma. C. Camerius Crescens, Archigallus Matris Deum Magnae et Attis populi romani. 3e s ? _CIL._ 6, 2183. Fl. Antonius Eustochius, Sacerdos Phryx Maximus. Année 319. _Ibid._ 508. Inconnu. Portrait vu par Montfaucon à Rome et publié en 1719 dans son _Antiquité expliquée_, 1, pl. 4 et p. 14. La tête et les bras manquent. Visconti, _Op._ 7, _Museo Pio-Clementino_ 102, croit qu'il s'agit d'une prêtresse. Ostia. Q. Caecilius Fuscus, Archigallus coloniae Ostiensis. Fin du 2e s. _CIL._ 14, 34, 35. M. Modius Maximus, id. ; 2e-3e s. _Ibid._ 385. Lanvvivm ? Portrait d'Archigalle en relief et à mi-corps (h. 1 m. 12, larg. 1 m. 08) ; marbre trouvé près de Civita Lavinia, conservé à Rome au Musée Capitolin. 1er-2e s. --- Bibliogr. dans Helbig, _Guide_ 1,425. Tvscvlvm ? Inconnu, Archigall(us) Tus(culanorum). _Not. Scavi_ 1895, p. 104. Capva. Virianus Ampliatus, Archigallus M(atris) D(eum). _CIL._ 10, 3810. Lvgdvnvm. Pusonius Iulianus. Années 184, 190. _CIL._ 12, 1782 ; 13, 1752. Emerita (Lusitanie). Publicius Mysticus, Arc(h)igall(us). _CIL._ 2, 5260. Mysticus est ici un cognomen et non pas, comme il est dit au _Corpus_, un titre sacerdotal. Tergeste ( ? l'inscr. provient de Capo d'Istria). L. Publicius Syntropus, Archigallus. _CIL._ 5, 488. Salona (l'inscr. provient de Zara). L. Barbunteius Demetrius, Archig(allus) Salonitan(us). _CIL._ 3, 2920 a, et p. 1037. Milev ou Cirta (Numidie). Inconnu, Archigallus. Entre 222 et 235. _CIL._ 8, 8203. Hierapolis (Phrygie). M. Aurelios Eutychianos, Archigallos. La « Boulé » et le « Démos » l'ont jugé digne d'une statue pour avoir bien servi les dieux. Fin du 2e s. ou début du 3e. Humann, Cichorius, _etc._, _Altertümer von Hierap._, 1898, p. 83, n° 33. Savatra (Lycaonie). Attalos, Archigalle de la Meter Zizimménè ; _J. of Hell. St._ 19, 1899, p. 280, n° 163. Dans la prétendue épitaphe d'un Archigalle à Tournai, le titre est une restitution arbitraire : _CIL._ 13, 3566. L'Archôn Iereus de la Mère des Dieux et de l'Agapet (Antonin le Pieux ou Septime Sévère ? ), à Athènes, _CIA._ 3, 173, n'est pas un Archigalle. Zeuxis Cleustianos, à Saghir (Pisidie), est Archigalle d'Artemis ; Sterret, _op. l._, 380. *) Le _Sacerdos Maximus_ de Rome paraît bien être l'Archigalle, à cause de l'épithète _Phryx_ ou _Phrygius_. *) Tertull., _Apol._ 25. *) Dans cette ville, en admettant que les formules _ex iussu_ et _ex imperio_ supposent une vaticination de l'Archigalle. Qui nommait l'Archigalle ? Peut-être était-il désigné par l'assemblée des fidèles,* élu par le sénat du lieu, agréé et titularisé parle collège des 15virs. Encore que le seul dont nous possédions l'effigie semble assez jeune, de préférence on choisit de vieux serviteurs de la Dame, des prêtres aux cheveux blancs.* On tient compte aussi des aptitudes physiques. Il est bon que l'Archigalle impose le respect non seulement par sa piété et par son âge, mais aussi par sa taille et sa prestance.* Il est nommé à vie. Nous retrouvons le même à Lyon en 184 et en 190. Nous en connaissons un qui mourut à 73 ans et qui depuis sa dix-septième année était au service de la Mère des Dieux.* *) Cf. supra, p. 160, liste A, _y_, _z_, deux _Antistites_, « suffragio ordinis coloniae suae comprobati » ; mais l'_Antistes_ est ici une sorte d'archiprêtre et ne peut être confondu avec l'Archigalle, encore que Juvénal, 2, 113, désigne ce dernier sous le nom de _sacrorum antistes_. *) Ovid., _Fast._ 4, 337 ss. *) Juv., _Sat._ 6, 512 : « ingens. » *) _CIL._ 3, 2920 a : « qui annis 17 usq. ad ann. 75 integr. sacra confecit » ; l'ablatif _annis_ ne permet pas de traduire « pendant 17 ans. » Costume et insignes ont gardé leur caractère franchement oriental. On en peut juger par un relief d'apparence funéraire,* trouvé sur le territoire de Lanuvium et conservé au Musée Capitolin de Rome. Robe talaire à manches longues, serrées au poignet par un bourrelet, large ceinture, pallium qui était de couleur pourpre,* comme les chapes de l'Archiprêtre de Dea Syria et de l'_Antistes_ de Sabazios. La couronne d'or* imite les feuilles de l'olivier, ou plutôt du laurier prophétique. Trois médaillons y sont plaqués. Sur celui du centre se détache le buste de Zeus Idaios ; sur les deux autres est représenté le buste d'Attis.* Le bonnet phrygien fait ici défaut ; sans doute l'Archigalle ne s'en coiffait-il que dans les cérémonies mystiques. Symbole de consécration, un voile, passé sous la couronne, couvre la nuque et descend sur les épaules.* Des bandelettes, perlées de fusaïoles, tombent le long des tempes et des joues, jusque sur la poitrine.* D'autres perles ornent les oreilles, en signe d'asservissement aux dieux.* Un collier, sans doute en or, enchâsse une gemme ou un camée entre deux têtes de serpents.* Enfin un pectoral, en manière de pendentif, affecte l'aspect d'un petit « naiskos, » où apparaît encore l'image du dieu berger ; c'est le prostêthidion, insigne de tous les Galles.* Les cheveux ondulés et calamistrés, la face glabre, où l'on devine les artifices du fard, achèvent de donner au personnage un air efféminé qui rend suspecte sa virilité. Il est vrai que le monument n'est pas postérieur au principat d'Antonin* et remonte peut-être aux origines de l'archigallat romain. Par contre, le prêtre que connut Prudence portait toute sa barbe* ; la mode est quelquefois plus forte que les plus anciennes traditions. Sur le relief capitolin, l'Archigalle tient dans la main droite un fruit rond, qui pourrait être une grenade, et une tige à trois rameaux* ; est-ce un aspersoir pour les libations ? De la main gauche il présente une patère en forme de conque, où se trouvent des fruits sacrés, pomme de pin et amandes ; est-ce une variété du kernos rituel ? Mais ses attributs les plus caractéristiques sont ceux qui figurent à ses côtés. C'est d'abord la ciste cylindrique,* fermée, ceinte d'une branche de grenadier, châsse des mystiques symboles qui ne se révèlent qu'aux seuls initiés. C'est, d'autre part, le fouet à trois lanières garnies d'osselets, au manche décoré de têtes barbues de Zeus. A l'origine, ce fouet fut sans doute un attribut du commandement, un insigne de l'autorité que l'Archigalle exerçait sur les hiérodules ; il n'est plus qu'un instrument rituel d'exorcisme et de pénitence.* *) A cause de l'attitude, qui est celle des Attis funéraires : main dr. sous le menton, main g. sous le coude droit. Visconti, _l. c._, croit sans raison que l'image était consacrée dans un temple. A la bibliogr. donnée par Helbig, ajouter : Duruy, _Hist. rom._ 2, p. 528 ; Perrot et Chipiez, _H. de l'art_, 5, p. 35 ; Dar. et Saglio, _Dict. d. Ant._, s. v. _Gallus_, 2, 2, p. 1457, fig. 3482. *) Varr., _Eumenid._ 5 (121) : « aurorat ostrinum hic indutus supparum » ; Ovid., _Fast._ 4, 339 : « purpurea cum veste » ; cf. le vêtement rouge d'exorcisme, à Babylone : Schrank, _Babyl. Sühnriten_, dans _Leipz. Semit. Stud._ 3, 1. *) Varr., _l. c._ : « coronam ex auro et gemmis fulgentem. » Ne serait-ce pas à la couronne d'or que fait allusion l'épithète de chrysophore, appliquée à un Galle de Cybèle ? _Anthol. Gr._ 7, 709, 3. *) Cf. un fragment de diadème en bronze doré, provenant de Rome et conservé au Musée de Berlin : _Jahrb. d. Instit._ 1892, _Arch. Anzeiger_, p. 111. La décoration consiste en feuilles de laurier ; deux médaillons, séparés par une rosace, portent les bustes de Cybèle et d'Attis en haut relief. Une cistophore de Bellone à Rome, _CIL._ 6, 2233, porte également une couronne de laurier avec trois médaillons. Sur ce type de couronnes dans le culte impérial, cf. Sueton., _Domit._ 4 ; en Asie Mineure, prêtre d'Éphèse : _Jahreshefte d. Oesterr. arch. Inst._ 2, 1899, pl. 8 et p. 245, fig. 131 ; type fréquent sur les portraits de Palmyre. L'épicurien Diogène demandait à Alexandre une couronne d'or décorée d'une image de la Vertu, dont il voulait, disait-il, être le prêtre : Athen. 5, 13, p. 211. *) On a pu supposer aussi que c'était un pan du pallium qui formait voile ; mais l'imposition du voile ou amict (_Phrygius amictus_, dit Virgile) est un rite essentiel de la consécration aux dieux ; cf. Reinach, _Cultes_, 1, p. 299 ss. *) Cf. dans Prudence le Summus Sacerdos « festa vittis tempora nectens. » Mêmes bandelettes à fusaïoles dans la coiffure de Laberia Felicla, _Sacerdos Maxima Matris Deum_, et dans celle du personnage publié par Montfaucon. *) V. le chapitre consacré aux Galles. --- Sur le rôle magique de la perle, cf. celle que l'on suspend au cou du jeune brahmane après son initiation, et les textes cités par V. Henry, _La magie dans l'Inde_, 1904, p. 90. *) Sont-ce bien des têtes de serpents ? Même collier, avec têtes d'animaux (chiens ou loups), au cou du cistophore de Bellone. Collier de même type aussi sur le portrait publié par Montfaucon. Le serpent est l'un des attributs des divinités chthoniennes ; cf. la Mère aux serpents de la religion crétoise. *) Le personnage de Montfaucon porte également sur la poitrine deux médaillons, avec bustes d'Attis, et une large plaquette carrée, à fronton triangulaire, avec les images de Cybèle debout, tenant le tympanum, de Zeus tenant la foudre et le sceptre, d'Hermès tenant le caducée. Dans le fronton, Attis, à demi-couché comme sur la statue d'Ostie, appuie sa tête sur son bras g. qui repose sur le pedum. *) Les yeux ne sont pas incisés. *) Prudent, _l. c._ 1044. *) Branche de grenadier, ce semble. La cistophore de Bellone tient de même une branche (laurier ?). Cf. supra, p. 134, n. 4. *) Avec courroie de suspension. Ciste en osier, à droite du Bellonaire. Ciste votive, en marbre, d'un archigalle d'Ostie, au Musée du Latran. La ciste apparaît aussi, suspendue à un pin, sur un autel taurobolique, _CIL._ 6, 505 (cf. Zoega, _Bassirilievi ant. di Roma_, pl. 13), et sur le couronnement d'un tombeau, où elle est surmontée d'une pomme de pin, à Pettau, cf. Conze, _Denkschr._ 24, p. 65. Sur le contenu de la ciste, cf. supra pp. 134 et 179, n. 4. *) En Égypte, le fouet est un insigne des dieux et des rois ; en Syrie, il est aux mains du Baal-Zeus d'Hierapolis, « _dextra elevata cum flagro_ » : Macrob., _Sat._ 1, 23. Il servait à punir les Galles délinquants : Plut., _Adv. Colot._ 33. Textes relatifs au fouet rituel, cf. infra, chapitre 8. ## 3\. Prophète, l'Archigalle est comme le mandataire de la Mère des Dieux auprès des hommes. Le prêtre n'est que l'intermédiaire des hommes auprès de la divinité. Chaque temple suppose un personnel sacerdotal. Très souvent un seul prêtre suffit pour desservir le sanctuaire. Le Metrôon de Trieste paraît n'en avoir exigé qu'un. On en connaît deux à Lectoure en 176 et un seul en 241, deux aussi à Bénévent dans la première moitié du 3e siècle, à Mactaris (Afrique) vers la fin du même siècle, à Laurolavinium, à Lisbonne et dans une ville du Norique. Dès qu'ils sont deux, il existe nécessairement entre eux une hiérarchie, selon la tradition orientale.* A Lectoure, c'est toujours le même qui est nommé avant l'autre ; parfois il est nommé seul. Celui qui est le plus élevé en grade porte le titre de prêtre en premier, _Sacerdos primo loco_, ou encore d'_Antistes_.* *) Cf. des prêtres en premier, en second (deutérostates) dans les cultes puniques : Clermont-Ganneau, _Recueil d'archéol. or._ 5, 1903, pp. 66, 69. *) Pour ce titre, cf. deux prêtres de Mactaris, en Afrique. On dit en général _antistes sacrorum_ ; Arnobe, 5, 7, dit _sacerdotiorum antistites_. [Planche 5. --- 1. _Buste d'un prêtre de Cybèle_ (trouvé sur l'Esquilin). A Rome, Musée des Conservateurs.](https://cdn.solaranamnesis.com/HenriGraillot/5.jpeg) Ce clergé n'appartient pas à une caste fermée ni à un organisme cosmopolite. Il est exclusivement municipal. Représentant de la cité auprès de la déesse, il est choisi par la cité, pour la cité et dans la cité.* Il est élu par le conseil municipal, qui a toute autorité sur les cultes publics. Nous possédons le procès-verbal d'une élection faite à Cumes en 289. Il s'agissait de désigner un titulaire au sacerdoce de la _Mater Deum_ de Baies, lequel était vacant par suite de décès. Les préteurs, qui sont les premiers magistrats municipaux, ont convoqué le conseil pour le 1er Juin. La réunion a lieu dans le temple de Vespasien. On commence par tirer au sort trois secrétaires. Puis les préteurs lisent le rapport sur l'ordre du jour. On procède au vote : Licinius Secundus obtient l'unanimité des suffrages. Nous avons vu que, du moins en Italie et en Gaule, ce procès-verbal était expédié à la chancellerie du Quindécemvirat, pour la confirmation des titres et l'octroi des insignes. La lettre d'octroi est datée du 17 août ; il avait donc fallu deux mois et demi pour régulariser la situation. Licinius n'a pas le droit de porter ses insignes ni par conséquent d'exercer son sacerdoce en dehors du territoire de la colonie de Cumes ; cette interdiction est spécifiée dans le bref quindécemviral. Aussi le titre officiel comprend-il toujours la mention de la colonie, du municipe ou du « vicus » auquel appartiennent les prêtres. Ils étaient donc astreints à la résidence. Mais ils n'étaient pas tenus de demeurer à proximité du sanctuaire. Le prêtre de Baies pouvait habiter Cumes. Celui d'une _Mater Deum Transtiberina_, dont le temple était en face d'Ostie, habitait Ostie. Le prêtre des Aquae Albulae résidait à Tibur, et celui du Vicus _ad Novas_ à Suessula, dont la distance est d'environ sept kilomètres. En des circonstances extraordinaires, les ministres de villes voisines pouvaient obtenir l'autorisation d'officier ensemble. En 245, à Die, cité sainte et lieu de pèlerinage, dont la déesse vénérée s'était confondue avec la Grande Mère, le prêtre matronale d'Orange est convoqué à un triple taurobole ; c'est lui qui préside à ce sacrifice, offert par le pontife perpétuel de la cité de Valence, sa femme et sa fille. D'autres prêtres de la région l'assistent, dont l'un est venu d'Aps. *) Liste des prêtres connus (époque impériale). Roma. Antiochus, sacerdos Matris D..., sous Auguste. _CIL._ 6, 2211. Onesimus, sac (erdos) M(atris) D(eum) M(agnae) I(daeae), sous Auguste. _Ibid._, 496. M. Plaetorius Herculanius, sacerdos M. D. M. I. --- 2e siècle. _Ibid._, 2258. Aurelius Antonius (mort à 7 ans), fils d'Aurelius Onesimus et d'Aurelia Antonia, ἱερεὺς... πρῶτον Βοναδίης (Bonae Deae), εἶτα Μητρὸς Θεῶν καὶ Διονύσου Kαθηγεμόνος. --- _CIG._ 6206 ; _IGSI._, 1449. Fl. Antonius Eustochius, sacerdos phryx maximus, en 319 ; v. supra la liste des Archigalles. Latium. Ostia. --- Valerius Pancarpus, sacerdotes ( ? ) en 199. _CIL._ 14, 39. C. Maeclasius Primitivos, sac(erdos), vers 200. _Ibid._, 281. C. Atilius Bassus, sacerdos M. D. M. --- 2e s. _Ibid._, 53. L. Valerius L. fil. Fyrmus, sacerdos Isidis Ost(i)ens(is) et M. D. Trastib (erinae). 2e s. _Ibid._, 429. Aqvae Albvlae. --- C. Iulius Sp. f. Iulianus Proculus, sacerdos M. D. M. I. ad Aquas Albulas. _Ibid._, 3534. Nomentvm. --- ... V)erulanus Phaedrus, sacerdos Nomentanorum Matris D. M. _Ibid._, 3956. Lavinivm. --- ... Phryg ? ]ius Max[imus..., sacerdos ? M.] D. M. I. L(aurentium) L(avinatium) ; en 212. Cagnat, _Ann. epigr._ 1895, 120. Italie. Région 1. Liternvm. --- At ? ]hamas, sacerdos Matris Deum. --- _Eph. epigr._ 8, 455. Cvmae. --- Claudius Restitutus, sacerdos Matris Deae Baianae ; mort en 289 _CIL._ 10, 3698. Licinius Secundus, id. ; élu en 289. _Ibid._ L. Ampius Stephanus, sac(erdos) M. [D.] ; en 251 (sur une liste de dendrophores dont il est le patron). _Ibid._, 3699. Ad novas (vicvs novanensis, près de Suessula). --- L. Pompeius Felicissimus, immunis dendr (ophorus) Suessul(anus) et sacerd(os) M. D. 15vir(alis) in vico Novanensi. _Ibid._, 3764. Région 2. Larinvm. --- L. Raius Félix, sacerdos Matris Deum. _CIL._ 9, 734. Compsa. --- Inconnu, de la tribu Galeria, [sacerdos] 15vir(alis) Matri[s Deum]. _Ibid._, 981. Beneventvm. --- Septimius Primitivus, augur et sac(erdos M. D.) ; en 228. _Ibid._, 1538. Mamius Secundus (préside à un taurobole en 228). _Ibid._ L. Sontius Pineius Iustianus, vir principalis, 2 vir, sacerdos Matri(s) Deum M. I. --- 2e s. _Ibid._, 1540. Brvndisivm. --- L. Pacilius Taur(us), sac(erdos) Matr(is) Magn(ae) et Suriae deae et sacror(um) Isidis. _Ibid._, 6099. Région 4. Teate marrvcinorvm. --- Petronius Marcellus, sacerd(os) ; entre 235 et 238. _Ibid._, 3014 et 3015. Corfinivm. --- P. Marius Pharetra, sacerd(os). _Ibid._, 3146. Région 5. Interamnia (Teramo). --- T. Attius T(iti) l(ibertus) Atianus, sac(erdos) Matr(is) Mag(nae) Vestinar(um civitatum ? ). _Ibid._, 5061 (un Attius, fils d'Attianus, est prêtre de la Mère des Dieux à Dea Vocontiorum, _CIL._ 12, 1568-69). Région 7. Falerii. --- C. Iulius G. f. Hor(atia tribu) Severus, sacerd(os) Isid(is) et Matr(is) Deum. 1er-2e s. _CIL._ 11, 3123. Centvmcellae (Civita Vecchia). --- C. Procul(eius), Mag(nae) D(eum) M(atris) s(acerdos). _CIL._ 11, 3550. Région 10. Pola. --- C. Laecanius Theodorus, Sacerdos M. D. M. I. --- _CIL._ 5, 81. Tergeste. --- Q. Publicius Charito, Sacerdos M. D. M. --- _Ibid._, 519. Région 11. Mediolanvm (Milan).--- C. Varius Elpidephorus, sacerd(os) Matr(is) Magn(ae) Deum Ideae. _Ibid._, 5862. C. Poblicius Olympus, sacerdos M. D. --- _Ibid._, 5881. Gaules. Vintivm (Vence). --- Cassius Paternus, sacerdos. _CIL._ 12, 1. Vasio (Vaison). --- Aul. Titius Phronimus, sacerd(os). --- _Ibid._, 1311. Aravsto (Orange). --- Iuni(us) Titus sacerdos 15 vir(alis) Arausens(is) : en 245. _Ibid._, 1567. Alba (Aps). --- Castricius Zosimio, sacerdos Civitat(is) Albens(is) : en 245. Dea vocontiorvm (Die). --- Blattius Paternus, sacerdos Civitatis Voc(ontiorum) ; en 245. _Ibid._ Attius Attiani fil(ius) sacerd(os). --- _Ibid._, 1569, 1568 ? (cf. 2776, épitaphe de Sextus Attius Attianus). Fl. Talusius ? sous Septime Sévère. --- Cagnat, _Ann. épigr._ 1888, 81. Valentia (Valence). --- C. Valerius Ur[ban ? ]us, sacerdos ; entre 209 et 211. _CIL._ 12, 1745. Narbo. --- Q. Paquius Chrestus, sacerd(os). _Ibid._, 4322 (cf. un Paquius M(arci) Fibertus) Dama, fabarius, 4472). Iulius Euprepes sacerdos. _Ibid._, 4326. Lactora (Lectoure). --- Sminthius Proculiani (servus, --- libertus), sacerdos M(atris) M(agnae) ; en 176 et suiv. _CIL._ 13, 505-509. Pacius Agrippae (servus, sacerdos M. M. ; en 176. _Ibid._, 505, 506. Traianius Nundinius, sacerdos M. D., Années 239-241. _Ibid._, 510-519. L. Accius Rem (us ? ), sacerdos M. M. _Ibid._, 521. Lvgdvnvm (Lyon). --- Q. Sammius Secundus, sacerdos ab 15viris occabo et corona exornatus, cui sanctissimus ordo Lugudunensis perpetuitatem sacerdotii decrevit. En 160. _Ibid._, 1751. Aelius Castrensis. Années 184 et 190. _CIL._, 12, 1782 ; 13, 1752-53. Aelius Anthus, sacerdos. En 197. _CIL._ 13, 1754. Lusitanie et Bétique. Olisipo (Lisbonne). --- M. Iu(lius) Cass(ianus ? ). En 108. _CIL._ 2, 179. Emerita (Merida). --- Docyricus Valerianus, sacerdos. Fin du 2e s. _Ibid._, 5260 (sur ce nom Docuiricus ou Docquiricus, et. 360, 431, 448, 551, 2862). Cordvba (Cordoue). --- Aurelius Stephanus, sacerdos. En 238. _Ibid._, 5521. Norique. Noreia (Wieting). --- Aur(elius) Aquila et Aur(elius) Flavianus, sacerdotes. Première moitié du 3e s. --- _CIL._ 3, 5021. Dalmatie. Salona. --- Inconnu, [sa]cerdos M(atris ? ) I(daeae ? ) M(agnae ? ). _Ibid._, 8810. Provinces d'Afrique. Sicca Veneria (Le Kef, Afrique proconsulaire). --- Q. Valerius Severus Platicusis, sacerdos Matris Magnae. _CIL._ 8, 1649 = 15834. Mactaris (Maktar, Byzacène). --- Q. Arellius Optatianus, eq(ues) r(omanus), sacerdos,... suffragio ordinis col(oniae) suae Mactaritan(ae) comprobatus antistes. Entre 276 et 282. Cagnat, _Ann. épigr._ 1892, 18. Claudius Faustus, sacerdos _Ibid._ Q. Minthonius Fortunatus, sacerdos,... suffragio ordinis col(oniae) suae Mact(aritanae) comprobatus antistes. Entre 286 et 305. _Ibid._, 1897, 121 (sur l'origine africaine du nom de Minthonius, cf. Toutain, _Cités_, p. 181). Claudius Bonus, sacerdos. _Ibid._ Mascvla (Khenchela, en Numidie). --- C. Sittius Ianuarius, sacerd(os). Entre 198 et 208. _CIL._ 8, 2230 = 17668. Milev. --- C. Aemilius Saturninus. Entre 222 et 235. _Ibid._, 8203 = 19981. Sigvs. --- L. Clodius L. f(ilius) Q(uirina tribu) Honoratus, sacerdos M. M. --- _CIL._ 8, 5707. Tipasa (Tifech). --- P. Caecilius Felix, sac(erdos). Entre 222 et 235. _Ibid._, 4846, complété par Gsell, dans _Bull. archéol. du Comité_, 1896, p. 179, n° 60. Caesarea (Cherchell, Maurétanie). --- ...] enius C. f(ilius) Fatalis, decurio religiosus antistes sanctissimi numinis Matris Deum. _Ibid._, 9401 et p. 1983. Mésie. Tomi (Kustendje. --- Pôlliôn, fils de Pôlliôn, hiereus (dans une liste de dendrophores). En 210-211. _Arch. ep. Mitt._, 11, 1887, p. 44 s. Achaie. Athenae. --- Aurelios Dionusios, fils de Callipos, de la tribu de Lamptrai, ἱερεὺς Mητρὸς Θεῶν καὶ Ἀγαπητοῦ (Sévère ? cf. Goehler, p. 19). _CIA._ 3, 1062. Epidavros. --- Diogénès, hiereus (se qualifie ailleurs d'hiérophante, de prêtre do Paieôn, de propolos de Déo). Fin du 3e s. _CIG. Pel._, 1, 1034. Province d'Asie. Attovda. --- Carminios, lils de Carminios Claudianos, prêtre de Meter Adrastos, 3e siècle. Sa mère, Flavia Apphia, était grande prêtresse d'Asie. _Ibid._, p. 189 ; _Bull. Cor. Hell._ 1887, p. 349, 15. Evmeneia. --- Aurelios ? Monimos, fils d'Aristôn, prêtre de Zeus Sôter, Apollon, Mên Ascacnos, Mère des Dieux Agdistis, _CIG._ 3886 add. ; Ramsay, _Cities_, p. 246, 88. Proconnesos. --- Sôsigénès, fils de Ménéphrôn, ἱερησάμενος τῆς [Mη]τρός. Codratos (même titre), 2e s. --- _J. of Hell. St._ 26, 1906, p. 29 s. Galatie et Lycaonie. Pessinvs. --- Héras, lils de..., tribu Quirina, le dixième Attis après l'Archiereus, le cinquième des Galates, prêtre à vie de la Grande Mère des Dieux à Pessinonte et à Midaion. Fin du 1er siècle. Cagnat, _Ann. épigr._ 1897, 123. Tiberius Claudius, Attis hiereus, fils d'Héras, tribu Quirina, Dejotarus, le neuvième après l'Archiereus, le quatrième des Galates. _Ibid._, 1901, 160. Iconivm. --- Meleagros, fils de Diomédès, Archiereus de la Kuria Meter Zizimménè. _J. of. Hell. St._ 22, 1902, p. 341, n° 64. Théoxénos, prêtre de Meter Zizim... _Ibid._, 65 ; cf. _Arch. ep. Mitt._ 19, 1896, p. 31, n° 10. Le recrutement de ces prêtres est local. Leurs noms se retrouvent dans l'onomastique de leur ville ou de leur province. Celui de Q. Minthonius, à Mactaris, révèle une origine africaine. De même ceux de C. Sittius Januarius, à Mascula, de C. Aemilius Saturninus, à Mileu, reparaissent très souvent en Numidie. Docuiricus, d'Emerita, porte un nom fréquent en Lusitanie. Beaucoup sont de notables citoyens, qui appartiennent aux meilleures familles du pays. A Bénévent, L. Sontius Pineius se proclame arrière-petit-fils de chevalier romain ; il est de l'aristocratie bénéventine. Il a de la fortune ; quand on fête l'anniversaire de la fondation de sa colonie, il prend à ses frais les combats de gladiateurs. Il avait parcouru toute la carrière municipale. A Faléries, C. Julius Severus, fils de Caius, de la tribu Quirina, fut administrateur des fondations charitables de l'empereur et passa par les principales fonctions publiques. Orgueil de ses concitoyens, il leur manifeste par des bienfaits sa reconnaissance ; en l'honneur de son édilité, il a dépensé environ 7.000 francs à restaurer un portique. Un prêtre de Compsa, chez les Hirpins, est aussi arrivé à la magistrature suprême de son municipe. Il a rendu de tels services à sa petite patrie, que ses concitoyens lui élèvent une statue par souscription, sur un emplacement offert par le conseil municipal. Un « autistes » de Cherchell, en Maurétanie, est décurion de sa « splendidissime » colonie. A Mactaris, en Byzacène, Q. Arellius Optatianus est chevalier. Généralement, les prêtres d'Afrique sont des ingénus. Quant aux cités grecques, l'ingénuité des prêtres y était de tradition pour les cultes publics. Mais en Italie, en Gaule, dans les provinces du centre, ce sont les affranchis qui dominent. A Rome, le clergé se recrute de préférence parmi les affranchis impériaux, qui constituent l'aristocratie de la classe. A Narbonne, un prêtre et un marchand de fèves sont de la clientèle libertine d'une même famille. A Brindes, L. Pacilius Taurus est fils ou petit-fils d'un ancien esclave de la ville, et sa mère était elle-même une affranchie ; désireux d'effacer toute trace d'origine servile, il n'a rien gardé du nom paternel. Aurelius Aquila et Aurelius Flavianus, qui exercent ensemble le sacerdoce à Matuiacum, en Norique, sont de condition libertine. Ils doivent être apparentés à d'autres personnages de mêmes noms, qui habitent la Dalmatie, la Dacie et la Pannonie, qui sont militaires ou marchands, et dont l'un se déclare de nationalité syrienne. Mais presque toujours les surnoms sont caractéristiques : Anthus, Charito, Elpidephorus, Euprépès, Hermès, Olympus, Onesimus, Pancarpus, Phaedrus, Pharetra, Pbronimus, Stephanus, Theodorus, Zosimio. Les affranchis de municipes ou de colonies sont assez nombreux. A Trieste, un _Sacerdos_ et un _Aedituus_ appartiennent à cette catégorie. Un prêtre de Nomentum était, ce semble, fils d'un esclave public de Verulae, autre ville du Latium. On rencontre même des esclaves. A Lectoure, en octobre 176, ce sont deux esclaves qui occupent les fonctions sacerdotales ; mais l'un d'eux, Sminthius, qui porte un nom du pays troyen, recevait la liberté quelque temps après. Il en fut souvent ainsi : des esclaves d'Anatolie introduisaient la religion phrygienne dans une ville et en étaient les premiers desservants. Le culte prospérait vite, grâce à sa clientèle féminine ; et les prêtres, en récompense de leurs mérites et de leur zèle, obtenaient la manumission. Plus tard, les meilleurs citoyens considéraient comme un honneur d'exercer le saint ministère. Le clergé primitif, compatriote de Cybèle et d'Attis, sans racines dans la cité, n'avait eu d'autre ambition que de servir dévotement ses dieux et de se créer dans le temple, autour des images divines, une famille et une cité nouvelles. Aussi beaucoup de ces prêtres d'origine servile sont-ils restés célibataires. Leurs tombes sont élevées par des amis et des fidèles. Ou bien ils ont pris eux-mêmes la sage précaution d'édifier de leur vivant leur monument funéraire, soit pour eux seuls, soit en même temps pour l'affranchie aimée, ou pour la petite esclave de prédilection, née dans la maison. C'est le clergé postérieur qui achève de donner au culte son caractère vraiment municipal et romain. Composé d'enfants du pays, il est préoccupé d'intérêts temporels, autant, sinon plus, que des intérêts de la religion. Le ministère des autels n'absorbe pas tout son temps ; peut-être même Cybèle n'exige-t-elle pas la présence quotidienne de ces prêtres au temple. Ceux-ci n'ont en général ni la garde ni l'administration du sanctuaire ; il existe des _Aeditui_ et des _Curatores_. La déesse, qui, loin de les enlever à la cité, leur laisse le loisir d'exercer des fonctions civiles, ne les enlève pas non plus à la famille. La plupart sont mariés ; nous en connaissons qui sont pères d'autres prêtres ou de magistrats. Enfin Cybèle n'est pas une divinité jalouse ; et les dieux d'Orient, une fois qu'ils sont transportés en Occident, se. prêtent volontiers assistance mutuelle. A Brindes, il n'y a qu'un seul prêtre pour Mater Magna, Dea Suria et Isis. A Faléries, la Grande Mère et Isis n'ont également qu'un seul et même prêtre ; à Ostie, un prêtre d'Isis dessert un sanctuaire de la Mère des Dieux sur l'autre rive du Tibre. Mais avait-on le droit de participer aux grands sacerdoces officiels, pontificat, augurât, qu'entretenaient à l'instar de Rome les villes de province ? Ces sacerdoces ne devaient pas être plus exclusifs en province qu'à Rome. Un prêtre de la Grande Mère, à Bénévent, est en même temps augure municipal. Aussi bien, pontifes et augures se trouvent-ils en relations avec le clergé de l'Idéenne. Chargés, selon la vague expression d'une charte coloniale,* « de célébrer le culte public, » ils ne pouvaient rester étrangers aux tauroboles d'intérêt public. Tantôt le pontife coopère au sacrifice, tantôt c'est lui-même qui en prend l'initiative. A Bénévent, la présidence d'une cérémonie est offerte au premier haruspice. Par suite, il est naturel que ces personnages se fassent un devoir de patronner les confréries métroaques.* De même, l'institution taurobolique s'était liée trop étroitement à la conservation de l'Empire, pour ne pas gagner à sa cause les prêtres du culte impérial, Flammes et Augustaux. A Narbonne, c'est le Flamine provincial qui, au nom de toute la province Narbonnaise, accomplit le taurobole pour le salut de l'empereur. Ailleurs ce sont des Sévirs Augustaux qui taurobolient. Il en est qui sont en même temps Dendrophores. En somme, grâce au taurobole, le culte de la Mère des Dieux Auguste* occupait dans la vie publique une situation privilégiée, dont bénéficièrent ses prêtres. Ceux-ci finirent par prendre place dans le haut clergé des villes. C'est pour-quoi le sacerdoce de la Dame excita l'ambition des plus honorables citoyens. *) Charte de la colonie _Genetiva Iulia_, en Bétique, rédigée en 710/44. *) A Apulum, un augure est patron des dendrophores, _CIL._ 3, 1217. *) _CIL._ 8, 1770, 2230, 16440, 19125 : 13, 1756. Mais cette ambition, chez la plupart, n'est qu'une forme de zèle religieux. C'est en effet dans l'église, parmi les dévots et les confrères, que se recrutent les prêtres* ; peut-être même la communauté avait-elle droit de présentation. Les Dendrophores en fournissent beaucoup. Il est vrai que ceux-ci comptent dans leurs rangs, comme membres actifs ou honoraires, une élite d'affranchis et de citoyens. C'est un Dendrophore que choisit la municipalité de Suessula pour desservir le sanctuaire d'Ad Novas, au carrefour des routes de Capoue, de Bénévent et de Naples. A Ostie, à Cumes, à Tomi, des prêtres paraissent être aussi d'anciens Dendrophores. Le confrère arrivé à la prêtrise continue de figurer sur l'album du collège ; très souvent il fait partie du bureau d'administration. On comprend la préférence du clergé pour cette importante et riche confrérie. En 251, celle de Cumes avait dressé un nouveau tableau de son personnel ; un prêtre, qui est en même temps son patron, fête la dédicace de cet album par une distribution de pain, de vin et de sportules. D'autres donnent aux confrères un emplacement pour leur sépulture.* De leur côté, les Dendrophores, quand leur trésor est prospère, érigent des statues aux prêtres qui se sont distingués par leurs mérites. *) _CIL._ 8, 9401. *) _CIL._ 5, 81, à Pola. Le sacerdoce était accessible à tous les âges, puisque nous connaissons un prêtre de sept ans* ! Mais quelle était sa durée ? Le silence du bref quindécemviral, à ce sujet, prouve du moins qu'il y avait des règlements fixes. En principe, les prêtres n'étaient pas nommés à vie. Toutefois la perpétuité du sacerdoce pouvait leur être accordée à titre exceptionnel, comme une récompense de leurs services et de leur piété. Elle était l'objet d'un décret spécial du conseil municipal. Pour le clergé romain, elle devait dépendre directement du collège des 15virs. Un prêtre de Lyon, sous Antonin le Pieux, Q. Sammius Secundus, est fier de pouvoir ajouter à son titre cette mention : _cui sanctissimus ordo Lugudunensis perpetuitatem sacerdotii decrevit_. Mais beaucoup sans doute obtenaient le même privilège. Deux prêtres d'Afrique meurent à 55 ans ; un prêtre de Brindes meurt à 65 ans* ; leur élévation à la prêtrise remontait assurément à plusieurs années. Nous retrouvons un même personnage à Lyon en 184, 190 et 194, un autre à Lectoure en 239 et 241. Ils ne se qualifient point de perpétuels. On peut supposer que le mandat était annuel, mais indéfiniment renouvelable.* *) C'est, il est vrai, à la fin de l'empire, et à Rome. *) _CIL._ 8, 1649 et 5707 ; 9, 6099. *) Cf. clans les Orgéons métroaques ; Foucart, _Assoc. relig. en Grèce_, p. 21 ; un prêtre à vie clans un thiase d'Argos : _CIG. Pel._ 1, 659. Sammius nous apprend aussi que les 15virs l'ont « décoré » delà couronne et de l'occabos. D'après le bref de Cumes, ce sont là les insignes communs à tous les prêtres de Magna Mater ; et c'est l'octroi de ces insignes qui constitue l'investiture quindécemvirale. La couronne ressemblait, selon toute vraisemblance, à celle des Archigalles : un ou plusieurs rangs de feuilles de laurier, avec médaillons aux types de Zeus, Cybèle et Attis. En Asie Mineure, le laurier a pu devenir un attribut métroaque après la confusion des couples Lêto-Apollon et Mêter-Attis. A Rome, prêtres et assistants s'en diadèment la tête dans les cérémonies de rite grec, auxquelles sont assimilées celles du culte phrygien. Quant aux médaillons, le culte des Augustes avait introduit cet exotisme dans la religion romaine ; on en voyait sur la couronne d'or des prêtres impériaux, où ils encadraient les images des dieux Capitolins et de l'empereur. L'occabos est défini par Hésychius comme un bracelet, analogue à ceux que portaient les Perses. Nous n'en savons pas davantage. Un prêtre d'Ostie, qui exerce le double sacerdoce d'Isis et de la Mère des Dieux, est vêtu du pantalon oriental, anaxyrides nouées aux chevilles, du chiton qu'une ceinture relève jusqu'au-dessous des genoux, et d'une chlamyde agrafée sur l'épaule droite ; il est coiffé du bonnet phrygien.* C'est à peu près le costume d'Attis. Ce n'est pas celui des prêtres municipaux dans les cérémonies officielles du culte public. Figurait-il seulement dans la célébration des mystères ? Le bonnet à fanons, qui reparaît si souvent parmi les attributs du culte métroaque, et en particulier sur les autels tauroboliques, devait jouer un rôle dans certains rites.* Peut-être dans les tauroboles était-il posé sur la tête du prêtre sacrificateur, identifié à l'Attis tauroctone. *) Au Musée du Latran ; Benndorf et Schoene, _Ant. Bildw. d. Lat. M._ 80. *) Le bonnet phrygien est resté la coiffure rituelle des prêtres de Mil lira et de ceux de Sabazios. Le Musée des Conservateurs, à Rome, possède une tête de prêtre oriental, coiffée du bonnet cl qui fut trouvée sur l'Esquilin, là où s'étendaient jadis les jardins impériaux ; h. 0m 46 ; traces de dorure sur la figure, et de couleur rouge sur le bonnet. Serait-ce le portrait d'un Archigalle ou d'un prêtre de la Mère Phrygienne ? [Planche 6. --- 1. _Tombe de L. Valerius Fyrmus_, prêtre d'Isis et de Cybèle à Ostie. Rome, Musée du Latran.](https://cdn.solaranamnesis.com/HenriGraillot/6.jpeg) ## 4\. Au sacerdoce masculin correspond un sacerdoce féminin.* Mais la desservante du temple n'avait pas toujours droit, ce semble, au titre de prêtresse ni aux prérogatives attachées à ce titre. On la dénommait alors _ministra_, ce qui implique un rang inférieur dans le clergé, à moins qu'elle-même ne se qualifiât ainsi par pieuse humilité. Quand le sacerdoce est réparti entre plusieurs femmes, on les distingue par un titre hiérarchique, comme les prêtres. D'autre part, il n'existe aucun grade qui soit l'équivalent féminin de l'archigallat ; jamais il n'est question de prophétesse. La première prêtresse de Rome paraît être, en Occident, la seule qui soit honorée du titre de _Sacerdos Maxima_. Elle avait succédé à la phrygienne d'autrefois. Au début elle était sans doute une affranchie. Plus tard, elle fut une ingénue. Au lin de l'Empire, elle est une Clarissime, choisie parmi les matrones d'ordre sénatorial. *) Liste des prêtresses connues (époque impériale). Roma. Olympias, Livia Briseis, Aug(ustae) lib(ertae), sac(erdotes) M. D. M. I. : sous Auguste. _CIL._ 6, 496. Claudia Acropolis, Augusti lib(erta), sacerdos Matris Deum. Elle est mariée à un certain Claudianus. Sous la dynastie claudienne. _Ibid._, 2260. Laberia Felicla, sacerdos maxima Matris Deum M. 1. _Ibid._, 2257. Aelia Antigona, sacerdo(s) M. D. M. I. Elle est veuve d'Epulonius, vir e(gregiae) m(emoriae). Époque antonine. _Ibid._, 2259. Aelia... [sacerdos ? ] M. D. M. I.... _Ibid._, 32465. Galena, sacerdos Matris Deum. _Ibid._, 2261. ...] Sophe, [sac(erdos) ? Matr]is Deum. _Ibid._, 29725. Serapias, h(onesta) f(emina), sac(e)r (dos) (plutôt que « sacrata, » à cause du génitif) Matris et Proserpinae. En 319. _Ibid._, 508. ? c(larissima) f(emina), sacerdus maxima M. D. M. I. : en 383. _Ibid._, 502. Latium. Ostia. --- Metilla Acte, sacerdos M. D. M. colon(iae) Ost(iensis). Milieu du 2e s. _CIL._ 14, 371. Salonia Euterpe, sacerdos M. D. M. Portus Aug. et Traiani. 2e s. --- _Ibid._, 408. Lavinivm. --- Inconnue, sacerdotia. En 212. Cagnat, _Ann. épigr._ 1895, 120. Italie. Région 1. Formiae. --- Decimia C. f(ilia) Candida, sacerdos M. D. _CIL._ 10, 6074 ; cf. 5, _falsae_, 436. Helvia Stephanis, sacerdos M. M. I. En 241. _Ibid._, 6075. Forvm popilii. --- Munatia Reddita, sacerd(os) 15vir(alis). En 186. _Ibid._, 4726. Région 2. Aeclanvm. --- Eggia Sabina Bast(uli uxor ? ), sacerdos M. D. Mag(nae). 1er-2e s. _CIL._ 9, 1100. Cantria P. fil(ia) Longina, sacerd(os) flam(inica) Divae Iuliae Piae Aug(ustae) et Matr(is) Deum M(agnae) Id(aeae) et Isidis Regin(ae). Fin du 1er s. _Ibid._, 1153 et p. 695 (sur son mari et ses enfants, cf. 1164 et 1165). Beneventvm. --- Servilia Varia, sacerdos prima, et Terentia Flaviana, sacerdos secundo loco, sacerd(otes) 15vir(ales). En 228. _Ibid._, 1538, 1541, 1542. Mummeia C. f(ilia) Atticilla, sacerdos. _Ibid._ 1539. Cosinia Celsina, consacerdos (d'un prêtre). _Ibid._, 1540. Régions 3 et 4. Potentia (Potenza). --- Bovia Maxima, sacerdos 15viral(is). _CIL._ 10, 129. Rhegivm (Reggio). --- ...]iva, sac(erdos), S[...]ia Faustina, sac(erdos). En 79. _Ibid._, 7. Corfinivm. --- Acca L. f(ilia) Prima, _Ministra_ Matris Magnae. _CIL._ 9, 3146. Région 10. Verona. --- Veronia Trofime, sacer(dos) Matris Deum. _CIL._ 5, 3438. Brixia (Brescia). --- Caecilia Procula, sacerdos 15viralis. _Ibid._, 4400. Gaules. Lvgdvnvm (Lyon). --- Aemilia Secundilla, sacerdotia. En 197. _CIL._ 13, 1754. Lusitanie. Olisipo (Lisbonne). --- Cass(ia) Sev(era). En 108. _CIL._ 2. 179. Achaie. Orchomenos. --- Hippareta, f. d'Herodotos, ἰερατεύουσα. _CIG. Sept._ 1, 3216 ; cf. 3223. Macédoine. Edessa. --- Aurelia Loukianè, ἰερατεύουσα. En 237, 8. _Ath. Mitt._ 17, 1893, p. 416, 1. Mésie. Tomi (Kustendje). --- Sossia Africana, fille de C. Iulius Africanus et femme de Quietus, ἰερασαμένη, Mητρὶ Θεῶν. _Arch. ep. Mitt._, 6, 1892, p. 23. Province d'Asie. Smyrna. --- Ulpia Marcella, fille de M. Ulpius Damas et de Canidia Bassa ἱέρεια διὰ βίου τῆς Mητρὸς τῶν Θεῶν. 1re moitié du 2e s. --- _CIG._ 3508 (femme de P. Aelius Paullus, archiereus d'Asie, _Bull. Corr. Hell._ 11, 1887, p. 178). Trapezopolis. --- Inconnue, fille d'Asclepiadès, ἱέρεια τῆς πρὸ πόλεως Mεγάλης Θεᾶς [Τύ]χης (_CIG._ 3953 d) _ou_ [Kυβέ]λης (Goehler, _op. l._, p. 40). Sarmatie. Olbia. --- Inconnue, fille de..., fils de Dionysios, femme de Socratidès, fils de Philinos, Mητρὶ Θεῶν ἱερασαμένη. Latyschev. _Inscr. orae sept. Ponti Eux._ 1, 107 ; cf. Hirst. _The cults of Olbia_ dans _J. of Hell. St._ 22, 1902. p. 266. Un très grand nombre de prêtresses sont de condition libertine, et beaucoup sont des affranchies de leur ville : telle, à Vérone, Veronia Trofimè. Le père de Salonia Euterpè, laquelle exerce le sacerdoce au Port de Trajan, fut sans doute un esclave public de Salone, à moins qu'elle-mème ne soit une ancienne esclave. Le personnel romain se recrute de préférence, sinon exclusivement, parmi les libertines de la maison impériale. Livia Briseis était une affranchie de Livie, Claudia Acropolis une affranchie de la dynastie des Claudes, Aelia Antigona une affranchie de la famille automne. Mais les ingénues ne sont point rares. Voici à Corfinium Aeca Prima, qui est fille d'un citoyen romain et qui porte du reste un nom tout à fait indigène. Voici à Aeclanum, dès le temps des Flaviens, Cantria Longina, fille de Publius ; à Bénévent, au 2e siècle, Mummeia Attieilla, fille de C. Mummeius ; à Formies, Decimia Candida, fille de C. Decimius. A Lyon, Aemilia Secundilla paraît bien être aussi de condition ingénue. A Tomi, Sossia Africana est fille de C. Iulius Africanus. En Asie Mineure, les prêtresses de l'époque romaine sont de naissance libre, suivant la coutume grecque. Ce sacerdoce est accordé parfois à des jeunes filles ; mais les dignitaires sont le plus souvent mariées et d'un âge déjà mûr. Dans le clergé de Rome, Aelia est la veuve d'un certain Epulonius, affranchi ou fils d'affranchi des 7virs Épulons, homme de quelque importance, assimilé aux membres de l'ordre équestre ; une autre a pour mari un riche affranchi des Claudes ; Galena était épouse et mère. Une prêtresse de la colonie d'Ostie, vers le milieu du 2e siècle, est mariée à un citoyen romain, président de la puissante corporation des charpentiers du port. A Vérone, Trofimè est mère d'un Sévir Augustal. A Bénévent, Servilia Varia est mère d'un décurion. Caecilia Procula, de Brescia, n'ayant pas d'enfants, a élevé un pupille. Cantria Longina, d'Aeclanum, fille de citoyen romain, est femme d'un citoyen et mère d'un chevalier. Son mari est une célébrité locale, écrivain, poète mélancolique et traducteur de Ménandre, que ses concitoyens ont porté à la magistrature suprême du municipe. Le couple, de plus, est riche ; et si l'on accumule sur la tête de la matrone le triple sacerdoce de la Mère Idéenne, d'Isis Reine et de la Diva Julia, fille de Titus, l'hommage va peut-être moins à sa vertu qu'à sa fortune. Longina s'empresse de donner 50.000 sesterces à la ville, ce qui lui valut les honneurs publics d'une statue. De même, à Smyrne, au début du 2e siècle, Ulpia Marcella est une des plus grandes dames de la cité. Née à Thyatira, sous le principat de Trajan, fille de M. Ulpius Damas et d'une « civis romana, » orpheline de bonne heure avec un gros patrimoine, elle avait été d'abord prêtresse d'Artémis dans sa ville natale ; elle y exerça son sacerdoce avec une magnificence dont on gardait le souvenir. Plus tard, Marcelin fut archiprêtresse d'Asie près des temples de Smyrne, titre que devaient ambitionner les premières familles ; elle fut aussi trois fois présidente des jeux de sa patrie, honneur presque exclusivement réservé aux hommes. D'une façon générale, le sacerdoce féminin de la Mère des Dieux paraît avoir été très recherché dans tout l'Empire. Il était municipal et soumis aux mêmes conditions que le sacerdoce des hommes. En Italie et en Gaule, l'élection doit être aussi ratifiée par la chancellerie du 15virat. La fonction n'est pas à vie, mais peut devenir perpétuelle par décret spécial du conseil. Elle n'est pas incompatible avec d'autres sacerdoces. Les insignes de la prêtresse étaient-ils les mêmes que ceux du prêtre ? Nous possédons l'effigie de Laberia Felicla, qui fut _Sacerdos Maxima_ de Rome.* Mais la tête est une restauration ; nous voyons seulement que des bandelettes à perles fuselées tombaient sur les épaules. Laberia est revêtue de la tunique à manches et de la palla, relevée sur le derrière de la tête en guise de voile. Un buste barbu de Zeus Idéen forme, entre les seins, le pendentif d'un collier.* La main droite tient la patère au-dessus d'un petit autel de Zeus,* et la main gauche une guirlande de chêne. Nous savons par ailleurs que les prêtresses portaient des couronnes et que leurs robes étaient blanches.* *) Musée du Vatican. Visconti, _Museo Pio-Clementino_, pl. 18, et p. 101 ss. Le restaurateur a changé les bandelettes en tresses. *) Cf. des plaques d'or à l'effigie de Déméter et de Corè, cousues sur le vêtement d'une prêtresse de Déméter : _C. r. Acad. S. Pétersbourg_, 1865, p. 49 ss, et _Atlas_, pl. 2, 7-9. *) L'aigle est sculpté sur l'autel rond (cf. un aigle sur le tombeau de la prêtresse Galena) ; la guirlande de chêne paraît également se rapporter au culte de Jupiter. *) Cf. les prêtresses d'Artémis et d'Athéna (Bérécynthienne) à Ancyre : _Acta Sanctorum_, mai 4, p. 156 ; Pio Franchi de' Cavalieri, _I martiri di S. Teodoto e di S. Ariadne_ dans _Studi e testi_, 6, Roma, 1901, p. 72. Quelles étaient leurs attributions cultuelles ? La dualité du sacerdoce correspondait à la dualité divine, représentée à la fois par deux images et par deux autels. Mais, dans les sanctuaires, la place d'honneur est réservée à l'image de la déesse ; l'autel majeur est toujours celui de Cybèle. Il semblerait donc que de la prédominance de la déesse dût résulter celle du clergé féminin. Peut-être, en effet, les fonctions des prêtresses étaient-elles encore les plus importantes dans les Orgéons de l'âge hellénique. Dans la religion phrygio-romaine, les prêtresses n'ont rang qu'après les prêtres ; et leurs fonctions paraissent être secondaires.* Comme les autres femmes, elles manifestent une vénération toute particulière pour le jeune et malheureux Attis. Volontiers elles le nomment le premier dans les formules dédicatoires ; et la seule statue que nous voyons consacrer par une prêtresse est une image d'Attis.* Elles ont à remplir un office liturgique auprès de Zeus Idéen, le dieu Père, auquel on rendait aussi un culte. Dans les sacrifices sanglants, elles étaient sans doute chargées de présider à l'immolation des animaux femelles ; car les portions non brûlées de ces victimes leur sont réservées, tandis que les prêtres reçoivent une part des animaux mâles. Elles participent aux tauroboles et aux crioboles, aux côtés du prêtre qui dirige la cérémonie ; mais on ne les voit jamais présider elles-mêmes.* Elles offrent et accomplissent des tauroboles, isolément ou à deux, soit pour obéir à la déesse, soit pour fêter leur avènement au sacerdoce ou leur promotion au grade supérieur.* Parfois la première offre le sacrifice, et la seconde dédie l'autel commémoratif. Était-ce pour elles une obligation de recevoir le sacrement ? En 383, la Sacerdos Maxima est baptisée pour la seconde fois. *) Aussi voyons-nous des régions entières où leur présence n'est pas signalée par les inscriptions, l'Afrique du Nord par exemple. *) V. à Bénévent, Corfinium et Formies. *) _CIL._ 9, 1538, un prêtre _praeit_, les deux prêtresses et un autre prêtre _tradunt_ ; 1539, une prêtresse dédie l'autel taurobolique ; 1540, prêtre et prêtresse _tradunt_ ; 1541, la première prêtresse _tradit_, la seconde dédie l'autel : 1542, la première _tradit_ ; 10, 4726 et 6075, une prêtresse _facit_. *) Cf. _CIA._ 2, 622, décret des Orgéons du Pirée en l'honneur d'une prêtresse (217 ou 216 av. J.-C.) : il y est question des εἰσιτήρια ou sacrifices d'entrée en fonctions. Leur rôle paraît être beaucoup plus considérable dans les mystères que dans le culte public. Elles sont restées les Abeilles, _Melissae_,* qui nourrissent du miel de la pure doctrine les néophytes. Autrement dit, ce sont elles qui dirigent, en principe, les exercices préparatoires à l'initiation ; peut-être même président-elles seules à certaines cérémonies d'initiation.* Ce sont aussi les prêtresses qui disposent les trônes sacrés, pour la cérémonie d'intronisation des mystes, de même qu'elles dressent le lit funéraire d'Attis, après sa mort, et son lit hiérogamique, après sa résurrection.* *) Lactant., _Div. Inst._ 1, 22, 19 : « adhuc Melissae nuncupantur. » *) Cf. un règlement relatif au culte métroaque, par les Samiens de Minoa (Amorgos) ; la prêtresse, élue pour dix ans, préside aux initiations et fournit les victimes : Delamarre dans _Rev, archéol._ 1896, 2, p. 73. *) V. supra, p. 183 n. 4 ; _CIA._, _l. c._, prêtresse dressant la « Klinè » pour les Attideia. Don d'un lit et de cathèdres à la Mêter, à Chios : Michel, _Rec. d'inscr. gr._ 1146. Enfin elles ont à parer les images saintes et à veiller à l'entretien du mobilier sacré. Si l'on choisissait des femmes riches, c'était avec l'espoir quelles seraient les bienfaitrices des dieux et du sanctuaire. Les municipalités leur savaient gré de leur « piété magnifique » et les encourageaient en leur accordant la perpétuité du sacerdoce, ou un décret d'honneur, voire même une statue.* Telle prêtresse donne à sa Dame des candélabres neufs ; un autre fait restaurer et dorer la statue de la Grande Mère, dorer la chevelure d'Attis et réparer une image de Bellone ; une troisième embellit le sanctuaire ou l'image cultuelle d'ex-voto en or.* Leur générosité s'étend aux confréries. Une inscription de Reggio rappelle la munificence de deux prêtresses à l'égard des Dendrophores, sous Vespasien. Sophè, prêtresse romaine, construit à ses frais un monument destiné aux Dendrophores de la capitale. *) V. à Tomi et Smyrne. *) V. à Corfinium et Tomi. ## 5\. Prêtres et prêtresses ne constituent pas à eux seuls tout le clergé de la Grande Mère. Il existe encore un personnel auxiliaire qui n'a pas droit au même titre ni aux mêmes privilèges, qui n'exerce pas le sacerdoce, mais dont la présence est nécessaire à l'accomplissement intégral du sacerdoce. Ce sont des diacres et des diaconesses, dont les fonctions ne sont pas toujours faciles à déterminer.* A Pouzzoles et à Lisbonne, deux femmes sont Kernophores.* Le « Kernos, » vase rituel, avait un rôle considérable dans les initiations et les tauroboles. On le portait sur la tête, comme le van d'Éleusis, en exécutant des pas rythmés autour des autels et devant les dieux. Cet office pouvait être accompli, en Orient, par des zacores des deux sexes. En Occident, il était confié, ce semble, à des jeunes filles. Consacrées de bonne heure à la Mère des Dieux, celles-ci ont voulu rester ses dévouées servantes ; la Kernophorie leur permet de vivre plus près de la Dame. Elles n'ont pas rang de prêtresses. Mais, en recevant l'instruction religieuse et en apprenant les rites, elles devenaient aptes aux fonctions sacerdotales. *) Cf. des « diaeonoi » dans un collège de Cyzique, consacré à la Mêter Tolupiané : Michel, _op. l._ 1226. *) _CIL._ 10, 1803 : « D. M. Heriae Victorinae caernophoro M. Herius Valerianus filiae duleissimae » ; 2, 179 : « Matri Deum Mag(nae) Ideae Phryg(iae) Fl(avia) Tyche cernophor(us) etc., » dédicace taurobolique ? Au temps des Attalides, Nicander, _Alexipharm._ 217, parle d'une zacore kernophore attachée à l'autel de Rhéa ; il semble, d'après le v. 218, que le 9e ou 20e jour de chaque mois elle assistait à une procession orgiastique : cf. _Schol. vetera_, ad _l. c._, éd. Abel et Vari, Budapesth, 1891. D'après le scholiaste, la kernophore est une prêtresse (ἱέρεια) chargée de porter les cratères mystiques sur lesquels ou place des lampes. Les vierges kernophores seraient donc équivalentes aux vierges lampadophores. Autres types de Kernophorie, v. supra, p. 170. Les actes rituels s'accompagnent de cantiques en langue grecque* ; car le grec est ici la langue d'église. Ce sont en général de longues litanies, qui énumèrent les noms multiples de la divinité, ses attributs et les manifestations de sa puissance.* Ce sont aussi des thrènes de deuil qui pleurent la passion et la mort d'Attis, ou des hymnes de joie qui saluent et glorifient sa résurrection. A chaque fête correspondait une série de chants. Saint Augustin nous a conservé le souvenir de ceux qu'il entendit pendant la procession du Bain ; on y célébrait en termes peu chastes la hiérogamie de Cybèle et Attis. Il traite de vils comédiens les chantres qui précédaient la litière de la Dame, évidemment parce qu'ils mimaient les paroles de leurs cantiques. Mais ce n'étaient point, en général, des gens recrutés pour la circonstance. Le service divin comprenait, au moins dans les principaux sanctuaires, des chantres attitrés, qui appartenaient au monde des confrères et des dévots. On les appelait les Hymnologues.* A Rome ce personnel était nombreux. Le maître de chapelle s'intitule « premier Hymnologue public de la Mère des Dieux Idéenne et d'Attis.* » Celui que nous connaissons, Ti. Claudius Velox, est un affranchi impérial ou descend d'un affranchi de la maison claudienne. Ce personnage est sans famille ; la chapelle se recrutait peut-être parmi les castrats. Ti. Claudius Glyptus, qui se déclare Hymnologue « de Campo Caelemontano,* » faisait-il aussi partie de cette _Schola Cantorum_ ? Elle aurait donc eu son siège sur le Caelius, dans le voisinage de la « Schola » des Dendrophores, et peut-être dans le même groupe de constructions. Les Hymnologues, vêtus de la tunique, portaient dans les fêtes et les processions la couronne de laurier ; ils tenaient une palme.* *) Dion. Hal. 2, 19, 4 : τὰ μητρῷα μέλη. Sur la langue liturgique : Serv. ad _Georg._ 2, 394 ; cf. supra, p. 124, n. 2 ; cf. des hymnes mithriaques en grec : Cumont, _Mithra_, 1, p. n. 238. *) Cf. dans Arnob. 1, 41, le début d'une de ces litanies, psalmodiées « Magnae Matris in adytis » : _deum propitium, deum sanctum_. On retrouve ces exclamations rituelles dans tous les cultes orientaux : « Grande est Artémis d'Éphèse! Grande est Anaitis ! » Cf. _Journ. of Hell. St._ 10, 1889, pp. 222 et 226. Un vers de Catulle, _Attis_, 91, paraît être inspiré par les chants rituels : « _Dea magna, dea Cybebe, Didymei dea domina_. » Un vers de Callimaque, _Artem._ 136, rappelle sans doute aussi d'autres cantiques : « fais paître les bœufs, porte les moutons, porte l'épi, porte la moisson. » Des fragments d'hymnes à Attis nous ont été conservés par Hippolyte, _Refut. omn. haeres_. 5, 9 = _Lyrici Gr._, Bergk, 4e éd., p. 685 s ; bibliogr. dans Hepding, _Attis_, p. 35. *) Firm. Mat., _Matheseos_, 3, 6 : « hymnologos et qui deorum laudes cum iaetantia et ostentatione decantent. » Il y en avait aussi dans les cultes phéniciens, _CISem._ 1, p. 98. Sur les hymnodes et hymnètes des cultes grecs, cf. Poland, _Gesch. d. gr. Vereinswesens_, 1909, p. 46 ss. *) _CIL._ 6, 32444. De Rossi, _Inscr. christ. Urbis Romae_ 2, 1, p. 204, suppose qu'une phrase de Mallius, dans sa _Descr. Basil. Vaticanae_ (12e s.) « de vatibus officia sua canentibus in Vaticano, » doit se rapporter aux hymnologues de la Mère des Dieux. *) _CIL._ 6, 9475 ; Dessau, dans _Bullettino d. Inst._, 1884, p. 155, prétend que cette inscr. ne peut se rapporter au culte métroaque, mais sans preuve. *) Glyptus est ainsi représenté au-dessus de son épitaphe. Actes rituels et chants sacrés s'accompagnent de musique instrumentale.* Trois sortes d'instruments constituent la musique métroaque : la double flûte, les cymbales et le tambourin. *) Cf. J. Combarieu, _Musique et magie_, 1909. Les flûtes, dont le même musicien joue à la fois, sont celles de Phrygie. La légende en attribuait l'invention soit à Hyagnis, soit à son fils Marsyas, dont elle faisait deux prêtres de Cybèle. Le mythe du flûtiste Marsyas est en rapports étroits avec celui de la déesse ; et, dans la lutte musicale du satyre contre Apollon, Cybèle prend naturellement parti pour son malheureux compatriote.* L'une de ces flûtes est droite. L'autre se recourbe au pavillon ; c'était l'_Elymos_,* désigné aussi sous le nom de _Keras (Cornu)_, à cause de sa forme.* Le son de la flûte droite, destinée au chant, était aigu et strident. Celui de la flûte d'accompagnement, à double anche, était grave, rauque, lugubre* ; les Grecs le comparaient à un grondement (_bombos_). Il convenait aux scènes de deuil. Aussi dénommait-on cet instrument « la flûte des thrènes,* » comme le gingras phénicien, qui pleurait Adonis. Les mélodies phrygiennes avaient un caractère sauvage et barbare. Soutenues par le tintement sonore des cymbales et le tambourinement sourd des tympanons, elles surexcitaient les sens et finissaient par provoquer l'extase chez les mystes* ; c'est « aux saints accents des flûtes de Phrygie » que s'opéraient les mutilations sanglantes du 24 mars. On les entendait dans toutes les cérémonies du culte, processions et sacrifices, sauf, ce semble, dans les sacrifices à Zeus Idéen.* A la procession, le _tibicen_ ou _tibico_ précède immédiatement la statue de la déesse.* Sa présence est indispensable à la célébration du taurobole ; parfois même le nom du flûtiste est inscrit sur l'autel commémoratif, avec ceux du prêtre et de la prêtresse. Rome possédait sa corporation publique de « Tibicines, » qui desservait les cultes d'État et devait être jalouse de ses droits et privilèges. Mais la Grande Mère avait exigé ses flûtistes spéciaux, virtuoses de la flûte phrygienne.* Albius Verinus, en 184, Flavius Restitutus, en 190 et encore en 197, étaient attachés au Metrôon de Lyon ; vers 209-211, le dernier paraît faire partie du personnel de Valence. Restitutus est un affranchi. En général ces musiciens sont d'origine libertine. Ils occupent une situation aisée, ont à leur tour des esclaves et des affranchis des deux sexes ; et beaucoup de prêtres les considèrent presque comme leurs égaux. *) Sur les reliefs où figure la lutte d'Apollon et de Marsyas, Cybèle est représentée à côté du Phrygien. Dans un hymne homérique, 13, 4, elle est « celle à qui plaît le frémissement de la flûte. » Sur l'union étroite de la musique phrygienne et des fêtes de Meter Oreia : Teleste de Sélinonte (vers 400 av. J.-C.) dans Athen., 626 ; Dioscorides dans _Anthol. Gr._, 9, 340. Pour le jeu aulétique et le mode phrygien, voir Fr. Greif, _Études sur la musique antique_, dans _R. Et. Gr._ 23. 1910, p. 4 ss. avec notes bibliographiques. D'après Strabon, 12, 8, 15, c'est aux sources du fleuve Marsyas que se récoltait le roseau le plus propre à la fabrication des anches de flûtes. La double flûte était en effet un instrument à anche et rappelait beaucoup moins la flûte moderne que le hautbois et la clarinette. Le tuyau était généralement en buis, évasé à une extrémité et terminé à l'autre par une petite embouchure dans laquelle on insérait ou contre laquelle on appliquait une languette de roseau. Les flûtes phrygiennes sont sans doute les mêmes que les flûtes « masculine et féminine » des Lydiens, Herodot. 1, 17, 2. *) Pollux, 4, 10, 1, dit que l'elymos, en buis, est une invention des Phrygiens : ἀυλεῖ δὲ τῇ φρυγίᾳ θεῷ ; cf. Athen. 176 : Vanicek, _Fremdwoerter, im gr. u . lat._, s. v. *) Peut-être aussi parce qu'il fut à l'origine une corne de taureau (_Anthol. Gr._ 6, 51, 6), ou encore par ce que son pavillon était en corne. Lucrèce, 2 619 s, et Catulle, 64, 263 s, distinguent la flûte recourbée (_cornu_) et la droite (_tibia_) ; cf. Hor., _Od._ 1, 18, 13 « cornu Berecynthio » ; Ovid., _Fast._ 4, 181 : « inflexo Berecynthia tibia cornu » ; _Metam._ 4, 392 : « adunco tibia cornu » ; cf. 11, 16 et _Pont._ 1, 1, 39 ; Apul., _Met._ 8, 26 : « deam cornu canens. » On appelait aussi la flûte _buxus_, buis : Virg., _Aen._ 9, 619 : « buxus... Berecyntia Matris Idaeae » ; Stat., _Theb._ 5, 93 et 8, 222 : Val. Flacc., _Argon._ 1, 319 ; _Acta S. Symphoriani_ dans Ruinart, p. 71 : « perstrepentes buxos et tibias, fanatici furoris inflati insania. » *) Lucret., _l. c._ : « raucisonoque _minantur_ cornua cantu » ; Catull., _l. c._ : « raucisonos efflabant cornua _bombos_, barbaraque horribili stridebat tibia cantu » ; cf. 63, 22 : « tibicen... canit Phryx... grave » ; cf. Varr. dans Serv., ad _Aen._ 9, 618 ; Claudian., _Rapt. Proserp._ 2, 267 : « Mygdonio buxus circumsonat _horrida_ cantu. » Greif, _l. c._, p. 14. *) Αὐλὸς θρηνητικὸς, Poll., _l. c._ ; le gingras parait avoir etc plutôt une sorte de fifre, au son nasillard et plaintif. *) Lucret. 2, 620 : « Phrygio stimulat numero cava tibia mentes » ; Sen., _Ep._ 18, 5, 7 : « Nec aliter concitantur quam solent Phrygii tibicinis sono semiviri et ex imperio furentes » ; cf. _Agamemn._ 687 : « turritae turba parenti | pectora rauco concita buxo | furit, ut Phrygium lugeat Attin » ; Juven., 6, 314 : « tibia lumbos incitat » : Philostr., _Ep._ 69 : (au bruit des cymbales et des flûtes) οἱ τελούμενοι τῇ Ῥέᾳ μαίνονται ; Greg. Naz., _Carm. histor._ 2, 2, 7 _ad Nemesium_ 262 (Migne, _Patr. Gr._ 37, p. 1571) : μανιητόκος ἠχή ; _Contra Julian._ 1, 70 et 103 : Ps. Eudoc. _Violarium_, p. 369 (éd. Flach, 1880, p. 618), à propos des mystes de Cybèle : αὐλοὶ δέ τινες ἠύλουν καταθέλγοντες αὐτοὺς καὶ παρεγείροντες πρὸς ἐκτομήν. De même les Galles de Dea Syria se tailladent les chairs au son des flûtes : Luc., _Dea Syr._ 50. *) Lucien, _l. c._ 44, fait observer que les sacrifices de rite syrien à Zeus se font toujours avec calme et en silence, sans chants ni flûtes ; musique et cantiques ne commencent que lorsqu'on prélude aux offices de la déesse. *) Ovid., _Pont._ 1, 1, 39 s. *) _CIL._ 14, 408 : « M. Cutius Rusticus, tibico M. D. M. Portus Aug(usti et Traiani Felicis, fecit sibi et Cutiae Theodote et libertis libertabusq, etc. » il partage cet emplacement funéraire avec une prêtresse du même sanctuaire) : 13, 1752-54 : « tibicine Fl. Restituto » ; 12, 1745 : « C. [Fl. Restit] utus [tibicen] » ; 1782 : « tibicine Albio Verino. » Les cymbales d'airain passaient aussi pour être d'invention phrygienne ; elles étaient, disait-on, « sous la tutelle » de la Mère des Dieux.* L'iconographie religieuse en fait un attribut d'Attis et des Corybantes. La symbolique les désigne comme l'emblème des deux hémisphères célestes, qui enveloppent la Terre Mère. A vrai dire, on s'en servait dans la plupart des cultes mystiques, ceux de Dionysos, de Déméter, d'Artémis, d'Héra Syria. Les Grecs en connaissaient l'usage rituel avant le 5e siècle. Car le jeu des cymbales est une pratique de la démonologie primitive. Leur tintement éloigne les mauvais esprits.* On leur attribue donc une vertu de purification et de sanctification. A l'époque romaine, bien qu'on en voie aux mains de toutes les danseuses et de toutes les sorcières, elles ont conservé leur rôle liturgique. On en joue aux sacrifices métroaques. Elles scandent les prières, les cantiques et les danses.* Elles retentissent pendant toute la durée du deuil, aux fêtes de mars. Non seulement elles se font entendre pendant la célébration des mystères, mais elles deviennent les coupes mystiques où boivent les initiés. Aussi consacrait-on souvent des cymbales en ex-voto. Les plus anciennes de ces cymbales votives proviennent d'Olympie, où elles furent découvertes sous un autel archaïque de la Mère des Dieux. Celle qui provient de Grozon, dans le Jura, et qui porte la dédicace _Matri Deum_, témoigne de la persistance de cette coutume.* En Orient, les mystes Corybantes étaient-ils les cymbaliers du culte* ? En Occident, cette fonction est occupée par des femmes, _cymbalistriae_. Il y en avait souvent plusieurs ; mais il existait entre elles la même hiérarchie que dans l'ordre sacerdotal. En 228, Concordia Januaria est seconde cymbalière du temple de Bénévent.* C'est une affranchie de la colonie. Elle a participé à un criobole offert par l'augure municipal et les deux prêtresses de la Bérécynthienne ; elle s'est chargée de dédier l'autel commémoratif. *) Serv., ad _Georg._ 4, 64 : « quae in Matris tutela sunt. quod similia sint hemicyclis coeli quibus cingitur terra quae est mater deorum » ; Propert. 4, 7, 61 : « aera rotunda Cybelles » ; Claudian., _De Vl. cons. honor._ 259 : « Cybeleia aera. » Lampadius (Ad. Lampe) : _De Cymbalis veterum et praesertim de usu cymbatorum frequentissimo in sacris M. Matris, lib. 3_, Utrecht, 1703, in-12 ; Pottier, dans Dar. et Saglio, _Dict. des antiq._, s. v. _Cymbalum_. *) De là, l'usage primitif des cloches. *) Cf. Propert. 3, 17, 36 : « tundet ad Idaeos cymbala rauca choros. » *) Babelon et Blanchet, _Catal. des bronzes de la Bibl. Nat._, 2298. *) Cf. Virg., _Aen._ 3, 111 : « Corybantia aera » ; Hor., _Od._ 1, 16, 8 : « geminant Corybantes aera. » *) _CIL._ 9, 1538 : « cymbalistria loco secundo. » A Trieste, 5, 519, Secunda, cymbalistria, s'associe au prêtre et à l'aedituus pour dédier un autel. Le tambourin ou tympanon, cercle d'airain couvert de peau tendue, est l'attribut propre de Cybèle.* Il y a peu d'images de la déesse qui ne la représentent munie du tympanon. Les symbolistes ne manquèrent point d'y voir l'emblème du disque terrestre.* On le croyait originaire de Phrygie : « prenez le tympanon dont on se sert au pays des Phrygiens, création de Rhéa. » D'après une légende hellénique, antérieure au 5e siècle, ce fut une invention des Corybantes qui protégeaient l'enfance de Zeus ; « ils en mêlèrent le bruit aux doux accents de la flûte phrygienne ; ils le placèrent dans les mains de Rhéa pour accompagner les cris des Bacchantes.* » Rhéa le donne ensuite aux satyres de Dionysos ; autrement dit, il passa du culte métroaque dans le culte bachique. Un mythe, qui paraît être plus purement phrygien, prétend que la déesse elle-même l'inventa pour accompagner ses danses alors que, tout enfant, elle jouait sur le mont Cybèle.* Il est l'instrument favori des Galles, « qui frappent à les rompre sur les beaux tambourins, » et qui parfois les égarent dans les tavernes où ils s'enivrent.* Dans le culte phrygio-romain, l'emploi est tenu par des femmes : _tympanistriae_. L'une d'elles, à Bénévent, en 228, est une affranchie de ville ; elle élève un autel taurobolique à l'occasion d'un sacrifice offert par la première prêtresse.* Une autre, à Rome, doit être une affranchie de la maison impériale.* Leurs fonctions, comme celles des cymbalistries, supposent toute une éducation mimétique et orchestique ; car ces musiciennes exécutent, en jouant, une sorte de danse rituelle.* Le tympanon, fabriqué peut-être avec la peau des taureaux sacrifiés,* généralement décoré de symboles mystiques et magiques,* avait un rôle analogue à celui des cymbales. Il possédait les mêmes vertus. Jadis il passait pour faire fuir les fauves dans les montagnes.* On en jouait pour écarter les démons malfaisants. Son bruit sourd imite le tonnerre* et s'associe au grondement sinistre de la flûte courbe, tandis que les sonorités éclatantes des cymbales s'unissent à la chanson perçante de la flûte droite. Dans les initiations, il se transforme en patère mystique, et l'on y dépose les mets sacrés dont il faut avoir goûté pour entrer dans la communion des fidèles. Peut-être s'en servait-on aussi comme de gong pour signaler l'heure des offices.* En tout cas, à l'époque impériale, il n'est plus question du rhombos, disque de cuivre que l'on frappait avec le fouet garni d'osselets. Il semble aussi que les crotales ou castagnettes, qui continuent à figurer dans les cultes syriens, aient disparu du culte phrygien. Quant à la syrinx à sept tuyaux, ou flûte de Pan, elle apparaît aussi souvent dans les mains d'Attis que le tympanon dans celles de Cybèle.* On la voit souvent représentée, sur les autels tauroboliques, à côté des flûtes et des cymbales. L'aulète en jouait-il dans certaines cérémonies ? Aucun texte, toutefois, ne permet d'affirmer qu elle ait été d'un usage rituel. *) _Hymn. orph._ 13, 3 et 26, 11 : Cybèle est la déesse τυμπανόδουπος, τυμπανοτερπής ; Catull. _Attis_, 9 : « typanum tuum, Cybele, tua, mater, initia » ; Virg., _Aen._ 9, 619 : « tympana... Matris Idaeae » ; Mart. Cap., 2, 170: « tympana Cybeleia. » On voit aussi le tympanon entre les mains d'Attis. *) Augustin., _Civ. Dei_ 7, 24 ; Isidor., _Etym._ 8, 11, 61 (387). *) Eurip., _Bacch._ 58 s, 120 ss. *) Diod. Sic. 3, 58. Elle aurait inventé de même cymbales et syrinx. *) _Anth. Gr._, 7, 709 ; Juv. 8, 176. *) _CIL._ 9, 1542 ; elle se nomme Trebulana Iustina ; plusieurs villes d'Italie portaient le nom de Trebula. Elle figure sur un autre autel, daté de 228. *) _CIL._ 6, 2264 : « Aeliae Receptae tympanistriae M. D. M. I. » *) Cf. Isidor., _Etym._, 3, 22, 11 (141) : « cymbala cum ballematia simul percutiuntur. » *) Cf. Phaedr. 4, 2. _Asin. et Galli_ : « detracta pelle sibi fecerunt tympana. » *) Sur celui que tient la déesse, rosace (statuette au Musée de Klagenfurt), lion (sarcophage de Sidon, représentant la lutte d'Apollon et de Marsyas ; camée, v. supra p. 112). Cf. Sieroszewski, _Du chamanisme d'après les croyances des Yakoutes_, dans _Rev. Hist. Religions_, 1902, 2. p. 322 : « sur la peau de leur tambourin sont dessinés des signes mystérieux en rouge et en noir. » *) C'est le thème de toute une série d'épigrammes de l'Anthologie grecque : 6, 217 (attrib. à Simonide le jeune par Reiske, à Leonidas de Tarente par Bergk), 218 (Alcée), 219 (Antipater), 220 (Dioscoride), 237 (Antistios). *) Lucret. 2, 618: « tympana tenta tonant palmis » ; Varr., _Eumen._ 35 (132, 16) : « typana tonimus » ; cf, Catull., _Attis_, 22 : « tympana reboant. » *) Cf. Virg., _Aen._ 9, 619. *) Hérodote, 1, 17, 2, la signale comme un instrument lydien. Le service régulier du temple exige, en outre, un personnel de bedeaux et de sacristains. Parmi ces bas officiers d'église, les plus importants sont les _Apparatores Matris Deum_ ou _Apparatores Religionis_.* Leur nom est admis à figurer sur les autels tauroboliques après ceux des prêtres, des prêtresses et du joueur de flûte. Ces « ordonnateurs du culte» ont la garde de l'_Apparatorium_, sacristie où l'on enferme les accessoires si nombreux dans les religions mystiques. Leur rôle devait être considérable aux fêtes de mars. Il leur fallait organiser les cérémonies publiques et les cérémonies secrètes, faire respecter le protocole liturgique, régler l'ordre et la marche des processions. D'autre part, nul sacrifice ne pouvait être offert sans leur participation. Les tauroboles surtout, avec la multiplicité de leurs rites, supposaient un appareil fort compliqué ; c'était la tâche du cérémoniaire de veiller à leur accomplissement normal et intégral. Aussi les grands sanctuaires comptaient-ils plusieurs de ces personnages. Dans un temple voisin de Marseille il y en avait deux, ce semble, et qui étaient des esclaves. A Ostie, on en connaît un qui est l'affranchi du prêtre ; il jouit d'une certaine considération auprès des fidèles, puisqu'il se permet d'offrir des cadeaux à la confrérie des Dendrophores. Quel était l'insigne de ces maîtres de cérémonie ? Comme les Rabdophores des cultes grecs, ils portaient sans doute un sceptre, dont la destination primitive fut d'écarter les mauvais génies.* *) _CIL._ 14, 53 : « C. Atilius, Bassi sacerdotis lib(ertus), Felix, apparator M. D. M., signum Silvani dendrophoris Ostiensibus d. d. » ; 12, 403, add., p. 812 : « Matris Deum Magnae Idaeae Palatinae eiusdem religionis adparator(es ? ) Caius (ou Navius, peut-être Catius ? nom fréquent en Narbonnaise), Ianuarius » ; 13, 1754 : « apparatore Vireio Hermetione » (taurobole à Lyon en 197) ; cf. 12, 1567, à Die, triple taurobole « cum suis hostis et apparam(entis) omnib(us). » Un _apparatorium_ de Mithra à Siseia, 3, 3960. *) Cf. Gruppe, _op. l._, p. 896, n. 3. Rabdophore chez les Dendr. de Tomi. Le Metrôon de Trieste possède un _Aedituus_.* Celui que nous connaissons est, comme son prêtre, un ancien esclave public, affranchi de la ville. Logé dans le temple ou à côté du temple, il paraît n'être que le gardien de l'édifice ; il a mission de l'ouvrir, de le fermer, de le tenir en bon état. A Rome, au début de l'Empire, l'_Aedituus_ du temple palatin, ou d'un autre sanctuaire de la déesse, était un simple esclave de la maison impériale* ; le prêtre obtint de l'empereur Auguste la manumission de ce bon serviteur, après douze ans de service. *) _CIL._ 5, 519 : « C. Publicius Hermes aedituus M. D. M. » *) _CIL._ 5, 2211. Il convient de mettre à parties _Curatores_, dont les attributions n'offrent aucun caractère religieux et qui restent en dehors de la hiérarchie ecclésiastique. Les Curateurs d'un temple sont chargés de veillera son bon entretien, à la conservation de son mobilier liturgique ou votif, et d'en administrer les fonds. Nous en connaissons un à Electum (Alet), petite station thermale de Narbonnaise, où l'on adorait la déesse comme guérisseuse et dont les malades avaient sans doute enrichi le sanctuaire.* Ce Curateur était citoyen romain. Comme il s'agit sans doute d'un culte municipal, le conseil seul avait eu qualité pour le nommer à cette fonction ; car c'est au Sénat du lieu qu'incombe la _cura templorum_. *) _CIL._ 12, 5374 : « Cn. Pomp(eius) Probus, curator templi Matris Deum. » A Tarragone, un « curator templi » a occupé les fonctions de flamine de la province et de préfet des murs, 2, 4202. # Chapitre 7 ### Les Confréries. 1\. Cannophores. Leur caractère exclusivement religieux. --- 2. Dendrophores Recrutement, organisation. Confrérie religieuse et corps de métier. Importance de leur rôle dans la vie municipale. Charges et privilèges. Leurs relations avec les pouvoirs publics ; avec les Augustaux ; avec l'église phrygienne. --- 3. Hastifères, Corybantes et Compagnons Danseurs. La danse dans la religion métroaque. --- 4. Confréries de Dévots ; les confrères de Notre Dame delà Parenté, à Salone. Confréries d'Initiés, de Religieux. Les femmes dans les confréries. Deux confréries sont indispensables à l'organisme du culte : celles des Cannophores et des Dendrophores. La procession des roseaux donne son nom à la fête du 15 mars, dite _Canna Intrat_ ; le transport du pin-Attis constitue la fête du 22 mars, _Arbor Intrat_. Mais il existe d'autres confréries cultuelles. Les unes conservent des attributions spéciales, par exemple celles de Compagnons Danseurs. On ne les rencontre guère que dans les centres importants où les mystes sont en grand nombre. Les autres sont de simples groupements de fidèles, unis par les liens spirituels de la communion, frères et sœurs en Attis. L'ensemble de toutes ces confréries, sous la direction du clergé, constitue dans chaque ville l'église phrygienne. ## 1\. Les Cannophores peuvent appartenir aux deux sexes.* Il semble que la confrérie d'Ostie ait été mixte, sous la présidence d'hommes ; peut-être dans certaines villes n'existait-il qu'une confrérie de femmes. On admettait tous les âges ; à Locres, nous connaissons un Cannophore de dix ans et un autre de trente-cinq ans. Les confrères sont de petites gens, en général des affranchis. A Ostie, en voici trois, deux femmes et un homme, qui sont des affranchis de la gens Domitia et delà gens Calpurnia* ; d'autres ont des surnoms, Charito, Epigonus, Heraclida, Nothus, Stratonicus, qui ne permettent aucun doute sur leur origine. Tel Cannophore de Locres est un ancien esclave public ; un autre, qui porte pour tout nom celui de Félix, est-il un esclave du collège où l'un de ses membres effectifs ? *) Confréries connues : Ostia, _CIL._ 14, 34, 35 (entre les années _169_ et _176_), 36, 37, 40 (entre les années _161_ et _180_), 116 (sous Septime Sévère), 117 (sous Caracalla), 118 (en _200_), 119 (en _212_), 284, 285 ; --- Locri, 10, 24 ; --- Saepinum, 9, 2480 ; --- Mediolanum, 5, 5840. *) _CIL._ 14. 36 et 37. Les Cannophores d'Ostie se désignent comme un corps constitué, _Corpus_ ; ce mot impliquerait-il déjà l'idée d'un collège obligatoire ? Attachée à un culte officiel, la confrérie est une institution communale, sous le contrôle direct de la municipalité. Mais son existence légale est subordonnée à l'autorisation du Sénat et de l'Empereur, selon les dispositions de la loi Julia, qui fut l'œuvre d'Auguste. En tant que confrérie métroaque, elle reste également sous la curatelle des 15virs. Comme les autres associations, c'est elle-même qui élit ses administrateurs. Elle est gouvernée par des présidents quinquennaux et par des curateurs, chargés de gérer ses finances. Elle sait choisir des patrons aussi généreux qu'influents. Une femme, sans doute une dame patronnesse, lègue aux Cannophores de Milan un capital de 8000 sesterces (environ 2140 francs).* La grande famille a ses _pères_ et ses _mères_, gens de condition libertine aussi, que leur âge, ou leur piété, ou leur fortune, rend dignes d'égards, bienfaiteurs qui participent à la vie intime de la communauté et qui peut-être exercent certaines fonctions religieuses. Chaque confrère paie une cotisation qui, selon l'usage constant, doit être mensuelle ; quelques-uns en sont exemptés, à titre honorifique.* *) Valeur approximative du sesterce en centimes, de Néron à Caracalla : 0 f . 268 ; Bouché-Leclereq, Manuel des inst. rom., p. 581. *) _CIL._ 14, 119 : « immunis. » On se réunit dans une _Schola_ qui, la plupart du temps, est une annexe du sanctuaire* ; faute d'argent, on partage peut-être celle des Dendrophores. On l'orne d'images pieuses, données par des fidèles, par des prêtres, par l'Archigalle : statues de Cybèle et d'Attis, en marbre ou en bronze, bustes des Tout-Puissants en argent, copie en argent de l'idole du Palatin, bouquet symbolique d'épis de bronze, statuette de Némésis. On reçoit aussi en cadeau le portrait du prince régnant ; sinon, la communauté se fait un devoir de l'acheter.* La dédicace de ces monuments est pour le collège une fête domestique, suivie d'un banquet dont le donateur paie en général les frais. En 212, C. Caesius Eutychion offre aux Cannophores d'Ostie une statuette ou un buste de Caracalla en argent, du poids d'une livre 8 scrupules (environ 336 grammes). L'inauguration eut lieu le jour anniversaire de la naissance du César, qui se trouvait être en même temps le premier jour des Mégalésies romaines ; Eutychion fît distribuer à chacun des confrères le pain, le vin et un denier. Les bases en marbre, qui portent l'inscription dédicatoire, et les plaques de marbre blanc, sur lesquelles est gravé l'album, racontent la modeste histoire de la pieuse confrérie. *) C'était le cas à Ostie, où l'on serait tenté de croire aussi, malgré l'inscr. 285, qu'ils utilisaient la schola des Dendrophores. *) _CIL._ 14, 34-37, 116-119. Comme toute famille, celle-ci a non seulement son toit, mais encore sa sépulture. Elle se charge des funérailles de ses membres. La fraternité des Cannophores continue dans le tombeau. Ils y demeurent sous la protection de Cybèle et d'Attis, qui promettent à leurs fidèles une heureuse immortalité. ## 2\. Si les Cannophores de la Mère des Dieux, comparables aux Nartécophores de Bacchus, se sont enfermés dans leurs attributions religieuses, s'ils ont humblement vécu à l'ombre du temple, sans faire beaucoup parler d'eux, tout autre fut la destinée des Dendrophores.* *) Le travail le plus complet sur les Dendrophores est le chapitre que leur consacre Waltzing dans son _Étude historique sur les corporations professionnelles chez les Romains_, Louvain, 1893, 1, p. 240 ss ; bibliogr., p. 241 ; les inscr. relatives au collège sont groupées t. 3. Voici la liste des villes où il est l'ait mention de Dendrophores : Italie. Roma, _CIL._ 6, 644, 642, 1040, 1925, 29691, 29725, 30973, Orelli 4412 = Waltzing 1377. Latium vetus : Gabii, _CIL._ 14, 2809 ; Ostia 33, 45, 53, 67, 69-71, 97, 107, 280-83, 295, 309, 324, 364, 409 ; Tuseulum 2634. Regio 1 : Cumae, 10, 3698-3700 ; Puteoli (Pouzzoles) 1786, 1790 : Suessula 3764 ; Signia (Segni) 5968 ; Verulae (Veroli) 5796. Regio 2 : Ligures Baebiani, chez les Hirpins, 9, 1459, 1463 ; Volturara (nom moderne), en Apulie, 939. Regio 3 : Atina, 10, 8100 ; Eburum (Eboli) 131 : Regium (Reggio) 7 : Voleci 8107-8. Localité inconnue de Lucanie, près de Laviano, haute vallée du Silaris, 445. Regio 4 : Antinum, chez les Marses, 9, 3836-37, 3842 ; Anxanum, chez les Frantans (Lanciano, près de Chieti), 2998 (les Dendr. sont certainement compris dans les _collegia omnia_) ; Alba Fucensis, chez les Eques, 3938 : Carsioli, 4067-68. Regio 5 (Picenum) : Falerio, 9, 5438-39. Regio 6 (Umbria) : Asisium (Assise), 11, 5416 ; Fanum Fortunae (Fano) 6231, 6235 ; Mevania (Bevagna) 5054 ; Ocriculum (Otrieoli) 4086 ; Pisaurum (Pesaro) 6362, 6378 ; Sassina (Sarsina) 6520 ; Sentinum (Sassoferrato) 5749 ; Urvinum (Urbino) 6033, 6070. Regio 7 (Etruria) : Faesulae (Fiesole), 11, 1551-52 ; Luna 1355. Regio 8 (Aemilia) : Ariminium (Rimini), 11, 377, 6378 ; Parma 1059. Regio 9 (Liguria) : Dertona (Tortona), 5, 7375. Regio 10 (Venetia, Histria) : Bellunum, dans Cagnat, _Ann. épigr._ 1888, 132 = Waltzing 452 ; Berua, _CIL._ 5, 2071 ; Brixia (Brescia) 4341, 4388, 4418, 4449, 4477, 4484 ; Feltria 2071 ; Patavium (Padoue) 2794 ; Pollentia 7617-18 ; Verona 3312 ; Aquileia, 5, 1012 ; Pola 56, 81, 82 add. = Waltzing 408. Regio 11 (Transpadana et Alpes marit.) : Bergomum (Bergame), 5, 5128, 5135 ; Comum 5275, 5296 ; Mediolanum (Milan) 5465, 5840, 5902 ; Cemenelum (Cimiez) 7881, 7904-5, 7920. Gaules. Narbonnaise : Massilia, 12, 411 ; Nemausus (Nîmes) 5953 add. ; Valentia 1744 ; Vienna 1878, 1917. Lugdunaise : Lugdunum, 13, 1723, 1751-52, 1921, 1961, 1974, 2026 ; Venetonimagus (Vieu en Val-Romey) 2543. Germanie sup. Amsoldingen, 13, 5153. Dalmatie. Salona, 3, 8823. Pannonie. Igg, 3, 10738 ; Siscia (Sissek) 10858. Dacie. Apulum, 3, 1217. Mésie Inf. Gergina, 3, 7516 ; Tomi 763 et _Arch. ep. Mitt._ 11, 1887, p. 44 s ; Troesmis, _CIL._ 3, 7505. Afrique. Proconsulaire : Carthago, _CIL._ 8, 12570 ; Thugga 15527. Byzacène : Mactaris, dans Cagnat, _Ann. épigr._ 1892, 18 ; 1897, 121. Numidie : Cirta, _CIL._ 8, 6940-41 ; Rusicade (Philippeville) 7956 et p. 1878 Thamugadi (Timgad) 17907. Maurétanies : Caesarea (Cherchell), 8, 9401, 21070 ; Sitifis (Sétif) 8457 = 20343. Les Dendrophores n'admettent des femmes que parmi les dignitaires. Ils se recrutent aussi dans la plèbe urbaine. Les membres effectifs sont des affranchis, quelquefois même des esclaves. En parcourant les albums retrouvés en Italie, on rencontre un nombre considérable de surnoms étrangers. Sur un fragment de liste d'Ostie, nous relevons ceux d'Asiaticus, Evaristus, Eucaerus, Eutrapeles, Herma, Oceanus, et le cognomen d'Ostiensis, qui doit désigner un ancien esclave public. A Cumes, en 251, voici Archilaus, Chorintus, Cyricius, Eutyches, Irenicus, Polybius, Seleucus, Syntropus et, à une date indéterminée, Evhodus, Heraclida, Herma, Phillius. A Luna, voici les frères Herennius Demetrius et l'esclave Fortunatus. Beaucoup de confrères ont échangé leur nom grec contre deux noms romains, tel Marcius Faustus, à Alba Fucensis ; mais l'absence d'une troisième dénomination suffit pour caractériser leur origine. A Lyon, L. Sabinius Cassianus dissimule sous un nom entièrement romanisé sa naissance servile. Les marchands de bois s'enrôlèrent volontiers dans une confrérie vouée au culte de l'arbre-dieu. Ils avaient eu d'abord pour saint patron Silvain forestier et dendrophore,* qui porte, comme Attis, le bonnet phrygien* ; ils lui ajoutèrent ou lui substituèrent le saint Attis et se mirent désormais sous la protection de la Mère des Dieux.* La confrérie métroaque se confondit avec la corporation industrielle, qui prit le nom de collège ou corps des Dendrophores.* Cette fusion est l'œuvre du gouvernement impérial. Elle date du 1er siècle ; elle est antérieure à Trajan et remonte sans doute à la réorganisation du culte sous le principat de Claude.* Elle ne s'étendit pas à tout l'Empire. En Orient, et d'une façon générale dans les pays grecs, les Dendrophores n'ont jamais formé qu'un collège exclusivement religieux, aussi modeste que celui des Cannophores en Occident. Au début du 3e siècle, à Tomi (côte septentrionale delà mer Noire), ils sont encore organisés sur le modèle des antiques thiases d'Asie-Mineure et de Grèce. Les ingénus y fraternisent avec les affranchis dans une dévotion commune ; Basilicos, fils d'Alexandros, voisine sur l'album avec Flavius Symphoros et P. Aelius Hermerôs. En Anatolie, les membres des meilleures familles n'étaient-ils point affiliés à quelque confrérie de Cybèle ? Mais il ne faudrait pas croire à une prédominance des traditions religieuses de l'Orient. Ne voyons ici qu'un effet de la politique romaine. Les princes les plus libéraux se refusent à autoriser dans les provinces orientales toute association professionnelle. Trajan défend au gouverneur de Bithynie de fonder un corps de charpentiers-pompiers dans son chef-lieu. Il lui rappelle combien, là-bas, de tels collèges sont dangereux pour l'ordre public : « quelque nom qu'on leur donne, quel que soit le motif de leur établissement, ils deviennent des hétairies, » c'est-à-dire des factions.* Cette défiance faisait peser la même interdiction sur l'Afrique. On n'y a découvert aucun vestige de grandes corporations industrielles ; et les Dendrophores n'y paraissent vivre que dans la fréquentation des mystes d'Attis. C'est en Italie, en Gaule, en Dalmatie, dans les provinces danubiennes, peuplées de colonies romaines, que leur confrérie est subordonnée à la corporation. Aussi manifestent-ils particulièrement leur vitalité dans les centres propices au commerce et à l'industrie du bois. Ils prenaient une importance exceptionnelle dans les ports, comme Ostie, Pouzzoles, Luna, Pesaro, Rimini, Aquilée, Pola, Marseille, ou dans les villes de commerce fluvial, comme Vienne, Lyon, à cause des chantiers de construction navale. Ils y sont, du reste, en relations avec le monde des charpentiers, des patrons de barques, des commissaires de la navigation, des armateurs.* Leur collège est prospère dans les régions boisées, à proximité des montagnes dont on exploite les vastes forêts: en Suisse, à Amsoldingen, qui avait aussi sa corporation de charpentiers ; au pied des Alpes,* à Bellune, Feltre, Vérone, Brescia, Bergame, Côme, Milan, Cimiez. Sans quitter l'Italie, nous le retrouvons florissant au pied de l'Apennin ligurien, à Tortona ; sur le versant oriental de l'Apennin toscan et romain, à Sassina et Sassoferrato ; dans le massif de l'Ombrie, à Bevagna, Urbin et Assise ; sur les monts Albains, à Segni et Veroli ; dans la haute vallée du Liris et près des bois qui entouraient le lac Fuein, à Antinum, Alba, Carsioli ; sur les contreforts du Matese, que couvrent encore les maquis* ; dans la haute vallée du Frento (Fortore)* ; dans celle du Silarus (Sélé), que domine le mont Alburne, « tout vert de chênes rouvres, » dit Virgile* ; au pied des forêts calabraises, à Reggio. *) _Cultores Silvani Sancti D(endrofori)_, à Rome en 97, _CIL._ 6, 642 ; cf. en Lucanie, sous Domitien, _cultores Silvani_, 10, 444. Silvain dendrophore dans Virg., _Georg._ 1, 20 : « tenerum... ferens, Silvane, cupressum. » Sur le culte de Silvain par les marchands de bois, Visconti dans _Annali_ 1868, p. 366 ss. De Boissieu, _Inscr. de Lyon_, 1846-54, p. 412, émet cette idée que Silvain fut d'abord leur unique patron, puis céda le premier rang à Cybèle et Attis : idée reprise par Mauer, _Vereine_, p. 21. Sur les rapports de Cybèle et de Silvain, cf. _CIL._ 14, 53, _signum Silvani_ dans la schola des Dendr. d'Ostie ; 9, 3375 = Buecheler, _Carm. Epigr._ 250 : « Magne deum, _Silvane potens_, sanctissime pastor, qui _nemus Idaeum_ Romanaque castra gubernas. » *) Cf. un relief d'Aquineum, _Arch. ep. Mitt._ 7, 1883, p. 86. *) _CIL._ 8, 7956 et p. 1878 : « sancto Attidi sacrum genio dendrofororum. » A Rome, dès le 2e s., ils ont pris le titre officiel de _collegium dendrophor(or)um Matris Deum M. I. et Attis_ : 6, 30973. *) Le nom de dendrophores, appliqué à des gens de métier, ne se comprendrait guère s'il ne leur venait pas de leur rôle religieux. La qualification de corpus que nous trouvons à Marseille et Pouzzoles indique, du moins au 4e s., un collège obligatoire. *) Cf. supra, p. 115, n. 7, le passage important de Lydus. *) Plin., _Ep._ 10, 33. Le mot d'hétairie paraît correspondre, en général, à celui de _collegium illicitum_. *) A Ostie, p. ex., ils sont cités à côté des _corporati curatores navium marinarum et navium amnalium_, _CIL._ 14, 364, des _corporati scapharii et lenuncularii_, 409. A Pesaro, 11, 6362 : « coll(egia) fabr(orum), cent(onariorum), navic(ulariorum), dendr(ofororum) ; 6378 : « patrono collegiorum fabr. cent. dendr. _navie._ etc. » *) Sur les forêts delà Cisalpine, Strab. 5, 1, 12 ; de la Tyrrhénie (Luna) « qui fournissent à toute l'Italie la plus grande quantité des bois de construction et les poutres les plus droites et les plus longues » 5, 2, 5 ; des monts Pisans, « dont le bois est particulièrement propre aux constructions navales » _ibid._ ; des environs de Rome 5, 3, 7 ; de l'Ombrie, Liv. 28, 45. *) _CIL._ 9, 1459, 1463, macchia di Reino, près du munie Mutrio. contrefort S. E. du massif du Matese. *) _Ibid._, 939. *) Virg., _Georg._ 3. 146 : « est lucos Silari circa, ilicibusque virentem... Alburnum. » Un certain nombre de confrères étaient agents du domaine forestier des Césars.* On rencontre en effet parmi les Dendrophores d'Italie et de Gaule plusieurs affranchis impériaux. A Rome, le confrère Eutyehès, qui meurt en l'an 107, est un affranchi de Trajan* ; un président du même collège se nomme Ti. Claudius Chresimus.* A Vienne, Ti. Julius Diadochus descend d'un esclave impérial, à moins qu'il ne soit l'affranchi d'un affranchi d'empereur. A Lyon, un Dendrophore assez riche pour offrir à la ville une libéralité de 240.000 sesterces, c'est-à-dire d'à peu près 64.000 francs, est l'affranchi d'un César Flavien. A Luna, on lit même sur l'album le nom d'un esclave du prince régnant. *) De Boissieu, _Inscr. de Lyon_, p. 414, supposait que les Dendr. Augustaux étaient les agents des forêts appartenant au domaine privé des princes. *) Waltzing, 1377. *) _CIL._ 6, 29691. Enfin la corporation avait le droit, sous certaines réserves, de s'adjoindre des membres étrangers au métier ; le cas est prévu parla loi.* Deux présidents, à Rome, sont marchands de perles* ; un Dendrophore d'Alba Fucensis est maître queux ; un Dendrophore de Pola est foulon. Le personnel du collège pouvait donc atteindre un chiffre assez élevé, même dans les petites localités. A Cumes, en 251, il est de quatre-vingt-sept ; une liste de Luna comporte une trentaine de noms, mais doit être incomplète. Un album d'Ostie, rédigé vers l'an 200, contient les noms de cinq patrons et de vingt-cinq dignitaires, ce qui laisse à supposer que le collège comptait au moins une centaine de membres. Aussi bien voyons-nous que, dans une ville tant soit peu importante, un corps de cent cinquante charpentiers passait pour constituer une association peu nombreuse.* *) Le Digeste, 50, 6, 5, 12, déclare que les corporations qui obtiennent des privilèges attachés à l'exercice du métier peuvent recevoir des étrangers, mais (pie seuls les artisans jouissent de l'immunité. *) Tuticius Hylas, _CIL._ 6, 1925 ; M'. Poblilius Hilarus, 30973. *) Plin., _l. c._ Ainsi que les autres collèges, les Dendrophores se recrutaient sans doute par _adlectio_. Mais le droit à la dendrophorie, considérée comme élément d'un culte officiel, exige un mandat qui les met sous la dépendance immédiate des municipalités. Le titre même par lequel ils se désignent, sur les documents publics, paraît bien exprimer l'appartenance légale du collège à la ville et rappelle celui que prennent les prêtres municipaux de la Grande Mère. Ils se disent les Dendrophores des habitants d'Ostie, des habitants de Pola, de la colonie de Milan ou d'Apulum, du municipe de Sassina ou de Bergame. La simple mention de la résidence est très rare.* Il faut donc admettre que les autorités communales intervenaient dans le fonctionnement de cet organisme. Mais nous ignorons l'étendue de leur intervention. Un décret du conseil municipal était la première formalité nécessaire pour rendre licite la fondation du collège. Ce décret, avec les statuts des confrères, était transmis ensuite au pouvoir central. Car aucune association n'est licite si elle n'est spécialement autorisée par le Sénat ou par le Prince* ; et la loi Julia, qui réglementait le droit de s'associer, reste en vigueur jusqu'à la fin de l'Empire. Mais la Curie locale devait-elle aussi ratifier le choix de tous les nouveaux membres ? Existait-il une procédure spéciale à l'égard de ceux qui n'étaient pas du métier ? Un Dendrophore de Rusicade, en Numidie, s'intitule _decretarius_* ; le décret en question émane-t-il du sénat de la colonie ou simplement de l'assemblée collégiale ? Devait-on soumettre toutes les décisions de cette assemblée à l'approbation du dit conseil ? En 196, les Dendrophores de Pouzzoles le consultent sur la formule de dédicace d'une statue ; mais cette mesure s'explique sans difficulté, si le monument doit s'élever sur une place publique, _loco dato decreto decurionum_. Nous ne sommes pas mieux renseignés sur les rapports de la confrérie avec les bureaux du Quindécemvirat, qui centralisaient les affaires du culte métroaque. Les Dendrophores sont officiellement, _sub cura 15virorum_.* Probablement l'administration municipale transmettait à la chancellerie le compte rendu de leur situation financière et la consultait en cas de conflits. *) Elle semble indiquer que la corporation renferme des individus étrangers à la cité. Elle n'apparaît que dans certaines villes comme Lyon (_CIL._ 13, 1752, _dendr. Luguduni consistentes_, en 190), dont le commerce était en partie aux mains des gens du dehors. Cf. Maue, _Vereine_, p. 49 ; Mommsen dans _Westd. Korresp. Blatt_, 8, 1889, p. 23 (il faudrait dir _dendr. Lugudunenses et Luguduni consistentes_ ; il y avait les deux éléments) ; Waltzing 2, p. 180 (résidence de fait dans la ville, non appartenance légale par la naissance). *) Les formules _ex S. C. dendrofori creati qui sunt et dendrofori quibus ex [S. C. coire licet]_, à Cumes, _quib(us) ex S. C. coire licet ou p(ermissum) est_, à Rome et à Cimiez, sont expliquées par cette autre, _CIL._ 6, 2193 : _quibus Senatus coire, convocari, cogi permisit e lege Iulia ex auctoritate Augusti_. Il ne s'agit donc pas ici du sénat local. Sur cette loi qui réglait sévèrement le droit d'association et interdisait, entre autres, les confréries vouées aux cultes exotiques, v Waltzing 1, p. 115 ss. C'est aux kalendes d'août que les Dendr. de Rome fêtaient le _natalis collegii_. *) L'interprétation _ex decreto 15virorum Urbis Romae_, qui figure au Corpus, n'est guère vraisemblable ; cf. à propos d'un décret du collège, _exemplum decreti_ : 5, 56. *) _CIL._ 10, 3699. La surveillance des collèges appartient au gouverneur, dans les provinces. Quelle qu'ait été l'ingérence du pouvoir central et des pouvoirs municipaux, elle ne constituait pas une mise en tutelle. Les Dendrophores conservent, comme toutes les associations reconnues, la capacité de recevoir des legs et des donations,* de gérer leurs deniers, de choisir leurs administrateurs et leurs patrons. Leurs magistratures sont celles de tout collège romain. Ils ont des présidents ou maîtres,* des curateurs chargés de la gestion des finances, de l'exécution des décrets, de l'inspection des travaux* ; ils ont leurs questeurs, qui sont les comptables. Ces magistrats sont annuels, même les curateurs gratifiés du titre de perpétuels, même les présidents, malgré leur titre de quinquennaux ; mais ils sont rééligibles. Les dignitaires sortis de charge deviennent des _Honorati_ et constituent un ordre. Quand de riches patrons acceptent la présidence, ils se font parfois suppléer dans leur office par des « _officiales_.* » Ailleurs nous trouvons un « recteur quinquennal, » choisi parmi les patrons.* Il est une seule fois question d'un préfet. Mais il ne s'agit pas ici d'un fonctionnaire délégué par l'empereur, le gouverneur ou le municipe ; ce préfet est encore un élu du collège.* Les Dendrophores tiennent des réunions plénières, des « convents, » où ils discutent leurs intérêts, règlent les affaires courantes, nomment leurs dignitaires, votent des distinctions aux membres qui les ont méritées ou dont ils escomptent la générosité. Ils peuvent accorder la perpétuité des magistratures, purement honorifique, la double part de sportules, le droit de s'asseoir sur un _bisellium_, le titre de _munificus_, l'immunité ou exemption des cotisations mensuelles,* privilège qui procure en même temps l'avantage de figurer à part sur l'album ; ils peuvent décerner des statues.* Ils se créent aussi toute une famille de pères, de mères, de filles* : gens de leur condition, confrères plus vénérables qu'ils veulent honorer pour leur dévouement ou leur piété, femmes ou proches parentes de confrères, qui sont leurs bienfaitrices, jeunes affranchies dont ils se font les protecteurs ; sur l'album on inscrit ces privilégiés après les _immunes_. *) Capital de 10.000 sesterces aux Dendr. de Rome, _CIL._ 6, 1925 ; de 1000, Waltzing 1377 ; deux fois de 1000 à ceux de Brescia, _CIL._ 5, 4418, 4449 ; de 4000 à ceux de Milan, 5840 ; de 8000 à ceux d'Eboli, 10, 451 ; de 6000 à ceux de Sarsina, 11, 6520. *) Sur les fonctions de ces _magistri_, qui ne sont pas seulement religieuses, v. Waltzing 1, p. 389. *) C'est à ce titre que leurs noms figurent sur les bases des statues élevées par le collège ou encore sur le frontispice de la schola. Ces fonctions sont généralement confiées à des notables ; cf. 13, 1961 ; 14, 281. *) _CIL._ 5, 4449. *) _CIL._ 10, 5968. *) _CIL._ 14, 2634 : « honorem oblatum a collegio. » *) _CIL._ 13, 2026 (_quaestor duplicarius_), 11, 1355 (_bisellarius_) ; 12, 1917 (le _munificus_ avait peut-être donné des jeux en l'honneur des Dendr.) ; 6, 642 ; 10, 3764 ; 14, 107 (_immunes colleqii_). *) _CIL._ 5, 56, 4341 ; 8, 17907 ; 9, 1459, 3836-37, 3842, 4067-68, 5439 ; 10, 451, 5968 ; 14, 2809. *) Ex. à Luna, Ostie, Tomi. Les Dendrophores ont leur maison ou salle corporative, la _Schola_, dont la ville a parfois concédé l'emplacement et qu'ils ont construit le moins souvent possible à leurs frais. Dès le début du 2e siècle, ceux de Rome siégeaient au Cælius, dans la basilique Hilarienne, que leur avait offerte un de leurs présidents ; la basilique perpétuait le nom de ce bienfaiteur, M'. Poblilius Hilarus, bijoutier de profession. A Tusculum, au 1er siècle, c'est la municipalité qui a donné le terrain. Les confrères y bâtissaient une _Schola_ modeste quand un haut personnage, membre du sénat local, la fit agrandir et achever de ses deniers. Ils venaient, à vrai dire, de provoquer sa générosité en lui conférant .la magistrature suprême du collège. A Cimiez, un président se charge de faire paver la _Schola_, construire un vestibule et dresser l'autel des sacrifices.* Mais à Fiesole, quand ils veulent ajouter un portique « pour leurs commodités, » ils sont obligés de recourir à leur propre caisse. *) Sur la présence de l'autel, autres ex. dans Waltzing 1, pp. 213 et 222 ss. Cette grande famille possède également son champ de sépulture, dont bénéficient les confrères pauvres. Toute corporation se double, en effet, d'un collège funéraire ; et les Dendrophores prennent parfois le titre caractéristique de _Cultores_.* Ceux de Pola reçoivent d'un prêtre de la Mère des Dieux un _locus cum sepultura_ de 42 pieds carrés. Ceux de Volceii, en Lucanie, partagent leur terrain funéraire avec une sodalité de _Geniales_. Sur le cippe qui surmonte chaque tombe, on grave le nom du collège avec celui du défunt. Tantôt l'association supporte les frais des funérailles et du monument* ; tantôt elle y contribue par un secours aux familles.* Les confrères plus aisés, qui possèdent un tombeau familial ou personnel, lui laissent volontiers des capitaux pour fondations d'anniversaires de deuil. C'est ainsi qu'à Rome les Dendrophores sont tenus d'honorer la mémoire d'un ancien président par une cérémonie et un banquet annuel. Ils y affectent les rentes de dix mille sesterces (2.680 francs environ), octroyés à cet effet. Ils doivent s'acquitter de ce pieux devoir durant les _Parentalia_, qui sont la principale fête des morts (13-21 février) ; sinon, passé le délai du 23 février, ils perdront le capital, dont profitera le trésor du peuple romain. En l'an 107, un confrère leur avait déjà versé 1.000 sesterces pour une fondation semblable. A Sassina, une citoyenne romaine, prêtresse de la Diva Marciana et femme d'un Augustal, lègue aux Dendrophores, aux Cannophores et à une autre confrérie du municipe 6.000 sesterces : « je les commets à votre bonne foi collégiale, pour que, du revenu de 4.000 sesterces, tous les ans, le 12 juin, jour anniversaire de ma naissance, vous partagiez entre vous l'huile et que, du revenu des deux autres milliers, vous honoriez mes Mânes. » *) Ex. à Antinum, chez les Marses. *) _CIL._ 5, 5296 ; 9, 939, 1468 ; 10, 8100, 8107-8. *) _CIL._ 10, 445. Si l'association religieuse ne s'était doublée d'une association professionnelle, combien eût été moins brillante la destinée de la confrérie ! Dans l'Italie septentrionale, on parle souvent des « trois collèges, » qui constituent le principal groupe des corps de métiers. Les Dendrophores y figurent à côté des _Fabri_, qui sont les ouvriers du bâtiment, et des _Centonarii_, qui paraissent tirer leur nom des bâches (_centones_) utilisées pour l'extinction des incendies.* Les trois collèges ont très souvent les mêmes patrons. Ils ont parfois les mêmes chefs. Ils sont l'objet de libéralités communes et se cotisent pour des œuvres communes. C'est la communauté des charges qui détermine les intérêts communs. Il semble en effet certain, malgré l'absence de preuves directes, que les Dendrophores coopéraient avec les Fabres et les Centonaires au service municipal des incendies.* C'est pour ce motif sans doute que Constantin prescrit en 315 d'adjoindre partout ce collège aux deux autres afin d'augmenter leur effectif.* D'autres obligations étaient probablement imposées aux Dendrophores par les villes et par l'État, lequel possédait la majeure partie des forêts de l'Empire. Peut-être exigeait-on d'eux la coupe et le transport gratuit du bois nécessaire au chauffage des thermes,* ou à la construction des édifices publics, ou à la marine impériale. En revanche, on leur accordait certaines immunités fiscales ou juridiques.* *) Ex. à Falerio, Sentinum, Rimini, Pesaro, Sassina, Parme, Feltre, Brescia, Vérone, Cimiez ; cf. Nîmes, Lyon, Salone, Apulum etc. Les trois collèges sont déjà groupés à Milan au temps de Trajan. *) Bibliogr. de cette question dans Waltzing 2, p. 195. A Rome, les Dendr. n'ont pas celte charge, qui incombe aux vigiles. *) Cod. _Theod._ 14, 8, 1. *) Question controversée ; Hirsehfeld, _Gall. Stud._ 3, p. 12 ; Maue, _Vereine_ p. 21, n. 11 ; Waltzing 1, p. 242. *) On est mal renseigné sur la nature des immunités dont jouissaient certaines corporations d'utilité publique ; les principales étaient l'exemption de charges municipales et de la tutelle ; les Dendr. de Brescia jouissent d'une immunité non spécifiée, _CIL._ 5, 4341. Mais la véritable compensation de ces charges est le grand crédit dont jouissent les Dendrophores dans la cité. Les trois collèges ne sont jamais confondus avec le reste de la plèbe urbaine. Ils sont nommés à part ; ils reçoivent, les jours de distribution publique, des sportules plus considérables. Dans la hiérarchie municipale ils sont classés aussitôt après l'ordre augustal, qui forme l'aristocratie du monde plébéien. Mais il arrive souvent que des Dendrophores sont en même temps Sévirs Augustaux. Nous en connaissons de nombreux exemples à Ostie, Gabies, Pouzzoles, Alba Fucensis, Milan, Brescia, Lyon, Vieu en Val Romey. Volontiers aussi les Dendrophores élisent des Sévirs à la présidence.* A Lyon, Munatius Félix est curateur des deux collèges. Les Augustaux font preuve d'une considération particulière pour les Dendrophores. Le 1er Juin 197, l'ordre augustal de _Verulæ_ inaugurait la statue d'un décurion, son protecteur. La cérémonie se termina, comme toujours, par un festin ; et le héros de la fête en paya les frais. Décurions et Augustaux purent banqueter à dix deniers par tête ; le reste du peuple ne toucha qu'un denier par homme ; mais les Dendrophores reçurent trois deniers, le pain et le vin. Ailleurs, eux-mêmes s'intitulent Dendrophores Augustaux,* comme s'ils assuraient le service d'un culte impérial ; et ce titre officiel les pare d'un éclat emprunté à la majesté du souverain. Du reste aucun collège, aucune confrérie ne manifeste plus de dévouement et de dévotion aux empereurs. Ils élèvent des statues et des bustes à l'Auguste, dédient son portrait dans leur salle corporative,* associent son _numen_ à celui des Tout-Puissants qu'ils adorent,* consacrent des autels en l'honneur de la « Maison Divine, » offrent en corps ou isolément des sacrifices pour le salut du prince et de sa famille.* Ces témoignages constants de loyalisme, l'étroite union des Dendrophores avec les Sévirs, leur droit, en certaines villes, à l'augustalité, la présence d'affranchis impériaux parmi les confrères, tout porte à croire que la protection impériale leur était spécialement acquise. Elle se mesurait sans doute aux services qu'attendait d'eux l'État ; mais elle pouvait être une conséquence de la faveur dont jouissait le culte auprès de beaucoup d'empereurs et surtout d'impératrices. Les Dendrophores de Rome et d'Ostie paraissent avoir été les protégés directs des Antonins et des Sévères. Partout le collège obtient l'appui des représentants et délégués du prince, gouverneurs de provinces,* procurateurs, juges régionaux (_Juridici_), gouverneurs de villes (_Præsides_), inspecteurs-contrôleurs des finances municipales (_Curatores rei publicæ_). A Brescia, au début du 3e siècle, il vote une statue au _Juridicus_ de la région transpadane, personnage consulaire, qui a fait confirmer ses privilèges. Dans l'enceinte même de la commune, les Dendrophores ne manquent point d'illustres patronages. Ils peuvent toujours inscrire en tête de l'album les noms de quelques hommes opulents et influents, dont la libéralité leur est aussi précieuse que le crédit : patrons de la ville, patrons des Augustaux, patrons des autres grandes corporations, chevaliers romains, négociants enrichis, affranchis parvenus. Mais ils comptent avant tout sur l'assistance des citoyens qui occupent les dignités municipales. Parmi leurs patrons il y a toujours des membres de la curie, des magistrats municipaux, duumvirs, décurions, préteurs, édiles, questeurs du trésor, curateurs du registre des comptes, curateurs des approvisionnements de blé, des prêtres municipaux, pontifes, augures, flamines, clergé de la Mère des Dieux. Ils ont pour patronnes des femmes de décurions, des prêtresses de _Divæ_. Quelques-uns de ces patrons acceptent même la présidence. Le monde officiel a des égards pour le « très honorable* » et puissant collège. *) Ex. à Ostie et Brescia. *) Ex. à Lyon et Amsoldingen ; cf. Beurlier, _Culte rendu aux empereurs_, 1890, p. 258. *) Ex. à Ostie, _CIL._ 14, 97 (Antonin le pieux), 107 (L. Aurelius Verus) ; Thugga en Afrique (Alexandre Sévère ? ). *) Les Dendr. d'Ostie dédient leur schola « Numini domus Aug., » _ibid._ 45. *) Ex. à Valence, Lyon, Tomi. *) Ex. à Tomi, au début du 3e s. *) _CIL._ 10, 1786 : « honestissimum. » Aussi voyons-nous s'exalter chez les Dendrophores l'orgueil corporatif et le patriotisme local. Ils ne se contentent pas d'associer la prospérité de leur ville au salut de l'empereur dans leurs prières et leurs sacrifices. S'agit-il d'élever un monument à quelque bienfaiteur de la cité ? Ils sont parmi les premiers souscripteurs. Parfois, avec les deux autres collèges, ou même avec un seul, ils se font les interprètes de la population et supportent tous les frais. Un _Juridicus per Flaminiam et Umbriam_ s'était donné beaucoup de mal pour prévenir une disette dans le pays ; ce furent les trois collèges des villes soumises à sa juridiction qui lui élevèrent une statue dans Rimini. Chez les Ligures Bæbiani, un vétéran de Marc Aurèle et de Vérus, décurion de son municipe, n'avait cessé de prouver un exemplaire attachement h ses concitoyens ; ce furent les Dendrophores qui s'unirent aux Fabres pour l'honorer d'une statue. A Antinum, chez les Marses, ils se joignent aux Centonaires pour en offrir une à Q. Novius Félix, membre important de l'aristocratie régionale, patron du municipe. D'autre part, quelques-unes de leurs fêtes domestiques deviennent facilement celles de la cité tout entière. Quand ils érigent la statue d'un généreux patron, c'est très souvent sur le forum ou sur un terrain public mis à leur disposition par la municipalité. Le jour de la dédicace est un jour d'allégresse générale ; toute la ville prend part à la cérémonie et même au banquet. Dans le petit municipe d'Eburum, on se souvint longtemps d'un certain 28 mars. Le personnage qu'immortalisait le marbre des Dendrophores distribua des sesterces à tout le monde, 20 (environ 5 fr. 33) à chaque autre patron et aux anciens magistrats, 18 (4 fr. 80) aux décurions, 12 (3 fr. 20) aux Augustaux, quelques-uns seulement, mais avec des portions de viande, à chaque homme de la plèbe ; il donna un millier de sesterces à son collège, autant aux Fabres, et invita tous les confrères à un festin. A Antinum, dans des circonstances analogues, Tin patron remit à chaque Dendrophore 12 sesterces pour le repas public ; mais en même temps chaque décurion en recevait 9, chaque sévir 6, chaque homme de la plèbe urbaine 4. Les fêtes religieuses du collège ne pouvaient être moins belles que ses fêtes civiques. Les confrères n'oublient pas qu'ils sont les Dendrophores de la Mère des Dieux et d'Attis. Ils ont à cœur de se montrer dignes du couple divin qui les prend sous sa tutelle, dignes aussi de la cité dont ils sont les mandataires. Ils organisent avec apparat leur procession de l'_Arbor intrat_ et figurent, précédés de leur bannière,* au cortège des _Hilaria_. On les voit aux principaux tauroboles ; eux-mêmes en font célébrer à leurs frais.* Insignes bienfaiteurs du sanctuaire, ils l'ornent d'ex-voto et y consacrent des statues à leur génie Attis.* Si le temple est ravagé par un incendie, volontiers ils contribuent de leurs deniers à sa restauration, à sa décoration picturale et à l'achat de nouvelles images cultuelles. S'agit-il de remplacer le matériel usé, de remettre à neuf le char de la déesse, ils apportent leur cotisation.* Aussi ne peut-on leur refuser certains privilèges. L'un d'eux, à Ostie, en 203, désira placer dans le _Campus Matris Deum_ l'image de son fils, un petit enfant qu'il venait de perdre ; le Curateur des édifices sacrés lui en accorda l'autorisation.* En général, ils installent leur _Schola_ dans l'enceinte ou à proximité du Metrôon ; et quand la confrérie des Cannophores est trop pauvre, ils lui offrent l'hospitalité. Ils se plaisent à l'ombre sacrée du temple, dans la compagnie des Religieux et des Initiés.* Il leur arrive d'v voisiner avec Mithra, qui parfois venait chercher asile auprès de l'Idéenne ; quelques-uns finissent par associer les deux religions : un Dendrophore de Milan occupe le grade de Lion dans la hiérarchie mystique des Mithriastes. Quand leur local corporatif est situé dans une autre partie de la ville, il comprend une chapelle. Parfois même il a, comme à Cimiez, l'aspect d'un petit temple, avec pronaos.* Dès l'entrée, sur la mosaïque du sol, on lit de pieuses maximes qu'accompagnent des symboles.* Nombreuses sont les statues et les statuettes divines, en marbre, en bronze, en argent, dons de patrons, d'honoraires, de pères, de mères, de confrères, de prêtres, d'_apparatores_. Aux côtés de Cybèle, d'Attis et de Silvain Dendrophore, on aperçoit Terra Mater,* Castor et Pollux,* que la théologie métroaque transformait en acolytes de la Grande Mère, Mars,* dieu printanier, rapproché par les Romains de leur Dame des Victoires, Virtus, qui est identifiée à Bellone,* des divinités topiques,* sans parler des empereurs et des _Divæ_. Le Collège a ses autels propres, majeur et mineur, où les présidents en toge blanche peuvent brûler l'encens et répandre le vin.* Les « Pères » et les « Mères » ont-ils aussi des attributions religieuses, comme dans les Orgéons, dans les thiases bachiques, dans les communautés mithriaques, isiaques, syriennes et juives, comme enfin dans les dendrophories grecques, où le Père prenait rang aussitôt après le prêtre, avant l'Archidendrophore ? On n'en peut douter puisque certaines Mères portent le titre de _Matres sacrorum_.* A Ostie, un même personnage est _Pater et Sacerdos_.* Les confrères entretiennent d'excellentes relations avec le clergé. Ils l'invitent à leurs fêtes intimes,* consultent l'Archigalle,* inscrivent des prêtres sur la liste de leurs patrons, en nomment à la présidence du collège,* leur élèvent même quelquefois des statues avec la dédicace : « au plus digne.* » Le personnel du sacerdoce, il est vrai, se recrute souvent parmi leurs chefs et leurs membres d'honneur.* Ils participent eux-mêmes à l'élection des _Antistites_, là où elle est confiée à la communauté métroaque.* *) Les bannières des corporations prennent part à toutes les grandes cérémonies ; cf. Treb. Poll., _Gallien._ 8 ; Vopisc., _Aurelian._ 34. Vexillifer des _Fabri_ : _CIL._ 3, 7900. *) A Lyon, Valence et Mactaris ; cf. supra, p. 159, n. 2, _a_, _h_, _y_, _z_, _ee_. *) Ex. à Tomi et Rusicade. *) Ex. à Sétif en 288. *) _CIL._ 14, 324. *) Ex. à Mactaris et Sétif, « una cum religiosis et dendroforis. » *) _CIL._ 5, 7904 : « Aram et pavimentum scholae et pronavi, etc. » *) Ex. à Rome ; cf. infra, chap. 9. *) A Ostie, _CIL._ 14, 67 ; don d'un _Honoratus_, le 19 avril 142. *) Ex. à Cirta, ex-voto d'un curateur du collège. *) A Ostie, 33 ; don d'un Quinquennal et _Honoratus_, 15 mai 143. *) _Ibid._ 69, 70 ; statuette en argent, du poids de deux livres, don d'une _Mater_. *) Le Dieu Nemausus, _CIL._ 12, 5953 et add. *) Cf. le réglement d'un collège de Diane et Antinoüs ; _CIL._ 14, 2112. *) Cf. Cumont, _Mithra_ 1, p. 334, n. 3 ; Waltzing 1, pp. 253, 447 et 524. _Ob honorem sacri matratus_, sur une inscr. de Cologne. A Carthage, dans le culte de Jupiter Hammon, une _mater sacrorum_ est rangée dans la catégorie des _sacerdotes_ : Cagnat, _Ann. épigr._, 1899, 46. *) _CIL._ 14, 70. *) _Ibid._ ; une statue donnée au collège a d'abord été remise entre les mains du prêtre, qui a été invité à faire lui-même la dédicace. *) _CIL._ 13, 1752. *) Ex. à Cumes en 251, _CIL._ 10, 3699. *) Ex. à Cherchell. *) Ex. à Cherchell, à Suessula. *) Ex. à Mactaris. En somme, la corporation ne paraît pas avoir porté tort à la confrérie. Le culte de Cybèle ne put au contraire que bénéficier de cette transformation des Dendrophores. Par le recrutement de son clergé, il s'attachait l'aristocratie locale ; par le recrutement des confréries, il s'attachait la plèbe ; par l'organisation nouvelle de la dendrophorie, il disposait d'un puissant corps de métier. Aucun culte, après celui des empereurs, ne jeta de plus profondes racines dans le sol municipal. Les confréries de Cannophores et de Dendrophores furent officiellement dissoutes en 415. A cette date, une loi de Théodose et Honorius supprime les associations religieuses d'un caractère païen, en leur confisquant trésors et immeubles. Parmi les collèges dont le fisc s'approprie les biens affectés à des œuvres pieuses,* figurent spécialement les Dendrophores. *) « Omnis expensa... ad superstitionem pertinens, ...omniaque loca quae dendrophori... tenuerunt epholis (epulis ? ) vel sumptibus deputata etc. » Mais il est vraisemblable que Théodose laissa subsister la corporation civile avec ses charges civiles. ## 3\. Les Doryphores ou Hastifères ne peuvent être confondus avec les Dendrophores.* Nous voyons les deux collèges coexister séparément en Narbonnaise, à Vienne.* Des compagnies d'Hastifères sont signalées sur le _Limes_ germanique, à Cologne et au Castellum des Mattiaci (Kastel), qui défendait le passage du Rhin en face de Mayence.* Leur nom fait supposer qu'il s'agit de gens d'armes et que ces confréries de la lance constituaient une milice municipale. A Kastel, l'institution paraît avoir pris un caractère officiel entre 224 et 236 ; c'est précisément le temps où les premières invasions commencent à inquiéter les villes rhénanes. Les Hastifères de 224 se disent aussi les _pâtres_ résidant au château ; et ils consacrent un autel au _Numen_ de l'Auguste, le 24 mars, jour du _Sanguis_. On a comparé ces pâtres aux _boukoloi_ des cultes orgiastiques de l'Asie Mineure. Ils porteraient un titre mystique. Pourquoi ne seraient-ils point tout simplement des gardiens de troupeaux ? Dans les pâturages d'une frontière peu sûre, ils échangent la pacifique houlette contre une arme guerrière. Ils adorent la déesse du Courage, tantôt Virtus Bellona, tantôt Juno Virtus. Mais il est naturel de les voir participer aux fêtes d'Attis. Ils se sont mis aussi sous le patronage du dieu pasteur. Sans doute confondent-ils dans la même dévotion Bellone et Cybèle Bérécynthienne, qui parfois emprunte le nom même de Minerve ; en 236, ils restaurent et consacrent à Bellone un mont Vatican, tumulus sacré qui renfermait, ce semble, la fosse taurobolique. A Rome, dans un complot contre l'empereur Commode, les assassins s'étaient déguisés en Doryphores pour se mêler à la mascarade et au cortège des Hilaria. Ces Doryphores dont ils avaient pris le costume et la lance sont-ils les prétoriens du César ou les Hastifères de la Mère des Dieux ? Des confréries d'Hastifères n'auraient-elles pas remplacé, dans le culte métroaque, les fanatiques armés de javelots qui gesticulaient comme des furieux, dit Lucrèce, devant l'image processionnelle ? Même sous l'Empire, les fanatiques de Bellone portent comme insignes le glaive ou la double hache ; et ils ont coutume de lui dédier des hastes.* En Orient, des confrères Corybantes exécutaient aux fêtes de la Mère des Dieux la danse des armes.* Ils figuraient les Corybantes mythiques, dieux guerriers que l'imagerie religieuse conservait encore aux côtés de Rhéa-Cybèle et que les théologiens désignaient comme les Doryphores d'Attis.* Peut-être les Hastifères exerçaient-ils des fonctions rituelles de même ordre. *) Comme le faisait Mommsen ; cf. _Westd. Z., Korresp. Blatt_ 8, 1889, pp. 19 ss, 52. *) _CIL._ 12, 1814 : « Namerius Euprepes magist(er) astiferor(um). » *) _CIL._ 13, 7250 : « Vicanis [hastif]eris Castelli, etc. » ; 7281 : « In h. d. d., Deae Virtuti Bellonae montem Vaticanum vetustate conlabsum restituerunt hastiferi civitatis Mattiacor., etc. » (23 août 236) ; 7317 : « In h. d. d., numini Aug hastiferi sive pastores consistentes Kastello, etc. » (24 mars 224) ; à Cologne : « Genio hastifer(or)um » ; bibliogr. dans Hepding, _op. l._, p. 169. *) _CIL._ 6, 2232. *) Demetr. Skeps. (2e s.) dans Strab., 10, 3, 21. Corybantes à Erythrae, 3e s. avant notre ère ; Dittenberger, _Syll._ 370 ; Michel, _Rec. d'inscr. gr._ 839. Apollonius, _Argon._ 1, 1134, décrit la même danse, exécutée par les Argonautes eux-mêmes en l'honneur de la Dindymène. Le motif paraît être représenté sur une mosaïque noire à fond blanc, dans le Metrôon d'Ostie. *) Julian., _Or._ 5, p. 168 B. Sur l'origine phrygienne du mot Corybantes (Curbantes, dans Callimaque) = les démons dansant, cf. Vanicek, _Fremdwoerter im gr. u. lat._ 1878, s. v. Rome possédait une confrérie de Compagnons Baladins de Cybèle, _Sodales Ballatores Cybelae_.* Ils dansaient devant les autels pendant les sacrifices, et devant les saintes images pendant les processions. L'élément orchestique était fort important dans le culte phrygien. Aussi le mythe essayait-il d'en expliquer l'origine. On contait que la déesse dansait en présence d'Attis, pour se faire aimer du jeune berger, qu'Attis avait dansé devant la déesse, pour lui rendre hommage, et enfin que Rhéa, passionnée pour cet art, en avait elle-même imposé la pratique aux Corybantes de Phrygie.* A Autun, les Danseurs de la Bérécynthienne ont gardé leur ancien nom de Corybantes* ; et ce type de confréries est évidemment importé d'Orient.* Étaient-ils armés du glaive et du bouclier ? Leur ballet consistait-il en un pas d'armes ? Peut-être ces Corybantes remplaçaient-ils les attributs guerriers par des tambourins ou plutôt par des cymbales ; car c'étaient en général les cymbales qui rythmaient les danses.* La danse rituelle s'exécute d'abord sur un rythme à trois temps, comme le tripudium des Galles. Mais, dans ce culte orgiastique, elle ne tarde pas à se transformer en mouvements violents et effrénés. Sursauts brusques de tout le corps, genoux ployés, tête rejetée en arrière, bras levés au-dessus du visage, contorsions du buste, elle manifeste toute la mimique de la fureur sacrée.* Enfin, après avoir tourné autour de l'autel ou de l'icône, les danseurs tournoient sur eux-mêmes ; le mouvement se précipite, et un dernier vertige les abat aux pieds de la divinité. La confrérie romaine du « ballet » se composait d'affranchis dont beaucoup, sinon tous, appartenaient à la maison impériale. Elle était funéraire en même temps que religieuse. Son terrain de sépulture se trouvait le long de la Via Ostiensis, entre l'Almo et la basilique de saint Paul, dans une région particulièrement chère aux serviteurs de la Mère des Dieux, qui avaient installé là leur principale nécropole. *) _CIL._ 6, 2265 : « D. M. T. Flavio Chrysopaedi sodales, etc. » Henzen, suivi par Hepding, _Attis_, p. 158, n. 4, croit à tort que ce sont des Galles. *) Arnob. 4, 35 (représentations théâtrales inspirées du mythe) ; Julian., _l. c._, p. 165 C : σκιρτᾶν καὶ χορεύειν ; Lucian., _De Salt._ 8 : Ῥεὰν ἡσθεῖσαν τῇ τέχνῃ ἐν Φρυγίᾳ μὲν τοὺς Kορύβαντας ὀρχεῖσθαι κελεῦσαι ; cf. 79, où il réunit les Corybantes aux Satyres et aux Boukoloi des cultes dionysiaques. *) Supra, p. 133, n. 7. *) Cf. des ὀρχησταί, à Kotiaion : _CIG._ 3827 add. ; des ἀκροβάται à Éphèse et à Magnésie du Méandre : Poland, _Gesch. d. gr. Vereinswesens_, p. 398. *) Corybantes d'Autun, v. supra ; Suidas, s. v. Βαλλίζειν ; Isidor., _Etymol._ 3, 22, 11 (Migne, _Patr. Lat._ 82) : « Dicta autem cymbala, quia cum ballematia simul percutiuntur ; ita enim Graeci dicunt cymbala ballematica. » Les danses s'accompagnaient parfois aussi de chants ; cf. les _ballistea_, airs que l'on chante en dansant, à certaines fêtes (Vopisc., _Aurel._ 6), et les ὑπορχήματα des Grecs. *) Sur la _jactatio fanatica_, cf. chapitre 8 : Les Galles. ## 4\. Certains sanctuaires sont desservis par des confréries d'adorateurs, lesquels peuvent n'être pas nécessairement des mystes. Ces confréries se sont organisées elles-mêmes autour d'un temple ou d'une simple chapelle, que souvent elles ont fait construire. Les confrères portent le titre de _Cultores_. Le culte est à leur charge ; leur devoir est d'assister régulièrement aux sacrifices et aux repas sacrés que préside leur Maître. Au 3e siècle, une chapelle dédiée à la Mère des Dieux et à Navis Salvia se dressait au pied de l'Aventin, près du port de Rome* : un collège de _Cultores_ y est attaché, qui doit être en même temps, selon la coutume, une confrérie de la mort. Les confrères appartiennent aux deux sexes. Ce sont des gens du quartier, marins ou marchands du port, dévots de la déesse qui avait accompli le miracle d'Ostie et protégeait la navigation du Tibre. Le président ou « Maître » que nous connaissons est un affranchi. Deux autels votifs perpétuent le nom de l'affranchie Claudia Syntychè ; elle avait une foi fervente en Celle qui favorisa de plusieurs miracles la famille Claudienne. *) Cf. supra, p. 66. Sur le caractère funéraire des collèges de _cultores_, Waltzing, 1, p. 260, avec bibliogr. et liste de 113 confréries connues. A Salone, dès la première moitié du 1er siècle, il existait des _Cultores Matris Magnae Cognationis_.* Un Sévir augustal, C. Turranius Cronius, affranchi d'une importante famille de la région,* avait fait vœu de dédier un sanctuaire et un autel à la Grande Mère de la Parenté. Il avait élevé, orné, meublé l'édifice à ses frais, sur la rive droite et près de la source du Giadro. Une confrérie se forma qui fut appelée _Cognatio_. Elle s'inspirait des syggénies grecques, dont on connaît plusieurs exemples à Smyrne, Halicarnasse, Kyaneai (Lydie), Cos, Théra, et en Crète.* Les confrères, de condition libertine, étaient tous unis par les liens du sang, apparentés par les femmes comme parles hommes. Peut-être choisit-on précisément Cybèle comme protectrice de cette association familiale, parce qu'elle était la Mère et Parente de tous les Dieux ; mais la popularité de son culte à Salone suffirait pour expliquer ce choix. L'une des principales fêtes devait être celle des Caristies ou de la chère Parenté, _Cara Cognatio_, qui avait lieu le 22 février. Mais cette fête des vivants suivait immédiatement les Parentalies, fête des morts. On célébrait sans doute l'une et l'autre, selon la tradition des collèges funéraires ; car il est probable que la confrérie de Salone avait sa sépulture commune. Parmi les associations purement funéraires qui pullulaient en Italie, et dont Septime Sévère autorisa l'extension dans les provinces, beaucoup durent se mettre sous la tutelle du couple phrygien. Car elles se consacrent de préférence aux divinités chthoniennes. Pouvaient-elles trouver un plus puissant patronage que celui d'Attis ressuscité ? Cybèle n'était-elle pas depuis des siècles, dans ses pays d'Orient, la gardienne des morts ? *) _CIL._ 3, 8675. Les n°s 8676, 8687 se rapportent à une autre _cognatio_, consacrée à Vénus. *) Turranius ou Turannius, _ibid._ 2085, 2744, 2810, 2816, 2871. *) Ziebarth, _Griech. Vereinswesen_, 1896, pp. 7-10 ; Poland, _op. l._, 1909, p. 87 s. Celle de Crète, _CIG._ 2562, date de l'époque impériale. Les mystes des deux sexes se désignent d'une façon générale sous le nom de _Sacrati_,* c'est-à-dire d'initiés ; sacrement et mystère sont devenus synonymes. Les Co-Initiés sont les _Consecranei_, terme qui traduit le vocable grec de Symmystes et se déforme, dans la langue provinciale, en _Consacrani_.* Leurs confréries peuvent être mixtes ; dans certaines villes, cependant, les femmes constituaient une confrérie à part.* Frères et sœurs en Attis ont à leur tête des Pères et des Mères, élus sans doute par la communauté sous le contrôle du clergé. A Rome, au 4e siècle, les Clarissimes et les nobles matrones qui se glorifient d'avoir reçu le baptême taurobolique prennent le nom de « Tauroboliés. » L'un d'eux, Vettius Agorius Praetextatus, est qualifié de _Pius Mystes_,* expression empruntée à l'Orient et que nous retrouvons dans les mystères de Samothrace.* Mais l'initiation majeure leur a conféré, dans la hiérarchie des adeptes, un titre supérieur ; Rufius Caeonius s'intitule chef des Mystes, _Dux Misticus_.* Ces personnages, toutefois, pour des raisons politiques autant que religieuses, se sont fait initier également aux religions d'Isis, de Mithra, de Demeter-Cérès, de Dionysos-Liber. Le véritable zélateur ne connaît pas cet éclectisme. Car le premier article du credo, pour un myste, est d'admettre que ses dieux sont les plus puissants et les seuls Tout-Puissants. On est de la Religion, ce qui veut dire que cette religion est exclusive.* *) « Sacrati utriusque sexus, » à Mactaris ; cf. dans Baehrens, _Poet. Lat. Min._ 3 p. 286 s, _Contra paganos_ 76. *) _CIL._ 13, 7865, à Pier, près de Düren ; même terme, 3, 2109 (Salone), 8, 1039 (Angleterre), 13, 147 et 397 (Pyrénées). *) A Sofia, époque de M. Aurèle : Walter dans _Ath. Mitt._ 1910, p. 144. Elles sont désignées sous le nom de Mystriai. *) _CIL._ 6, 1779. *) _CIL._ 3, 713-717, 720 ; elle traduisait la formule grecque Mύστης ἐυσεβής. Dans la Vulgate, le titre d'Eusébès est traduit par le vocable _Religiosus_. *) Cf. supra, p. 172 ; ce titre est l'équivalent de celui d'Archimyste ou de Mystarque ou de Patromyste. *) Cf. Apul., _Met._ 11, 14 : « E cohorte Religionis unus » ; 25 : « Te jam nunc obsequio Religionis nostrae dedica. » Ce mot _Religio_ revient souvent dans Apulée. Pour la M. d. D., cf. _CIL._ 12, 405 ; pour Caelestis, 2, 4310. Celui qui s'intitule Religieux de la Grande Mère* s'est donc voué au culte de sa Dame. Par certaines pratiques de dévotion et par des marques extérieures il prétend se distinguer des simples initiés.* Il s'astreint sans doute à des obligations spéciales d'abstinence et de pénitence.* Il en est qui font vœu d'héberger les Galles mendiants.* D'autres, imitant les Galles « à la longue chevelure, » laissent pousser leurs cheveux en l'honneur d'Attis ; ce sont les « Religieux chevelus.* » D'autres aussi s'affublent d'un costume particulier, _religiosa vestis_.* Mais il ne faudrait pas les considérer comme des moines païens ; ils sont mariés et pères de famille.* Ils sont organisés en petites églises, qui ont leurs dignitaires, leurs fonctionnaires, leur fortune et leurs intérêts temporels. On se réunit dans un local qui n'est pas nécessairement le temple. Les Religieux de Pouzzoles sont assez nombreux et assez riches pour posséder un _ager_, entouré d'un portique et de sièges en pierre ; c'est leur cloître et leur Schola.* Le trésor, constitué par des cotisations, des amendes, des fondations, des dons, permet de bâtir des chapelles, d'orner les sanctuaires, d'accomplir les sacrifices et d'entretenir le culte. Les Religieux de Sitifis participent, en 228, à la restauration du _Religiosissimum templum_ des Omnipotents, ruiné par un incendie, à la réfection des autels et d'un portique décoré de peintures murales, à l'érection d'une statue de Liber « devant les portes du sanctuaire, » au rajeunissement du matériel, à l'achat d'un dais neuf, avec pompons de laine, pour le char processionnel, et de statues cultuelles en argent pour la cella.* Sur le marbre dédicatoire, au-dessous du texte qui énumérait leurs bienfaits, les donateurs s'étaient récompensés eux-mêmes en faisant graver leurs noms. Ils voulaient faire parler d'eux, disaient-ils, éternellement. Mais les noms ont péri, comme le temple et les statues divines. C'est grand dommage ; il eût été fort intéressant de savoir dans quel milieu se recrutait l'église métroaque de cette petite ville africaine. En Italie, la majorité des Religieux était formée d'affranchis. L'église était accessible aux esclaves, qui venaient y chercher, pour leur réconfort, l'intimité d'une famille et l'espérance du bonheur. La foi, surtout la croyance en l'efficacité du taurobole, y conduisaient les ingénus, et non des moindres. Le Religieux qui, dans le roman d'Apulée, héberge les Galles, est l'un des premiers citoyens de son municipe. En Numidie, un décurion de la colonie de Cherchell est de la Religion ; c'est à ce titre qu'on l'a choisi pour _Antistes_. La fraternité en Attis groupait les éléments les plus divers, effaçait un peu les distinctions de la hiérarchie sociale. Elle rapprochait aussi les âges. Car on peut être initié enfant ou vieillard ; et beaucoup de parents font consacrer leurs fils et leurs filles dès la naissance.* Enfin la religion de Cybèle ne séparait pas les sexes, comme celle de Mithra, qui ne laissait aux femmes qu'une place minime dans l'église et les éliminait du sacerdoce. Au contraire, elle attribue aux deux sexes le même rôle, partage entre eux le ministère, les convie aux mêmes sacrements et aux mêmes fêtes ; elle élève les femmes au rang de « sœurs, » de « mères » et de prêtresses. Celles-ci lui furent reconnaissantes de satisfaire à la fois leur dévotion passionnée et leur ambition. Zélatrices ardentes, elles mirent à son service leur esprit de prosélytisme. Dans la compétition des églises rivales, qui se disputaient l'empire des âmes, la « sainte milice » de la Mère des Dieux n'eut pas de meilleures recrues. *) _CIL._ 6, 2262 : « D. M., L. Vettio Syntrophio, _Religioso a Matre Magna capillato_, Vettia Amor de suo fecit posterisque eorum » ; 9, 734, à Larinum : « C. Iulius Epaenitus, _Religiosus_, sibi et L. Raio Felici sacerdoti Matris Deum b. m. p. posterisque suis » (sur le monument sont sculptés un tympanon, des cymbales et un bonnet phrygien) ; 8, 9401 : « ...enio C. f. Fatali, decurioni splendidissimae coloniae Caesariensis, _Religioso_, antistiti sanctissimi numinis Matris Deum, etc. » (à moins que _religiosus_ ne soit que l'épithète d'_antistes_) ; 8457 : _Religiosi_ de Mater Deum Phrygia ( ? ) et Attis, à Sétif, en 288 ; 10, 1894 : _Ager Religiosorum_ ; « C. Iulius Aquilinus porticus et sedilia de suo exstruxit » (s'agil-il des Religieux de Mater Deum ? ) ; cf. 6, 2263 : « Sex. Annius Celer, _Religiosus de Capitolio_ » (sans doute de la Dea Virgo Caelestis, praesentissimum numen loci Montis Tarpei, cf. _Not. Scavi_, 1892, p. 407). Religieux d'Esculape, à Lambessa : Cagnat, _Ann. épigr._ 1908, 11. Il est possible que l'épitaphe _CIL._ 6, 10558 : « Bene valeas, religiose, qui hoc legis, » appartienne aussi à un Religieux. *) D'une façon générale, Nigidius dans Aul. Gell. 4, 9, donne cette définition : « Religiosus is appellabatur qui _nimia et superstitiosa religione sese alligaverat_ » ; et le mot était pris, dit-il, en mauvaise part. Aulu-Gelle en corrige ainsi le sens péjoratif : « _Religiosus_ pro casto atque observanti cohibentique sese certis teqibus finibusque » ; cf. Boissier, _Religion romaine_, 1, 1874, in-8. p. 429. *) Ἁνγίστη = άγιστέια, dans une confrérie bithynienne : Poland, _op. l._, p. 573, B 418 a ; v. aussi supra, p. 119. Les purifications mensuelles paraissent avoir eu lieu le 9 ou le 20 du mois (peut-être le chiffre 20 était-il sacré ; cf. son rôle dans le taurobole) : Schol. ad Nicand., _Alexiph._ 218. *) Apul. 8, 30 : « Vir principalis et alias _religiosus_..., tinnitu cymbalorum et sonu tympanorum cantusque Phrygii mulcentibus modulis excitus, procurrit obviam, _deamque votivo suscipiens hospitio_, etc. » *) _Anthol. Gr._ 6, 234, 1 : Γάλλος ὁ χαιτάεις ; Val. Flace., _Argon._ 7, 635 : « Exsectos comatos » ; Lucian., _Tragodop._ 114 : τριχὸς ἀφέτου (= qui pousse librement) ; Apul. 8, 27 : « Crines pendulos » ; 5, 7 : « Iuppiter rogatus ab Agdesti... condonat ne corpus eius (Attidis) putrescat, _crescant ut comae semper_, etc. » ; cf. Ovid., _Fast._ 4, 238 : « Longa coma (Attidis). » *) _Stolis_ des « Mystriai, » à Sofia, v. p. 283, n. 2 ; cf. le taurobolié qui garde ses vêtements ensanglantés, le riche dévot qui s'habille en mendiant, _Poet. Lat. Min._, _l. c._, vers 57 ss. « Habitu religioso » dans Apul., _Met._ 11, 24. Costume spécial des « sacratae » dans le culte de Cérès, à Carthage : _Pass. S. Perpet._ 18. *) De même, dans le vocabulaire primitif du christianisme, les Religieux sont tous les membres des communautés chrétiennes, et non seulement ceux qui ont quitté la vie séculière. C'est évidemment par opposition aux Religieux païens que Tertullien, _Ad nat._ 1, 12, appelle les chrétiens « les Religieux de la Croix, » _Crucis Religiosi_. Il y avait aussi parmi ces chrétiens beaucoup d'ascètes qui continuaient à vivre dans la société commune et dans leur famille ; cf. Duchesne, _Il. anc. de l'Église_, 2, 1908, p. 487. *) A moins qu'il ne s'agisse d'un champ funéraire ; cf. cependant _CIL._ 10, 1579, où il est question d'un _ager cum cisterna et tabernis_ appartenant aux _cultores_ de Jupiter Héliopolitain. *) Cf. Graillot dans _Rev. archéol._, 1904, 1, p. 322 ss. *) Cf. le mythe phrygien de Kybélè composant des remèdes pour purifier les nouveau-nés et guérissant par des chants magiques les enfants qu'elle tient dans ses bras, supra, p. 206. De même, enfants voués à Caelestis : Salv., _De gubern. Dei_ 8, 2, 10. # Chapitre 8 ### Les Galles. Ils sont en dehors de la religion officielle. --- 1. Nom théophore des Galles. Attis et Gallos. Origine vraisemblablement sémitique de l'éviration rituelle, et importation relativement récente du rite. Galles et Bakèles. --- 2. L'éviration est un sacrifice de rachat et un sacrement d'initiation suprême. Moisson sacrée du 24 mars. Phases de l'ordination. Insignes des Galles : robe, pectoraux, colliers, boucles d'oreilles, mitre. La chevelure taboue. Le fard religieux. --- 3. Culte orgiastique des Galles. Psalmodies et cris, danses, courses, flagellations, mutilation de la chair, théopneustie. --- 4. Différentes formes de la divination chez les Galles. Médecins de l'âme, médecins du corps. Remèdes pour le bétail, pour les champs. Prophétie et magie. --- 5. Existence nomade. Mendicité rituelle. Colonies de Galles auprès des grands sanctuaires. Tendance à supplanter le clergé officiel. Τὸ σοφὸν δ᾽ οὐ σοφία. (Euripid., _Bacch. 395_) Ἡγησάμενοι κάλλιστον ἀρετῆς μισθὸν μέθην αἰώνιον (Plat., _Respubl._ 2, 6, p. 363 D.) Les Galles sont restés en dehors de la religion officielle, parce qu'ils sont en dehors de la cité. Ils sont étrangers à la cité romaine par leur origine et leur naissance. Ils arrivent en général d'Asie Mineure. Un Galle que connaissait Martial, à Rome, s'appelle Dindymus* ; c'est un compatriote de la Meter Dindyménè. Une porte qu'un nom, comme les gens de condition servile. En Orient même, ces serviteurs de la Dame se recrutent dans la populace.* Un autre se nomme Baeticus* ; c'est quelque ancien esclave, natif d'Andalousie. Aussi bien les esclaves fanatisés étaient-ils fort nombreux ; on les appréciait peu sur le marché, et leur vente donnait souvent lieu à des discussions d'intérêt.* Plus d'un Galle sans doute était un serf fugitif, que son maître n'avait point osé revendiquer de peur d'offenser la divinité. On trouve aussi des affranchis : tel Genucius, qui nous est signalé à Rome en 78 avant notre ère et qui avait gardé le nom de son patron. Les Galles sont étrangers à la cité par leur genre de vie. C'est un personnel itinérant. Si quelques-uns se groupent en colonies autour d'un sanctuaire fameux, presque tous mènent une existence nomade. Ce sont, dans les villes, des voyageurs bruyants qui passent. Ce sont, pour les églises locales, non des recrues, mais des hôtes. Enfin la cité les ignore parce que leur déchéance sexuelle a fait d'eux des êtres anormaux. Ils ne sont rien, parce que, selon la formule même des juristes, ils ne sont « ni hommes ni femmes. » C'est pourquoi ce Genucius fut privé d'une succession, encore que le testament fût rédigé en bonne et due forme. Mais, si le code les élimine en quelque sorte de la société, le fisc ne perd pas ses droits. Ils payaient l'impôt infamant de la capitation, _tributum capitis_, qui frappe les gens de la plus basse classe sans biens ni métier patentable ; et ils étaient inscrits sur les rôles dans la catégorie des courtisanes et des prostitués.* *) Martial. 11, 81 (livre daté de l'an 96). *) Cf. Sôtéridès à Cyzique, au temps de Jules César, _CIG._ 3668 ; Alexis, dans _Anthol. Gr._ 6, 51. *) Martial. 3, 81. *) Vivianus (époque de Trajan) dans Dig. 21, 1, 1, 9 et 10. *) Hephaest. Alex., Schol., p. 194, éd. Westphal : οἱ Γάλλοι διαβάλλονται ὡς θήλειαν νόσον ἔχοντες, διὸ καὶ σώματα φόρον ἐτέλουν Ῥωμαίοις εἰς τοῦτο. Les Romains n'ont fait sans doute que suivre une tradition de la Grèce ou de l'Asie Mineure. A côté du sacerdoce romain, comme jadis à côté du sacerdoce hellénique, les Galles représentent l'élément barbare. Mais Rome ne peut les empêcher de propager à travers l'Empire leurs superstitions ni de perpétuer à travers les siècles les antiques traditions du sacerdoce phrygien. ## 1\. Les Galles constituent dans la hiérarchie phrygienne un clergé secondaire, un ordre mineur, la plèbe du sacerdoce.* A Pessinonte, on les distingue des prêtres proprement dits ; le titre d'hiereus paraît être réservé aux Attis. Dans les autres sanctuaires d'Asie Mineure, à Cyzique, par exemple, la même distinction subsiste entre les titulaires du haut sacerdoce et ces ministres subalternes ; on la retrouve aussi dans la religion syrienne. Les Galles se déclarent humblement les serviteurs de la Mère. C'est une expression qu'ils ont empruntée au vocabulaire des religions sémitiques. Les Romains l'ont traduite par le terme de _famuli Matris_.* Sous la République, on désignait ainsi les desservants phrygiens de la Dame Noire. Le mot révélait la condition servile d'un clergé recruté parmi les Barbares ; il signifiait en même temps que ces ministres étaient des hiérodules volontaires.* *) « Tympana plebeia, » dans Juv. 6, 515 s. *) Cf. supra, p. 77. Ajouter Catull, _Attis_ 68 ; Val. Flacc., _Argon._ 3, 20. Eu grec, Thérapeutes. On disait aussi « ministri Matris Deum » : Catull, _l. c._ ; Ovid., _Fast._ 4, 243 ; Mart. Cap. 6, 687. Mais on donnait également aux Galles le titre de prêtres : Plin., _H. n._, 5, 147 ; 35, 165 : « Matris Deum sacerdotes qui Galli vocantur » ; Hieronym., _Comm. in Hoseam_ 1, 4, 14 ; Lactant., _Epitome_ 8 : « sacerdotes » ; _Divin. Inst._ 5, 9, 17 : « religionis antistites » (cf. Apul. 9, 10) ; Ps. Cyprian., _Ad senatorem_ 9. Ce titre apparaît surtout à la fin de l'Empire, alors que les Galles ont envahi les temples romains. *) Isidor. 1, difïer. 525 : « servi sunt in bello capti ; famuli aulem ex propriis familiis orti. » Leur nom est théophore, comme celui des Attis, comme celui des Bacchi et Archibacchi dans les thiases dionysiaques. De même, on les nommait primitivement en Ionie les Kybèbes* ; et les femmes attachées au culte sont les Kybélides. Gallos était l'un des surnoms mystiques d'Attis.* Cependant, s'il faut en croire des textes obscurs, Attis et Gallos n'avaient pas toujours été confondus.* La distinction entre les deux divinités correspond à celle des Attis et des Galles. Or c'est en général le vocable du dieu qui explique celui du prêtre. Les anciens admettaient que les Galles tiraient leur nom d'un cours d'eau sacré, le Gallos.* Ce nom est celui d'un fleuve de Bithynie et, ce semble, de plusieurs rivières de la Phrygie.* L'une d'elles, affluent du Sangarios, passait à Pessinonte,* au pied du mont Agdos et du Dindymos. C'est sur les eaux du Gallos pessinontien que l'on avait exposé Attis enfant* ; ce qui signifie sans doute qu'on leur immolait primitivement des enfants nouveau-nés.* C'est dans ses eaux que l'on baignait l'idole du temple. C'est sur ses bords qu'avaient lieu les orgiasmes et que des fanatiques sacrifiaient leur virilité. Aussi disait-on qu'il provoquait le délire et la folie de la mutilation ; « qui boit de son eau devient insensé.* » On lui attribua l'acte auquel il présidait ; Gallos s'était mutilé, comme Attis. *) Hesych., s. v. Kύβηβος ; Cratin., in Phot. _Lex._, p. 183, 2 : Kύβηβον Ἴωνες τὸν μητραγύρτην καὶ γάλλον νῦν καλούμενον. Le nom de Kυβηλίς, pour les femmes, se trouve dans Nonn. 10, 387. --- _Dindymarii_ dans Commodian., _Instruct._ 1, 17, 6, éd. Oehler 1847, est une simple conjecture ; cf. éd. Dombart 1887. *) Julian., _Or._ 5, p. 159 A. *) Ce sont deux personnages différents dans Arnob. 5, 7 et 13, et dans Steph. Byz., s. v. γάλλος. *) Cf. Ovid., _Fast._ 4, 361 ss ; Plin., _H. n._ 5, 147 ; Herodian. 1, 11 ; _Fest._ 1, p. 67, éd. Thewrewk de Ponor, 1889, s. v. _Galli_ ; Steph. Byz., _l. c._ ; Mart. Cap., _l. c._ ; Etymol. Magn., 220, 26, s. v. γάλλος. *) Cf. Ovid., _l. c._, qui place le cours du Gallos « entre le vert Cybèle et les hauteurs de Celaenae » (Apamée). *) Herodian., _l. c._ : ἐν Πεσσινοῦντι πάλαι μὲν Φρύγες ὠργίαζον ἐπὶ τῷ ποταμῷ Γάλλῳ παραρρέοντι. *) Julian., _l. c._, p. 165 B. *) Cf. l'usage, qui subsistait encore au 18e s., de sacrifier au Gange un enfant premier-né. *) Ovid., _l. c._ ; cf. Festus, _l. c._ Oribase parle d'une source d'Ethiopie qui donnait aussi le délire ; cf. Maury, _Magie et Astrologie_, p. 237. Mais, avant de le concevoir comme un dieu de démence, on l'avait adoré comme une puissance de guérison. Même sous l'Empire, on reconnaissait encore aux eaux du Gallos certaines vertus curatives.* D'autre part, s'il doit aux Galles sa légende, une tradition voulait qu'il leur dût également son nom. Les gens du pays l'appelaient d'abord Tyria ou Têria.* Toutefois ce mot, qui est aussi l'un des vocables topiques de la Grande Mère, en Mysie, paraît avoir une origine thrace. Il ne serait donc pas antérieur à l'invasion phrygienne. Quoi qu'il en soit, Gallos ne se révèle pas sous l'aspect d'une divinité indigène. « Après s'être émasculé, il arriva près de la rivière Têria, s'y établit et lui donna son nom de Gallos. » Apparemment ce pérégrin venait des pays syriens. Il symbolise l'introduction de l'eunuchisme dans le culte de Pessinonte. *) Plin., 2. n 31, 9 : « calculosis mederi... auetor est in Phrygiae Gallo flumine Callimachus. » *) Steph. Byz., _l. c._ : τὸν Γάλλον καὶ τὸν Ἄττιν ἀποκόψαι τὰ αἰδοῖα, καὶ τὸν μὲν Γάλλον ἐλθεῖν ἐπὶ τὸν Τυρίαν ποταμὸν καὶ οἰκῆσαι καὶ τὸν ποταμὸν Γάλλον καλέσαι. Tyras était le nom grec du Dniester, en Sarmatie ; cf. Tyrodiza, ville de Thrace. A rapprocher de Têrias, fleuve de Phrygie, et delà Meter Tereia sur un haut lieu de Mysie, Strab. 13, 1, 17 ; cf. Têrès, roi des Odryses, Têreus, roi thrace. Ce rite de l'éviration semble être de provenance sémitique. Les Mégabyzes de la Dame d'Éphèse sont des prêtres eunuques ; mais ou bien cette Artémis tout orientale est une Sémite qui a franchi le Taurus, ou bien elle a subi très profondément l'influence du sémitisme. Ses prêtres eux-mêmes sont des étrangers ; on les faisait venir de fort loin, nous apprend Strabon.* En Babylonie, à Ourouk, le culte indigène d'Ishtar-Nana était desservi par des eunuques volontaires. En Phénicie, à Byblos, et de même dans les sanctuaires phéniciens de Chypre, Astartè et Thammouz-Adônis avaient leurs ministres eunuques. A Bambykè, la ville sainte (Hiérapolis) de Syrie, Atargatis possède un personnel de castrats, vêtus et parés comme des femmes ; ils portent aussi le nom de Galles.* On prétendait que le temple primitif de Bambykè était l'œuvre d'une reine légendaire d'Assyrie, et que les Galles se mutilaient à l'exemple de Combabos, le compagnon de la reine. Cette tradition locale prouve à la fois l'antiquité du temple et le caractère assyrio-babylonien du culte. De même, dans le mythe phrygien, le nom de Nana, mère d'Attis, rappelle l'influence lointaine de la religion assyrienne. Les vocables persistent avec les rites. C'est peut-être en Assyrie qu'il faut chercher l'origine du nom de Galles. Ils seraient les Grands,* non sans doute à cause de la haute taille qui les caractérise,* mais en raison de la dignité supérieure qu'ils occupent dans la hiérarchie des mystes. *) Strab. 14, 1, 23 ; cf. Xenoph., _Anab._ 5, 3, 6 ; Plin., _op. l._, 35, 93. *) Lucian., _Dea Syr._ 17-27 ; Euseb., _Praep. ev._ 6, 10 ; cf. _Ephem. epigr._ 4, 873. *) Le terme Gal = Grand entre dans la composition de plusieurs noms de divinités assyriennes. Voir infra le sens du mot Bakèle. Faut-il chercher aussi dans le nom des Mégabyzes, appelés également Mégalobyzes, la racine Megas = Grand ? D'autres ont rapproché le nom des Galles d'un nom sémitique dont la racine indique l'idée de tourner ; Galles serait l'équivalent de prêtres tourneurs ; cf. Movers, _Phoeniz._ 1, p. 687. *) Pers. 5, 186 : « grandes Galli » ; Juv. 6, 512 s : « ingens semivir » ; cf. Godard, _Égypte et Palestine_, 1867, p. 116 : « On reconnaît les eunuques à leur grande taille. » On a souvent signalé le développement anormal qui suit la suppression précoce des organes, et en particulier la longueur exagérée des membres inférieurs. Importé en Phrygie, chez un peuple qui toujours passa pour fanatique, leur ordre y prospéra. Mais la date de cette importation pourrait bien être relativement récente. Un mythe, qui ne contient aucune allusion à la castration d'Attis, avait cours encore au début de l'Empire : Attis Papas fut tué sur l'ordre du roi de Phrygie et de Lydie, père de Cybèle.* Hérodote, qui parle du clergé métroaque de Cyzique,* qui signale l'usage rituel du tympanon, qui a vu les saintes images suspendues au cou des prêtres, paraît ignorer les Galles et l'éviration sacerdotale. De la part d'un Grec d'Asie Mineure et d'un voyageur aussi curieux, ce silence étonne. Toutefois, avant le lin du 5e siècle, l'eunuchisme phrygien a conquis des adeptes jusque dans Athènes. C'est en effet aux pratiques phrygiennes qu'il faut rapporter l'un des faits divers dont s'émut la cité, comme d'un mauvais présage pour l'expédition de Sicile : un homme avait bondi sur l'autel des Douze Dieux et, à cheval sur cet autel, s'était coupé les parties viriles avec une pierre. Il s'agissait non d'un fou, mais d'un fanatique de la Mère des Dieux, d'un disciple de ces Métragyrtes qui déjà initiaient femmes et jeunes gens de la ville et qui avaient eu, quinze années auparavant, leur martyr.* Les Métragyrtes ou Mendiants de la Mère sont les Galles. Ce dernier nom n'entre guère en usage, dans la langue grecque, qu'à l'époque macédonienne* ; la pénétration des Grecs en Orient devait enrichir le vocabulaire hellénique de mots nouveaux. Mais, en Phrygie même, le nom est antérieur à l'invasion galate du 3e siècle ; les étymologistes romains qui faisaient dériver Galles de Galates étaient dupes d'une homonymie.* *) Diod. Sic. 3, 59. *) Herodot. 4, 76. *) Cf. supra, pp. 9 et 22. *) Dans les textes, il apparaît vers le milieu du 3e siècle ; cf. Arcésilas de Pitanè (mort en 241), dans Diog. Laert. 4, 43, et Callimaque, qui féminisa leur nom (v. supra, p. 101, n. 4). C'est aussi Callimaque qui le premier parle du Gallos, rivière de Phrygie. Toutefois le nom de Gallos intervient dans le mythe qu'Arnobe emprunte à Timothée (début du 3e siècle). *) Hieronym., _l. c._ : « Gallos vocant, eo quod de hac gente etc. » ; cf. la même identification des Galles et des Galates dans Mommsen, _Roem. Gesch._, 8e éd. 1. p. 869. On appelait aussi Bakèles les eunuques de Cybèle. Nous trouvons le mot avec cette acception au 4e siècle avant notre ère,* et probablement même dès le 5e siècle.* Les Grecs de Béotie et d'Arcadie conservaient le souvenir lointain des Bakides, prophètes mendiants qui, vers le 7e siècle, commencèrent à parcourir l'Hellade* ; Bakides et Bakèles ont peut-être la même origine. Un Bakèle, écrit un grammairien de l'époque antonine,* « c'est ce que Bithyniens et Asians nomment Galle. » De même, nous lisons dans Lucien :« au son des flûtes et des tympanons, les Bakèles mendient pour la Mère.* » Lucien explique ailleurs quelle distinction il convient d'établir entre Bakèles et eunuques proprement dits. Ceux-ci avaient subi la castration dès l'enfance. Ceux-là avaient été quelque temps des hommes. C'étaient donc des eunuques volontaires. Tel est le cas des Galles, dont le volontaire sacrifice rend plus complète la communion entre la victime, le sacrifiant et le dieu. Aussi bien les deux termes paraissent-ils exprimer, en deux langues différentes, la même idée de supériorité dans la hiérarchie mystique. Hésychius et Suidas attribuent au mot Bakèle le sens de Grand, avant de le traduire par fou et eunuque. *) Antiphan. dans Athen. 4, 134 b ; le bakèle est représenté comme exécutant une danse gesticulée, sans doute parce qu'il joue en même temps du tambourin ; cf. Ménandre dans Hesychius, s. v. Βάκηλος. Un Lydien de Sardes dit dans une pièce de l'_Anthol. Gr._ 7, 709, attribuée à Alexandre d'Etolie : « si j'étais resté dans ma ville, je serais kernophore ou bakèle (Βακέλας en dorien), frappant sur les beaux tambourins. » *) Un « Bakalos, » attaché à un sanctuaire privé de Théra, d'après une inscr. archaïque du 5e s. ; Hiller von Gaertringen, _Die Insel Thera_, 1899, pp. 159 et 172. *) Cf. Rohde, _Psyche_, p. 349 ss : Kern dans Pauly-Wissowa, s. v. _Bakis_. *) Phrynicos, p. 272, éd. Lobeck. *) _Chronosolon_ 12 ; cf. _Eunuch._ 8. ## 2\. Les Galles sont des mystes qui ont reçu l'initiation majeure. Ils ont atteint le plus haut degré de l'échelle mystique. La consécration suprême est ici l'éviration, véritable sacrement de l'ordre.* On y voyait un symbole ; elle figurait le mystère de la douloureuse Passion d'Attis.* Elle était la mystique union du fidèle avec le dieu défaillant. Mais le rite avait précédé le symbole et l'avait créé. Il constitue à proprement parler une offrande votive.* Il repose sur une idée première de substitution et de rançon.* A l'origine, on sacrifiait quelques-uns des plus beaux adolescents de la tribu ; c'est pourquoi Attis est un bel éphèbe ; c'est pourquoi les Galles se recrutent parmi les jeunes gens.* Puis le sacrifice partiel, par ablation et oblation des organes virils, put racheter le sacrifice complet de la vie. Chez d'autres peuples il s'était atténué jusqu'à la simple circoncision,* qui consacre une classe privilégiée ou tout un peuple. Chez les Phrygiens, il garde son caractère sauvage, mais aussi sa vertu plénière. Nul sacrifice n'apaise mieux la divinité* ; on disait qu'il était pour Cybèle, en deuil d'Attis, la plus douce des consolations. Il est pour le myste la plus complète des expiations. Rien n'égale sa vertu ; car il confère la chasteté perpétuelle, qui est l'état de perfection. Avec les progrès du spiritualisme, l'idée de renoncement finit par transformer le mythe naturaliste d'autrefois. Attis n'avait pas été tué ; Attis n'avait pas été châtié par Cybèle, jalouse de garder pour elle seule tout l'amour du beau pasteur ; Attis s'était émasculé lui-même, volontairement, pour échapper aux désirs de la chair.* Les chrétiens de Phrygie, qui, aux premiers siècles, manifestaient une si violente réprobation de la sexualité, subissaient l'influence de ce mysticisme métroaque. Les Galles, qui ont rejeté toute passion et tout désir, qui se sont séparés du monde profane, sont les Sages,* les Purs,* les Parfaits,* les Saints.* Ils sont marqués du sceau d'élection et d'alliance, qui leur assure après la mort une éternelle béatitude.* Dans le langage imagé des mystères, leur acte sanglant devient la moisson sacrée et ineffable d'Attis, dieu du blé.* Mais ces moissonneurs, « qui ont coupé l'épi mûr avec la faucille, » savaient que des grains de blé renaît une vie nouvelle. La mutilation d'Attis préparait sa résurrection et sa félicité infinie. Ainsi la pratique de l'eunuchisme, que les Romains traitent d'absurde et d'avilissante, est ici éminemment respectable et noble. La nature des symboles est en soi indifférente ; leur valeur tient au sens que les hommes y attachent. *) « Ordinatos » dans Firm. Mat., _De errore prof. rel._ 3, 1 ; cf. Augustin., _Civ. D._ 2, 7 et 7, 26 : « consecrati » ; Aur. Vict., _Eliogab._ : « abscisis genitalibus Matri se Magnae _sacravit_ » ; Prud., _Peristeph._ 1076 : « sacrandus. » Survivance de cette automutilation sexuelle, d'origine mystique, chez les Skoptzy russes ; on la dénomme le « sceau » et la « purification. » *) Lactant., _Divin. Instit._ 1, 17, 7 ; Augustin., _op. l._ 6, 7 et 7, 25. *) Prud., _l. c._ 1060 s : « _votivus_ dolor. » *) _Poena_, avec son sens primitif : Ovid., _l. c._, 230 ; Firm. Mat., _l. c._ *) Varr., _Eumenid._ 39 (119, 3) : « adulescentium » ; _Passio S. Symphoriani_, 6, dans Ruinart, _Acta Martyrum sincera_, p. 71 : « castrati adolescentes » ; S. Epiphan., _Adv. haeres._ 3, 2, 1092 (Migne, _P. G._, 42, p. 800). *) Cf. en Égypte la circoncision comme reddition à un dieu et consécration à la prêtrise ; par elle on est Wêb = Pur. *) Prud., _l. c._ 1067 : « numen... mitigans » ; Lactant., _op. l._ 1, 21, 16 : « suis ipsi virilibus litant » ; Lactant., _Epitome_ 8 : « Mater... Gallis sacerdotibus gaudet » ; Paul. Nol., _Carm._ 19, 88 : « foedo solantes vulnere Matrem » ; 181 : « litans. » La _litatio_ est le sacrifice agréé favorablement : « litare est per immolationem hostiarum impetrare quod postules » ; Schol. ad Stat., _Theb._ 10, 610. *) Catull. _Attis_ 17 : « et corpus evirastis Veneris nimio odio » ; cf. Julian., _l. c._ p. 174 B : « Je me reconnais infiniment redevable à la Mère des Dieux..., de m'avoir commandé de me mutiler, non du corps sans doute, mais de tous les appétits déraisonnables, etc. » *) Julian., _l. c._ 179 C : Ἄττις διὰ τὴν ἐκτομὴν σοφός. *) _Anthol. Gr._ 6, 220, 3 : ἀγνός ; Ps. Cyprian., _Ad senatorem_ 16 : « castos » ; cf. Apul. 9, 8 : « purissimi. » *) Hieronym., _l. c._ : τετελεσμένοι. *) _Ibid._ : « Cadesoth » = Kedeshim, les Saints ; Tertull., _Apol._ 25 ; cf. Movers, _op. l._, 1, p. 686. Ce mot indique originairement l'inaccessibilité de l'objet du culte, la séparation avec le monde profane : Baudissin, _Studien zur semit. Religionsgesch._ 1878, 2, p. 1 ss. *) Augustin., _Civ. Dei_ 7, 26 : « Ut post mortem vivat beate. » *) _Anthol. Gr._ 6, 219 : « ῎ιθρις (même racine que θερίζειν, moissonner) ; Minuc. Fel., _Oct._ 24, 4 : « obscena demessa » ; Arnob. 5, 11 : « qui sibi demessucrint has partes » ; Lactant., _Div. Inst._ 5, 9, 17 : « qui virilia sua ferro _metant_ » ; Firm. Mat., _l. c._ : « poenam quam sustinuit (Attis) hoc volunt esse, quod falce _messor_ maturis frugibus facit » ; Prudent., _Peristeph._ 10, 1066 : « hic _metenda_ dedicat genitalia » ; Julian., _l. c._ 168 D : τέμνεται τὸ ἱερὸν καὶ ἀπόρρητον θέρος τοῦ θεοῦ Γάλλου. A la mutilation des hommes correspondaient autrefois une mutilation des femmes. Certains hiérodules, en se consacrant à la déesse, se coupaient un sein ou les deux seins. C'était également un sacrifice de rachat ; il dut succéder au sacrifice de la femme elle-même. Le mythe, arrivé à la dernière phase de son évolution, combina les deux éléments successifs ; la fiancée d'Attis, après s'être arraché les seins, se tuait.* L'existence de ces Amazones métroaques explique l'intervention de la Mère des Dieux dans la légende Amazonienne d'Asie Mineure.* *) Arnob. 5, 7 : « mammas sibi _demetit_ (même idée mystique de moisson sacrée) Galli filia pelicis » ; cf. 13 : « se pelicis filia... mammarum honestate privaret » ; cf. Hepding, _Attis_, pp. 109 et 164. *) Diod. Sic. 3, 54. Les Amazones ont pour reine Myrina, qui fonde la ville de ce nom ; elles soumettent Lesbos où elles fondent Mytilène. Pendant que Myrina s'en allait subjuguer d'autres îles, son vaisseau fut assailli par une tempête ; implorant pour son salut la Mère des Dieux, elle est jetée dans une île déserte. Suivant un avertissement reçu en songe, elle consacre l'île à la déesse, lui dresse des autels, lui institue des sacrifices et donne à cette île le nom de Samothrace. La sainte moisson s'effectue pendant les fêtes publiques du printemps, non point au jour anniversaire de la mort d'Attis (22 mars), mais le jour du grand deuil et du sacrifice de sang humain (24 mars). La naissance des Galles à une vie bienheureuse ne pouvait que précéder immédiatement les transports de joie, ou Hilaria, qui accueillent la résurrection d'Attis Gallos. Cette cérémonie, qui se passait dans l'enceinte du temple,* sans doute dans le _Campus Matris Deum_, était la dernière de la journée ; de même, en Syrie, elle avait lieu après la célébration des orgies.* Aux ordinands, déjà préparés par une période de jeûnes et de mortifications, il faut le surcroît d'exaltation que donne la fête du Sang. Litanies plaintives, longues et lugubres lamentations sur le corps du dieu, hurlements de douleur, musique sauvage de la fanfare phrygienne dont les tambourins grondent, dont les cymbales éclatent, dont les flûtes gémissent, danses et courses frénétiques, coups de fouet, lacérations de la chair, vue du sang, ce sont autant d'éléments nécessaires pour surexciter l'esprit et abolir la sensibilité. « On oublie qui on est.* » Les profès se dépouillent de leurs vêtements et, devant l'assemblée des fidèles,* se mutilent eux-mêmes, pour témoigner que leur sacrifice est volontaire. Ils chevauchent l'autel même des sacrifices* ; ou bien ils se tiennent au pied du pin Attis,* qu'ils arrosent de leur sang. C'est avec le tranchant d'une pierre taillée qu'ils opèrent l'ablation du sexe.* L'emploi du fer ou du bronze n'était pas liturgique ; par suite, il passait pour mettre en danger de mort. Ce rite nous reporte au temps où l'homme ne connaissait pas l'usage des métaux. A défaut de pierre, on utilise un tesson de poterie,* un fragment aiguisé de ces vases en terre rouge qui constituent sous l'Empire la vaisselle ordinaire. Il y avait toutefois quelques accommodements avec la tradition. On se contente en effet, dans certains cas, des couteaux sacrés qui viennent de servir aux libations de sang humain, ou d'un glaive en bronze qui n'a pas d'autre destination.* Mais tout instrument de fer est prohibé* ; cette interdiction spéciale du fer n'était pas rare dans les cultes d'un caractère archaïque. Le mythe raconté par Arnobe contient une allusion à quelque autre pratique rituelle. Agdistis se châtre au moyen d'un lacet de crin, sur lequel il tire avec violence. L'habitude existe encore, dans la Haute Égypte et dans les pays limitrophes, de lier les organes avec un cordon et d'exercer une forte traction, avant de les couper avec un rasoir* ; on cautérise ensuite avec des substances astringentes, huile bouillante ou miel chaud. Le sacrifice était précédé d'une formule précatoire de donation et de consécration* ; il était généralement suivi de cris de douleur.* *) V. supra, p. 129 ; cf. Augustin., _op. l._, 2, 7 : « in templis. » *) Lucian., _Dea Syr._ 51, p. 186. *) Philostr., _Ep._ 69 ; cf. Lactant., _l. c._ : « immemores quid nati sint. » Sur l'anesthésie des G. : Aretaios, _De caus. chron. morb._ 1, 6 ; Greg. Naz., _Or._ 4, 70. *) Lactant., _op. l._ 1, 21, 16, dit formellement que cette cérémonie a lieu pendant les _publica sacra Matris_ ; cf. dans le rite syrien. *) Plut., _Nicias_ 18 : ἀναπηδήσας ; (l'homme bondit sur l'autel), εἶτα περιβὰς (il en fait le tour ou le chevauche, car περιβαίνειν signifie aussi enfourcher un cheval). Médaillon contorniate : Galle se mutilant ( ? ), genou droit sur un autel : Robert, _Phases du mythe_ dans _Rev. Numism._ 1885, p. 41. *) Cf. la mutilation d'Attis « sub pini arbore, » Arnob. 5, 7 ; Serv., ad _Aen._ 9, 115. *) Plut., _l. c._ : λίθῳ ; Catull., _Attis_, 5 : « acuto... pondere silicis » ; Ovid., _Fast._ 4, 237 : « saxo acuto. » De même les embaumeurs égyptiens ne se servaient que de couteaux de silex pour pratiquer des incisions sur les cadavres. *) Lucil., _Satur._ 7, p. 209 Baehr., 15 Mueller : « testam samiam » ; Plin., _H. n._ 35, 165 : « samia testa... Galli virilitatem amputare, _nec aliter citra perniciem_, M. Caelio credamus » ; Juven. 6, 514 (à propos de l'Archigalle) : « testa » ; Mart. 3, 81, 3 (à un Galle) : « samia testa » ; Min. Fel., _l. c._ : « testa. » *) Juven. 2, 115 s : « _Phrygio_... _more_..., _cultris_ abrumpere carnem » (après avoir parlé de l'Archigalle) ; Mart. 9, 2, 13 s : « inunc et miseros, Cybele, praecide cinaedos, | haec erat, haec _cultris_ mentula digna tuis » ; Claudian., _In Eutrop._ 1, 280 : « inguinis et reliquum _Phrygiis_ abscidere _cultris_ » ; cf. dans Lucien, _l. c._, les Galles syriens s'émasculant avec un glaive « qui paraît consacré à cet usage depuis un grand nombre d'années. » *) Cf. supra, p. 105, n. 2. Cependant, Mart. 2, 45, 2 : « cum _ferro_ quid tibi ? Gallus eras. » Il est en tout cas intéressant de signaler qu'en Asie M. la tradition est bien antérieure à l'invasion des Phrygiens, qui étaient des forgerons, non des bronziers. Cette aversion contre l'usage du fer se retrouve ailleurs : Metrôon d'Eresos, culte de Menedemos en Crète, cf. Hepding, _Attis_, p. 161, n. 5 ; temple de Demeter dans l'île de Cos, cf. Herzog dans _Archiv f. Rel. wiss._ 1907, p. 401. *) Cf. Godard, _op. l._, pp. 123 et 125 (observations de l'eunuque Margal). *) Prudent., _l. c._ 1068 : « offert... donum deae » ; Schol. ad Lucian., _Jupp. trag._ 8 (l'éviration comme rite anathématique) ; cf. supra, p. 293, n. 1. *) Firm. Mat., _Err. prof. rel._ 8, 2 : « amputatis virilibus plangunt. » On recueille précieusement les organes dans le _Kernos_, que portent des femmes.* Ils sont d'abord lavés et embaumés, peut-être dorés. Puis on les enveloppe dans le costume que l'eunuque vient de quitter* ; car le Galle consacre aussi à la déesse son vêtement masculin, qu'il ne reprendra jamais plus. Ils sont enfin renfermés dans une ciste. Après une cérémonie de dédicace, on les dépose dans un hypogée, la _Thalamè_, chambre nuptiale de la déesse.* Ils y deviennent l'objet d'un culte, et ils ont un rôle dans les mystères. *) Cf. _CIL._ 13, 510 = supra, p. 170, liste B _57_. *) Cf. dans le mythe, Arnob. 5, 7: « veste tecta erant atque involuta defuncti » ; 14 : « priusquam veste velaret ac tegeret, lavit utique balsamis atque unxit. » Dorure ? Prudent., _l. c._, 1083 : « _partes_ per ipsas imprimuntur bracteae. » On ne jette pas aux chiens les aidoia des Galles, comme il est dit dans ps. Maneth., _Apotelesm._ 6, 298. Mais, à la mort de l'eunuque, ils sont ensevelis, ce semble, avec lui ; cf. Prudent., _l. c._, 1081 ss. *) Schol. ad Nicandri _Alexipharm._ 8 ; de là, la qualification de thalamépolos donnée au Galle. Sur le culte des « vires, » v. supra, p. 179, n. 4. Cf. Hepding, pp. 9 et 163. Aussitôt après l'ordination,* les Galles revêtent la longue robe et prennent les insignes de leur dignité. Peut-être, comme en Syrie, leur sont-ils offerts par les fidèles.* Cette robe est le costume ordinaire des prêtres dans les cultes sémitiques.* C'est l'habit religieux par excellence, _casta vestis_.* Les Grecs lui donnent le nom de chiton et les Romains celui de stola,* termes qui désignent la robe des femmes. Maintenue à la taille par une ceinture,* selon l'usage féminin, elle a des manches qui couvrent tout le bras et sont serrées aux poignets. Elle est en général de lin très fin, ou de soie.* La couleur préférée paraît être le jaune : jaune pâle tirant sur le vert, jaune safran, jaune rouge aux tons de feuilles de vigne sèches ; mais il y a aussi des tuniques bleues, et des blanches, avec ornements pourpres qui dessinent des lancéolés ou des losanges.* Les chaussures, en cuir jaune,* ne sont très souvent que de simples sandales galliques.* *) Peut-être comportait-elle également l'imposition de stigmates ou sphragitides, par piqûres, au moyen d'aiguilles rougies au. feu ; ces tatouages indiquent la dépendance de l'homme à l'égard de son dieu et constituent le sceau divin. Mais le texte de Prudence paraît bien s'appliquer à tous les mystes ; cf. supra, p. 182. *) Cf. les cadeaux de vêtements aux Galles mendiants, Juv. 6, 519. *) Cf. Movers, _Phoenizier_, 1, p. 451 ss ; _Arch. ep. Mitt._, 8, 1884, p. 70 ss et pl. 1. *) Varr., _Eumenid._, _l. c._ *) _Anthol. Gr._ 6, 219, 3 : θηλυχίτων ; Varr., _l. c._ 120 (4) : « venusta muliebri ornati stola » ; Dion. Hal. 2, 19 : ποικίλην στολήν = Euseb., _Praep. ev._ 2, 8 : « stola versicolor » ; Suidas s. v. Γάλλοι : ἐν γυναικείαις στολαῖς ; cf. Apul. 8, 27 : « tunicas » ; Firm. Mat., _op. l._ 4, 2 : « delicatis amicti vestibus » ; Ps. Cyprian., _l. c._ 9 : « sacerdotes tunicis muliebribus. » Lucien, _l. c._ 51, appelle de même le vêtement des Galles syriens ἐσθῆτα θηλέην. *) Apul., _l. c._ : « cingulo subligati. » *) _Ibid._ : « carbasinis, bombycinis. » *) Juv. 2, 97 : « caerulea indutus scutulata aut galbina rasa » ; 6, 519 : « xerampelinas... tunicas » ; cf. les tuniques vertes des « pii sacerdotes » de Sabazios, sur les fresques des catacombes de Prétextât ; supra, p. 186, n. 3. Apul., _l. c._ : « crocotis » ; « tunicas albas in modum lanciolarum quoquoversus fluente purpura depictas. » *) Apul., _l. c._ : « luteis calceis. » *) Ps. Cyprian., _l. c._ 23. C'était une chaussure de marche, qui convenait à ces prêtres mendiants ; elle fut aussi l'un des attributs des premiers moines chrétiens : cf. Lafaye dans Dar. et Saglio, s. v. _Gallica_. Les insignes de l'ordre consistent en « prostêthidia » ou pectoraux, images pieuses, suspendues à des colliers ou agrafées au vêtement.* Cybèle, Zeus Idaios, Attis surtout, parfois aussi Mercure y sont représentés, soit en buste, soit en médaillon, soit sur des plaquettes qui ont l'aspect de petits temples et ressemblent aux stèles votives.* Les Archigalles du culte phrygio-romain ont conservé officiellement cette parure. Elle indique l'appartenance du personnage à la divinité ; de même, les prêtresses de Demeter et Coré cousaient sur leurs robes des plaques d'or où figuraient les deux déesses.* Telle est aussi la signification religieuse des colliers, que superposent les Galles avec un luxe d'Orientaux* ; ils marquent l'être voué aux dieux. Enfin leurs boucles d'oreilles ne sont pas un simple ornement. Quiconque se voue à la divinité en devient comme l'esclave ; et l'oreille percée pour recevoir l'anneau est l'un des symboles matériels de cette condition servile. « Il aura l'oreille percée avec un poinçon, » lisons-nous dans l'Exode ; « et il sera son esclave à jamais.* » La couronne d'or était réservée, ce semble, aux Attis, aux Archigalles et aux prêtres proprement dits. Mais les Galles portent la mitre,* sorte de turban à bandelettes qui tombent sur les épaules et qui paraissent être, comme le voile, un symbole de consécration. Ils se coiffent aussi du bonnet phrygien, en feutre, noué sous le menton.* Ils ont parfois, comme les femmes, une résille élégante et savamment agencée, qui maintient l'ordonnance compliquée de la chevelure.* *) Polyb. 21, 37 ; Dion. Hal., _Antiq. rom._ 2, 19, 4 ; Suidas, s. v. προστηθίδια. Ou les distinguait des τύποι, qui paraissent être de petites idoles, statuettes ou bustes (cf. celui de Zeus sur la poitrine d'une Sacerdos Maxima). On en décorait également les statues de la Grande Mère : Cornut., _Theol. gr. compend._ 6, éd. Lang. *) Cf. supra, p. 237, à propos de l'Archigalle. *) V. supra, p. 251. *) Juv. 2, 83 : « toto posuere monilia collo » ; Arnob. 2, 41 : « ut innecterent catenis colla. » Dans l'Anonyme de 394, Mommsen conjecture « collaribus, » au lieu de « gallaribus subito membra circumdare » ; _Hermès_ 4, 1870, p. 355. De Rossi, dans _Bull. di archeol. crist._ 6, 1868, supposait que les « gallaria » étaient des ceintures. Peut-être s'agit-il des « prostêthidia » ; mais il n'est même pas certain qu'il soit question d'un insigne des Galles. *) _Exod._ 21, 6 ; cf. Arnob., _l. c._ « catenis. » Sur cette forme de don à la divinité, v. Clermont-Ganneau, _Rec. d'archéol. or._ 5, 1903, p. 323 ss. *) Apul., _l. c._ : « mitellis » ; cf. Virg., _Aen._ 9, 616 : « habent redimicula mitrae. » Mot phrygien : Vanicek, _Fremdwoerter im gr. u. lat._, s. v. _Mitra_. *) Juv. 6, 515: « Phrygia vestitur bucca tiara » (coiffure de l'archigalle) ; Min. Fel., _Oct._ 24, 3: « incedunt _pileati_, pelles (les tambourins) caedunt, mendicantes vicatim deos ducunt. » *) Juv. 2, 96: « reticulumque comis auratum ingentibus implet » ; cf. _Anthol. Gr._ 6, 219, 4. Car il leur est interdit de couper leurs cheveux : tout leur être appartient à la divinité. C'est pourquoi on les dénomme les Chevelus.* Si toutefois, grâce à la protection de la Dame, ils échappent à quelque grave danger, ils peuvent faire le sacrifice d'une ou de plusieurs boucles, qu'ils suspendent en ex-voto dans le temple ou aux branches d'un arbre sacré.* Ceci est une véritable offrande de rachat ; car, d'après les idées sémitiques,* la force vitale réside dans les cheveux, comme l'âme dans le sang. Mais quand ils ne sont plus capables de célébrer le culte orgiastique et désirent renoncer au service effectif du couple divin, ils abandonnent à la déesse leur longue chevelure, avec leur robe, leur tambourin, leurs cymbales, leur fouet, le coutelas rouge de leur sang.* Une telle offrande n'est qu'une restitution. Elle s'accompagnait sans doute de cérémonies religieuses ; car il s'agissait de lever un tabou.* *) Cf. supra, p. 284, et l'explication que le mythe donnait de cette coutume. *) _Anthol. Gr._ 6, 217, 237 ; l'expression πλοκάμους indique plutôt des tresses que des boucles ; cf. Helbig, _Épopée homérique_, tr. Trawinski 1894, p. 310 s. Consécration de chevelures : _Bull. Corr. Hell._ 12. p. 479 ss ; dans le temple d'Atargatis : Lucian., _l. c._ De même, les tresses coupées aux Vestales étaient suspendues aux branches d'un vieil arbre : Plin., _H. n._ 16, 235. Dès la plus haute antiquité les perruques figurent en Égypte sur les listes d'offrandes : Maspero, _H. anc. des peuples de l'Or._, 1, p. 54. *) Robertson Smith, _Relief. d. Semiten_, p. 257 ; Chantepie de la Saussaye, _Manuel d'hist. des relig._, 1904, p. 184 ; Hepding, _Attis_, p. 162. *) _Anthol. Gr._ 6, 51 ; 173 ; 234. Frazer, _Rameau d'or_, tr. Stiébel 1, 1903, p. 297 : « les cheveux des prêtres aztèques pendaient jusqu'à leurs cuisses ; ils ne pouvaient les laisser couper qu'au moment où ils quittaient leurs fonctions par suite de leur grand âge. » *) Sur les cheveux tabous, Frazer pp. 296-315. Non seulement leur chevelure est inviolable ; mais encore ils la teignent en blond.* Cette coutume se rattache de même à une croyance religieuse, d'après laquelle la divinité n'admet en offrande que les chevelures blondes. Ils ne laissent leurs cheveux en désordre que pendant les fêtes du Deuil.* Sans cesse ils les pommadent,* les ondulent, les frisent, les calamistrent, les tire-bouchonnent.* Le fard est le complément nécessaire de cette toilette efféminée. Mais, en principe, il possède une vertu magique, écarte les mauvais génies et contribue au maintien delà pureté rituelle. Comme le barbouillage religieux des initiés, comme les déguisements, c'est une survivance de la démonologie primitive. Les Galles s'enluminent donc le visage ; les mauvaises langues prétendent que leur face est crépie comme un mur.* Ils se peignent le tour des yeux et se prolongent les sourcils avec un crayon à la mine de plomb.* Du reste ils portent toujours sur eux des miroirs, comme les femmes* ; et on les accuse de s'épiler le corps à la pierre ponce.* *) _Anthol. Gr._, 6, 51 ; 217. *) Arnob. 5, 7, 16 ; « passis crinibus. » *) _Anth. Gr._ 6, 234 ; Augustin., _Civ. Dei_ 7, 26: « madidis capillis. » *) Ovid., _Ars amat._ 1, 505 : « ferro torquere capillos » ; Apul. 8, 24 : « cincinnis pendulis capillatum » ; Arnob. 2, 41 : « calamistris vibrare cacsariem » ; Firm. Mat., _op. l._ 4, 2 : « exornant muliebriter nutritos crines. » *) Apul. 8, 27 : « facie coenoso pigmento delita » ; Augustin., _l. c._ : « facie dealbata » ; Firm. Mat., _l. c._ Sur le caractère magique de cette pratique, cf. Gruppe, _op. l._, p. 903. *) Juv. 2, 93 ; Apul., _l. c._ ; Arnob., _l. c._ *) Juv. 2, 109. *) Ovid., _l. c._ ; Arnob. 2, 41 : « cutem corporis levigare » ; Firm. Mat., _l. c._ : « nisi cutem poliant. » ## 3\. L'existence des Galles, comme leur costume, les sépare à tout jamais du profane. Leur vie religieuse est incompatible avec la vie laïque. Pour eux, le service de la dame est exclusif ; il les retient autour des autels et auprès des images saintes. Non seulement le rituel exigeait d'eux au moins une salutation matinale* et une salutation vespérale ; mais sans doute offraient-ils chaque jour des sacrifices. Leur culte est essentiellement orgiastique. Les principaux éléments de cet orgiasme, suivant une gradation ascendante, sont les psalmodies, les cris, les danses, la course, les flagellations et mutilations de la chair, la vaticination. La pratique de ces rites constitue ce que les Romains appellent le fanatisme, mot qui précise l'appartenance au _fanum_, mais qui finit par désigner l'orgiasme et la divination _circa fana_.* Galles, Bellonaires et Bacchants sont des fanatiques.* *) Servius ad Virg., _Aen._ 6, 52, fait allusion à des prières du matin, à la porte du temple : « Matris deum templum non manu, sed precibus aperiebatur » ; cf. les _deae matutinae salutationes_ chez les isiaques : Lafaye, _Cultes alex._, p.114 ; les prières des mithriastes au Soleil trois fois par jour, à l'aurore, à midi et au crépuscule : Cumont, _Mithra_, p. 324. *) Vivianus dans _Dig._ 21, 1, 1, 10, définit le fanatisme : « circa fana bacchari et responsa reddere. » De même Cicéron, _De divin._ 57, traite de « paene fanatici » les philosophes qui accordent trop aux oracles et à la divination. Cette expression appartiendrait au plus ancien vocabulaire de la religion romaine, d'après Varr., _L. lat._ 6, 54, et Serv. ad _Georg._ 1, 10, qui la rattache au culte oraculaire de Faunus et cite le témoignage de Cincius, préteur en 210 av. J.-C. Le mot indiquait simplement, ce semble, l'appartenance au « fanum » ; cf. les hiérodules. *) « Galli fanatici, » dans Liv. 37, 9 ; cf. 38, 18 : « Galli Matris Magnae vaticinantes fanatico carmine » ; Juv. 2, 112 : « senex fanaticus » (l'archigalle) ; Lamprid., _Heliog._ 7, « praecisos fanaticos » ; Prudent., _Peristeph._ 10, 1061 ; _Acta S. Symphoriani_, _l. c._ --- Bellonaires : Juv. 4, 123 « fanaticus... divinat » ; _CIL._ 6, 490, 2232, 2234, 2235, sans doute aussi 4, 2155. Bacchants, Liv. 39, 15. En Syrie : Florus, 2, 7 ; _CIL._ 3, 6681. Leurs chants spéciaux se réduisent à d'interminables litanies en l'honneur d'Attis,* dieu grand, dieu pur, dieu saint, dieu propice, dieu tutélaire, dieu sauveur, dieu puissant. La répétition des mêmes vocables, le retour des mêmes assonances* la voix aiguë et grêle des eunuques et l'accompagnement sourd du tambourin ajoutent à la monotonie du rythme. Des exclamations, des cris perçants et plaintifs, ou ololygmes,* interrompaient par moments la psalmodie. « Ils ululent Attis,* » disaient les Romains, qui se moquaient de cette « bande d'égosillés, » des voix cassées de ces « demoiselles, » et de leurs clameurs discordantes.* De même les prêtres de Baal hurlaient du matin à midi : « Baal, exauce-nous. » C'est une notion primitive que, pour attirer l'attention du dieu, il faut des moyens énergiques et beaucoup de bruit. *) Arnob. 1, 41 : « Attin... Magnae Matris in adytis deum propitium, deum sanctum Gallorum conclamatione etc. » Index des épithètes d'Attis dans Hepding, pp. 206-209. *) Dans Lucien, _Tragodopod._ 30 ss, cette recherche de l'assonance est sans doute une imitation des hymnes métroaques. *) _Anthol. Gr._ 6, 173 : γαλλαῖον ὀλόλυγμα ; cf. 219, 17 ; Lucian., _l. c._ 31 ; Greg. Naz., _Carmina hist._ 2, 2, 7, v. 267 = Migne, _P. G._ 37, p. 1572. *) Mart. 5, 41, 2 ; cf. Lucan., _Phars._ 1, 567. *) Apul. 8, 26 : « chorus puellarum, » cf. 27 ; Ovid., _Met._ 3, 536 : « femineae voces » ; Juv. 2, 111 : « fracta voce » et 6, 515 : « rauca cohors. » A ces ululements et au jeu des tympanons correspondent une série de gestes et d'attitudes. Il y a une danse des Galles. La danse est un rite d'adoration.* C'est pourquoi Cybèle avait à Rome sa confrérie du ballet, recrutée dans le monde des affranchis.* Or les Galles sont par excellence les baladins de la déesse. Leur danse à trois temps n'est autre que celle des Corybantes, lesquels prétendaient tenir de Cybèle même la connaissance de leur art. La véritable danse des Corybantes phrygiens est aussi bien, en effet, le pas du tympanon que le pas d'armes. Cet instrument passait pour être de leur propre invention,* et souvent on les représenta pacifiquement armés du tambourin. D'autre part, les mystes Corybantes sont, de même que les Galles, des « enthousiastes, » c'est-à-dire des fanatiques. Pour exprimer le délire sacré des serviteurs et compagnons de la Mère, corybantiasme est synonyme de gallomanie.* Le _tripudium_ métroaque ne se bornait donc pas à des évolutions cadencées. Le rythme en est précipité et trépidant.* La violence des mouvements s'exagère en bonds et en brusques sursauts.* Tandis que les genoux se ploient pour l'élan, les bras se lèvent au-dessus de la tête ; et, quand les mains se rapprochent, elles font sonner le tympanon.* N'était-ce pas là cette danse de Phrygie que Lucien déclare bonne pour gens ivres et paysans* ? Chez les mystes, elle est une des premières manifestations de l'enthousiasme. Elle s'exécutait autour de l'autel ou du temple, pour symboliser, disait-on, les mouvements du soleil et des astres.* Mais parfois elle se transformait en une course rituelle sur les monts sacrés.* Ce rite de l'oribasie passa en Occident. Peut-être à Rome parcourait-on le Vatican, devenu la colline sainte des mystères phrygiens. Les Romains étaient habitués à ce genre de spectacle, dans certaines fêtes populaires de leur plus antique religion.* *) Lucien, _De salt._ 15, déclare que l'on ne saurait trouver un seul mystère où l'on ne danse point. Dans les temps modernes, cf. les Derviches tourneurs, les Shakers d'Amérique, les Klysty et Skakouny russes, les Chamanes de Sibérie (cf. _Rev. Hist. Religions_, 1902, 2, p. 330). Une secte des « Saints Sauteurs, » fondée vers 1900 par un certain Kent White, s'est propagée au Canada et en Australie. Les adeptes, qui vivent en communauté, sont soutenus dans leurs danses frénétiques par un bruyant orchestre, piano, timbales, cymbales et tambours ; ils prétendent que, sans la pratique des « Danses Saintes, » il est impossible de faire son salut. « La poésie exprime plus que la prose, » dit un Oriental, « la musique plus que la poésie, la danse plus que la musique ; par elle l'essence du dieu est visible et se communique aux mortels. » *) Cf. supra, p. 280. *) Eurip., _Bacch._ 123. Le pseudo-Manéthon, _Apotelesm._ 5, 179, nous montre les Galles tenant d'une main un glaive, comme les Corybantes, de l'autre le tambourin, qui remplace le bouclier. *) Sur le corybantiasme : textes réunis dans Rohde, _Psyche_, p. 336 s ; Maury dans les _Annales médico-psych. du système nerveux_, 10, p. 55 ss. *) Catull., _Attis_ 26 : « citatis tripudiis » ; Ovid., _Fast._ 6, 330 (fête donnée par la Mère des Dieux) : « celeri ter pede pulsat humum » ; cf. Hor., _Od._ 4, 1, 27 ; Apul. 8, 27 : « lymphaticum tripudium. » La danse des Saliens à Rome était aussi un tripudium. *) Plut., _Amator._ 16, p. 759 B : τὰ βακχικὰ καὶ κορυβαντικὰ σκιρτήματα ; Greg. Naz., _Contra Julian._ 1, 103. Bonds d'Attis, Julian., _Or._ 5, p. 165 C. *) _Anthol. Gr._ 6, 219, 19 : χειρὶ δ᾽ἀνασχόμενος μέγα τύμπανον ἐπλατάγησε. Sur cette mimique des bras levés, cf. _C. R. Commission de Saint-Pétersbourg_, 1859, pl. 1 et 4 et p. 120 (figurines de terre cuite) ; 1865, pp. 60-70 ; _Monumenti_ 4, pl. 43 (noces de Thésée) ; _Archaeol. Zeit._ 1, pl. 24, 1 (aryballe de Nola : fête en l'honneur de Cybèle et des Curètes ? ) ; Kekulé, _Terracotten von Sicil._, pl. 58 et p. 83 ; Furtwaengler, _Coll. Sabouroff_ pl. 137 (six femmes dansant autour de Cybèle) ; Id., _Coll. Somzée_, 101 (terre cuite attique, 5e-4e s.) ; Prat, _Hist. d'Arton_, pl. 58, 59 (femmes dansant, reliefs funéraires) ; Conze, _Sculpturen in Pettau_, dans _Wien. Akad. Denkschriften_ 1875, pl. 5 et 6 (id.). --- Sur les danses orgiastiques : Emmanuel, _Orchestique grecque_, p. 300 ss. *) _De salt._ 34. *) _Ibid._, 17 ; cf. Arnob. 2, 42 : « orbes saltatorios. » *) Sur le Tmolos : _Anthol. Gr._ 6, 234. Sur l'Ida : _ibid._ 218 ; Catull. 63, 30 ss. Oribasie dans les cultes bithyniens, Strab. 12, 4, 3. Course rituelle dans le culte métroaque : Stat., _Theb._ 10, 173 s : « vulnera cursu exanimat » ; Arnob. 5, 16 : « per cursus annuos » ; dans celui de Bellone : Lactant., _Div-Instit._ 1, 21, 16 : « currunt, ecferuntur, insaniunt. » D'une façon générale, dans les cultes fanatiques, Liv. 4, 33 : « velut fanatico instincta cursu. » *) Cf. les Lupercales. Bonds et courses ne sont pour les Galles que la préparation à la phase du vertige. Celle-ci est déterminée par des mouvements tourbillonnants de la tête,* qui sont une pratique commune aux Galles et aux Bacchants. A l'aide des vases dionysiaques, on peut en décomposer ainsi la mimique : brusque renversement de la tête ; flexion du corps en arrière et contorsion du buste ; balancement circulaire et rapide de la tête ; flexion du corps en avant et nouveau balancement de la tête penchée. Sans doute aussi tournoyait-on rapidement sur soi-même, comme font les Derviches tourneurs ; c'était en effet un exercice familier aux théophorètes.* Cette orchestique convulsive et barbare, dans un concert de cris, de flûtes et de cymbales, donnait à ces ministres de la Grande Mère l'aspect de forcenés. Leurs gestes d'amour finissent en gestes de folie. Mais le mythe n'est-il pas rempli de scènes de démence ? Cybèle se réjouit des transports furieux d'Attis, qu'elle a rendu insensé ; d'après une autre légende, elle-même en perd la raison, crie, ulule et bondit en battant du tambourin. C'est que les Galles prétendent en effet arriver au délire, _furor Acdestius_,* qui est saint et sanctifiant, et par quoi se révèle la communication directe avec les puissances divines. *) C'est ce que l'on appelait _iactatio fanatica_, Liv. 39, 13 ; cf. _Anthol. Gr._ 6, 51, 8 ; Alcaios, _ibid._ 218, 8 ss (ce mouvement giratoire de la tête est considéré comme « la danse de Kybélè » ) ; Antipater, _ibid._ 219, 2 et 18 ; Maecen., _Fragm._ 4 : « sonante typano quate flexibile caput » ; Ovid., _Fast._ 4, 244 : « iactatis comis » ; Quintil. 11, 3, 71 : « iactare caput et comas excutientem rotare fanaticum est » ; Stat., _Theb._ 10, 173 : « sanguineosque rotat crines » ; Vivian., _l. c._ : « iactare caput » ; Apul. 8, 27: « fanatice pervolant diuque capite demisso cervices lubricis intorquentes motibus crinesque pendulos in circulum volantes etc. » ; Lucian., _Tragodop._ 114 ; Florus, 2, 7 : « fanatico furore simulato Syriae deae comas iactat » ; Lamprid., _Heliog._ 7: « iactavit caput inter praecisos fanaticos » ; Prudent., _Peristeph._ 1063 : « furere ac rotari ius putatur mysticum » ; Augustin., _Civ. D._ 7, 24: « iactatio insana membrorum » ; cf. 28 ; Serv. ad _Aen._ 10, 220 : « semper Galli per furorem motu capitis comam rotantes ululatu futura pronuntiabant. » *) _Etym. magn._ 276, 32 : δίνησις τῶν θεοφορήτων. *) Arnob. 5, 13 ; cf. _Anthol. Gr._ 6, 219, 1 : θεᾶς οἵστρῳ ; 220, 2 : ἔκφρων. Toutefois, avant d'être un possédé de la divinité, il faut avoir mérité sa paix par des sacrifices propitiatoires. Les Galles lui offrent des libations de leur propre sang, symbole de l'oblation volontaire de leur vie. On retrouve ce même rite dans les cultes cappadociens, syriens et phéniciens ; mais les Thraces le pratiquaient également. Il fait partie du fonds commun à toutes les religions primitives. De successives mortifications constituent le sacrifice sanglant des Galles, que précède peut-être une confession publique.* D'abord ils se frappent la poitrine avec des pommes de pin,* rite recommandé à tous les mystes durant les fêtes de la Passion. Puis, ils s'infligent la discipline. Car ces prêtres hurleurs et danseurs sont aussi des flagellants.* Composé de trois cordes ou lanières, qui sont garnies d'osselets, le fouet déchire les flancs, le dos, les épaules, meurtrit la chair et fait jaillir le sang. Comme la cravache ou l'aiguillon dont parle l'Avesta, il est un instrument de pénitence et de purification. Il contribue à expulser du corps les mauvais démons et à détruire leurs influences pernicieuses. Sans doute même, à l'origine, les coups portés soit avec le fruit du pin, soit avec le cuir d'un bouc ou d'une chèvre, devaient-ils faire passer dans le corps du patient la vitalité de l'arbre ou de l'animal.* La flagellation apparaît ainsi comme un rite barbare de communion avec les Dieux. Cette pratique rituelle, survivance du lointain totémisme, avait subsisté pareillement chez certaines sectes de Ménades.* Les Galles se frappent eux-mêmes ou entre eux, tout en hurlant, en bondissant et en courant. Parfois, dans leur furie, ils se mordent.* Enfin ils saisissent les poignards sacrés à double tranchant.* On en voit qui brandissent un glaive dans chaque main. Les manches retroussées, ils s'entaillent les bras* et y tracent des signes mystiques.* Le sang coule en l'honneur des Tout-Puissants. Cette libation s'accompagne d'une supplication,* rite d'un caractère oriental. Le suppliant se prosterne devant l'image du dieu, lui baise les mains et les pieds, et touche du visage le sol. Les armes sont lavées solennellement dans l'eau courante, le jour du Bain. *) Cf. les Galles syriens dans Apul. 8, 28 ; Cumont, _Religions or. dans le pagan. rom._, 1907, p. 262, n. 28. *) V. supra, p. 123, n. 4 et 5, et p. 125, n. 2 ; cf. Lamprid., _Commod._ 9 : « isiacos pineis usque ad perniciem pectus tundere cogebat. » *) _Anthol. Gr._ 6, 234, 4 : consécration d'un fouet πολυαστράγαλος ; Maecen., _Fragm._ 5 : « latus horrcat flagello » : Plut., _Adv. Colol._ 33 : τῆς ἀστραγαλωτῆς ᾖ τοὺς Γάλλους πλημμελοῦντας ἐν τοῖς Mητρῴοις κολάζουσιν ; Lucian., _Tragodop._ 115 : πολυκρότοις ἀστραγάλοις πέπληγε νῶτα ; _Lucius_ 38 ; Apul. 8, 28 : « arrepto denique flagro quod semiviris proprium gestamen est, contortis tenis lanosi velleris prolixe fimbriatum et multijugis talis ovium tesseratum » ; 30 : « flagro pecuinis ossibus catenato » ; Poll., _Onom._ 10, 12, 54. Le fouet servait aussi à frapper le rhombos, qui était une sorte de gong en cuivre et dont il n'est plus question dans le culte phrygio-romain ; cf. Foucart, _op. l._, p. 59. *) Cf. S. Reinach, _La flagellation rituelle_, dans _Cultes, mythés et religions_, 1, 1905, p. 173 ss. *) Paus. 8, 23, 1. *) Apul. 8, 27 : « morsibus suos incursantes musculos. » *) _Ibid._ : « ancipiti ferro. » *) Aux textes cités supra, p. 126 s, ajouter : _Anthol. Gr._ 6, 51, 7 s (consécration de coutelas, φάσγανα, encore rougis de sang) ; Ovid., _Fast._ 4, 221 et 244 ; Propert. 2, 22, 15 s ; Senec., _De v. beata_ 27 : « secandi lacertos suos artifex brachia atque humeros suspensa manu cruentat » ; _Fragm._ 34, éd. Haase 3, p. 425 : « lacertos secat » ; Val. Flacc., _Argon._ 3, 20 : « Dindyma sanguineis famulum bacchata lacertis » ; cf. 7, 635 ; Apul. 8, 27 : « brachiis umero tenus renudatis, adtollentes immanes gladios,... sua quisque brachia dissicant » ; Tertull., _Apol._ 23 : « lacertos sibi prosecat » ; Augustin., _Civ. D._ 7, 28 : « mollium et abscisorum sese secantium. » *) Cf. Dio Cass. 55, 31 ; femme fanatique inscrivant des « grammata » sur ses bras avec un couteau. *) Sen., _Fragm._ 34 : « in templis vulneribus suis ac sanguine supplicant » ; Min Fel., _Oct._ 24, 4 : « sanguine suo libat et vulneribus suis supplicat. » Ces mutilations, tandis que continuent les danses hallucinantes, ont déterminé l'enthousiasme. Les fonctions religieuses sont étroitement unies, chez les Galles, aux fonctions mantiques. Pendant la consommation du sacrifice ils vaticinent.* On recueille avec dévotion leurs paroles, qui ne sont pas toujours intelligibles, mais où l'on croit reconnaître le verbe même de la divinité. Car l'esprit divin a supplanté en eux l'esprit individuel ; ils ne s'appartiennent plus ; ils parlent _ex imperio_.* Leurs oracles sont versifiés, puisque la poésie est la langue des Dieux.* Ils ne se font point entendre de l'intérieur du sanctuaire ni du fond de quelque adytum. Toute la cérémonie se passe auprès des autels, dans le _Campus Matris Deum_. Aussi bien, le sang qui tache le corps et la robe des Galles est-il pour eux une souillure ; ils ne pourraient, sans une lustration préalable, pénétrer dans la demeure d'un dieu.* *) Liv. 39, 13 : « cum iactatione fanatica corporis vaticinari » ; Apul. 8, 28 ; Prudent., _Contra Symm._ 2, 863 s : « Megalesius hinc spado diris | incensus furiis caeca ad responsa vocatur » ; _Acta S. Symphoriani_, _l. c._ : « fanatici furoris inflati insania » ; Serv. ad _Aen._ 10, 220 (v. supra, p. 304, n. 2) ; cf. les Yogins professionnels chez les Hindous. *) Senec., _Ep._ 18, 5, 7 : « ex imperio furentes » ; cf. _Anthol. Gr._ 6, 220, 4 : πνεύματα θεοφορίης ; Hor., _Od._ 1, 16, 5 : « Dindymene quatit mentem sacerdotum » (il compare ses oracles à ceux de la Pythie) ; Dio Cass. 48, 43 (v. supra, p. 100, n. 6). Sur les deux formes de l'extase et sur le délire-possession, cf. Weil (rectifiant Rohde, _Psyché_), _Études sur l'antiq. gr._ 1900, p. 29 s ; De Labriolle, _L'antimontanisme et la prophétie extatique_ dans _Rev. d'hist. et litt. relig._ 11, 1906, p. 97 ss. *) Liv. 38, 18 : « fanatico carmine » ; cf. Plut., _De Pyth. or._ 25 : ce qui a le plus contribué, dit-il, à décrier les oracles en vers, ce sont les Métragyrtes et les Sérapiastes. *) Cf. Lucian., _Dea Syr._ 49. La loi de certains temples grecs leur interdit même en tout temps l'accès du naos ; cf. à Eresos. ## 4\. Les Galles ne pratiquent point seulement la divination par extase ou pneumatisme fanatique. Ils connaissent aussi la divination tellurique ; elle doit même être fort ancienne dans le culte d'une déesse que l'on adorait sur les montagnes, au fond des grottes et près des sources. Comme les prêtres d'Apollon, les ministres de Cybèle vont parfois chercher l'enthousiasme dans les antres d'où s'échappent des vapeurs. Hiérapolis de Phrygie, célèbre par ses eaux chaudes, possédait un Plutonium. C'était, au pied d'un mamelon, une ouverture tout juste assez large pour laisser passer un homme, mais fort profonde. « Elle est protégée, » nous dit Strabon,* « par une balustrade qui peut avoir un demi-plèthre (une quinzaine de mètres) de développement et qui forme une enceinte carrée, toujours remplie d'un nuage épais de vapeurs nocives. Tout être vivant qui franchit le péribole est de suite asphyxiée. Y pousse-t-on des taureaux ? Ils tombent morts. Nous y avons lâché nous-mêmes de pauvres moineaux, et ils sont tombés aussitôt sans vie. Seuls les Galles eunuques y pénètrent impunément. Ils s'approchent du trou, se penchent dessus, y descendent même quelque peu en retenant leur respiration. » Et quand ils sortaient, à demi suffoqués, ils rendaient des oracles. *) Strab. 13, 4, 14 ; cf. Plin., _H. n._ 2, 208 ; Dio Cass. 63, 27 ; Amm. Marc. 23, 6, 18 ; Damasc., _Vita Isidori_ dans Phot., _Bibl._, p. 344, éd. Bekker. Voir aussi Bouché-Leclercq, _H. de la Divination_, 2, p. 374 s, et Partsch, _Geologie u. Mythologie in Kleinasien_, dans _Philol. Abhandl. Martin Hertz_, Berlin 1888, p. 121 s. Mais ils obtiennent également la révélation directe par les songes. Cybèle, Oniropompe et Onirophante* comme toutes les divinités de la terre, les favorise de ses apparitions pendant leur sommeil. A Cyzique, le Galle Sôteridès la priait avec ferveur pour le salut d'un ami, lequel prenait part à l'expédition de César en Lybie* ; elle lui fit savoir dans un songe que le soldat, prisonnier de guerre, s'était échappé sain et sauf. Ils peuvent se substituer au dévot qui fait appel à l'oniromantique ; et même, dans certains temples d'Asie Mineure, cette substitution est obligatoire.* Le prêtre va dormir au lieu et place du consultant et rapporte ensuite une prescription, qui est un ordre de la Dame. L'incubation a lieu dans une cellule ou chapelle du Metrôon, ou encore dans une caverne sacrée.* Elle est précédée d'un jeûne ; car, lorsqu'on rêve à jeun, les songes sont plus clairs.* *) Cf. Artemidor. (époque antonine), _Onirocrit._ 2, 39, p. 139 ; éd. Hercher 1864, p. 145. *) _CIG._ 3668 ; année 707/47 av. J.-C. La déesse porte en Anatolie l'épithète d'Epiphane : cf. _Ath. Mitt._ 12, 1887, p. 256, n° 22 (Philadelphie). *) Cf. au Plutonium d'Acharaca, où l'incubation du consultant est l'exception : Strab. 14, 1, 44. *) Sur les cinq catégories de songes et sur les étroits rapports du rite de l'incubation avec les cultes chthoniens, v. Deubner, _De incubatione_, 1900. *) Galien., _Comment. in lib. 1 Hippocr._, éd. Kuehn 16, p. 525 ; cf. à Acharaca, Strab., _l. c._ On soumettait aussi la Pythie à un jeûne. A la révélation immédiate les Galles joignent aussi l'interprétation des signes. Ils interprètent les rêves d'autrui. Ils savent la signification du chant et du vol des oiseaux ; l'art augurai florissait très anciennement en Phrygie et en Pisidie.* Ils sont de même habiles dans la science des influences sidérales, attribuent à la Mère des Dieux la planète Vénus* et font concurrence aux Chaldéens, dont sans doute ils furent les disciples ; l'astrologie sémitique paraît d'ailleurs avoir exercé une action considérable sur le culte phrygien. Selon toute vraisemblance, enfin, ils pratiquent l'astragalomancie* et autres divinations de qualité inférieure,* qui n'étaient pas les moins appréciées. *) Cic., _De Divinat_. 1, 41 : « Phryges et Pisidae et Cilices avium significationibus plurimum obtemperant » ; cf. 42: « Phryges... cantus avium et volatus notaverant » ; Juv. 6, 585 : « Phryx augur » ; Greg. Naz., _Or._ 4, 109. *) Plin., _H. n._ 2, 37 ; cf. supra p. 192. *) Cf. le rôle de Mêter Theôn dans les oracles talaires en Asie-Mineure : inscr. d'Attalia, Kaibel dans _Hermès_, 10 p. 193 et _Epigr. gr._, 1038 ; d'Anaboura (Pisidie), Sterrett, _Wolfe Expedition_, n° 342, l. 11 ss. La déesse y prend place entre Mên Phosphoros et Zeus Katachtonios ; le voisinage d'Aphrodite Ourania révèle une part d'influence syrienne. Les renseignements fournis par les dés ressemblent tout à fait à ceux que vendent les modernes diseuses de bonne aventure : « courage ! l'occasion est bonne ; tu arriveras à tes fins ; ...procès ; ...justice, etc. » *) Cf. l'esclave phrygienne habile en gastromancie, dans Alciphr. 2, 4, p. 37. Mais ce qui caractérise vraiment les Galles, c'est la révélation directe ; cf. Plut., _l. c._, qui les oppose aux devins égyptiens, tireurs de sorts. Ce ne sont donc pas que des inspirés, des possédés et des visionnaires. Ils ont reçu un enseignement occulte. Leur instruction religieuse dépasse de beaucoup celle des autres mystes. Ils conservent tout un ensemble de traditions, enrichies avec les siècles, mais dont ils font remonter l'origine première jusqu'à Rhéa.* Aussi, pour détourner les maux imminents et conjurer les maux présents, n'ont-ils pas besoin de recourir toujours à la théopneustie. Ils ont appris les remèdes salutaires et les formules de surnaturelle vertu. L Omnipotente leur a conféré le pouvoir d'effacer les souillures du crime et de l'impiété. Ils peuvent laver la faute des hommes, non seulement chez les vivants, mais encore chez leurs ancêtres.* A cet égard ils connaissent des rites d'intercession, des prières et des sacrifices pour les morts, de même que, dans le christianisme primitif, certaines églises avaient leur baptême pour les défunts. Des familles vont les trouver tous les mois pour se faire purifier.* Ils se chargent même d'expier en une seule fois l'année tout entière.* Une de leurs pratiques d'exorcisation est le tympanisme* ; le bruit sourd du tambourin écartait les mauvais génies, comme il éloignait jadis les lions de Cybèle, dans les montagnes sauvages de l'Asie. Un autre rite consistait, ce semble, à courir autour du dévot pour empêcher les mauvais esprits de revenir.* Ils se faisaient donner des vêtements, sur lesquels ils transféraient la pollution et détournaient le péril menaçant.* Dans leurs incantations ils prononçaient des mots barbares, que les profanes ne comprenaient point et qui paraissaient d'autant plus efficaces.* Comme tous les devins, ils indiquaient des lustrations par l'eau de source, l'eau salée, l'argile, le soufre, les œufs ; des expiations par le jeûne, l'abstinence sexuelle, la mortification et les sacrifices.* *) Rhéa avait elle-même guéri Dionysos de la folie qu'il tenait d'Héra : Julian., _Adv. cynic. Heracl._ 12. De plus, Rhéa, sur les monts Kybèles, avait enseigné la science des expiations et des purifications à Dionysos, qui la propagea dans le monde entier : Schol. venet. ad _Iliad._ 6, 132. *) V. supra, p. 177. *) Marin., _Vit. Procl._ 19 ; cf. Theophr., _Charact._ 16 : le dévot visite les Orphéotélestes et mène chez eux femme, nourrice et enfants. *) Juv. 6, 521. *) Τυμπανιστιοί, Plut., _De superst._ 12. Cf. la lustration parle bruit de l'airain, supra, p. 259, et Claudian., _De 4 cons. honor._ 149 : « Cybeleius aere sonoro lustravit Corybas. » *) Περιδρομαί, Plut., _l. c._ ; on courait autour de l'autel avant le sacrifice. *) Juv. 6, 519 ss. Sur cette cathartique très primitive et qui est encore fréquente chez les sauvages, cf. Farnell, _Evolution of religion_, 1905, p. 88 ss, et Frazer, _Rameau d'or_, tr. 1903, 1, p. 62. *) Plut., _l. c._ 13 : ῾ρήμασι βαρβαρικοῖς. Ces noms ont par eux-mêmes une force opérante. *) _Ibid._, 3 : prescriptions d'agyrtes ; cf. Menandr., _Deisidaim._, _fr._ 3. Mais il n'y a pas de distinction, à l'origine, entre les souillures morales et les souillures matérielles, entre le péché et la maladie. Ces médecins de l'âme ont commencé par être les médecins du corps. Ils continuent à exercer la médecine, comme les ministres d'Apollon. C'est surtout à une clientèle de malades que les Galles donnent des consultations par les songes. A Hiérapolis de Phrygie, ils forment une sorte d'institut médical ; aussi bien, la plupart des pèlerins qui fréquentent ces _Plutonia_ sont-ils des malades. Dans les principaux centres médicaux d'Asie Mineure, les plus célèbres de ces Galles prenaient même des pensionnaires.* Ils prescrivent des traitements thérapeutiques et recommandent les eaux thermales, dont leur déesse a la tutelle. De préférence ils soignent certaines infirmités. Car il existe des maux qui sont envoyés par Cybèle. « Si le malade imite le bêlement de la chèvre, s'il grince des dents, s'il a des convulsions du côté droit, c'est la Mère des Dieux qui le met en cet état.* » Mais en même temps qu'elle cause le mal, elle livre le secret de la guérison.* La science des Galles est de révélation divine. Ils sont donc, en certains cas, les plus qualifiés pour ordonner une cure. Ils ont ainsi la réputation de guérir, non seulement l'épilepsie et les accès de folie,* mais encore les fièvres, l'hydropisie et les maladies des petits enfants.* Ils indiquent aussi des remèdes préventifs. A Rome, le mois de septembre est fiévreux ; ils procurent le moyen de rester indemne. Le siroco est débilitant ; ils savent comment on résiste à son influence pernicieuse.* Si l'on ne veut pas que le corps enfle, il faut par trois fois le matin manger de l'ail.* *) Strab. 14, 1, 44. *) Hippocr., _De morb. sacr._ 2, éd. Kuehn, 1, p. 592 ; éd. et tr. Littré, 6, p. 360. *) Diogen. Trag. dans Athenaios, 14, 636 : Ῥέα τῶν νόσων αὐξητικὴ καὶ μειωτική ; v. aussi Meter Iatros, supra, p. 206, et les relations de la déesse avec Asclepios, son culte à Epidaure. *) Aristoph., _Vesp._ 115 ; Eurip., _Hippol._ 141 s ; cf. Foucart, _Assoc. rel._, p. 171, et supra, p. 309, n. 1. *) Cf. Aristoph., _l. c._ 118 ss (par le tympanisme des Corybantes) ; Démosth., _Contra Aristog._ 1, 76 (culte non indiqué, mais qui paraît se rattacher à celui de Sabazios ou de Cybèle) ; Diodor. 3, 58 (Cybèle inventant des incantations pour guérir les enfants) ; Pers. 5, 187 : (Galli) « incussere deos inflantes corpora. » *) Juv. 6, 517 ss. *) Pers., _l. c._ 188 ; cf. Plin., _H. n._ 19, 6 : « allium ad multa medicamina prodesse creditur. » Contre l'hydropisie, les anciens employaient soit la scille ou oignon marin, dont on se servait aussi dans les purifications rituelles, Théophr., _l. c._, soit l'ail trituré avec l'olive noire, Dioscorid. 2, 145, cf. Berendes, _Des Pedanios Dioskurides Arzneimittellehre_, Stuttgart, 1902, p. 234. L'ail est considéré comme impur ou, ce qui revient au même, comme sacré ; il est défendu à ceux qui ont mangé de l'ail d'entrer dans un Metrôon sans purification préalable : Athenaios, 10, p. 422. On adresse des prières et l'on offre des sacrifices à Cybèle pour la prospérité des troupeaux comme pour la santé des hommes. On peut donc consulter les Galles au sujet des animaux malades. Ils débitent même aux bergers des recettes merveilleuses pour favoriser la reproduction du bétail et le préserver de tout mal ou de tout maléfice.* Enfin Cybèle est la déesse de la terre ; à l'usage des agriculteurs, les Galles disposent de procédés qui assurent la fécondité du sol, la bonne venue du blé et l'abondance des fruits.* Ils vendent également des prières pour attirer la pluie en temps de sécheresse ; et on les interroge sur l'achat de propriétés.* Mais quand on peut conjurer les esprits et repousser les charmes, on peut tout aussi bien les détourner sur autrui. Quand on est un faiseur de pluie, on trouve des clients qui réclament la grêle pour le domaine rival. On achetait aux Galles des formules bienfaisantes pour soi, malfaisantes pour les autres.* Nous en connaissons une qui permettait de faire passer les rats d'un champ dans celui du voisin. « J'exorcise les rats qui ont été surpris en cet endroit même ; ne me portez pas préjudice, vous, et n'en laissez pas d'autres non plus me porter préjudice. Je vous donne en effet ce champ que voici (et tu désignes lequel) ; mais si je vous surprends encore ici, avec l'aide de la Mère des Dieux je vous partagerai en sept parts _etc._* » Ainsi les eunuques de Cybèle se faisaient marchands de sentences, amulettes, talismans et philtres magiques.* Ils en vendaient aussi pour les mariages, pour les voyages, contre les voleurs et pour faire retrouver les objets perdus.* « Ils trafiquent de la majesté divine, » dit un chrétien.* Entre leurs mains, le culte phrygien se transformait aisément en pratiques de sorcellerie : ce qui ne pouvait sans doute que contribuer à sa popularité. *) Dio. Chr., _Or._ 1, p. 61 éd. Reiske : μαντικὴν ἐκ Μητρος θεῶν δεδομένην, χρῆσθαι δὲ αὐτῇ τούς τε νομέας πάντας καὶ τοὺς γεωργοὺς ὑπὲρ καρπῶν καὶ βοσκημάτων γενέσεως καὶ σωτηρίας ; cf. supra, p. 201, n. 10. *) Dio. Chr., _l. c._ ; Artemidor., _l. c._ ; Augustin., _Civ. Dei_ 7, 24 ; cf. Apul. 9, 8. Sur Cybèle distributrice de pluie, v. supra p. 199 ; cf. les « faiseurs de pluie » et les « hommes-médecines » des populations non civilisées. *) Cf. Apul. 9, 8 : « si possessiones praestinaturus quaereret. » *) Plat., _l. c._ ; cf. Foucart, _Assoc. rel._, p. 172. *) _Geopon._, 13, 5, 4 s ; cf. Gœhler, _De M. M. apud R. cultu_, p. 34. *) Schol. ad Clem. Al., _Paedag._ 3, 4. Mention de Dea Phrygia sur des tablettes magiques : Wuensch, _Sethianische Verfluchungstafeln aus Rom_, 1898, p. 81. *) Cf. Apul., _l. c._ *) Tertull., _Apol._ 13 : « maiestas quaestuaria efficitur ; circuit cauponas religio mendicans. » ## 5\. Les Galles vivent du produit de leurs consultations. Ils vivent aussi d'aumônes. Ils sont en effet astreints à une règle commune qui leur impose, entre autres obligations, la mendicité. « Religion de mendiants ! » déclare le même chrétien. Mais demander l'aumône est une forme de l'ascétisme. Tous les ans, à la suite d'une vision nocturne, Auguste consacrait pieusement une journée à mendier. A la fin de l'Empire, des membres de l'aristocratie romaine, par pénitence, mendiaient pour la Grande Mère.* Les Galles sont par excellence les Métragyrtes* ; et pendant longtemps, en Grèce, on ne les connut pas sous un autre nom. D'autre part, toute vie sédentaire est source d'impureté. Non seulement ils tendent la main, mais en principe ils n'ont pas de domicile fixe. C'est un ordre mendiant et ambulant.* Il n'était pas le seul dans l'antique Orient. Artémis Reine de Pergé, déesse chthonienne apparentée à Cybèle et Anahita, possédait un collège de frères quêteurs et itinérants.* Les eunuques d'Artémis Éphésienne sont probablement assujettis à la même discipline et au même genre de vie. Enfin si la Mère des Dieux et la Dame de Syrie sont « deux sœurs,* » leurs Galles se ressemblent, à tous égards, comme des frères. Ils mènent la même existence nomade. Dans le pays de Damas, un certain Lucius dédia un autel à sa bonne Dame Atargatis « après avoir accompli vingt voyages de quêtes et rempli quarante besaces.* » Le récit d'Apulée n'est pas qu'un conte fantaisiste. Au cours de ses nombreux voyages, et mieux encore sur sa terre d'Afrique, plus orientale que romaine, l'auteur avait observé de près les mœurs vagabondes des Galles syriens. *) Anonyme de 394, _Contra paganos_ 58. Sur ce rite, cf. Pollux 3, 2, 14 : μητρίαζειν, c'est à la fois être initié et mendier pour la déesse. *) Antiphan. dans Athen., _Deipnosoph._, p. 226 D ; Clearch., _ibid._, p. 541 E ; cf. Cratin. dans _Com. Att. fragm._ 2, 51, ἀγερσικύβηλις ; Menandr. dans Clem. Al., _Coh. ad gent._ 7 ; _Aristt., Rhet._ 3, 2 ; Ale. dans _Anthol. Gr._ 6, 218, 1 : Μητρὸς ἀγύρτης ; Dion. Hal., _Antiq. rom._ 2, 19 ; Lucian., _Chronos._ 12 ; Maneth., _Apotetesm._ 6, 299 ; Aelian., _Var. hist._ 9, 8 (cf. supra, p. 23, n. 3) ; Phot., _Lexic._ p. 183, 2 ; Suidas s. vv. ἀγύρτης et μητραγύρτης. *) Tibull. 1, 4, 69 : « ter centenas erroribus expleat urbes » ; Plut., _De Pyth. or._ 25 : πλανώμενον γένος ; Maneth., _l. c._ : γαῖαν κατὰ πᾶσαν ἀλῶνται. *) Phot., _Lexic._ s. v. : τάσσεται ἐπὶ τῶν ἀγυρτῶν καὶ πλανητῶν _etc._ ; cf. Lanckoronsky, _Les villes de la Pamphylie et de la Pisidie_, 1, p. 39. *) Cf. supra p . 190, n. 2. *) _Bull. Corr. Hell._ 21, 1897, p. 59 s, n° 68. Sur cette forme d'ascétisme, cf. les Euchites ou Massaliens d'Asie Mineure sous Théodose, et la communauté bouddhique de moines mendiants (Bhikkhu). Le Bhikkhu porte toujours une sébile, va de maison en maison visiter riches et pauvres pour se procurer sa nourriture et un abri. On rencontre les Galles par groupes, qui cheminent « ainsi que des troupeaux de moutons sans bergeries.* » Chaque bande est sous la conduite d'un magister,* presque toujours un grand vieillard à cheveux blancs ou chauve. Ils emmènent avec eux une image de la Mère des Dieux : statuette en bois, ainsi qu'on en voyait dans les plus anciens sanctuaires d'Anatolie, ou bien édicule portatif, analogue aux stèles votives.* Car c'est la Dame qui voyage, comme au temps où, dans le désespoir de son deuil récent, elle fuyait la Phrygie. Ils ne sont que ses compagnons de route* et ses serviteurs, ses chiens hurlants, disaient les chrétiens.* Enveloppée d'un amict de soie,* l'icône est généralement posée sur un âne, qu'ils chargent en même temps de leur mince bagage et de leurs provisions.* Parfois même ils ont un chariot, une « roulotte. » Avec leur pécule, ils s'empressent d'acheter un esclave qui sache jouer de la flûte phrygienne.* Dans les campagnes, ils font halte de préférence aux portes des riches villas, qui entretiennent un nombreux personnel d'esclaves et d'affranchis. Arrivent-ils dans une ville ou dans un bourg ? Processionnellement ils parcourent les rues et les places,* précédés du flûtiste, glapissant leurs cantiques et battant du tambourin. Leur musique attire la foule. Bientôt ils arrêtent l'âne théophore ; ou, s'ils portent eux-mêmes leur Dame,* ils la déposent sur une pierre, sur une estrade improvisée, que recouvre un tapis oriental. Souvent un arbre sert de temple à la déesse. Et l'on fait cercle autour d'eux.* Leur magister, qui remplit les fonctions d'_Antistes sacrorum_, commence un office et offre des libations. Après les scènes d'orgiasme, ils disent la bonne aventure. On lance à la Grande Mère des as, des deniers, qu'ils recueillent dans les plis de leur robe ou dans le creux de leur tambourin.* Ce geste d'aumône des fidèles est un rite religieux. Il est identique au geste de piété de ceux qui, dans les sources sacrées, jettent des monnaies. Les _jactatae stipes_, qui sous diverses formes ont survécu au paganisme, sont des sacrifices d'actions de grâce ; c'est pourquoi nous les retrouvons dans beaucoup de cultes.* Les Galles entrent également dans les maisons* pour quêter et vendre prophéties, talismans, remèdes. Le prix des oracles variait, dans les pays grecs, entre deux oboles et une drachme.* Mais la déesse perçoit aussi son tribut en nature. On donne du vin à Notre-Dame des vignobles ; de la farine et de l'orge à Notre-Dame des bonnes moissons ; des fruits à la protectrice des vergers ; du lait, du fromage, du beurre à la protectrice des troupeaux, à celle que réjouit le solennel hommage des Galaxies.* Ce sont autant d'offrandes sacrificielles, sur quoi ses ministres prélèvent une large part. Les familles aisées apportent même un bélier, si la Mère exige des hosties opimes. Assez nombreux sont les dévots pour faire oublier aux quémandeurs les fatales déconvenues : « Je ne veux pas nourrir la Mère des Dieux, » leur répondait un jour tel philosophe ; « que ses enfants se chargent donc de son entretien* ! » Quand la localité est de quelque importance, la bande y stationne plusieurs jours. Avec la permission des autorités compétentes, la Dame voyageuse reçoit l'hospitalité dans le Metrôon public, où l'on accueille aussi sa parente Dea Syria.* Quant aux Galles, ils trouvent des fidèles pour les héberger. Car tout bienfaiteur du prêtre mendiant, tout laïque pieux « qui honore l'ordre,* » participe à certaines grâces divines. Tels laïques de la Religion se sont engagés par vœu à loger les troupes de passage.* Il y a des Galles qui deviennent ainsi les familiers d'une maison et qui, un beau jour, héritent d'un domaine, y compris, dit Juvénal, la fermière, le petit enfant et le petit chien.* Ils prolongent volontiers leur séjour dans les grandes villes, où les recettes sont plus fructueuses. Il en est qui s'y fixent pour un long temps ; et l'on en voit toujours en embuscade à côté des autels,* prêts à tendre comme une sébile leur tambourin crasseux. *) Catull., _Attis_ 13 : « Dindymenae dominae vaga pecora » ; Martial, 3, 91, 2 : « Semiviro Cybeles cum grege. » *) Juv. 2, 112 s : « crine senex fanaticus albo sacrorum antistes » ; 114 « magister » ; Apul. 8, 26 ; cf. 24 « senem calvum. » *) Cf. Petersen dans _Arch. ep. Mitt._ 6, 1882, p. 57 ss, à propos d'une scène figurée sur un vase peint. Sur les petits édicules mobiles, avec images de Dieux, cf. Bœtticher, _Tektonik_, 2, 2, p. 59. *) « Comites » : Lucret. 2, 612 et 628 ; Maecen., _Frg._ 5 ; Ovid., _Fast._ 4, 185 et 341 ; Festus, 1, p. 67, s. v. _Galli_. *) Anonym. _Contra paganos_ 65 : « canibus Megales. » Mais il est possible que les Galles se soient eux-mêmes donné ce nom. Le chien écarte les mauvais démons ; ausssi est-il pour les Perses un animal sacré ; les Parsis approchent un chien de la bouche des mourants, pour qu'il dispute l'âme à l'esprit du mal. *) Apul. 8, 27 : « deam serico contectam amiculo. » *) Phaedr. 4, 2, 4 : « Galli Cybebes circum in quaestus ducere asinum solebant, baiulantem sarcinas » ; Apul. 8, 25 ss ; l'âne se qualifie lui-même d'_horreum et templum_, 28 ; Lucian., _Lucius_ 37 s. C'est « l'âne chargé de reliques » ; cf. dans le culte d'Éleusis, Aristoph., _Ran._ 159 ; v. aussi Lenormant et de Witte, _Elite des mon. céramogr._ 1, p. 130. N'y avait-il pas, à l'origine, une idée religieuse dans ce rôle de l'âne ? Cf. Cook, _Animal worship in the mycen. age_ dans _J. of Hell. St._ 14, 1894, p. 92 s. Sur l'onolatrie, cf. O. Keller, _Ant. Tierwelt_, 1, 1909, p. 269. *) Apul. 8, 26 : « iuvenis choraula doctissimus, conlaticia stipe de mensa (= le marché aux esclaves) paratus, qui foris quidem circumgestantibus deam cornu canens adambulabat. » *) _Ibid._, 24 : « per plateas et oppida » ; Plut., _l. c._ : ἀγορᾶιον γένος ; Min. Fel., _Oct._ 24 : « vicatim » ; Augustin., _Civ. Dei_ 7, 26 : « de mollibus Matri magnae consecratis qui usque in hesternum diem... per plateas vicosque Carthaginis etiam a propolis unde viverent exigebant. » *) Ovid., _l. c._ 185 : « ipsa sedens molli comitum cervice feretur » ; cf. la planchette (σανίδιον) du métragyrte dans Ménandre, _l. c._, sans doute une sorte de civière où était posée la statue. *) Max. Tyr. 19, 3 : ἐν τοῖς κύκλοις ἀγειρόντων. *) Lucr. 2, 626 : « Aere atque argento sternunt iter omne viarum, largifica stipe ditantes » ; Ovid., _Pont._ 1, 1, 40 : « Exiguae stipis aera » ; Apul. 8, 28 : « Stipes aereas, immo vero et argenteas multis certatim offerentibus sinu recepere patulo » ; Commodian., _Instruct._ 1, 17, 12. *) Cf. à Saragosse, dans le sanctuaire de Notre-Dame del Pilar : « La prière finie, on s'approchait de la grille pour jeter sur le tapis des sous, des pesetas, des douros ; il était jonché de pièces de monnaie. » Quillardet, _Espagnols et Portugais chez eux_, 1905, p. 139. *) Plat., _l. c._ ; Menandr. dans Clem. Al., _l. c._ ; Juv. 6, 512. *) Ennius (à propos des sorciers qui viennent d'Ilion) ; Max. Tyr., _l. c._ *) Apul. 8, 28 s ; Lucian., _l. c._ *) Clem. Al., _l. c._ *) Apul. 9, 9. *) Expression qui désigne, chez les Hindous, les amis laïques des moines mendiants. En Asie Mineure, le prophète montaniste était de même un missionnaire voyageur : « Tout prophète véritable qui veut s'établir parmi vous mérite de recevoir sa nourriture ; vous donnerez aux prophètes tout premier produit de la cuve à faire le vin, de l'aire, des bœufs et des brebis ; _car ils sont vos archiprêtres_ » ; _Didaché_ 13 (Funk, _Patres apostol._, 2e éd., Tubingen, 1901, 1, p. 30). *) Apul. 8, 30 ; v. supra, p. 284, n. 3. *) Juv. 9, 60 ss. *) Plut., _l. c._ : βωμολοχοῦν γένος. Aussi bien tous ne sont-ils pas destinés à la vie errante. En Orient beaucoup sont attachés aux principaux sanctuaires, sous la direction d'un Archigalle. A Pessinonte, à Cyzique, partout où affluent les pèlerins, des Galles viennent s'installer à demeure. Dans certains centres religieux, comme à Hiérapolis de Phrygie, ils forment un institut permanent, où se transmettent des traditions locales. A Rome, la Dame noire s'était fait escorter de compagnons ; une colonie de ces Galles s'établit à perpétuité dans la Ville. De même qu'il y eut plus tard des fanatiques _ex aede Bellonae_, il exista des Galles _ex aede Matris Deum Idaeae_. Le Sénat de la République avait réglementé leur quête rituelle,* destinée à l'entretien du culte et du clergé. Après l'adoption des rites phrygiens par le gouvernement impérial, leur nombre s'accrut dans la Ville Éternelle. Beaucoup arrivaient directement d'Anatolie par mer et, comme jadis l'Idéenne, débarquaient à Ostie.* Ils pullulèrent dans tout l'Occident. *) Cf. supra, p. 76. *) Cf. Juv. 8, 171 et 176. Au 3e siècle leur situation dans l'Empire paraît s'être modifiée. Il est certain que l'opinion publique ne manifestait plus à l'égard des eunuques le dégoût méprisant d'autrefois. Les empereurs syriens en peuplèrent le palais. Déjà en 205, lors du mariage de Caracalla, la maison de l'impératrice comprenait cent eunuques.* Rome de plus en plus s'orientalisait. Combien de fidèles, surtout parmi les humbles, devaient considérer les Galles comme les véritables ministres de la religion ! Les Galles ne sont plus simplement les serviteurs de la Mère. Ils s'arrogent la dignité de prêtres et de chefs religieux.* Ils sont en contact permanent avec les dévots. Tous les jours, des femmes viennent processionner et sacrifier avec eux dans l'enceinte sacrée.* Ils déterminent de nombreuses conversions,* donnent l'instruction religieuse aux néophytes, entretiennent la ferveur des mystes. Leur rôle est considérable dans la célébration des mystères.* Même dans les fêtes publiques, ils figurent bruyamment à côté des personnages officiels, comme s'ils constituaient un élément indispensable du sacerdoce.* « Votre Grande Mère des Dieux, » déclare formellement Saint Augustin, « a introduit des castrats dans les temples romains ; elle y a même importé et elle y maintient la cruelle coutume de l'éviration.* » Le temps était loin où Rome reléguait dans un pays d'outremer l'esclave qui s'était fait Galle. Le personnel des Galles se renouvelle en partie sur place. A Rome même les sanglantes ordinations se sont multipliées. A Lectoure, en 239, le jour du Sanguis, Valeria Gemina recueillit selon le rite les _vires_ d'un certain Eutychès. Il s'agit d'une éviration sacerdotale. Eutychès venait d'entrer dans l'ordre. *) Il y avait déjà des _spadones_ dans l'entourage de Titus (Suet., _Tit._ 7), et Néron avait fait émasculer son favori Sporus (_Ner._ 28). *) Cf. supra, p. 289, n. 1. *) Clem. Al., _Paedag._ 3, 4. *) Paul. Nol., _Carm._ 32, 89 : « Nec desunt homines quos haec contagia vertant. » *) Augustin., _Civ. Dei_ 6, 7 : « Quid in occulto agant per abscisos et molles » ; cf. Justinus Martyr, _Apolog._ 1, 27, p. 70 E ; Arnob. 1, 41 ; Greg. Naz., _Or._ 39, 4 ; Paul. Nol., _Carm._ 19, 87 et 186 ; 32, 88 ss. *) Arnob. 5, 17 : « Evirati... quos interesse vobiscum in istius numinis videmus sacris » ; cf. Lactant., _Div. Inst._ 1, 17, 7 : « Sacra eius a Gallis sacerdotibus celebrantur. » Galles à Rome : Hieronym., _In Hoseam_ 1, 4, 14 : « Hi sunt quos hodie Romae Matri deorum servientes Gallos vocant » : Anonyme de 394, _Contra paganos_, 65 ; Ps. Cyprian., _Ad senator._ 11 ss. A Autun, en 179 : _Acta S. Symphoriani_, _l. c._ *) _L. c._, 7, 26 ; il leur donne aussi le qualificatif de _publici_. Les Romains de la République et du Haut Empire n'avaient épargné aux Galles ni injures ni accusations. Dans l'eunuque ils méprisaient aussi le Phrygien ; « Phrygien battu devient meilleur, » disait un proverbe.* Déjà Plaute déclare que « tous ces frotteurs de tympanons ne valent pas une coquille de noix. » Ce sont des êtres vils, des impurs, des gens qui portent malheur.* Ils sont ivrognes et fréquentent les bouges, en compagnie de matelots, de voleurs, de sicaires, d'esclaves fugitifs et de fabricants de cercueils pour pauvres. Leurs processions consistent à faire le tour des auberges ; on les voit allongés sur les banquettes des cabarets, à côté de leur tambourin au repos.* Quand l'argent fait défaut, ils vendent tambourin et cymbales qui ont pleuré Attis.* Ce sont d'infâmes débauchés.* Avec leur virilité ils ont perdu toute pudeur. Ils donnent mauvaise réputation aux alentours du temple.* On les traite de courtisanes et on affecte de féminiser leur nom.* Galle et cinæde finissent par devenir synonymes. Ils sont escrocs. Ils spéculent sur la superstition des femmes, abusent de l'hospitalité qu'on leur offre, captent des héritages* ; ils ne respectent pas même la déesse et volent les calices d'or de ses temples.* On raconte que parfois, sur des chemins déserts, ils ont arrêté de pacifiques voyageurs et les ont mutilés, pour les adjoindre à leur troupeau d'eunuques.* L'imagination populaire grossissait leurs méfaits, comme il arrive de notre temps pour les bohémiens. Dans les écrits des apologistes chrétiens, aux 3e et 4e siècles, nous retrouvons ces mêmes griefs. On y incrimine volontiers leur moralité. On y reproche aux Galles leur charlatanisme et, surtout, leur tare physique et la barbarie de leurs orgiasmes. Sans prétendre réhabiliter les Galles, il faut peut-être les juger moins sévèrement. En matière de magie et d'oracles, il est difficile de savoir où s'arrête la bonne foi, où commence la charlatanerie. Et d'autre part il n'est point rare que le mysticisme fasse sombrer la morale. Mais si la corruption dont on nous parle avait été si commune dans l'ordre, aurait-il conquis une telle place dans le paganisme finissant ? Ce ne sont point les prêtres municipaux de la Mère des Dieux qui pour les propagandistes de la foi nouvelle sont de redoutables adversaires ; il n'est pas question d'eux dans la polémique. Le nom des Galles, au contraire, reparaît sans cesse. C'est que leur foi brûlante, leur vie d'ascétisme, leurs disciplines austères étaient d'un exemple efficace et contagieux. Beaucoup d'âmes inquiètes se portaient vers ces interprètes d'une parole divine, qui paraissaient supérieurs aux autres hommes parce qu'ils n'étaient plus des hommes, qui écoutaient les confessions et dirigeaient les consciences, remettaient les péchés, donnaient des consolations et de sublimes espérances. *) Cic., _Pro Flacco_, 27 ; cf. Plaut., _Truculent._ 2, 7, 48. *) Tibull. 1, 4, 70 ; Ovid., _Met._ 3, 537 : « obscaeni greges » ; Val. Max. 7, 76 : « obscaena praesentia » ; Juv. 6, 513 ; Arnob. 5, 11 : « in obscaenam prorumpere vilitatem. » *) Juv. 8, 171 ss ; Tertull., _Apolog._ 13 : « circuit popinas. » *) Martial. 14, 204. *) Tibull. 1, 4, 67 ; Martial. 3, 81 ; 9, 2 ; Sueton., _Oct._ 68 : « cinaedus » ; Justin. martyr., _l. c._ : εἰς κιναιδίαν ; Apul. 8, 26 : « cinaedi » ; Min. Fel., _Oct._ 28 : « qui scortorum licentiae incident » ; Lactant., _Div. Inst._ 5, 9, 17 ; Arnob. 5, 11 ; Ps. Cyprian., _l. c._ 8 ss ; Augustin., _Civ. Dei_ 7, 26: « unde turpiter viverent » ; cf. Hephaest. Al., _l. c._ (supra, p. 288, n. 1) : κιναίδους. *) Juv. 9, 23 ss. *) Pour Callimaque et Catulle, v. supra, p. 101, n. 4 ; Apul. 8, 26 : « puellae » ; cf. Virg., _Aen._ 9, 617 : « o vere Phrygiae neque enim Phryges » (imité d'Homère, _Il._ 7, 96). *) Juv. 2, 83 ss ; 9, 60 s. *) Cf. les Galles syriens dans Apul. 9, 10. *) Martial. 3, 91. # Chapitre 9 ### Sanctuaires de Magna Mater à Rome et à Ostie. 1\. L'_Aedes Matris Deum Magnæ Idaeæ_, au Palatin. Son emplacement. Matériaux, type, plan et décoration. La pierre noire. Images de la Grande Mère ; statue de Claudia Quinta. Dépendances du temple. --- 2. Autres sanctuaires à Rome. Le _tholus_ du Palatin. Temple de _Mater Deum Salutaris_. _Aedes Matris Deum_ dans la 11e région, _Matris Deum et Navis Salviæ_ dans la 13e. Le culte au Transtévère ; _Phrygianum_. Basilique Hilarienne et _Schola_ des Dendrophores au Cælius. Sanctuaires suburbains ; l'Almo. --- 3. Temples à Ostie et au Port de Trajan. Le Metrôon de la colonie ; emplacement, plan, annexes. _Schola_ des Dendrophores et des Cannophores. Voisinage d'un Mithraeum. ## 1\. Le premier temple delà Grande Mère dans la ville de Rome, celui qui fut construit pour la Dame Noire et qui demeura jusqu'à la fin du paganisme le principal sanctuaire de la déesse dans le monde occidental, s'élevait sur le Palatin.* L'œuvre fut mise en adjudication l'année 550/204, conformément à un sénatus-consulte, par les censeurs M. Livius Salinator et C. Claudius Nero. Mais, pour des raisons inconnues, elle fut menée lentement. Alors que les délais normaux, à la même époque, ne paraissent guère avoir dépassé quatre ans, ce temple n'aurait été dédié que treize ans plus tard, en 563/191, par le préteur M. Iunius Brutus.* Une dernière mention du sanctuaire est faite sous Théodose, à la fin du 4e siècle. *) Cicer., _Har. resp._ 12, 24 ; Liv. 36, 36 ; Ovid., _Fast._ 4, 347 ss ; _Res gestae divi Augusti_ (Mon. Ancyr.) 4 ; Cal. Praen., ad 10 Apr. ; Val. Max. 1, 8, 11 ; Martial. 1, 70 et 7, 73 ; Juven. 9, 23 ; Cass. Dio, 46, 33 et 48, 43 ; Treb. Poll., _Vita Claud._ 4 ; Vopisc., _Aurelian._ 1 ; Obseq. 99 ; Claudian., _De bello Gildon._ 117 ; _Notit. U. Romæ_, reg. 10, et P. Victor dans Ulrichs, _Codex U. R. topogr._, p. 40 ; cf. _CIL._ 12, 405, et Cagnat, _Ann. épigr._ 1910, n° 217. *) On est évidemment en droit de supposer qu'il y eut falsification de dates, d'autant plus que pour le temple de Iuventus, adjugé en 204 et dédié en 191, la falsification ne paraît pas douteuse (Livius Salinator ayant orné le temple passa pour être l'adjudicateur). C'est la thèse que soutient fort ingénieusement Ernst Schmidt, _Kullübertragungen_, dans Wuensch et Deubner, _Religionsgesch. Versuche u. Vorarbeiten_ 8, 2, 1910. Il tire grand parti des Mégalésies de 194 (v. supra, p. 84), où l'on aurait ajouté pour la première lois des Jeux scéniques : c'est en 194 qu'aurait été décidée la construction du temple. On en a retrouvé l'emplacement exact. Il se dressait à l'angle occidental de la colline, sur la pointe qui domine à la fois le Vélabre et la vallée Murcia. Sur cette partie du Palatin, les fouilles de 1872-1873 déblayèrent d'importantes substructions, qui étaient celles d'un temple de type archaïque* ; alentour, gisaient de nombreux fragments d'architecture. Ombragée par un bosquet de chênes verts, cette ruine est l'une des plus pittoresques du Palatin. Elle est en même temps l'une des plus vénérables. C'est l'un des plus anciens temples que Rome ait conservés. On chercha longtemps son vrai nom. On l'appela temple de Cérès, temple de Ramnusia, temple de Jupiter Stator, Auguratorium, temple des Lares Praestites, temple de la Victoire. Visconti et Lanciani* ont cru les premiers, et dès l'époque des fouilles, pouvoir l'identifier avec le fameux sanctuaire de l'Idéenne : _Aedes Matris Deum Magnæ Idaeæ_. *) Pietro Rosa en avait donné un plan dans les _Monumenti_ 12, 8 a, sous le nom d'Auguratorium, cf. _Annali_ 1865, p. 359. *) Armellini, _Scoperte archeol. di Roma negli anni 1871-72_, Roma, 1873, p 77 ; Visconti e Lanciani, _Guida del Palatino_, 1873, pp. 29 et 134 : Richter dans _Hermes_, 20, 1885, pp. 418-429 ; Gilbert dans _Philologus_, 45, 1886, pp. 449-468 et _Topogr._ 3, pp. 104-7 et 429 : Lanciani, _Ancient Rom in the light of discov._, 1889, pp. 126-8, et _Ruins and excav. of ancient Rom_, 1897, p. 134 ss : Middleton, _The remains of ancient Rom_, 1892, 1, p. 165 ; Huelsen, _Untersuchungen zur Topogr. des Palatins_, dans _Roem. Mitt._ 9, 1894, p. 242, et surtout (après quelques fouilles personnelles et un relevé complet de la ruine) 10, 1895, pp. 3-28 ; Durm, _Baukunst der Etr. u. d. Roemer_, 2e éd., 1905, pp. 110-114, fig. 123-125 ; Kath. Esdaile, _Fresh light on the Temple of the Magna Mater_ dans _Roem. Mitt._ 23, 1908, pp. 368-374 (à propos des monnaies de Faustine montrant au revers le temple de Mater Deum Salutaris et pl. 11. Voir aussi le plan du Palatin dans la Forma _Urbis Romæ_ de Lanciani. M. Bruel, architecte, a exposé au Salon de la Société des Artistes Français, en 1902, un état actuel et un essai de restauration du temple et des édifices voisins (sous la rubrique : Rome, sud-ouest du mont Palatin, le domaine du culte de Cybèle). Toute une série de documents, recueillis dans l'édifice même ou à proximité de l'édifice, permet d'en déterminer la destination. C'est d'abord une statue demi-colossale de femme assise, en marbre grec ; les insignes ont disparu, avec la tête et les bras, qui devaient être sculptés séparément ; mais l'attitude est celle de la Mère des Dieux. D'autre part, les débris de deux lions et d'un socle barlong ne peuvent être attribués qu'à une image de Cybèle ; il semble même, à en juger par le style et les dimensions, qu'ils appartenaient à la précédente effigie.* En troisième lieu, sur un fragment de plaque en marbre qui gisait parmi des morceaux d'architecture, au sud des constructions, se lit le nom de la confrérie des Dendrophores métroaques.* Enfin une base en marbre, découverte dans les matériaux d'une bâtisse médiévale, au pied du temple, contient une dédicace à la Mère des Dieux, Grande, Idéenne.* Datée du 27 mars 192, jour de la _Lavatio_, elle porte l'autorisation des Curateurs des édifices sacrés, qui en ont désigné l'emplacement ; elle s'élevait donc, en principe, dans l'enceinte consacrée à la déesse et dut être utilisée sur les lieux mêmes. D'après tous ces témoignages, le temple en question ne peut être que celui de _Mater Magna_. Mais cet emplacement correspond-il à celui que désigne Martial dans une de ses épigrammes* ? *) La statue acéphale (trouvée en 1872 ; Matz et Duhn, _Ant. Bildw. in Rom_, 1396) et les autres fragments de sculpture ont été laissés sur place, Middleton, _l. c._, l'attribue au 1er siècle. *) _CIL._ 6, 1040, dédicace pour le salut de Septime Sévère et de sa famille: cf. 1028, inscr. de l'année 200, provenant de la même partie du Palatin. *) _Ibid._ 3702 = 30967 ; inscr. trouvée en 1873, près de l'extrémité supérieure do l'escalier de Cacus : cf. Huelsen, _l. c._, 10, p. 5. C'est aussi des jardins Farnèse, au Palatin, que provient la dédicace _CIL._ 6, 496 (v. supra p. 113, n. 2) : elle était certainement dans le temple de l'Idéenne. *) Martial. 7, 73 (année 92) : « Esquiliis domus est, domus est tibi colle Dianæ, Et tua patricius culmina vicus habet ; Hinc viduæ Cybeles, illinc sacraria Vestæ ; Inde novurn, veterem prospicis inde Iovem. » Commentaire erroné de Gilbert, dans _Philologus_, 1886, p. 460. Grammaticalement, le second hexamètre doit correspondre au premier: et de même les pentamètres doivent correspondre entre eux. Par conséquent _hinc_ se rapporte à la seconde partie du prèmier hexamètre « domus est tibi colle Dianæ, » _illinc_ à la partie la plus éloignée, « Esquiliis domus est, » et _inde_ au premier pentamètre. Son ami Maximus possède trois maisons : une sur l'Esquilin, une sur l'Aventin, une autre, sans doute une villa, dans le Vicus Patricius, lequel commençait à Subure et montait vers la porte du Viminal. Il pouvait voir ainsi de chez lui tantôt le sanctuaire de Vesta, tantôt celui de Cybèle, tantôt les deux Jupiters, c'est-à-dire les deux Capitoles. Or l'explication grammaticale et la topographie sont parfaitement d'accord ici. C'était seulement de sa maison du Vicus, du haut des terrasses (_culmina_), que Maximus apercevait à la fois le _Capitolium Vetus_, sur une éminence du Quirinal, et le toit doré du Temple Capitolin, par-delà les constructions de l'Argiletum et du Forum. C'était de l'Esquilin qu'il dominait le palais des Vestales et leur sainte chapelle ; la vue, qu'arrêta plus tard la masse énorme de la basilique constantinienne, s'étendait alors plus librement jusqu'à la Voie Sacrée et au Palatin. C'était donc bien la maison de l'Aventin qui regardait le temple de la Grande Mère. Le temple est orienté du nord au sud, et c'est au sud qu'il fait face. Cette orientation n'était pas imposée, ce semble, par l'emplacement. Peut-être fut-elle choisie pour permettre à la Dame Noire d'assister aux Mégalésies du Cirque, sans quitter sa demeure* : du perron qui précédait le pronaos, on domine le Cirque Maxime ; la vue s'étend sur tout le versant septentrional de l'Aventin, des bords du Tibre jusqu'à la dépression où aboutissait la route d'Ostie. Derrière l'édifice, s'élevait un quartier de maisons qui disparut pour céder la place au palais de 'l'ibère. A l'ouest, vers le Vélabre, une plate-forme assez étroite le séparait du rebord escarpé de la colline. Par devant, une terrasse à peu près triangulaire isolait le monument et en facilitait l'accès. Elle était limitée au sud-ouest par des bâtiments reconstruits sous l'Empire, au sud-est par un ancien escalier, creusé dans le tuf, et qui descendait dans la vallée Murcia. Ces degrés, c'étaient les « échelles de Cacus » ; elles rappelaient l'une des plus antiques traditions du Palatin. A dessein sans doute le Sénat avait installé la Grande Mère au milieu des reliques les plus précieuses de la Rome primitive. Tout près, on montrait le cornouiller sacré, contemporain, disait-on, des fondateurs de la cité, la grotte du Lupercal et la case de Romulus. Le sanctuaire de la Victoire, où séjourna tout d'abord la Dame, était à côté, sur le versant occidental.* Entre le temple de l'Idéenne et celui de Jupiter Stator, qui lui est antérieur d'un siècle, on n'aperçoit que des substructions archaïques et des vestiges de la _Roma Quadrata_. *) Cf. supra, p. 86 s. *) Huelsen dans _Roem. Mitt._ 10, p. 23 ; Homo, _Lexique de topoqr. rom._, p. 636. L'édifice dont nous avons les ruines date du temps d'Auguste. Brûlé une première fois en 643/111 et rebâti par un Metellus avec les fonds d'une souscription nationale, le temple de Mater Magna fut incendié de nouveau en l'an 3 après J.-C. et reconstruit par le prince.* Il est donc postérieur à toutes les grandes constructions augustéennes. Mais la nature des matériaux employés témoigne soit d'une simple restauration des parties supérieures, charpente et toiture, et de l'œuvre décorative, soit plutôt d'une intention très déterminée de respecter le caractère ancien du vénérable monument. La colonnade, au lieu d'être en marbre, comme dans les temples nouveaux, est encore en tuf volcanique ou pépérin, comme dans les temples d'autrefois. Les bases sont d'un type archaïque, que l'Empire ne semble pas avoir utilisé. Mais d'autre part les chapiteaux, avec leur seconde rangée de feuilles égale à la première, révèlent un art dégénéré, qui n'est pas antérieur à l'Empire. *) Aug., _l. c._ : « aedem Matris Magnae in Palatio feci » (sur le mot _feci_, employé par Auguste, v. Jordan dans _Ephem. ep._ 1, p. 236 ; Middleton, _l. c._, suppose sans raison que cette _ædes_ n'est pas le temple de l'Idéenne et faisait partie d'un groupe de temples construits par Auguste dans l'_Area Apollinis_) ; Ovid., _l. c._ : « templis non perstitit auctor, Augustus nunc est, ante Metellus erat » ; cf. 351 s : « contulit æs populus, de quo delubra Metellus fecit » : Val. Max., _l. c._ : « bis ea æde incendio consumpta, prius P. Nasica Scipione et L. Bestia, item M. Servilio et L. Lamia coss. » ; Obsequens, 99 : (en 643) « maxima pars Urbis exusta cum æde Matris Magnæ. » Nous pouvons, avec les fragments et les pans de murs qui nous restent, reconstituer le monument primitif, dont les architectes d'Auguste ne paraissent avoir modifié ni le type ni l'aspect d'ensemble. Il fut du reste construit suivant les principes les plus stricts de l'architecture romaine: la longueur est le double de la largeur et se partage exactement entre la cella et le pronaos. Le plan forme un rectangle qui mesure à l'extérieur 34m30 de long sur 17m10 de large. L'édifice est prostyle. Les murs latéraux de la cella sont d'une épaisseur considérable (2m80 sur des fondations épaisses de 3m85), capable de résister au poids d'une voûte. Mais ils n'eurent jamais à supporter, ce semble, qu'un solide plafond en bois et une massive toiture : aussi bien le rôle important du bois dans le bâtiment peut-il seul expliquer les incendies successifs du temple. Le mur du fond, dont la largeur atteint 5m50, constitue en réalité double paroi, avec chambre intérieure. On ne voit pas actuellement de quelle façon cette sorte d'opisthodome, large d'1m80, communiquait avec la cella. On en ignore de même la destination. Était-ce un trésor, une salle réservée, où l'on enfermait les offrandes de prix ? une sacristie où l'on déposait les objets cultuels ? un saint des saints, qui dérobait la Dame à tous les regards ? Pareille disposition se retrouve dans d'autres temples de l'époque républicaine, à Alatri, à Marzabotto, à Florence.* Le gros œuvre est en blocs irréguliers de pépérin et de tuf, dont la hauteur varie entre 0m60 et 0m70. Ils sont liés par un ciment sans pouzzolane, de médiocre épaisseur, mais assez solide pour que les murs soient encore debout, par endroits, sur une hauteur de plus de 7 mètres au-dessus du sol. Un revêtement de stucs épais, ou peut-être, après la restauration d'Auguste, un placage de marbre dissimulait la grossièreté des matériaux. Le mur antérieur de la cella est en tuf et présente un appareil presque réticulé, mais avec des joints peu réguliers ; c'est un type de transition que l'on constate également dans le temple de la Fortune à Préneste. Le mur du stylobate, épais de 2m30, avec saillie extérieure à chaque extrémité pour renforcer les angles, est entièrement construit en _opus incertum_. *) Cf. Degering, _Ueber etrusk. Tempelbau_, dans Gœtting. _Nachrichten. phil. hist. Klasse_, 1897, pp. 145, 150, 159, 163. Le temple repose sur un soubassement vertical qui s'élève de 6m40 au-dessus du sol. Entre les murs de ce soubassement s'étendait une crypte, qui dut servir, à l'origine, de réserve ou de magasin ; fut-elle adaptée plus tard aux besoins du culte phrygien ? On accédait au sanctuaire par un monumental escalier en tuf, qui comportait au moins 18 degrés, sans rebords saillants sur les côtés. Dans sa partie inférieure, cet escalier s'élargissait et tournait deux fois à angle droit pour suivre les contours du terrassement. A l'est, il s'appuyait au mur latéral des escaliers de Cacus. Il paraît avoir subi, sous l'Empire, assez tard, un changement de niveau. Le sol aurait-il été surélevé ? En tout cas, une partie des degrés, à droite, disparut sous les fondements d'une grande base. La cella était dallée. Elle avait ses parois décorées de stucs blancs. Peut-être existait-il, au moins sur la paroi de droite, trois pilastres. Sur le mur du fond s'appuie la base qui supportait l'image divine ; c'est un blocage, que devaient recouvrir des stucs peints ou, sous l'Empire, des marbres précieux. La colonnade se composait de six colonnes en façade (écartement, de 3m20 à 3m28), et de deux autres, à ce qu'il semble, sur chaque côté. Les tambours, de hauteur inégale, sont ornés de 24 cannelures ; ils mesurent un mètre environ (1m02) de diamètre à la base et 0m91 à la hauteur de l'astragale. Les bases sont attiques, sans plinthe, avec une simple bande.* Les chapiteaux sont corinthiens ; ils étaient travaillés en deux pièces, que l'on superposait.* La sculpture en est assez grossière ; car ce tuf se prête peu aux finesses du ciseau. Mais chapiteaux, fûts et bases étaient revêtus d'un stucage qui permettait de donner plus de franchise et de délicatesse aux formes et aux moulures. Ce stuc était blanc, sans doute avec des parties colorées qui égayaient la décoration. Il existait également un stucage sur les pierres de la corniche corinthienne, qui comportait des modillons et des denticules. A une époque indéterminée, probablement sous le principat d'Auguste, on chargea de motifs nouveaux et plus riches la modénature. Des gueules de lions, disposées régulièrement le long du larmier, formaient gouttière. Le fronton, dont on possède plusieurs fragments, était surmonté d'une pièce décorative, empruntée sans doute aux attributs de la Mère des Dieux. *) Type dont on ne retrouve pas d'exemple dans les constructions de la Rome impériale, mais qui reparaît au temple de Jupiter de Pompéi. Huelsen le rapproche du type des bases prescrites par Vitruve pour les temples étrusques. *) Comme à l'arc de triomphe d'Auguste, à Aoste. Grâce aux sculptures de l'Ara Pacis,* nous pouvons reconstituer l'ensemble et les principaux détails de la façade. Car la frise de cet autel représente une procession, qui tout d'abord longe le sanctuaire de l'Idéenne ; et cette partie du relief est à peu près conservée. Comme la construction de l'Autel est antérieure de seize ans au dernier incendie du temple, c'est l'édifice restauré par un Metellus, à la fin du 2e siècle avant notre ère, que nous avons sous les yeux. Mais les architectes d'Auguste ont dû respecter, en même temps que le type général du monument, les principaux motifs de sa décoration. Derrière les personnages qui passent au premier plan, voici les soubassements du temple, les degrés, les six colonnes corinthiennes et l'encadrement mouluré de la porte, L entablement est analogue à celui du temple de Mars Ultor, tel qu'on le voit reproduit sur le même Autel de la Paix. Le fronton séparé d'un couronnement de palmettes. Sur les acrotères latéraux se dressent des images de Corybantes,* en costume phrygien, qui frappent leur courte épée sur leur bouclier rond. Ces statues étaient, du moins à l'origine, en terre cuite peinte, comme dans les temples du Latium. L'effigie de la déesse n'est pas sculptée sur le tympan ; mais son trône mystique en occupe le centre. Il est sans dossier et rappelle, par la forme et le dessin des supports, les lits milésiens ; c'est en Asie Mineure qu'il en faut chercher le modèle archaïque. Devant le trône, voici le tabouret sur lequel Cybèle a l'habitude de poser les pieds. Sur le trône est placée une étoffe qui pend du côté gauche et qui paraît être, non pas un coussin, mais le voile de la Grande Mère. Cette étoffe supporte elle-même la couronne murale, crénelée et flanquée de deux tours entre lesquelles s'ouvre une baie cintrée.* Des deux côtés du trône figurent ses gardiens, deux prêtres orientaux, Galles aux formes féminines, vêtus d'une tunique avec ceinture et d'un long manteau. Ils sont à demi couchés ; leur coude s'appuie mollement sur un tambourin et ils tiennent un rameau, qui semble être une branche de pin.* Cette attitude était favorable à la décoration d'un tympan triangulaire, sous les rampants du fronton. De plus, elle était conforme à l'iconographie religieuse ; tel en effet nous apparaît l'Attis d'Ostie, œuvre de l'époque d'Hadrien. A chaque extrémité du tympan, une panthère* s'abreuve dans un cratère. Cette représentation des seuls attributs, sans image de la divinité, se retrouve ailleurs dans l'ornementation sculpturale des temples romains. C'est une conception empruntée à l'Orient, et que répandit sans doute l'alexandrinisme. L'artiste qui choisit et sculpta ces divers motifs pourrait bien s'être inspiré, tout simplement, d'un modèle anatolien. Les aurait-il empruntés au Megalesion de Pergame ou au Metrôon de Pessinonte, reconstruit avec tant de somptuosité par les Attalides ? Quoi qu'il en soit, de tels emblèmes nous reportent aux temps lointains où la Toute Puissante, qui habite les hauts lieux, n'avait pas encore de type anthropomorphique, où ses sanctuaires étaient des sièges de pierre taillés dans le roc des montagnes et devant lesquels s'élevaient des autels en pierres brutes.* Le mobilier des temples métroaques comprenait des trônes sacrés, qui servaient au cours des initiations et qui figuraient dans les processions. Il en existait aussi dans les sanctuaires de la Caelestis sémitique. De même dans le culte de Vénus Pompéienne, une autre Orientale, on promenait processionnellement un trône recouvert d'un coussin, sur lequel était déposée une couronne et dont les montants s'ornaient de feuillages verts. *) V. supra p. 112. Un moulage de ce relief existe dans la collection des plâtres de la Villa Médicis. *) Tête de Corybante sur un denier de M. Volteius. v. supra, p. 73. Sur les Corybantes dans l'iconographie métroaque, en Italie, cf. le tholos d'un autre sanctuaire du Palatin, infra, p. 333 ; --- les antéfixes de chapelles métroaques dans le suburbium de Rome et à Ostie (Visconti dans _Annali_, 1867, p. 297) ; --- la plaque publiée par Longpérier, v. supra, p. 198, n. 1 ; --- une lampe inédite du Musée de Trieste, provenant de l'Italie du sud. avec les têtes de Cybèle et d'Attis, en haut relief, entourées de deux Corybantes armés. La présence des Corybantes auprès de la déesse spécifie son caractère d'Idéenne. *) Contrairement à la tradition hellénique, les Romains représentent toujours la déesse avec une couronne murale. Cette couronne paraît être d'origine orientale, syrienne (Furtwaengler, _Coll. Saboaroff_, à la pl. 25 et add.), peut-être même babylonienne. Le type de la déesse tourelée apparaît au 4e s. dans la numismatique chypriote et cilicienne et dans la sculpture chypriote. *) Cf. supra, p. 134, n. 4. *) Cf. Diod. Sic. 3, 38 : Cybèle nourrie dans son enfance par des panthères. Symbolisme du cratère, cf. supra, p. 199, n. 3. *) Cf. Reichel, _Ueber vorhellen. Gœtterculte_, 1897. Ce culte de divinités invisibles, mais présentes sur le trône qu'on leur a dressé, est manifeste à l'époque mycénienne. Trône en pierre, près d'une stèle, au Metrôon de l'Acrocorinthe : Paus. 2, 4, 7. Dédicaces de trônes dans les cultes sémitiques : _CISem._ 2, _Inscr. Aram._ 114 et 117 (5e-4e s.) ; à Caelestis, _CIL._ 8, 12454, 12501. A Diocæsarea, la foudre était posé sur le trône du Baal-Zeus : motif analogue dans Canina, _Roma ant._ 6, pl. 71. Trônes portant une cour de laurier (culte augustal ? ) : Conze, _Röm. Bildw. In Österr._ 3, 1877, p. 8. pl. 14, 15. [Planche 7. --- 1. _Façade du Temple de l'Idéenne au Palatine_. Relief de l'Ara Pacis, a Rome, Villa Médicis. --- 2. _Lampe en terre cuite_, avec bustes de Cybèle et d'Attis et deux Corybantes. Au Musée de Trieste. --- 3. _Médaillon de Cyzique_ à l'effigie de Commode. --- Revers : _Cybèle sur le lion_, trois Corybantes. --- 4. _Monnaie de Myra_, au type de Gordien le Pieux. --- Revers : _Mère dans un arbre sacré_, deux Cabires.](https://cdn.solaranamnesis.com/HenriGraillot/7.jpeg) L'enceinte du temple devait renfermer beaucoup de statues, de plaques dédicatoires, d'ex-voto. La principale image du culte est ici le fétiche que le peuple romain avait obtenu du roi de Pergame.* C'est une pierre de petites dimensions et d'un poids léger, de forme irrégulière, mais plutôt conique,* si bien qu'on la dénommait parfois « l'aiguille de la Mère des Dieux. » Elle est d'une couleur sombre et noirâtre de charbon ou de suie. Des aspérités et des stries lui donnent la vague apparence d'un visage : aussi la désignait-on sous le nom générique de « type, » comme si elle portait l'empreinte de la figure divine.* Le vocable assez rare dont se sert Strabon la représente de même comme une copie d'un modèle consacré.* Elle rentre dans la série nombreuse des « autoglyphes, » pierres auxquelles le caprice de la nature ou l'action des éléments attribuait des formes étranges d'idoles. On disait qu elle était tombée du ciel ; mais les textes antérieurs au 2e siècle de notre ère ne contiennent aucune allusion à ce détail ; il faut sans doute le reléguer au nombre des légendes tardives.* Aussi bien, beaucoup de ces prétendus aérolithes n'étaient-ils pas d'origine sidérale ; mais leur aspect rare et merveilleux, ou leur nature mystérieuse, ou quelquefois seulement le lieu de leur provenance, faisait croire qu'ils émanaient des dieux. Ils n'étaient pas davantage des symboles, comme on l'a trop longtemps prétendu ; ils ne figurent aux yeux de leurs adorateurs ni la puissance génératrice des dieux ni la cohésion des forces terrestres* ; mais leur rôle religieux ou magique perpétue à travers les âges le culte préhistorique des pierres et témoigne de la longue fidélité des hommes à leurs coutumes primitives. Autoglyphes et aérolithes ne sont en effet que des catégories particulières de bétyles ; et le culte des bétyles se retrouve partout dans le monde antique, auquel il a survécu. Quand ces pierres sacrées n'avaient point un caractère cultuel, elles avaient une destination votive. Elles constituent un élément capital de la religion phrygienne. Au Sipyle, à l'Ida, au mont Agdos, certaines roches sont, suivant la définition même du bétyle, les résidences de la Mère des Dieux. Dans le fleuve Sangarios, on signale des autoglyphes au type de la déesse, dont la seule vue permet aux Galles de braver les événements les plus extraordinaires. Dans le Méandre on découvre des pierres cylindriques, que les enfants pieux vont porter au Metrôon et qui les rendent invulnérables à l'impiété ; dans le Scamandre se cache une pierre qui ne se révèle qu'aux fidèles de la Dame et pendant la célébration de ses mystères ; dans le Marsyas. il en existe une autre, le « Couteau, » qu'il faut se garder d'apercevoir durant ces mêmes cérémonies, sous peine de démence.* *) Il avait été transporté par Helagabal dans le lararium du temple impérial, mais il fut certainement restitué plus tard au temple de la Magna Mater. Ce n'est donc pas la Dame noire qui fut retrouvée dans ce laraire, au cours des fouilles exécutées par Bianchini pour le duc François de Parme, en 1730. Bianchini avait découvert un fragment de lave, de forme conique : l'identification avec la pierre de Pessinonte est acceptée par Lanciani, _Ancient Rom in the light_ _etc._, p. 126 ss, que suit Homo, _op. l._, p. 603. *) C'est la forme de la plupart des bétyles ; cf. Perrot, _Hist. de l'art._ 3, pp. 59 s Paphos, (Byblos), 273 (Golgos), 299 (Gaulos). *) Liv. 29, 10 : « sacrum lapidem, quam Matrem Deum esse dicebant. » --- Herodian. 1, 11 : c'est, dit-il, une image tombée du ciel (sur le mot ἄγαλμα, indiquant l'image cultuelle, dans un temple spécialement dédié, cf. _Rev. Et. Gr._ 21, 1908, p. 193) ; on n'en connaît pas la matière et elle n'est pas l'œuvre d'un homme. --- Arnob. 6, 11 : « Pessinuntios silicem pro Deum Matre (coluisse) » ; 7, 49 : « lapis quidam non magnus, ferri manu hominis sine ulla impressione qui posset, coloris furvi atque atri, angellis prominentibus inæqualis, et quem omnes hodie ipso illo videmus in signo oris loco positum, indolatum et asperum et simulacro faciem minus expressam simulatione praebentem. » --- Prudent., _Peristeph._ 10, 156 s : « lapis nigellus evehendus essedo | muliebris oris clausus argento sedet. » --- Lamprid., _Heliogab._ 7 : « Matris deum sacra accepit... ut _typum_ eriperet. » --- Serv. ad _Aen._ 7. 188 : « Septem fuerunt paria, quae imperium romanum tenerent, _acus_ Matris Deum » _etc._ (Falconet, dans _Mém. Acad. Inscr._ 23, 1756, p. 231, conjecture _caus_ = _cos_, _cautes_). --- Zoega, _Bassiril. ant._ 1, p. 88, et Cancellieri, _Le sette cose fatali di Roma_, 1812, p. 21, supposent que Martial 3, 47, 2, « _Phrygium_ que _Matris_ Almo qua lavat _ferrum_, » fait allusion à la pierre-fétiche, à cause de sa couleur. *) Strab. 12, 5, 2 : ἀφίδρυμα. *) La tradition relative à un aérolithe parait avoir son origine dans le nom même de Pessinonte ; Hérodien, _l. c._, et Amm. Marc., 22, 9, rapportent l'étymologie que l'on attribuait à ce nom, ἀπὸ τοῦ πεσεῖν : cf. supra, p. 26. Sur l'origine météorique de certains bétyles, cf. le mythe de Baetylos, fils d'Ouranos ; Evans, _Mycenaean Tree and Pillar cult_, 1901, p. 20, citant Miers, _The fall of meteorites_, 1898. *) Comme le prétendait Charles Lenormant, _La religion phrygienne de Cybèle_ dans _Nouv. Annales de l'Institut archèol._, 1, 1836, p. 229. Sur les bétyles, cf. Baudissin, _Stud. z. semit. Relig._ 2, 232 ss : Lewy, _Semit. Fremdwoerter in griech._, p. 255 s. *) Cf. supra, p. 18, n. 4. La pierre noire du Palatin était enchâssée, au moins sous l'Empire, dans une statue (_signum_) en argent. Elle n'y était point renfermée comme en un reliquaire, mais elle en constituait la face ; et sous les bijoux, les pendants d'oreille, les colliers magnifiques, sans doute aussi les manteaux en étoffes précieuses, elle devait avoir l'aspect de nos vierges noires. C'est à elle qu'était réservée la place d'honneur, au fond de la cella. Mais la base qui subsiste est de dimensions trop considérables pour n'avoir supporté que cette statue. Tout autour de la déesse on disposait des turibules, des candélabres et des lampes toujours allumées. Peut-être aussi la base primitive fut-elle agrandie quand le culte d'Attis devint officiel, pour permettre de réunir dans le sanctuaire les images des deux Tout-Puissants. Il y avait également, dès l'époque républicaine, soit dans le pronaos, soit plutôt dans la cella. une autre statue de la Grande Mère. Elle était placée le long de la paroi gauche, la face tournée vers l'orient. Un matin de l'année 711/43, pendant la période de troubles qui suivit la mort de César, on la trouva qui regardait vers l'occident.* Cette image miraculeuse est peut-être celle qui servait aux lectisternes et que l'on déposait sur le pulvinar. Si, comme on le suppose, les statues portatives qu'exigeait ce rite étaient en bois, habillées de draperies, avec une tête mobile, elles pouvaient se prêter facilement à ce genre de prodiges. *) Cf. supra, p. 100. Dans le pronaos se dressait la statue de Claudia Quinta. L'héroïne d'Ostie était sans doute représentée debout, tenant en main le câble ou la chaîne du navire, comme on la voit sur des médailles de Faustine et sur l'autel votif de Claudia Syntychè. Les deux incendies qui ravagèrent le temple la laissèrent intacte sur sa base. Elle passa désormais pour miraculeuse et sacrée. Une cérémonie de consécration fut même prescrite par l'État. Mais il est peu vraisemblable que ce rite ait abouti à une sorte de canonisation de Claudia, comparable à la consécration des empereurs. Aucun témoignage ne prouve que les Claudes aient jamais considéré l'illustre matrone comme la première _Diva_ de leur famille. Quant à la scène du miracle, elle était trop populaire dans Rome pour n'avoir pas été souvent reproduite par la sculpture. Julien nous parle d'images d'airain qui en immortalisaient le souvenir ; elles étaient si bien connues de tous qu'il néglige d'en préciser l'emplacement ; sans doute contribuaient-elles aussi à la décoration du temple.* *) V. supra, p. 65. La statue de la déesse assise et entourée de ses lions, en marbre de Luna, qui provient des fouilles de 1872, a été découverte sur les degrés de l'escalier ; on peut supposer qu'elle ornait le pronaos ou le perron. D'autre part, la base datée de l'an 192 et dédiée à l'Idéenne portait une statue de grandeur naturelle, en bronze : elle ne pouvait se dresser que dans un angle de gauche.* Des plaques de marbre, qui rappelaient la générosité des Sévères à l'égard de la déesse et de ses confréries, étaient apposées aux parois de l'édifice ou sur un mur d'enceinte. *) La dédicace est gravée sur la face antérieure, et l'autorisation des Curateurs sur le côté droit. Aux pratiques des cultes orientaux correspondaient des nécessités tout à fait nouvelles d'installation. Nous voyons par l'Isium de Pompéi tout ce que peut renfermer le péribole d'un sanctuaire égyptien. Le temple delà déesse Phrygienne au Palatin eut-il jamais des dépendances ? Sur l'_area_ qui l'entoure, existait-il des constructions annexes ? La vaste et opulente demeure qui s'étage au sud et à l'ouest, sur le flanc même de la colline, et qui fut rebâtie dans la première moitié du 3e siècle, ne peut être que le palais d'un riche Romain ; en faire l'habitation de l'Archigalle est une pure hypothèse.* A l'ouest et parallèlement aux murs latéraux du temple, s'étend un long portique sur lequel s'ouvrent une dizaine de cellules. Ces chambres servaient-elles de logement à des Galles chargés de l'entretien du sanctuaire, ou aux esclaves de la grande maison qui s'appuyait sur cet autre versant du Palatin et dominait le Vélabre ? A l'est enfin, trois constructions s'élevaient entre le temple et la rue. Mais il est difficile d'en reconstituer le plan exact et impossible d'en spécifier la destination. Deux d'entre elles bordent la voie. L'une comprend à la fois d'importants vestiges archaïques et quelques salles qui ne paraissent pas être antérieures à l'Empire ; était-ce une relique de la Rome Palatine, avec le logis d'une custode ? L'autre semble être une chapelle, à côté d'une citerne ou d'un puits, le seul que nous connaissions dans le voisinage du temple de la Grande Mère. Le troisième édifice est tout près du temple et renferme deux chambres. Ce ne peut être qu'un édicule sacré, précédé d'un vestibule ou d'un portique. Peut-être y adorait-on une divinité du cycle métroaque ; aurait-il été spécialement dédié, dans les derniers siècles de l'Empire, au saint Attis ? En somme, le domaine de la déesse paraît bien se réduire au sanctuaire même et à ses abords immédiats. Les initiations, qui exigeaient des locaux particuliers, ne s'accomplissaient point au Palatin. Les confréries, dont chacune devait avoir sa _Schola_, étaient installées ailleurs : nous le savons du moins pour les Dendrophores. *) Conjecture de Bruel (cf. supra, p. 321, n. 2), que ne suffit pas à justifier la présence de briques provenant des briqueteries impériales. Voici quelques-unes des marques recueillies par M. B. : _CIL._ 15, 1033 (année _123_), 211 (Faustina iunior) ; 756 (époque de Commode ? ) ; 164 (époque de Sévère plutôt que de Commode) ; 769 (entre _212_ et _217_) ; 408 (sous Caracalla). Vers le Sud, et en bordure de la terrasse qui porte les degrés du temple, paraît s'ouvrir un portique (d'après la restauration de B., _chalcidicum_, suivi d'un solarium dominant la vallée) ; à un étage inférieur, passage voûté, communiquant avec les escaliers de Caeus, et service des bains, dont M. B. a pu relever le plan détaillé et d'où proviennent presque toutes les briques estampillées. ## 2\. Dans les documents officiels, le temple de l'Idéenne porte toujours la mention topographique IN PALATIO. C'est qu'il existait à Rome d'autres sanctuaires de la Mère des Dieux. Nous en connaissons un second dès le temps de la République. Au moment de la campagne de Marius contre les Teutons, le Sénat avait promis à la déesse un temple votif si elle donnait la victoire aux armes romaines.* Il est vraisemblable que malgré les guerres civiles Rome tint sa promesse. Ce monument ne fut sans doute qu'une chapelle. Où était-il ? Peut-être devons-nous l'identifier au temple rond dont parle Martial* et qui se trouvait dans la partie nord-est du Palatin. Cybèle possédait donc sur la colline une _aedes_, qui était son temple principal, et une _aedicula_ ou un _sacellum_, désigné sous le nom de _tholus_, c'est-à-dire d'édifice à coupole. *) Plut., _Marius_ 17 : ναὸν ἐπινίκιον. *) Martial, 1, 70, 9 : « Flecte vias hac qua madidi sunt tecta Lyaei Et Cybeles picto stat Corybante tholus. » Ce livre date des années 85 et 86. Les mss. de la recension de Torquatus Gennadius donnent « tholus » : le Thuaneus (10e s.) donne « torus. » Voir dans l'éd. de Friedlander, 1886, un commentaire de Jordan (p. 210) ; cf. Richter, dans _Hermès_ 1885, p. 424 ; Gilbert, dans _Philologus_ 1886. pp. 462-467 : Huelsen, dans _Roem. Mitt._ 1895, pp. 25-27. Martial, qui habite sur le Quirinal, dans le quartier du _Capitolium Vetus_, a pour ami Proculus,* lequel demeure au Palatin. « Tu passeras, dit-il à son livre, devant les temples de Castor et de Vesta, puis devant le palais des Vestales. Tu gagneras ensuite le Palatin par le _Clivus Sacer_, là où brillent de nombreuses images du souverain.* Ne te laisse point arrêter par le colosse radié, mais incline du côté où tu verras le sanctuaire de Bacchus Lyaeus et le _tholus_ de Cybèle. Tout de suite à gauche, sur la hauteur, est la belle maison de Proculus. » Le _Clivus Sacer_ est la Voie Sacrée sur les deux pentes de la Velia. Le colosse de Néron, devenu l'image du Soleil, se dressait sur le versant oriental de la Velia, à l'entrée de la Maison Dorée, sur l'emplacement qu'Hadrien consacrera bientôt à Vénus et Rome. Il fallait prendre ici la direction opposée, par conséquent tourner à droite, vers le Palatin. On avait alors devant soi le « tempietto » dont apparaissait au moins, par-dessus les constructions voisines, le toit circulaire. Il était surmonté d'une statue peinte de Corybante, analogue à celles qui décoraient les acrotères du grand temple. Nous devons évidemment le chercher aux alentours du _Clivus Palatinus_. *) Peut-être le même que Julius Proculus dans _CIL._ 2, 2349. *) « _Plurima qua summi fulget imago ducis_. » _Plurima_, peut désigner aussi une statue colossale de Domitien : cf. Martial. 8, 51, 8 : « plurima luna, » et Ovid., _Met._ 14, 53 : « plurimus sol. » Or une statue de Cybèle, qui figure sur le bas-relief des Haterii,* ne peut guère être que l'image cultuelle de ce petit sanctuaire. Cette famille s'était fait élever, au temps des Antonins, sur la Voie Labicane, à trois milles de la porte Majeure, un magnifique mausolée. On en a retrouvé la plupart des sculptures, qui remplissent aujourd'hui presque toute une salle du musée du Latran. L'un des reliefs reproduit l'itinéraire que suit dans Rome le cortège funèbre d'un Haterius, après la cérémonie publique du Forum. De droite à gauche on voit se succéder le temple de Jupiter Stator, l'arc de Titus, un autre arc surmonté d'un quadrige, le Colisée en raccourci, un troisième arc voisin d'un temple d'Isis _in Esquiliis_.* Sous les voûtes des arcs de triomphe l'artiste a placé des images de divinités. Ce sont des dieux et des déesses dont les sanctuaires, sans être sur la rue, sont proches, et qui les ont un instant quitté pour assister aux funérailles. Sous le passage de l'arc de Titus, la Dea Roma représente le temple de Vénus et Rome, qui est tout à côté, sur la gauche. Sous le second arc, une statue assise de _Magna Mater_, entourée de ses lions, trône au sommet d'un escalier de seize degrés. Cet arc devait décorer la partie de la Voie Sacrée qui descend la pente orientale de la Velia. Peut-être aussi, h en juger par la position du quadrige, le voyons-nous de profil, et avait-il des portes aux quatre faces. Il faudrait alors le situer à droite de la rue, à un carrefour. Devons-nous enfin l'identifier à l'arc triomphal, surmonté d'un quadrige en bronze, qu'Auguste avait dressé sur la Velia en l'honneur de C. Octavius, son père, et qui faisait partie des propylées de l'_area Apollinis_ ? De toute façon, le sanctuàire de la Grande Mère s'élevait entre l'arc de Titus et le Colisée, du côté du Palatin puisque Vénus et Rome occupaient toute la gauche de la Voie Sacrée, et sur le flanc même de la colline, puisqu'on y accédait par des escaliers. Au pied des marches, le relief nous montre un autel dont la flamme est protégée par un toit de forme hémisphérique ; ne serait-ce pas une allusion à la coupole (_tholus_) dont parle Martial ? *) Au musée du Latran, Benndorf et Schoene, _Ant. Bildw. des Lateran. Mus._ (1867), 358 ; Helbig, _Guide dans les musées archéol. de Rome_, 1893, 1, 671 : cf. Richter, _l. c._, p. 421 ss, et Gilbert, _l. c._, p. 459 ss. *) La dernière tentative d'identification des monuments reproduits sur ce relief est celle de G. Spano, _Sul rilievo sepolcrate degli Aterii_, Naples, 1906 (extr. des _Atti d. R. Acad. archeol._, 24). Près du Colisée, l'auteur voit un Janus quadrifrons, à un croisement de routes. Nous connaissons un troisième temple de la Mère des Dieux. Il est représenté sur un médaillon en bronze de Faustine l'aînée, postérieur à la consécration de cette impératrice.* Il est dédié à _Mater Deum Salutaris_. Cybèle, tourelée, est assise entre deux lions. Ses pieds reposent sur un tabouret ; son bras gauche s'appuie sur un tympanon. A sa gauche, Attis la regarde. Il est plus petit, comme il convient à sa moindre divinité ; car il n'est pas encore devenu dans Rome le Tout-Puissant. Vêtu de la chlamyde et coiffé du bonnet phrygien, il tient le pedum et la syrinx. Suivant la tradition de l'art numismatique, les dieux sont placés sous le portique du sanctuaire. L'édifice, tracé en perspective, se dresse sur un soubassement auquel correspond, en façade, un escalier d'au moins cinq marches. La façade s'orne de deux colonnes corinthiennes, que surmontent un entablement et un fronton en arc de cercle. Dans les parois latérales s'engagent quatre colonnes, qui supportent d'autres arcs du même type. Cette variété de fronton, fréquente surtout dans l'architecture orientale, paraît bien indiquer, au même titre que la présence d'Attis et que le vocable même de _Salutaris_, un « tempietto » construit sous l'Empire. Peut-être fut-il l'œuvre de Faustine, qui semble avoir honoré la Grande Mère d'un culte très fervent. *) Cabinet de France ; cf. supra p. 151, n. 3. Les catalogues du 4e siècle signalent dans la 11e région, près du Cirque Maxime, une _Aedes Matris Deum_ qui ne nous est point connue par ailleurs et ne pouvait guère se trouver qu'au pied de l'Aventin.* Ils le rapprochent d'un sanctuaire de Jupiter Arborator, qui n'avait sans doute avec la déesse qu'une relation fortuite de voisinage. Cybèle protège les jeux, et surtout les courses ; ainsi peut s'expliquer sa présence aux abords du Cirque, où l'on voyait sa statue chevauchant le lion sur le mur de la _spina_. *) Cf. Aust, _Die stadtrömischen Tempelgründungen der Kaiserzeit_, 1898, p. 29, n° 72. Lanciani, dans _Annali_, 1871, p. 48, suppose sans raison qu'il s'agit peut-être d'un temple de la Mater Matuta. Dans la 8e région, une chapelle était dédiée à la Mère des Dieux et à Navis Salvia.* On y adorait une image de la déesse assise sur le navire qui l'amena d'Orient. Un collège de _Cultores_ y était attaché. Les confrères sont des affranchis, gens du quartier probablement, lequel était l'un des plus cosmopolites. C'est en effet tout à côté du port-commercial et de l'emporium, non loin des quais, sous l'Aventin,* que l'on a découvert trois autels votifs et une antéfixe de ce petit sanctuaire.* Deux belles colonnes en albâtre oriental, qui proviennent du même endroit, appartenaient peut-être à ce même édifice.* Comme sur les côtes d'Asie Mineure, la Grande Mère protégeait la navigation. Parce qu elle sauva miraculeusement des sables le vaisseau qui la portait, elle était invoquée par les marins du port de Rome, qui redoutaient l'embouchure du Tibre. *) Cf. supra, pp. 66-69 et 281. *) Dans l'ancienne vigne Cesarini : Ficoroni, _Vestig. di Roma antica_, p. 148 ; Fea, _Miscellanea_, 1, p. 126 s, d'après Flaminius Vacca. *) _CIL._ 6, 492-494. Pour l'antéfixe, Visconti dans _Annali_, 1867, p. 302. *) Fea, _l. c._, p. 126 : « Una bellissima colonna di alabastro orientale, dell' altezza di 20 palmi, ora nel museo Capitolino : ...un altra parimente di alabastro, scannellata (acquise par Alessandro Albani), e quattro rotonde lazze da fontana, di alabastro fiorito. » Le couple phrygien possédait également un temple dans la région Transtibérine.* Le Transtévère, laissé en dehors de la cité jusqu'à la réforme régionale d'Auguste, était le quartier des étrangers. Les Orientaux qui débarquaient à Ostie, ou à Porto, ou à Rome, pour venir chercher fortune dans la capitale, s'installaient là de préférence. Aussi les cultes exotiques, s'y trouvant chez eux, y pullulaient. Il n'est donc point surprenant d'y rencontrer Cybèle et Attis. La Grande Mère y trônait dans la partie la plus populeuse, entre le Janicule et la demi-boucle du fleuve ; on a découvert, près de Sainte Marie du Transtévère et de l'antique voie Aurélia, une dédicace « à la présence de la Mère des Dieux.* » *) Sur une dédicace à Jupiter O. M. Heliopolitanus (_CIL._ 6, 120), Mommsen croit reconnaître, l. 13, la mention d'une Magna Mater Cistiberina, dont le vocable s'opposerait précisément à celui de la Transtiberina. Mais il ne fonde sur rien celte hypothèse ; du reste la Mater Transtiberina à laquelle il fait allusion se trouvait en face d'Ostie, et non à Rome. *) _CIL._ 6, 488. Mais le véritable Metrôon de cette région était sur la colline Vaticane.* Au milieu du 2e siècle, des colonies comme Lyon ont leur Vatican, centre du culte phrygien, de même que ces « petites Romes » ont leur Capitole, centre du culte national.* Il faut donc admettre que le grand sanctuaire transtévérin de Cybèle et d'Attis est bien antérieur à cette date. *) Sur la localisation du Vaticanum dans l'antiquité : Elter dans _Rhein. Mus._, 46, 1891. p. 112 ss, et Huelsen dans _Roem. Mitt._ 7, p. 329 s. *) _CIL._ 13, 1751 (année 160) : cf. 7281 supra, p. 279, n. 2). On le connaissait sous le nom de _Phrygianum_.* Comme dans les _Mithræa_, ce n'est pas seulement une divinité que l'on y adore ; c'est tout un culte mystérieux que l'on y célèbre. Le 28 mars, quand la série des fêtes phrygiennes était terminée au Palatin, les initiations commençaient au Vatican. Là aussi s'accomplissaient, au cours de l'année, les rites du taurobole et du criobole. Le calendrier philocalien appelle la cérémonie du 28 mars _Initium Caiani_. Les catalogues constantiniens réunissent d'autre part, dans leur description de la 14e région, le _Phrygianum_ et le _Gaianum_, ou Cirque de Caius Caligula. Le Metrôon était donc contigu au Cirque, comme l'_Isium_ de Pompéi au théâtre, comme l'un des _Mithræa_ d'Ostie à des thermes. Sous la protection de quelque affranchi, haut fonctionnaire impérial ou municipal et membre d'un pieux conventicule, les églises d'Égypte et d'Orient s'installaient volontiers à l'ombre de ces établissements publics, dans quelque dépendance inoccupée, où l'autorité les ignorait d'abord et les tolérait ensuite. Aujourd'hui la basilique et la place de Saint-Pierre occupent en partie l'emplacement du Gaianum, avec la même orientation.* Ce fut en creusant les fondations de la façade actuelle, à l'angle sud-est,* que l'on découvrit en 1609 un groupe d'autels tauroboliques. « Ils avaient été brisés par les chrétiens, » déclare Jacques Grimaldi, qui assistait à la découverte, « puis jetés pêle-mêle et enfouis par mépris de cette idolâtrie. » Les aurait-on précipités dans la fosse même des baptêmes sanglants ? En ce cas, l'église phrygienne avait élu domicile dans l'enceinte du Cirque et se dissimulait sous les voûtes obscures qui supportaient les gradins : car ces marbres ont été trouvés dans le périmètre du _Gaianum_. Mais si l'indication est exacte, c'est au milieu de l'arène, et non dans le corps du bâtiment, qu'ils gisaient. Aussi bien la vogue de la religion phrygienne, dans les derniers siècles du paganisme, exigeait-elle pour le couple divin un domaine moins modeste, digne à la fois et des Tout-Puissants et de leur clientèle de plus en plus aristocratique. A droite, le Cirque était en bordure delà voie Cornélienne, que longeaient d'autre part des tombeaux ; en outre, avant la fin du ive siècle, alors que l'on accomplit encore des tauroboles au Vatican, la construction de la Basilique Constantinienne avait dû faire disparaître cette portion du Cirque et de la route. C'est donc soit à gauche, soit plutôt en avant du _Gaianum_ qu'il faut chercher le temple phrygien, dans les jardins d'Agrippine.* Il se peut que l'édifice primitif remonte au principat de Claude. L'empereur ou l'impératrice aurait concédé le terrain, pour l'érection d'un _Phrygianum_, à ces mêmes affranchis qui firent triompher Attis sur le Palatin. Dès cette époque peut-être, au plus tard sous le principat d'Antonin, le sanctuaire fut classé parmi les monuments du culte public ; à ce titre, il était placé sous la surveillance des « Curateurs des édifices sacrés.* » Quant au plan du _Phrygianum_, rien ne nous permet de le reconstituer. Il comprenait au moins un sanctuaire, une ou plusieurs salles d'initiation, un baptistère et un magasin pour le matériel nécessaire aux cérémonies. Le baptistère, suivant le type que nous décrit Prudence, se composait de deux parties superposées et séparées par un plancher à claire-voie. L'étage inférieur est un sous-sol, où prend place le récipiendaire. Au-dessus s'étend la plateforme où se consomme le sacrifice, probablement avec une estrade pour les prêtres officiants ; était-elle protégée par une toiture, reposant sur des colonnes ou des piliers ? Prudence laisse entendre qu'elle dominait une _area_, réservée aux personnages officiels et aux mystes. *) _Notit. U. Romae_, Reg. 14 : « Frigianum » : cf. Aust, _l. c._, p. 18, n° 35 (avec la bibliographie). *) La « _memoria sancti Petri_, » qui nous est signalée dès le commencement du 3e siècle, et la basilique constantinienne, qui s'éleva plus tard au même endroit, étaient donc dans le voisinage immédiat du grand baptistère phrygien. Les pèlerins chrétiens et les dévots d'Attis se coudoyaient. *) D'après Grimaldi (_Cod. Vatic._ 6438, f. 43) ; cf. de Rossi, _Inscr. christ. U. Romae_, 2, 1, p. 205 ; Duchesne, _Liber Pontif._ 1, p. 193, n. 61. Le _Liber Pontificatis_ (6° siècle) parle d'un _templum Apollinis_, où aurait été enseveli Saint Pierre. Au moyen âge, la rotonde de Sainte Pétronille (mausolée théodosien. attenant à l'ancienne basilique) était appelée temple d'Apollon. On rapprochait naturellement _Vaticanum de Vates_ : « dicitur vaticanum quia vates, id est sacerdotes, antiquitus canebant ibi sua officia ante templum Apollinis, » écrit Mallius, _Descr. Basil. Vaticanae_, 2, cité par de Rossi, _l. c._ ; cf. _Mirabilia U. R._ dans Urlichs, _Cod. topogr._, p. 105. Cette étymologie avait déjà tenté les érudits delà Rome impériale ; cf. A. Gell. 16, 17. *) Les jardins descendaient jusqu'au Tibre : Senec., _De ira_, 3, 18, 4. *) _IGSI._ 1045, dédicace grecque trouvée près de Saint-Pierre et qu'il faut restituer, ce semble, à la Grande Mère (Kaibel, _l. c._) ; la face antérieure a été martelée. L'emplacement fut concédé par le curateur Clodius Pompeianus, 4 juin 244. La dédicace eut lieu avant le 13 juin, M. Aurelius Dioscoros étant archiercus (= sacerdos maximus). La _Schola_ des Dendrophores se trouvait sur le Cælius, entre l'aile droite du nouvel hôpital militaire et la rue de Saint Étienne le Rond.* En 1889, en bâtissant l'hôpital, on mit à jour une petite chambre, large de trois mètres et longue de 2m. 50 environ. Elle avait des murs en briques, d'un travail médiocrement soigné. Le sol était pavé d'une mosaïque à gros cubes, blancs et noirs, que décorait en son milieu un groupe de motifs symboliques ; on y voyait, autour d'un œil percé par une lance, sur laquelle une chouette se pose, un serpent, un cerf, un lion ou un chien, un taureau, un scorpion, une lionne ou une panthère, un bouc, une colombe sur une branche d'olivier, un corbeau. Tous ces animaux, bien que plusieurs d'entre eux appartiennent au cycle métroaque, paraissent n'avoir ici qu'une valeur magique. Ils conjurent les maléfices, représentés par le mauvais œil. Sur l'un des côtés de la chambre, devant un gradin de marbre et le seuil d'une porte, la mosaïque figurait un _titulus_ à queues d'aronde. On y lisait cette formule de salutation : _intrantibus hic deos propitios et basilic(ae) Hilarianae_. Nous sommes donc dans une pièce d'entrée qui donne accès à la Basilique Hilarienne. Cette Basilique devint sans doute le siège même de la confrérie. Il est regrettable que l'on n'ait pu la déblayer, pour en relever le plan ; car ce furent surtout ces basiliques privées, à la fois chapelles et lieux d'assemblée, qui servirent de type aux Chrétiens pour leurs primitives églises. Le personnage qui la fit construire et y installa les Dendrophores était un de leurs présidents perpétuels, M'. Poblicius Hilarus, riche marchand de perles ; il vivait au temps d'Hadrien. La statue du bienfaiteur se dressait dans le vestibule, adossée au montant gauche de ladite porte ; elle lui fut élevée par décret du Collège reconnaissant. Vis-à-vis, un jeune et gracieux satyre en marbre, assis sur un rocher, ornait un bassin lustral, sorte de bénitier en « noir antique. » Il existait aussi dans une salle une statuette de Silvain, génie des Dendrophores ; Hilarus et ses deux fils l'avaient donnée. Dans un angle, près de la statue, s'ouvrait un puits ou une bouche d'égout. Sur le degré qui précède la porte, on avait gravé les traces de quatre pieds, deux dans un sens et deux dans l'autre, pour indiquer l'aller et le retour. Ces « vestiges, » qui sont fréquents dans les temples métroaques, offrent en général un caractère votif ; mais ce ne sont ici que des symboles d'heureux présage à l'adresse des confrères. Une ne semble pas que cette première salle ait directement conduit à la basilique. Elle en était probablement séparée par une petite cour à portiques.* *) Gatti dans _Not. Scavi_, 1889, pp. 398-400 ; 1890, pp.79 et 113 ; Visconti dans _Bull. arch. comunale di Roma_, 1889, p. 483 ; 1890, pp. 18-25 et 78 ; Huelsen dans _Roem. Mitt._ 1891, p. 109 s ; Bienkowski, _Eranos Vindobon._, 285 ss : Waltzing, _op. l._ 1, pp. 216, 223 ss ; 3. p. 190 n° 696 ; _CIL._ 6, 641, 30973. *) A en juger par la grossièreté de quelques fragments de mosaïque, découverts de l'autre côté du seuil. En dehors de l'enceinte de Rome, dans les quartiers suburbains, la déesse possédait plusieurs sanctuaires. A l'est, à 200 mètres environ de la voie Tiburtine et dans l'actuel Campo Santo, l'on a découvert un autel consacré à la Mère des Dieux ; il se trouvait encore en place sur son piédestal.* Une chapelle devait se dresser à cet endroit. *) Ara en travertin : « sacrum Matri Deum » ; dans la partie du Campo Verano qui avoisine la tenuta del Portonaccio : _CIL._ 6, 30968. Au sud, près du confluent de l'Almo, s'élevait un sacellum* ; il était décoré d'antéfixes au type de Cybèle sur son vaisseau, comme l'édicule voisin de l'Emporium. C'est là que s'accomplissait le Bain rituel du 27 mars. En raison même de la sainteté du lieu, ministres et serviteurs de la Grande Mère en choisissaient le voisinage pour leur sépulture : aux abords de la voie d'Ostie, entre l'Almo et la basilique de Saint-Paul, on a retrouvé la tombe d'une prêtresse, de son mari et de leurs affranchis, l'épitaphe d'une tympanistria, celle d'un compagnon danseur de Cybèle, qui sans doute reposait dans l'enclos funéraire de sa confrérie.* En remontant le cours du ruisseau, après avoir traversé successivement les routes d'Ostie, d'Ardée et l'Appia, on arrive à un nymphée* qui fut peut-être le sanctuaire du dieu Almo ; tout auprès, on rendait un culte à la Mère des Dieux.* Elle protégeait la source du ruisseau sacré. Enfin, si l'on en juge par la présence d'autels tauroboliques entre l'église San Sebastiano et le tombeau de Cæcilia Metella,* le couple phrygien avait une chapelle sur l'Appia ; l'édifice devait se dresser dans les jardins du Taurobolié, L. Cornelius Scipio Orfitus. *) Le pont sur lequel la route moderne d'Ostie franchit l'Almo (ponte della Moletta) n'est autre que le pont antique. Celte route suit jusqu'à la Basilique de St. Paul le parcours de l'ancienne _Via Ostiensis_ ; cf. _Not. Scavi_, 1898, p. 450. *) _CIL._ 6, 2259, « tabula marmorea effossa in basilica S. Pauli extra moenia » ; 2264, « ad ripam fluvii Almonis » ; 2265, à Saint-Paul. *) Confondu avec la grotte sacrée d'Egérie. Tout auprès s'élève l'église de San Urbano, qui est un édifice antique. *) Une antéfixe représentant le vaisseau de Cybèle aurait été trouvée près de S. Urbano alla Caffarella, et une autre près du confluent de l'Almo ; Visconti dans _Annali_ 1867, pp. 300, 302. *) _CIL._ 6, 505 et 506 (la première de ces inscr. est datée de l'année 295) ; cf. Aust, _op. l._, p. 28, n° 64. [Planche 8. --- 1. _Cybèle dans un Naiskos_. --- Marbre. Au Musée du Vatican.](https://cdn.solaranamnesis.com/HenriGraillot/8.jpeg) ## 3\. Ostie, c'est Rome encore. La ville où la Dame Noire avait abordé, où elle avait manifesté sa puissance par un miracle, lui consacra sans doute une « aedes » ou un « sacellum » dès le temps de la République. On fêtait à Ostie, ce semble, l'anniversaire du 4 avril.* D'autre part, ce port cosmopolite était peuplé de marchands Orientaux. Au temps où la colonie romaine honorait encore la déesse selon le rite gréco-romain, la religion phrygienne dut y prospérer. Nous y connaissons trois sanctuaires de Cybèle. L'un est à Ostie même. Un autre, simple oratoire que nous voyons desservi par un prêtre d'Isis Ostiensis, s'élève sur la rive opposée du Tibre.* Faut-il le chercher près de l'Isaeum, dans le quartier des magasins de blé ? Mater Deum Cereria était naturellement désignée pour protéger les greniers de Rome. Le troisième temple, auquel sont attachés un prêtre, une prêtresse et un joueur de flûte, se dresse également sur l'autre rive, au port de Claude et de Trajan* ; ne serait-ce pas le Phrygianum « in Portu, » avec baptistère taurobolique ? Son existence, connue celle de la précédente chapelle, ne nous est révélée que par les textes épigraphiques. Mais le Metrôon de la colonie a été retrouvé par Visconti en 1867.* Situé à l'une des extrémités de la ville, à droite de la porte Laurentine, il existait au début de l'Empire. La dynastie claudienne paraît s'être intéressée à sa construction ou à son embellissement.* L'empereur Claude, tant que durent les travaux du Port Neuf, qui est son œuvre, réside souvent à Ostie ; il y a tout lieu de croire que ce prince, protecteur du culte phrygien et si lier de l'ancêtre miraculée, ne ménagea point ses faveurs au sanctuaire métroaque. Mais, à en juger par les monuments épigraphiques et figurés qui proviennent du temple, sa principale période de prospérité commence avec Hadrien, qui fut le grand bienfaiteur d'Ostie.* Pendant un siècle, Antonins et Sévères vont honorer de leur protection cette église phrygienne.* *) Une autre antéfixe au type de Cybèle sur son navire a été trouvée à Ostie (Coll. Campana, Louvre). Mais on ne sait si elle participait à la décoration du temple principal. *) _CIL._ 14, 429 ; Dessau croit que le sanctuaire de _Mater Deum Trastiberina_ est identique à celui de _Mater Deum Magna Portus Augusti et Traiani Felicis_. *) _Ibid._ 408 : cf. le texte juridique cité supra p. 153, n. 1. Portus faisait partie de la colonie d'Ostie : Dessau dans _CIL._ 14, p. 6. *) Visconti dans _Annali_, 1868, pp. 362-443 ; 1869, p. 209 ss, et _Monumenti_, 8, pl. 60. Le temple avait été démoli jusqu'au niveau du sol de la Cella. *) _CIL._ 14, 84 ; inscr. au nom de Drusus, fils de Tibère, trouvée à côté du temple ; cf. Visconti dans _Annali_ 1869, p. 224. *) Helbig, _Guide_, 1, 700, attribue à l'époque d'Hadrien l'Attis consacré dans ce temple par Cartilius Euplus et conservé au musée du Latran. *) Inscr. datées du 2e s. : 97 (ann. _139_), 67 (a. _142_), 33 (a. _143_), 280 (a. _147_), 371 (vers _150_, d'après l'indication du lustre des _fabri tignuarii_, cf. Dessau aux pp. 8 et 28), 107 (a. _161-169_), 34 (a. _169-176_), 40 et 117 (a. _161-180_), 116 (a. _195_), 71 (a. _196_), 39 (a. _199_), 118 (a. _200_) ; 281 et 284 (vers _200_) ; --- du 3e s. : 324 (a. _203_), 119 (a. _212_), 42 (a. _251-253_) ; 45 (milieu du s.). Temple et annexes sont renfermés dans une aire trapézoïdale, close de murs, entre des maisons et une rue qui prolonge la voie Laurentine jusqu'au temple de Vulcain, principal édifice religieux de la ville. Le sanctuaire proprement dit, orienté de l'est à l'ouest, avec sa façade tournée vers l'Orient, se présentait obliquement par rapport à la rue et à l'entrée du domaine sacré. Il est rectangulaire, prostyle et tétrastyle. Les dimensions n'en sont pas bien grandes ; il mesure, à l'extérieur, 11 mètres de long sur 8m50 de large. Pour donner à la fois plus de solidité et de légèreté à la construction, le soubassement comporte une série d'arcades : deux sur les côtés longs et trois, beaucoup plus petites, par derrière. La cella est à peu près carrée.* Sur le mur de fond reste en place la base où trônait la statue cultuelle. Dans les murs latéraux se creusent deux niches, qui ont abrité des images divines. Au pied de l'escalier, dans la cour, subsiste un autel en pierres, de plan rectangulaire. Cette cour est le _Campus Matris Deum_. Elle est limitée d'un côté par le temple, d'un autre par des chambres, et sur les deux autres côtés par des portiques. Ceux-ci avaient une largeur d'environ 3 mètres ; leur toiture s'appuyait sur des colonnes en maçonnerie, d'ordre dorique. Des pilastres, correspondant aux colonnes, décoraient la muraille du fond, dont l'appareil est réticulé. L'aire n'est point pavée ; elle était recouverte d'une couche de sable marin, très fin. Peu à peu, cour et portique s'étaient peuplés de statues et d'autels votifs. En 203, P. Claudius Abascantus, Quinquennal des Dendrophores, avait obtenu du Pontife de Vulcain, Curateur des édifices sacrés, l'autorisation d'y élever une statue de son jeune fils, qu'il venait de perdre.* La statue fui inaugurée le jour même du _Sanguis_ ; elle était placée dans un angle, à gauche. Une autre, d'un inconnu, se dressait depuis l'an 194 près de l'escalier. C'est sous le portique sud que fut retrouvée la statue d'Attis à demi couché, don de C. Cartilius Euplus _ex monitu Deae_ ; là gisaient aussi une statuette de Vénus en bronze et la ciste votive, en marbre, de l'Archigalle M. Modius Maximus. On avait l'habitude de consacrer dans ce _Campus_ les autels tauroboliques et crioboliques,* mais on n'y célébrait pas les baptêmes ; il n'existe du reste aucun vestige de baptistère dans l'enceinte du Metrôon, où l'espace était assez restreint. *) Elle mesure, dans œuvre, environ 5 m. 75 sur 5 m. 20. *) Pour disposer d'un emplacement dans le Metrôon, il fallait en effet l'autorisation de ce fonctionnaire. Le sacerdoce de Vulcain, _deus patrius._ est exercé par des citoyens de rang sénatorial. *) Visconti y a retrouvé deux fragments d'inscr. tauroboliques et croit que l'on y célébrait les tauroboles. Au nord, on utilisa tout le terrain compris entre les murs de clôture et le temple pour édifier trois salles. Leur destination nous est inconnue. C'étaient des logements de gardiens, des sacristies ou des oratoires ; dans l'une d'elles, on voit encore, contre le mur du fond, une large base de statue. A l'ouest, derrière le temple, s'étend une seconde cour, très irrégulière, et qui mesure environ 8 mètres dans sa plus grande longueur. Les arcades du soubassement postérieur y formaient des niches qui ont pu servir de magasins ou de chapelles ; dans celle qui avoisine les chambres on a découvert une statue de Cybèle assise, en marbre.* Le long des autres murs courait un banc en maçonnerie, interrompu seulement par deux seuils. Une porte se trouvait en face des arcades et donnait communication avec l'extérieur ; un passage, entre les substructions méridionales du temple et le mur d'enceinte, reliait les deux cours. Au milieu de l'aire se dressent deux autels, disposés sans symétrie, et d'inégales dimensions. L'autel majeur était sans doute celui de Cybèle, l'autel mineur celui d'Attis. Leur hauteur est d'environ deux mètres. Le sacrifiant était donc obligé de monter plusieurs degrés. Il dominait ainsi les fidèles ; mais surtout, comme la cour est petite et entourée de murs élevés, les assistants risquaient moins d'être incommodés par la fumée du sacrifice. Murailles, bancs, autels étaient recouverts d'un stuc épais, peint en rouge sombre. Quel était le rôle de cette cour intérieure ? Était-elle réservée aux mystes, qui auraient eu là leurs autels privilégiés ? Venaient-ils s'asseoir sur ces bancs aux heures d'instruction religieuse ? La seconde cour aurait donc servi au culte secret, et la première, devant le temple, au culte public. La présence de deux autels dans l'une et d'un autel unique dans l'autre perpétuait le souvenir de temps plus anciens, où l'on célébrait ici le culte romain de l'Idéenne, là le culte phrygien du couple Omnipotent. *) _Annali_ 1868, p. 390. --- Autre Cybèle, fouilles de 1831-34 ; Matz et Duhn, 1, 903. --- Autre ? fouilles de 1910 ; Reinach, _Rép. Stat._ 4, 552, 6. Mais la cour isolée derrière le naos ne pouvait-elle être une _Schola_ en plein air ? Le banc qui en fait le tour, les autels qui en occupent le centre ne sont-ils pas deux éléments caractéristiques d'un local de confrérie ? Les Dendrophores ont pris soin de nous apprendre qu'ils s'étaient installés à leurs propres frais ; l'aménagement de cette aire en lieu de réunion réalisait pour eux la solution la moins coûteuse. C'est là, du reste, que l'on a retrouvé l'inscription qui commémore une restauration de leur _Schola_, dans la seconde moitié du me siècle. Sous l'une des arcades, il est vrai, l'on a découvert sept monuments de la _Schola_ des Cannophores. Ce fait prouve simplement que les deux locaux étaient contigus. L'un des collèges a pu s'installer dans les salles voisines ; celle où subiste un piédestal parait être une chapelle de confrérie. Images divines et effigies impériales avaient embelli ces demeures. En 142, les Dendrophores recevaient d'un membre d'honneur une Terra Mater ; l'année suivante, un de leurs présidents leur offrait un Mars. Ils possédaient un Silvain, cadeau d'un ministre du temple, et une Virtus ou Bellone, en argent, qui pesait deux livres, don d'une « Mère » de la confrérie. Les portraits des Césars devaient se succéder sur les piédestaux ; mais jusqu'à la fin l'on conserva pieusement ceux d'Antonin et de L. Verus. Les Cannophores avaient aussi des amis généreux. Un Archigalle, au temps de Marc Aurèle, leur donne deux statuettes de la déesse et du dieu : elles étaient en argent et chacune pesait une livre. Une femme leur fait présent d'un _typus Matris Deum_ en argent, qui paraît être une copie de l'idole du Palatin. Un « Père » et une « Mère » s'étaient réunis pour leur offrir un Attis. En 200, ils reçoivent un Septime Sévère, buste ou statue, et en 212 une statuette en argent de Caracalla. Ils avaient eux-mêmes acheté deux portraits de ces empereurs. Enfin dans chaque _Schola_ l'album de la corporation, gravé sur le marbre, étalait en bonne place les noms des patrons, des dignitaires et de tous les confrères. Les fouilles paraissent avoir été hâtives, et il est regrettable que les alentours du temple n'aient pas été complètement déblayés. Nous savons cependant que dans le voisinage immédiat de l'enceinte, près de l'angle nord-est, existait un Mithraeum.* Le mur sud du sanctuaire mithriaque semble prolonger le mur nord du Metrôon ; mais rien ne prouve que l'on ait réservé une communication entre les deux temples. Il serait intéressant d'explorer le court espace qui les sépare ou qui les relie. Le rapprochement des dieux phrygiens et du dieu persique ne peut pas être fortuit. Les deux cultes se sont associés. Mithra est venu se mettre sous la protection de divinités amies, qu'il retrouvait ici puissant, populaires, officielles. *) Cumont, _Mithra, textes et mon. fig._, pp. 414-418 et 523. # Chapitre 10 ### Le Culte en Asie Mineure à l'Époque Impériale. Situation privilégiée de la Mère des Dieux en Asie M. ; patronage des Augustes --- 1. Pessinonte. Son histoire depuis l'invasion galate. Transformation du sacerdoce au début de l'Empire ; sacré collège des Attis. Le culte en Galatie. --- 2. Province d'Asie. Les plateaux phrygiens. Origine religieuse de certaines localités ; vitalité du culte dans les centres industriels et commerciaux ; sanctuaires rustiques. --- 3. Suite. Au sud du Méandre : Cybèle eu Carie et dans les îles cariennes. Au nord du Méandre : Éphèse ; l'Ionie : Smyrne. La Dame du Sipyle et la Dame du Tmôle. Le culte en Lydie . --- 4. Suite. Mysie. Région de l'Ida. Côtes de l'Hellespont. Cyzique ; ses traditions religieuses, son influence. --- 5. Bithynie. Les côtes pontiques. Meter Phasianè. --- 6. A l'est et au sud de la Phrygie. Popularité du culte en Pisidie, en Lycaonie, en Isaurie. L'influence phrygienne arrêtée à l'est par l'expansion de l'iranisme, contrariée au sud par l'expansion du sémitisme. Pamphylie, Cilicie, Chypre. Cybèle et Attis en pays syrien. --- 7. Les influences syrienne, égyptienne, iranienne, hellénique et romaine sous l'Empire. Survivance des traditions indigènes. Les Mères topiques. Noire-Dame des monts ; des eaux ; des arbres. Icônes archaïques ; la Mère debout. Parèdres locaux. Traditions cultuelles et sacerdotales. Traditions funéraires. --- 8. Métroacisme et christianisme en Asie M. ; le christianisme phrygien. La Mère des Dieux et la Mère de Dieu. Ἐς ἀιεί ῾ρόμβῳ καὶ τυμπάνῳ Ῥεἰην Φρύγες ἰλάσκονται Apoll. Rhod., _Argon._ 1, 1138 s. Nous retrouvons le culte métroaque sur toute la surface de l'Empire, des côtes de la mer Noire jusqu'à l'embouchure du Tage, des plateaux de Numidie jusqu'aux monts Calédoniens. Il faut admettre en principe qu'à partir du 2e siècle ce culte est partout de rite phrygien. Les colonies romaines, qui avaient transporté chez elles le culte de la Palatine, suivirent l'exemple de la métropole. Elles eurent même leur Vatican, colline naturelle ou tertre artificiel, affecté aux cérémonies tauroboliques. La déesse y conserve presque toujours le titre d'Idéenne, qui révèle l'influence directe de Rome. Mais Cybèle et Attis ne conquièrent point le monde à la façon de Jupiter Capitolin. La Rome impériale n'est pas le centre d'où rayonne leur culte. Des ports du Levant ils ont gagné directement les provinces. L'Asie Mineure reste Lardent foyer de propagande ; et jusqu'à la déchéance du paganisme elle poursuit sans trêve son œuvre de conversion. Nous verrons plus loin dans quelles conditions s'accomplit cette œuvre, quels apôtres se chargent de répandre et d'entretenir la foi. Mais, avant d'étudier la diffusion du culte hors de l'Anatolie, recherchons ce qu'il y fut au temps de la domination romaine. D'une façon générale les religions d'Asie furent très vivaces sous le régime impérial. L'Orient vaincu, loin d'abdiquer sa personnalité, l'imposait à l'Occident. Il avait, dès la fin même de la République, forcé les portes du panthéon gréco-romain. Mais il est certain aussi que ses dieux, dans leur pays d'origine, profitèrent largement de la bienveillance des Césars. Cybèle, à cet égard, fut privilégiée. Son culte constitue le premier des liens sacrés qui unissent la population indigène et le peuple conquérant. Elle avait servi la politique orientale de Rome ; par contre, les hommages de Rome avaient accru en Orient la majesté de la Grande Mère. Dame de l'Ida troyen, elle était particulièrement chère aux fondateurs de l'Empire, qui vénéraient en elle une divinité ancestrale. Ils patronnèrent le culte delà déesse phrygienne comme ils favorisèrent Ilion, soi-disant berceau de la famille des Jules. Tibère créa Tibériopolis de Phrygie près d'un antique hiéron de la Mère des Dieux, à qui fut identifiée la Mère de l'empereur.* Il créa Tibériopolis de Pisidie près d'un temple de Pappas,* qui est à la fois Zeus et Attis. Contemporain des premiers Césars. Strabon constate à diverses reprises combien est florissant, dans la province d'Asie, le culte orgiastique de Rhéa-Cybèle. Après eux, le gouvernement impérial ne cesse d'entretenir en Asie Mineure une prospérité dont bénéficient les dieux nationaux. Enfin les empereurs y possèdent, au cœur même de la Phrygie, d'immenses et riches domaines.* Ils ont des terres dans le haut bassin du Sangarios ; dans la haute vallée du Caïstros et dans la région des Limnai ; ils ont les carrières de marbre d'Hiérapolis et de Synnada, les mines d'or du Dindymos, d'autres mines en Lycaonie, à Zizima, où la Meter Ziziménè est toute puissante. Un monde d'esclaves et d'affranchis, personnel indigène, exploite ces biens. L'attachement aux divinités locales y est aussi profond que le dévouement à l'Auguste* ; et les princes deviennent nécessairement les protecteurs et les bienfaiteurs de ces dieux. *) Ramsay, _Historical Geography of Asia Minor_ (Royal geographical Society, _Suppl. papers_ 4), 1890, p. 147 ; cf. à Cos, une Sébastè Rhéa, qui paraît être Agrippine, supra, p. 147, n. 5. *) _Ibid._, p. 398. Les habitants se dénommaient les Tibériopolites-Pappènes. *) Bibliographie, supra, p. 114 n. 4. *) Cf. les dédicaces de colons des domaines impériaux, dans la région des Limnai ; elles ont été rédigées vers 220-250. Ramsay, _Studies_, p. 305 ss. La Grande Mère continue donc à trôner souverainement sur l'ancienne Phrygie, que les divisions administratives ont démembrée. On l'invoque toujours comme la divinité suprême qui, avec Dea Roma, en régit le destin.* Le Koinon de Galatie frappe des monnaies à son image.* Partout dédicaces, monuments figurés, numismatique des villes attestent la survivance de son hégémonie. Il importe également de signaler dans l'onomastique la fréquence des noms théophores, empruntés à la déesse ou aux divinités du même cycle : Matar, Mêtris, Mêtrobios, Mêtrodotos, Mêtrodôros, Mêtroclès, Mêtrotimos, Mêtrophanès,* Côbêllis,* Attas, Attès, Ateis, Attheis, Attinas,* Papas, Nanna,* Sangarios, Sagaris.* *) Elle est qualifiée de Φρυγίης σώτειρα dans un hymne orphique, 27, 12. *) Sous Trajan. Mionnet 4, p. 376, 10 ; Babelon, _Coll. Waddington_, 659. Buste d'Attis-Mên ; Imhoof, _Gr. Münzen_, p. 226 n° 746, et pl. 13, 6. *) En Galatie : Ramsay, _Studies_, p. 348 (Matar). A Pergame, v. supra, p. 40 (Mêtris : Fraenkel, _Inschr. v. Perg._ 167). A Smyrne : Lebas, 5, 1, p. 9. *) Ramsay, _Cities and Bishoprics of Phrygia_, 1895, pp. 306 et 311. *) Cf. Kretschmer, _Einleitung d. Gesch. d. gr. Sprache_, 1896, p. 350. La forme Attis est la plus fréquente. Ateis à Nacoleia : _Ath. Mitt._ 25, 1900, p. 441 n° 70. Attas, aux Limnai : Ramsay, _Studies_, p. 332 ; en Galatie : _J. of Hell. St._, 19, 1899, p. 283 n° 172. Attheis, femme : Ramsay, _Cities_, p. 150 n° 45. Attinas : _Rev. Et. Gr._, 19, 1906, p. 101. *) On trouve aussi le nom masculin Nannasos : Ramsay, _Studies_, p. 32. *) _CIG._ 3973, 4066, 4083 ; _Ath. Mith._, _l. c._ n° 68 (Pessinonte) ; _J. of Hell. St._, 19, 1899, p. 308 n° 250 : _Philologus, Suppl. Band_ 10, 1, 1905-06, p. 122 (Cappadoce). Un évêque de Laodicée du Lycos, vers l'année 165, porte aussi le nom de Sagaris. Sur les mots Sagaris et Sangarios, cf. supra, p. 15 n. 5 : Tomaschek, dans _Wien. Akad. Sitzungsber._ 131, 1894, p. 98, les rapproche d'un nom dace. ## 1\. Pessinonte, au pied de son Dindymos, montagne sacrée, au bord du Gallos, torrent sacré, est restée la ville sainte de la Mère des Dieux-Agdistis-Dindyménè.* Les pèlerins y affluent quand vient la saison des fêtes et des foires. Alors se succèdent les processions au sanctuaire, au Gallos, au rocher Agdos, au tombeau d'Attis. « Le temple de la Pessinontide, nous dit Strabon, est encore très vénéré ; et son marché subsiste aussi florissant que par le passé. Anciennement les prêtres du temple avaient rang de dynastes ; et de leur sacerdoce ils tiraient de gros revenus. Mais aujourd'hui honneurs et profits ont pour eux sensiblement diminué. » *) Strab., 12, 5, 3. Ruines à Bala-Hissar, à une vingtaine de kilom. au S. S. E. de Sivri Hissar. Sur la topographie et l'histoire de P. : Perrot, _Explor. arch. de la Galatie_ 1, pp. 207-213 ; Ramsay, _H. Geogr._, p. 223 : Humann et Puchstein, _Reisen_, 1890, pp. 28-31 (plan p. 29) : Hennig, _Symbolae ad Asiae M. reges sacerdotes_, Leipzig, diss. 1893, p. 49 ss. Le plan des ruines publié par Texier est « une pure invention » (Ramsay). L'histoire de Pessinonte nous est assez mal connue ; toute-fois il est facile, avec les éléments dont nous disposons, d'en reconstituer les principales phases. Primitivement la déesse du hiéron possédait son territoire sacré, ses colons, ses hiérodules attachés au sol,* ses revenus perçus par le grand prêtre. Celui-ci était en même temps le roi ; car il n'y avait pas de pouvoir au-dessus du sacerdoce. Au temps où les Séleucides laissaient la Phrygie à peu près indépendante,* l'influence de l'Attis-roi dut être considérable. Elle périclita lors de l'invasion des Gala tes. Les Tolistoages* s'installèrent autour de Pessinonte, qui certainement leur paya tribut. Peu à peu, au contact prolongé des populations indigènes, ceux-ci se convertirent à la religion du pays. Aussi bien y retrouvaient-ils certains éléments de leur religion nationale* : culte des arbres, des sources et des fleuves, culte d'une déesse-mère, culte d'un dieu assimilé à Mercure, sacrifices de sang humain, cérémonies nocturnes, danses rituelles, prophétisme, sacerdoce des deux sexes. Dès la première moitié du 2e siècle, les chefs galates s'étaient emparés de la grande prêtrise. Le fait est antérieur à l'année 591/163.* Il est postérieur à l'année 565/189, date de la campagne de Manlius en Gallo-Grèce et du règlement des affaires d'Asie Mineure.* Le traité qui livrait au roi de Pergame les deux Phrygies étendait son empire jusqu'aux environs immédiats de Pessinonte. D'anciennes relations existaient sans doute entre Pergame et la cité sainte ; elles avaient eu pour origine les premières luttes contre les Celtes et les brillantes expéditions du premier Attale. Mais en 571/183, après les victoires d'Eumène sur Orziagone, prince des Tolistoages, qui avait entraîné la confédération galatique et mis le royaume en péril, la Galatie est incorporée au territoire de Pergame.* *) Cf. à Comana du Pont, Strab. 12, 3, 34 ; le grand prêtre est le « Kurios » des hiérodules, mais ne peut les vendre. Au temps de Strabon, chacune des deux Comana comptait environ 6000 hiérodules des deux sexes, cf. 12, 2, 3 ; le temple de Venasa pouvait en abriter aisément 3000, cf. 12, 2, 5. Sous la domination des Perses, « la population de Zéla se composait tout entière d'hiérodules, » 12, 3, 37. *) V. supra, p. 46 n. 2. *) Fraenkel, _op. l._, 23, 24 ; ou Tolostoagioi : cf. Staehelin, _Kleinasiat. Galater_, 1897, p. 52. Dans les 150 premières années de leur séjour en Asie M., les Galates n'ont pas habité les villes. *) Sur la religion des Galates : S. Reinach, _Cultes, mythes et religions_, 1, 1905, p. 272 : Jullian, _Recherches sur la religion gauloise_, 1903, pp. 26, 40 ss, 58, 62, 99 ; _Hist. de la Gaule_, 1, p. 356 ; 2, pp. 123, 130 ss, 174. *) Date de la lettre d'Eumène 2 à l'Attis (cf. supra, p. 95 n. 1) ; le frère de l'Attis se nomme Aioiorix. Mercenaires galates des rois de Pergame : A. J. Reinach, dans _Rev. Archèol._ 1909, 1, p. 102 ss. *) Ambassade des Galles de Pess. à Manlius. Koerte, dans _Wochenschr. f. Klass. Philol._, 1898, p. 3, croit qu'Ancyre et Gordien étaient déjà conquis : mais Tite Live, 38, 18 et 24, auquel il se réfère, n'autorise pas cette hypothèse et dit simplement que Gordion avait été déserté par les habitants (cf. 15, en Phrygie, lors du passage de Manlius, « metu oppidis desertis. » ) *) Cardinali, _Regno di Pergamo_, 1906, p. 106. Pessinonte tombe donc sous le protectorat direct des Attalides. C'est alors que ceux-ci deviennent ses bienfaiteurs magnifiques. A l'archaïque hiéron, qui remontait, disait-on, au temps légendaire du roi Midas,* leurs architectes substituent un fastueux naos en marbre blanc, avec des portiques imposants et un autel colossal.* L'art pergaménien, héritier des traditions de l'art hellénique, transformait Pessinonte la phrygienne en une ville grecque. Mais elle restait la capitale d'une petite principauté théocratique. Il ne semble pas qu'il y ait eu ici, de la part des Attalides, usurpation et colonisation de terres sacrées. Prince vassal, l'Attis perd nominalement son titre de roi. Mais il conserve, avec les insignes de la royauté, presque toutes les prérogatives d'autrefois. Telle avait été sans doute la volonté de Rome. Quoi qu'il en soit, il est aux prises avec d'incessantes difficultés, d'ordre extérieur et d'ordre intérieur.* Il lui faut défendre constamment son territoire contre l'invasion des tribus voisines ; et il demande au roi de Pergame des envois de troupes. Par surcroît le temple, comme tous les sérails d'Orient, est un foyer d'intrigues et de complots. En 591/163 ou 593/161, l'Attis est obligé de réclamer l'intervention du roi Eumène contre son propre frère Aioiorix. Plus tard il se ménage des entrevues secrètes avec Attale 2 et, pour combiner avec lui une action commune, va le trouver jusque dans Apamée. Sa ville renferme en effet un fort parti antipergaménien ; et ces adversaires sont d'autant plus redoutables que Rome occultement les soutient. Bientôt Attale 2 n'ose plus envoyer de milice au prêtre sans avoir obtenu l'assentiment delà République. *) V. supra p. 14 ; ajouter Theopomp. dans Amm. Marc. 22, 9. *) Strab. 12, 5, 3. C'est sans doute au même édifice que se rapporte une inscr. signalant des travaux exécutés par un « Attis hiereus » du 1er siècle avant notre ère : Koerte dans _Ath. Mitt._, 22, 1897, p. 38, n° 22. *) Cette période nous est connue par les lettres des Attalides aux Attis. Quand celle-ci hérite des Attalides, Pessinonte entre dans sa clientèle. C'est en sa qualité de client que le Battakès vient à Rome, l'année 651/103, pour y protester contre des abus et des scandales. La création du royaume de Galatie, qui soumit au tétrarque Déjotaros les autres principautés gauloises, eut pour conséquence la suppression définitive de l'état pontifical. Il est vraisemblable que le territoire sacré passa au domaine royal ; Séleucides et Attalides avaient souvent donné l'exemple, que suivirent à leur tour les Romains.* Toutefois Déjotaros, bien qu'appartenant à la tribu dont Pessinonte était le chef-lieu, ne fixa jamais dans cette ville sa résidence. Il en laissa donc à l'Attis la surintendance, avec l'administration du témenos. Ainsi qu'il advint à Comana du Pont et à Comana de Cappadoce,* l'archiprêtre occupa dans la hiérarchie aulique le premier rang après le roi. Il garda sa couronne d'or, qui n'était plus qu'un attribut honorifique. Mais ses revenus étaient assez considérables encore pour tenter la cupidité des autres chefs galates et déterminer des révolutions de palais. Ce fut à une entreprise de cette nature que se prêta Clodius quand il viola le temple, en chassa l'Attis et vendit le sacerdoce aux enchères.* *) Sur l'usurpation des domaines sacrés par les Attalides : Strab. 14, 1, 26 (étangs d'Artemis à Éphèse) ; Fraenkcl. _op. l._, 157 (distribution de terres sacrées aux Temnites). Ce sont peut-être les Séleucides qui ont pris et divisé, les terres du Zeus d'Aezani : Lebas-Wadd., 860-863. Plusieurs colonies, telles que Dionysopolis et Eumeneia, ont été fondées par les rois sur d'anciens territoires sacrés ; cf. Ramsay, _Cities_, pp. 102, 131, 354, _etc._ ; _Studies_, p. 307 ss ; Chapot, _Province rom. d'Asie_, p. 395 ; Cardinali, _op. l._, pp. 180 et 185. *) Strab. 12, 2, 3. Sans doute à Pess. comme à Comana de Cappadoce, il était choisi parmi les membres de la famille royale. *) Sur la vente des sacerdoces dans les états grecs, cf. Herbrecht, _De sacerdotii apud Graecos emptione_, 1885, et Birchoff, _Kauf und Vertrag von Priesterth. bei den Gr._, dans _Rhein. Mus._ 54, 1899, p. 9 ss ; Chapot, _op. l._ p. 418. Le fait se passait à Erythrai pour le sacerdoce de la Meter Megalè. L'Empire, qui transforma le royaume de Galatie en province romaine (729/25 avant notre ère), révisa définitivement les privilèges de l'hiéron et de son haut clergé. Il créa une organisation nouvelle, qui offrait le double avantage d'amoindrir l'importance du grand prêtre et de donner satisfaction à toutes les ambitions. L'Archiereus devient le président d'un collège de dix Attis, nommés à vie.* Dans ce décemvirat pessinontien, les Galates détiennent cinq places. L'ordre hiérarchique est rigoureux. On occupe un rang dans l'ensemble du collège et un autre dans la section galate ou phrygienne. Pour se distinguer de ses collègues, il fallait désormais que l'Attis conservât son nom séculier.* Il se contente d'ajouter le titre officiel d'Attis-prêtre à son nom de famille, avant les mentions usuelles de la filiation paternelle, de la tribu et du surnom. Ainsi donc il n'a pas seulement perdu son pouvoir temporel. Il a été diminué dans sa puissance spirituelle, du jour où il ne s'est plus identifié complètement avec son dieu. La fonction de ces nouveaux Attis est honorifique autant que religieuse, leur collège est un canonicat. Nous en connaissons deux, qui vivaient à l'époque des Flaviens. Ils sont père et fils. De race galate, ils se rattachent à la famille jadis régnante ; l'un d'eux porte même le nom du roi Déjotaros. Mais ils sont citoyens romains et inscrits dans la tribu Quirina. Itéras, le père, qui se déclare le dixième après l'Archiereus et le cinquième des Galates, est un ancien officier. Il a été préfet de la cohorte des Ituréens et tribun des légions 12 Fulminata et 3 Cyrenaica. Il a participé à la guerre de Judée. Ses exploits lui ont valu la couronne murale et la haste d'honneur. Revenu dans son pays, il y devint flamine augustal. Six fois il fut grand prêtre du Koinon de Galatie et agonothète. C'était la plus haute dignité de la province, la plus coûteuse aussi. Évidemment Héras était l'un des premiers personnages du pays. Sa situation le désignait pour entrer dans le collège des Attis. En tout cas, son fils trouva les portes ouvertes. Il fut également flamine, et plusieurs fois grand prêtre de l'assemblée provinciale. A l'époque où les mystes de Cybèle, les Attabokaoi, lui élèvent un monument honorifique, il est le neuvième Attis après l'Archiereus et le quatrième des Galates. L'avancement devait être régulier, à mesure que se produisaient des vacances. Héras fils porte les prénom et nom de Tiberius Claudius. L'empereur Claude avait-il octroyé le droit de cité romaine aux descendants des tétrarques, qui faisaient souche de fonctionnaires impériaux ? Avait-il voulu favoriser spécialement l'aristocratie tolistoage, maîtresse de Pessinonte ? Le prince qui introduisit Attis dans la religion de Rome dut s'intéresser à la patrie du dieu. Mais la réforme du sacerdoce pessinontien avait été plutôt l'œuvre d'Auguste. Elle fut sans doute exécutée aussitôt après l'annexion, quand Auguste pourvut la ville d'institutions municipales. Pessinonte, pour témoigner sa reconnaissance et son loyalisme, prit alors le nom d'Augusta (Sebastè). *) Koerte dans _Ath. Mitt._, 22, 1897, p. 38 n° 23, et 25, 1900, p. 437 n° 63 ; Cagnat, _Ann. épigr._ 1897, 123, et 1901, 160 ; Id., _Inscr. gr. ad res rom. pertinentes_, 230, 225 ; Dittenberger, _Or. Gr. 1._ 540, 541 ; Poland, _Gesch. d. gr. Vereinsw._, B 437 a, et p. 216. *) A vrai dire, il en est ainsi déjà dans la tradition protophrygienne que représente le « rocher de Midas, » dédié par Atès Arkiaeais Akenanolaos : v. supra, p. 10 n. 3, et _Ath. Mitt._, 23, 1898, p. 97. Flaviens, Antonins et Sévères la protègent.* Mais elle reste éclipsée par la métropole, qui est Ancyre. Malgré ses foires, où se pressent les caravanes, où l'on vient même d'Alexandrie,* la cité sainte ne cesse de déchoir. L'état de ses finances n'est guère prospère,* et son temple s'est appauvri. Cependant, au 3e siècle, les pirates scythes de la mer Noire remontaient la vallée du Sangarios,* attirés par le trésor votif et la célébrité du Metrôon . Il n'en est plus question jusqu'à la fin du 4e siècle. En 362, l'empereur Julien, se rendant de Nicée en Perse, quitta la grande route d'Ancyre pour visiter le vétuste sanctuaire et vénérer près du tombeau d'Attis le couple des Omnipotents.* C'est à Pessinonte même que, par une belle nuit étoilée de juillet, il écrivit son étrange opuscule sur la Mère des Dieux. Entre 386 et 395, lorsque Théodose remanie la carte de l'Empire et constitue la nouvelle province de Galatia Salutaris, Pessinonte est élevée à la dignité de capitale. Mais à cette date son évêque avait supplanté ses Attis.* *) Dédicace à Titus, fragm. d'architrave : _Ath. Mitt._ 1900, p. 439 n° 64. Deux inscr. signalent des cadeaux faits à Trajan : Ramsay, _H. Geogr._, p. 223. La ville a frappé des monnaies au type de Cybèle jusqu'au 3e siècle : Head, _Hist. num._, p. 630 ; Mionnet 4, p. 391 n° 104 ; Imhoof-Blumer, _Griech. Münzen_ p. 226 n°s 748-751 et pl. 13, 7-9 = _Bayer. Akad. Abhandlungen, phil. hist. Class._ 18, 1890 p. 750 s (monnaies autonomes, 2-1er s. av. J.-C., bustes de Cybèle tourelée, avectympanon, et d'Attis coiffé du bonnet que surmonte une étoile ; ℞ ΜΗΤΡΟΣ ΘΕΩΝ ΠΕΣΣΙΝΕΑΣ, lion assis à g., la patte dr. sur un tympanon, bonnets des Dioscures surmontés chacun d'une étoile). --- Imhoof, _Gr. Mz._ 755-6 ; Babelon, _Coll. Waddington_ 6649-52 (id : buste de Cybèle ; ℞ ΜΗΤΡΟΣ ΘΕΩΝ, lion assis à dr.) ; Imhoof 752 et pl. 13, 10 (id. : mêmes types, ΜΗΤΡΟΣ ΘΕΩΝ ΠΕΣΣΙ ΝΕΑΣ). --- _Num. Chronicle_, 1876, p. 79 ; Muret, _Mél. num._ 3, 1882, p. 332 ; Imhoof 758 et pl. 13, 12 ; Babelon, _C. W._ 6653 (id. : ΘΕΑ IΛΕΑ, tête de Cybèle ; ℞ ΠΕΣΣΙΝΟΥ (ντίων), tête d'Attis et pedum). --- Mionnet, _Suppl._ 7, p. 645 n° 58 ; Muret, _l. c._ ; Imhoof 753-4 et pl. 13, 11 (buste d'Attis-Mên avec croissant aux épaules ; ℞ ΜΗΤΡΟΣ ΘΕΩΝ ΠΕΣΣΙ, taureau zébu). --- Imhoof, _Gr. Mz._ 759 et pl. 13, 13 (Tiberius ; ℞ ΜΗΤΗΡ ΘΕΩΝ ΕΤΕΙ Ν, buste de Cybèle, année 25 de notre ère, 50 après la fondation de la province). --- Imhoof, _Monn. grecques_, 1883, p. 415 n° 172 ; Babelon, _Mél. num._ 1, p. 62 (Claudius ; ℞ ΜΗΤΡΟΣ ΠΕΣΣΙΝΟΥΝΤΙΩΝ, Cybèle trônant à g., avec patère et sceptre) ; Muret, _l. c._ ; Babelon, _l. c._ (Id. ; ℞ bucrâne de face sur un autel). --- Imhoof, _Gri. Mz._ 760 et pl. 13, 14 (Vespasianus) . --- Mionnet 4, p. 394 n° 121 ; Babelon, _C. Waddington_ 6664 (M. Aurelius ; ℞ Cybèle assise sur un bige de lions) ; Mt 122 (Id. : ℞ Cybèle voilée et tourelée, avec tympanon et sceptre, assise sur un lion) ; 123 et _Suppl._ 7, p. 644, n° 64 (Id. ; ℞ Cybèle trônant, avec tympanon et patère). --- Mionnet 4, p. 394 n°s 121-3. (L. Verus ; ℞ Cybèle assise sur un bige de lions --- sur un lion --- sur un trône). --- Mt, _Suppl._ 7, p. 648 n° 80 (Caracalla ; ℞ Cybèle trônant) ; Babelon. _C. W._ 6680 (Id. ; ℞ Cybèle assise sur un lion). --- Mt, _Suppl._ 7, 84 (Geta ; ℞ Cybèle trônant). D'une façon générale le monnayage municipal, en Asie M., décroît rapidement après la crise financière qui s'ouvre au temps des Sévères ; il disparaît sous Aurélien : cf. Isid. Lévi, dans _Rev. Et. Gr._ 14, 1901, p. 363. *) _Ath. Mitt._ 25, 1900, p. 439 s (épitaphe). *) Inscr. relatives à des agoranomes : _Bull. Corr. Hell._ 17, pp. 303 n° 2 ; 314 n° 8 ; 347 n° 18 ; Koerte dans _Ath. Mitt._ 22, 1897, p. 44. *) Zozim. 1, 28. *) Amm. Marc. 22, 9, 5 : « visurus vetusta Matris Magnae delubra. » *) P. figure dans les conciles de 431, 451, 536, 553, 680, 692, 787, 879. Dans la Notitia 1, datée de l'an 883, elle est confondue avec Justinianopolis (Sivrihissar) place forte à 12 milles au N. N. O. ; l'archevêque de P. avait alors transféré sa résidence à Just., devenue le centre de la province. Non loin de Pessinonte, Midaion était une autre ville sainte. Ancienne capitale des rois phrygiens, réduite à l'état de bourgade, elle conservait pieusement, avec les souvenirs et le nom des Midas, la tradition de ses dieux primitifs. Son Metrôon était desservi par le haut clergé de la Pessinontide* ; on y célébrait encore le culte au temps des Gordiens.* Cybèle et Attis figurent aussi parmi les grands dieux de la métropole Ancyre (Sebastè Tectosagum)* ; sans doute des liens étroits unissaient-ils leur culte à ceux de l'Athéna et de l'Artémis poliades, qui présentaient le même caractère orgiastique.* A l'est d'Ancyre, Matrica devait peut-être son nom à un sanctuaire de la Meter ou de Mâ, protectrice de la source abondante auprès de laquelle se groupèrent les habitations.* *) _Ath. Mitt._ 22, 1897, p. 38 n° 23. --- A Sivrihissar, mais sans doute de Pess., dédicace à Meter Theôn Satureinaia Epekoos par un affranchi : _Arch. ep. Mitt._ 7, 1883, p. 180. L'épithète de Satureinaia témoigne des liens qui unissent la Meter à Midas et aux Satyres. *) _Ibid._, p. 41 (Domitianus, Caracalla) ; Babelon, _C. W._ 6344 (Maximus). *) Monnaies : v. supra p. 348 n. 3 (Trajanus) ; Mionnet 4, p. 379, n° 29 (Septimius Severus ; ℞ Cybèle avec sceptre et corne d'abondance, un lion à ses pieds, dans un temple distyle) ; 33 et _Suppl._ 7, p. 634, n° 15 (Id. ; ℞ Cyb. avec tympanon, assise sur un lion) ; Babelon _C. W._ 6647 (Gallienus ; ℞ Cyb. trônant). D'après Drexler, dans Roscher, _Myth. Lexik._ 2, col. 2892 s, des monnaies de Caracalla et de Domna pourraient représenter Cybèle enfant, allaitée par une lionne dans la forêt où elle fut exposée, cf. Diod. Sic. 3, 58. D'après Imhoof, _Griech. Mz._, p. 226, le dieu à bonnet phrygien, avec le croissant aux épaules, pourrait être Attis ; cf. le type pessinontien. *) _Passio S. Theodoti et Septem Virginum_, 14 ; cf supra p. 251, n. 4. Bain des xoana par les prêtresses ; procession et danses orgiastiques de femmes, au son des flûtes et des cymbales. *) Cf. Ramsay, _Hist. Geogr._, p. 258. ## 2\. Sur les plateaux de la Phrygie, un certain nombre de localités s'étaient formées autour de très antiques sanctuaires de Cybèle et d'Attis. Quelques-unes restèrent toujours de simples et obscures bourgades, dont la vie se concentrait presque tout entière dans l'enceinte sacrée : Atou Kômè, le « village d'Atys,* » presque aux sources du Tembrogios et au pied du Dindymos, non loin de Soa, qui possédait un prétendu tombeau du dieu* ; Atyokhôrion, ou domaine d'Atys, sur le territoire de Dionysopolis* ; Attanassos, près d'Eumeneia, sans doute le bourg d'Attis Roi, où paraît avoir existé une confrérie de Corybantes* ; Ateous Kastron, place fortifiée qui nous est connue par des textes byzantins* ; Cuballum, près du Sangarios,* dont le nom semble être une déformation de Kubeleion, temple de la Kybélè. *) Inscr. d'Altyn-Tash : Ramsay, _Cities_, p. 584 n. 3. Attiou Komè, dans la vie de S. Luc le Stylite : _Analecta Bollandiana_, 28, 1909, p. 9. *) Ramsay, _H. Geogr._, pp. 85 et 145 ; à rapprocher du carien soua = tombeau ; cf. Steph. Byz., s. v. _Souagela_. *) Rive sud du Méandre, sur un éperon du plateau dont l'hiéron occupait la position la plus élevée : Ramsay, _H. Geogr._, p. 136 ; _Cities_, pp. 132, 146 n. 34, 580. Les Attalides avaient confisqué le territoire pour y fonder leur colonie, qu'ils consacrèrent au grand dieu de leur famille. *) Sur le Glaucos : Ramsay, _H. Geogr._, p. 136 ; _Cities_, pp. 241, 355, 359. *) Ramsay, _H. Geogr._, p. 143 s. *) Sur la route de Cn. Manlius, en 189 : Liv. 38, 18 ; Polyb. 22, 20. Peut-être identique à Kubela, ville de Phrygie, signalée par Hipponax, dans Tzetz. ad Lykophr. 1170. Mordtmann, dans _Münch. Akad. Sitzungsber._ 1860, p. 173 s, l'identifiait à Orkistos. D'autres étaient devenues d'importantes cités sur les grandes routes des caravanes. Attouda ou Attyda, près de la frontière carienne, est la ville d'Attis.* La concurrence de Mên Karou, qui règne sur les campagnes environnantes, n'a point porté préjudice au Metrôon. Les principaux jeux d'Attouda sont donnés en l'honneur d'Héraclès et de la Mêter Adrastos.* Au 3e siècle, le sacerdoce de la déesse y est encore recherché par les meilleures familles* ; le prêtre Carminios est frère d'un proconsul de Pamphylie-Isaurie-Lycie, fils d'un trésorier du « Koinon » et d'une grande prêtresse d'Asie, petit-fils d'un asiarque. Acmonia doit son nom au « puissant » Acmôn, l'un des Dactyles de Rhéa-Cybèle, « habile serviteur de l'Adrasteia qui règne sur les montagnes.* » Aussi la Mère s'y trouvait-elle au premier rang des divinités poliades ; elle y apparaît encore sur les monnaies de Gordien le Pieux.* Les deux Métropolis phrygiennes sont par excellence les cités de la Mêter,* qui passait pour les avoir bâties. Hiérapolis, avec ses sources thermales, ses fontaines pétrifiantes, ses cataractes de pierre, ses piscines naturelles, son antre de vapeurs, est vraiment la ville sainte,* où la Mère chthonienne trône en souveraine* et ne cesse de révéler son miraculeux pouvoir. De nombreux Galles, dont l'Archigalle paraît être généralement un affranchi des empereurs, y sont attachés au service du « hiéron » ; et par une protection spéciale de la déesse, ils peuvent seuls pénétrer sans danger de mort dans la grotte sacrée.* Deux héros mythiques, auxquels on rend également un culte, y symbolisent la double fonction, sacerdotale et prophétique, de ce clergé.* Hiéropolis, la ville du « hiéron, » dans la vallée du Glaucos, adore la Mêter à côté du Dieu Fils Apollon.* Aizanoi, qui fut jadis la capitale d'un territoire sacré et qui garde le rare privilège du droit d'asile, inscrit entête de ses dieux Zeus et la Mêter ; d'Auguste à Gallien, ses monnaies portent l'image de Cybèle,* qui était adorée à la fois dans un temple et dans une grotte. Au croisement de grandes voies de commerce, Apameia-Kelainai subit de multiples influences. Mais elle reste fidèle à ses vieux cultes et à ses mythes locaux, qui se rattachent au cycle de la Mère des Dieux. Les histoires bibliques, importées par la colonie juive, n'y ont pas étouffé la légende de Marsyas, compagnon de Cybèle, celle d'Hyagnis, père de Marsyas et inventeur de la flûte, qu'il faut peut-être identifier à Hyès-Attis, celle de Lityersès, fils de Midas et génie de la moisson, autre aspect d'Attis-Adonis.* *) Ramsay, _Cities_, p. 165 ss ; sur le suffixe _ouda_, p. 169 n. 2 ; sur la forme Attyda (Hermolaus Attydeorum, au concile d'Éphèse de 431), p. 207. *) Radet, dans _Bull. Corr. Hell._ 1890, p. 239, croit que ces jeux « Heracleia Adrastea » doivent leur nom au fondateur Adrastos ; l'hypothèse de Ramsay, _op. l._, p. 169, paraît plus vraisemblable ; cf. les Lêtoia d'Hiérapolis. *) Clerc, dans _Bull. Corr. Hell._ 1887, p. 349 n° 15 ; Ramsay, _Cities_, p. 189. --- Les monnaies locales témoignent de l'importance du culte métroaque sous l'Empire : Mionnet 4, p. 242 n° 289 ; Babelon, _C. W._ 2264 (autonomes) ; Mionnet, _Suppl._ 7, p. 521, 202 (Augustus) ; Babelon 2266 (Trajanus) ; Cohen, _Cat. Gréau_, 1, p. 175 n° 1993, et Mionnet, _Suppl._ 7, 205 (Antoninus P) ; Babelon, _C. W._ 2268, 2269, 7049, pl. 20 2 (M. Aurelius) ; _ibid._ 2270, et Wroth dans _Num. Chronicle_, 13, 1893, p. 14 n° 24 (Severus et ses fils) ; Mionnet 4, 295 (Caracalla) ; 298 et Babelon 2271-72 (Gallienus) ; cf. Imhoof, _Kleinas. Mz._ 1, p. 126. Le type usuel est celui de Cybèle debout. *) Phoronis dans Ps. Eudoc., _Florileg._ 254, éd. Flach p. 177 ; Schol. ad Apoll. Rh. 1, 1129 ; cf. Nonn., _Dionys._ 13, 142. Acmôn était fils de Manès, le grand dieu du district, qui passait aussi en Lydie pour être le père d'Attys. D'après Hésychius, Acmôn est Ouranos. Sur la religion d'Acmônia : Ramsay, _Cities_, p. 623 ss. La grande déesse y a pour attributs des épis de blé et des grappes de raisin ; _ibid._ 640. *) Mionnet 4, p. 200 n° 27 ; Babelon, _C. W._ 5497 (Hadrianus) ; 5503 et pl. 15 2 (Domna) ; 5507 (Caracalla) ; 5519 (Mammaea) ; Mt 40, Babelon 5520 (Maximinus) ; Mt 43 (Gordianus P.). Bronze à l'image de Poppaea honorée comme Mère des Dieux ( ? ) : Kenner dans _Wien. Num. Zft_ 1872, pp. 232 et 234. *) Cf. Steph. Byz., s. v. --- L'une est au nord, sur la route de Dokimion à Meros et Nacoleia ; l'autre au sud, dans la direction d'Apamée ; cf. Ramsay, _H. Geogr._, p. 139 n° 50, et p. 142 n° 63 ; _J. of Hell. St._ 4, 1883, où il attribue à la seconde une monnaie de Decius (Cybèle assise dans un temple tétrastyle ; v. aussi pour Decius : _Cities_ p. 758, et Babelon, _C. W._ 6335, pl. 17, 20). Autres monnaies attribuées : Mionnet, _Suppl._ 7, n°s 480 (Caracalla), 485, 487-8 (Gordianus P.), 492 (Tranquillina) ; Mt 4, p. 337 s, n°s 822 (Maximus), 830 (Otacilia), 840 (Salonina) ; _Suppl._ 7, 507 (Gallienus ; ℞ Cybèle debout, tenant le sceptre) ; Babelon, _C. W._ 6333 (Philippus Sen.). *) Ramsay, _Cities_, pp. 84-121. *) Monnaies autonomes : Mionnet 4, p. 298 s, n°s 588 et 597 ; Babelon, _C. W._ 6101 et 6104 (au dr., tête d'Apollon). --- Monnaies impériales : Babelon, _C. W._ 6162 (Caracalla) ; Mionnet, 639 (Severus Alexander, mais peut-être d'Hiéropolis de Syrie) ; 642 (Philippus Sen.) ; 644 (Otacilia) ; cf. Head, _H. Num._, p. 565. --- Relief au type de Cybèle : Humann, Cichorius, _etc._, _Altertümer von Hierap._, 1898, p. 43. --- Archigalle, v. supra p. 235. *) Cf. supra, p. 307. Le Charonium avait disparu au 4e siècle : Amm. Marc. 23, 6, 18. *) Torrebos, qui tient une statue de la Mêter, est le héros-prêtre ; il passait pour être le fils d'Attys (Xanthus ap. Dion. Hal., _Antiq. rom._, 1, 28) ou Attys lui-même, premier prêtre de Cybèle. Mopsos, dont le nom se retrouve en Cilicie (Mopsou Krénè), est le héros-prophète. *) Monnaie au type de Cybèle : Imhoof, _Griech. Mz._, n. 700 ; Babelon, _C. W._ 6189 (Faustina J.) ; 6192, pl. 17, 3 (Elagabal). Apollon poliade ; Ramsay, _Cities_, p. 14. C'est de cette ville que provient l'épitaphe d'Aberkios. *) Ramsay, _H. Georg._, p. 147 ; cf. A. Koerte, _Kleinasiat. Studien 6_, dans _Ath. Mitt._ 25, 1900, p. 398 ss. --- Grotte Steunos, consacrée à Cybèle : Paus. 10, 32, 3. --- Monnaies : Mionnet 4, p. 207, 73 (autonome) ; Babelon, _C. W._ 5553 (Livia) ; Dieudonné, dans _Rev. Numism._ 1903, p. 221 n° 102 (Domitia) ; Babelon 5576 (Hadrianus), 5580, pl. 15, 6 (Commodus) ; _Catal._ Whittal, 1858, p. 55, 638 ; cf. Head, _Hist. Num._, p. 556. *) Ramsay, _Cities_, pp. 396-483 et 667-672 (les Juifs à Apamée). --- Des monnaies de Caracalla paraissent représenter Adrasteia et les Corybantes près de Rhéa tenant Zeus. Les monnaies avec lion, ciste, thyrse et flambeau, rappellent plutôt le culte de Dionysos Kelaineus, dont on voit aussi la tête barbue. --- Attis Celaenus, dans Martial, 5, 42, 2. C'est dans les centres commerciaux et industriels, considérablement développés sous l'Empire, que l'on peut constater la grande vitalité de la religion indigène. A Dorylaion, où convergent les routes du sud vers la Bithynie et le Bosphore, la Mère conserve sa primauté ; elle donne son nom à la première des tribus, qui lui est consacrée.* Son culte demeure florissant à Nacoleia,* Cotiaion* et Cadoi,* autres « emporia » de la Phrygie Épictète, sur les principales voies qui font communiquer la province d'Asie avec Ancyre et le Pont ; à Synaos* et Ankyra Siderea,* aux deux extrémités d'un lac de la haute vallée du Makestos, dans une région minière et sur la route qui vient de Pergame ; en Amorion, dernière étape avant la frontière de Galatie* ; à Eucarpia,* Eumeneia,* Otrous* et Stectorium,* à Sébastè,* revivifiée par Auguste, à Trajanopolis,* fondée par Hadrien, à Temenothyrai-Flaviopolis, qui adore une Mêter Kasarmeinè,* à Julia Ipsos,* Lysias* et Polybôtos,* toutes villes marchandes qui jalonnent, dans le haut bassin du Méandre et sur les plateaux lacustres, les routes d'Éphèse et de Smyrne à l'Asie centrale. Tout près de Trajanopolis, au pied du Dindymos (Mourad Dagh), la Mêter d'Alia protège des sources chaudes. Son temple y est le centre d'un pèlerinage annuel ; un Magnésien ou un Smyrniote y dédia une stèle à la Sipylène.* On retrouve le culte également prospère à Dokimion,* Kidyessos,* Prymnessos* et Synnada,* qu'enrichit l'exploitation des marbres. C'est par leur Grande Mère que prêtent serment les habitants d'Ococlia.* Plus au sud-ouest, ceux de Dionysopolis* et d'Hyrgaleis,* que sépare le Méandre, ceux de Sala,* aux sources d'un petit affluent de droite, manifestent à la déesse une pareille dévotion. Sur la rive gauche du Lycos, en face de l'antique Hiérapolis où prédomine l'élément lydo-phrygien, s'élève Laodicée, _maxima civitas_,* la ville moderne, gréco-romaine, manufacturière, dont les moutons noirs et les fabriques de drap ont fait la récente fortune : la Mère des Dieux n'y est pas moins vénérée que sur l'autre rive et figure sur les monnaies de la cité aux temps d'Hadrien, de Marc Aurèle et de Caracalla.* *) _Gœtting. gel. Anzeigen_ 1897, p. 400 n° 45 ; A. Koerte, _l. c._, pp. 408 et 424 ; Mionnet 4, p. 285 n° 522 (Trajanus) ; Babelon, _C. W._ 5970 (Commodus) 5980 (Philippus J.) ; Head, _H. num._, p. 562. --- Stèle du 6e s., au type d'Artémis persique. --- V. infra, Cranos Megalos et Mezea. *) Mionnet 4, p. 346 n° 870 (Trajanus) ; cf. Ramsay dans _J. of Hell. St._ 3, 1882, p. 125. Dans l'onomastique, Ateis : _Ath. Mitt._ 25, 1900, p. 441 n° 70. *) Mionnet 4, p. 270 n°s 436-8 ; _Suppl._ 7, p. 543, n°s 269-71, 274 ; Babelon, _C. W._ 5881-5, 5887-9 ; Imhoof _Monnaies gr._, p. 398 n° 93 (autonomes) ; Mionnet 445 (Agrippina J.) ; 448-9. 452 ; _Suppl._ 7, 282 ; Babelon 5897 ; Macdonald, _Hunterian Coll., Greek Coins_, 2, p. 483 n° 2 (Domitia) ; Mt 459, au type d'Heraclès debout, tenant « le simulacre de Cybèle assise, » et _Suppl._ 7, 287, 289, 291 ; Babelon 5901-2 (Caracalla) ; Mt 471 et _Suppl._ 7, 297 (Severus Alexander) ; Mt 481-2 = Babelon, 5917 (Philippus S.) ; Mt 487 (Philippus J.) ; 489 et _Suppl._ 7, 301 ; _Catal._ Whittall 1858, p. 56, 645 ; Babelon, 5923-6 (Valerianus S.) ; Mt 494 (Gallienus) ; cf. Imhoof, _Kleinas. Mz._ 1, p. 262. --- Compagnons Danseurs, v. supra p. 280 n. 6. *) Mionnet 4, p. 249 s, n°s 323, 331 ; _Suppl._ 7, p. 525 s, n°s 212, 215 ; Babelon, _C . W._ 5772-3 ; cf. Perrot, _H. de l'art_, 5, p. 37, fig. 5. *) Head, _op. l._, p. 569 ; Imhoof, _Monn. gr._, p. 412 n° 155 (auton.). *) Mionnet 4, p. 222 n° 162 (Antoninus P.) ; 164 et _Suppl._ 7, p. 504, n°s 109-111, Babelon, _Colt. Waddington_, 5643 (M. Aurelius) ; Babelon 5648-9 (Severus) ; _Catal._ Whittall, 1884, p. 88, 1342, Babelon 5653 (Geta) ; _Catal._ Ivanoff, p. 66, lot 567 (Caracalla, ℞ « Jupiter and Cybele » ) ; lot 568 (Philippus Sen.) ; Mt 4, p. 225 n° 178 et _Suppl._ 7, 116, Babelon 5655 (Otacilia). *) Imhoof, _Gr. Münz._ 646, et pl. 12, 2 : tête tourelée ; ℞ lion et caducée. *) Babelon, _C. W._ 5994 (Sabina) ; Drexler dans Roscher, _Myth. Lex._ 2, 2876 (M. Aurelius) ; Mionnet 4, p. 291 n° 552, Imhoof, _Gr. Mz._, p. 210 n° 676 et pl. 12, 14 (Domna) ; Babelon 6003, Imhoof 677, cf. 678 (Maximus) ; Mionnet 556 (Gordianus ; mais plutôt Tyché avec épis et sceptre) ; cf. Koerte dans _Ath. Mitt._ 22, 1897, p. 41 ; Imhoof, _Kleinas. Mz._ 1, p. 227. *) Ramsay, _Cities_, p. 356 ; Dieudonné, dans _Revue Numism._ 1903, p. 228 n. 109 et pl. 14, 5 (Agrippina ; ℞ Cybèle ou Agrippina-Rhéa trônant, le bras g. appuyé sur le tympanon, la m. dr. tenant un globe ? ). Imhoof, _Gr. Mz._, p. 211 n°s 681-2 et pl. 12, 16 et 17 (Agrippina Jun.) ; _Catal._ Huber, p. 69 n° 734 (Domitia) ; Babelon, _C. W._ 6017, pl. 16, 7 (auton.). --- _CIG._ 3886 add. ; Paris dans _Bull. Corr. Hell._, 1884, p. 237 ; Ramsay, _op. l._, pp. 243, 246 ; Hepding, _Attis_, p. 78 ; lire Μητρὸς] Θεῶν Ἀνγδίστεω[ς καὶ Ἀγαθοῦ] Δαίμονος (= Attis ? ), et non, comme Hepding, Θεῶν Ἀνγδίστεω [ν], les dieux Agdistis (Cybèle et Attis). --- Pline, _H. n._ 5, 29, cite près d'Eum. un _Berecynthius tractus_. *) Imhoof, _Monnaies gr._, p. 398 n° 93 (autonome, sous Galba) ; p. 409 n° 138 (Geta) ; cf. Head, _H. num._, p. 567. *) Babelon, _C. W._ 6496 ; au droit, buste radié d'Hélios. *) Babelon, _C. W._ 6469 (auton.) ; 6483 (Domna) ; 6485 (Gordianus P.) ; _Catal._ Whittall, 1884, p. 91, 1377 ; cf. Head, p. 568. *) Mionnet 4, p. 373 n° 1012 ; _Suppl._ 7 n° 619, Babelon _C. W._ 6583 (auton.) ; _Museen zu Berlin_, _Beschr. d. ant. Mz._ 1, p. 242 n° 1 (auton., attribuée à Trajanopolis de Thrace ; restituée à T. de Phrygie par Drexler _l. c._, 2, 2888) ; Head, p. 564 (impériale). *) Site à Ouchak. --- _Bull. Soc. Antiquaires_ 1901, p. 350 ; acquisitions du Musée du Louvre, n° 54 : stèle votive, dédiée « par ordre, » avec bas-relief et signature du marbrier Gaios. Voir Michon, dans _R. Études Anciennes_ 1906, pp. 184-7 et pl. 3 ; Cumont, _ibid._, p. 281 ss. Au centre, Cybèle, coiffée du polos, debout entre deux lions, patère dans la main dr., dans la g. rosace ou gâteau ( ? ). Un serpent lui traverse obliquement la poitrine et étend l'une de ses extrémités sur la patère, l'autre sur la rosace. A g., et plus petit, Hermès ; à dr., autre petit personnage chevelu : Attis ou Gallos ? La stèle comprenait trois zones, où M. Cumont croit reconnaître la division du monde des dieux. Dans le fronton, dont l'abside rappellerait le firmament, le cavalier est Mên Ouranios, dieu céleste, précédé de l'aigle, accompagné de la Victoire (il est l'Invictus) et d'un génie ailé (son « angelos » auprès des mondes inférieurs ? comme Hermès est le dieu mitoyen entre ciel et enfers). Deux dauphins indiquent « au-dessus du ciel le réservoir des eaux supérieures d'où tombent les pluies fécondantes. » Dans la zone inférieure, personnage très mutilé. --- Près de la ville, trône taillé dans le roc : Paus. 1, 35, 7. --- Temenothyrai = la ville du temple : Ramsay, _H. Geogr._, p. 437. *) Head, p. 565 ; Mionnet 4, p. 661 n° 312. *) Babelon, _C. W._ 6329 (M. Aurelius) ; 6330, et Mionnet 4, p. 334 n° 800 (Gordianus P.). *) Site à Bulawadin. Mendel dans _Bull. Corr. Hell._ 33, 1909, p 256 n° 3 : Cybèle trônant, entre deux lions ; statuette d'époque romaine. *) Thea Alianè : Waddington, _Asie Min._ 699 ; Ramsay, _Cities_, pp. 593 et 613. --- Sur le relief brisé de la stèle à la Sipylène, Corybante. --- Monnaie au type de Cybèle : Drexler, _l. c._ 2, 2871. Sources chaudes à Irk Bunar, près d'Islam-Keui. *) Mionnet, _Suppl._ , p. 555 n° 318, et Babelon _C. W._ 5953 (Claudius) ; Mionnet 4, p. 283 n° 513, _Suppl._ 7, 320-1, Macdonald, _Hunterian Coll., Gr. coins_ 2, p. 485 n° 2, Babelon 5954 (Nero) ; Mionnet 4, 514 (M. Aurelius) ; _Suppl._ 7, p. 556 n° 323 (L. Verus) ; Mionnet 4, 519 (Gordianus P.). Imhoof dans _Arch. Jahrb. d. deutsch. Inst._ 3, 1888, p. 295 s et pl. 9, 28 (Macrinus) : ℞ au pied de la montagne Persis, sur une sorte d'éperon à g., Cybèle debout, tourelée, tenant deux épis et un pavot dans la main dr., le tympanon sur le bras g. qui s'appuie sur un rocher, un lion assis près d'elle ; v. aussi Imhoof, _Kleinas. Mz._ 1, 224, et Ramsay dans _Ath. Mitt._ 7, 1882, p. 145. Le nom de cette montagne dénote peut-être une influence persique ; cf. Radet, _Lydie_, p. 316, sur l'influence d'Anaïtis dans la région. *) Head, _H. Num._, p. 561 (de Néron à Otacilia). Babelon, _C. W._ 5851 (Caracalla) ; Lœbecke dans _Zeitschr. f. Num._ 15, 1887, p 52 (Elagabal). *) Mionnet, _Suppl._ 7, p. 609 n° 550 (auton.) ; Babelon, _C. W._ 6419 (auton.) ; 6426 et Mionnet 4, p. 356 n° 916 (Domna) ; Ramsay dans _Ath. Mitt._ 7, 1882, p. 135 s (c'est la Tychè, tenant balance et corne d'abondance). *) Head, p. 569 ; Mionnet 4, p. 368 n° 988 (Hadrianus). Imhoof dans _Arch. Jahrb._, _l. c._ et pl. 9, 27 : tête de Cybèle tourelée, et petit dieu de la montagne gisant devant elle ; sur l'autre face, Athéna. *) Head. p. 567. Ramsay dans _J. of Hell. St._ 4, p. 397 (auton. ; ℞ Cybèle debout coiffée du polos et du voile, une guirlande ? dans la main dr.) ; Mionnet 4, p. 280 n° 495 ; p. 344 s, n°s 864-5 (Gordianus P. ; ℞ Cybèle assise, tenant épis et tympanon, un lion à ses pieds) ; Engel. dans _Rev. Numism._ 1884, p. 15, n° 6 (id. ; ℞ Cybèle assise, entre deux lions). Homonoia de Brouzos et Ococlia ; H. Weber dans _Num. Chronicle_, 1892, p. 208 n° 38 et pl. 16, 18 ; Loebbecke, _l. c._ 12, 1885, p. 346 et pl. 14, 8 (Commodus ; ℞ Zeus et Cybèle aux épis, debout) ; Babelon, _C. W._ 6362 (Gordianus P.). *) Mionnet 4, p. 282 n° 500, et _Suppl._ 7, p. 553 n° 312 (Annia Faustina) ; Head, p. 562. Ramsay, _Cities_, p. 126. *) Mionnet 4, p. 308 n° 652 (Domna). *) Head, p. 568. Mionnet 4, p. 358 n° 927, et _Suppl._ 7 p. 612 n° 561 ; _Catal._ Whittall 1884, p. 91 n° 1375 ; Imhoof, _Griech. Mz._, p. 222 n° 732 ; Babelon, _C. W._ 6435-6 et pl. 18, 5 (auton.) ; Mionnet 934 ; _Catal._ Whittall 1376 ; Babelon 6444 (Domitia) ; 6449 (Sabina). *) _Descr. orbis sub Constantio_, 24 ; cf. Ramsay, _Cities_, pp. 32-83. *) Head, p. 566. Mionnet 4, p. 316 n° 701 (auton.), p. 322 s, n°s 737, 740-1, et _Suppl._ 7, p. 586 n° 450 (Sabina) ; Babelon _C. W._ 6287 (M. Aurelius) ; Mionnet 774, cf. Imhoof dans _Arch. Jahrb. d. deutsch. Inst._ 3, 1888, p. 290 (Caracalla). Rhéa tenant Zeus enfant, comme à Acmonia, Apamée, Maionia, Seleukeia, Tralleis ; Ramsay, _op. l._, p. 34. [Planche 9. --- 1. _Stèle dédiée a Meter Théôn Kasarmeiné_, provenant de Temenothyrai (Ouchak). --- Au Musée du Louvre.](https://cdn.solaranamnesis.com/HenriGraillot/9.jpeg) Mais la déesse couronnée de murs et de tours, qui protège les riches cités, reste aussi la Dame tutélaire des modestes bourgs et des plus humbles villages. Non loin du Sangarios, à quelques kilomètres au nord-ouest de Meros (Kumbet), Pontana est consacrée à la Mêter Pontanénè.* Un « hiéron » de Mêter Oreia s'élevait au bord du Sangarios ; mais nous en ignorons l'emplacement. Peut-être se trouvait-il à proximité des sources ; car on rattachait aux origines de ce temple la légende du héros Sagga, qui aurait donné son nom au fleuve sacré.* A une quarantaine de kilomètres au sud-ouest de Pessinonte, tout au bord des marais de l'Ak-Göl, se dressait un petit sanctuaire de la Mêter Tetraprosôpos, protectrice des pasteurs et de leur bétail.* Dans la haute vallée du Tembris, au pied des derniers contreforts du Dindymos (Mourad Dagh), Tottaion adore la Mêter Kikléa.* A trois heures de marche vers le nord, chez les Praipenisses, entre deux collines, près de la source d'un torrent, Zingot rend hommage à la Mère des Dieux Zingoténè.* Sur le territoire de Dorylaion, le bourg de Cranos Mégalos possède un temple de la Mère des Dieux Cranomégalénè* ; et les gens de Mézéa s'associent à un autre village pour célébrer le culte de Mêter Mézéanè.* Sur le territoire de Dionysopolis, deux localités trop petites sans doute et trop pauvres pour entretenir chacune son Metrôon, Salouda et Mélokomè, avaient institué une phratrie commune en l'honneur de la Mêter Salsaloudénè.* Entre Dionysopolis et Hiérapolis, à une dizaine de kilomètres de cette dernière ville, c'est la Cybèle-Artémis-Letô que l'on vénère sous le vocable de Déesse Euchariste, Notre-Dame pleine de grâce.* *) Ramsay, _H. Geogr._, p. 435. Site à Gemütch. *) Xanthos et Hermogénès, dans Schol. Apoll. Rh. 2, 722. Pour le punir d'une impiété, Rhéa métamorphosa Sagga en fleuve. *) Anderson dans _J. of Hell. St._ 19, 1899, p. 303 n° 237 (cf. supra p. 198 n. 7 et p. 201 n. 10). Au même site (Kutchuk-Hassan), une épitaphe signale une famille libertine d'Aurelii ; _ibid._ n ° 238. *) Ramsay, _Studies_, p. 370. Site à Altyntasch, sans doute sur l'ancien territoire des Praipinesses, v. _ibid._ carte p. 184. *) Id. dans _J. of Hell. St._ 5, 1884, p . 261 ; _Studies_, p. 188 : dédicace « sur l'ordre de la déesse, » pour le salut du dédicant, de sa famille et de la « Kômé Zingnotos. » Site à Doghalar, cf. même carte. *) Inscr. de Bukareler, _CIG._ 3, 4121 ; inscr. d'Eskischer : Radet dans _Nouv. Archives d. Missions_ 6, 1895, p. 572 n° 21, rectifiant Domaszewski et Mordtmann ; cf. _Ath. Mitt._ 22, 1897, p. 352 : Μητρὶ ἀπὸ Κρανὸς Μεγάλῃ. *) Ramsay dans _J. of Hell. St._ 8, 1887, p. 504 n° 79 ; Radet _l. c._, p. 573 n° 22 B. Il y avait aussi un Héraclès Anikêtos Mezeanos. *) Hogarth dans _J. of Hell. St._, _l. c._, p. 399 ; Ramsay, _Cities_, p. 156 n°s 64 (dédicace de la phratrie, cf. Poland, _Gesch. d. Gr. Vereinsw._, p. 573, B 430 ; Cybèle trônant entre deux lions, d'époque romaine), 65 (déd. par T. Flavius Epaphroditus, sans doute un affranchi de Titus). Site à Kabalar. *) Dédicace de Flavianus Monogonis. Ramsay, _Cities_, pp. 89 et 115. ## 3\. Que l'on descendît des plateaux par la vallée du Méandre ou par celle de l'Hermos, qui prend sa source à l'un des nombreux Dindymes,* on ne sortait pas du domaine de la Mère des Dieux. Son lion, posé au carrefour des chemins, guidait le voyageur.* *) V. supra p. 14 ; cf. Zizima et les Didyma milésiens. Selon Usener, _Rhein. Mus._ 58, 1903, p. 344, le mot caractériserait une double cime. *) Route d'Antioche du Méandre à Aphrodisias : lion en marbre, avec l'indication ΟΔΟΣ gravée sur la base : Chandler, _Travels in Asia M._, 1825, 1, p. 270 ; Ramsay, _Cities_, p. 185. Sur la rive gauche du Méandre, on lui rend un culte à Kidramos, Antiocheia, Orthosia de Carie.* Chez les Cariens, comme en Phrygie, elle est une grande divinité indigène. Sur les contreforts du mont Salbacos, Trapezopolis, Aphrodisias et Apollonia possèdent chacune leur Metrôon municipal. Trapezopolis ne reste pas moins fidèle à la déesse que sa voisine, la phrygienne Attouda ; et c'est la Mère des Dieux qui préside aux relations politiques des deux cités.* Dans Aphrodisias, les cultes associés de Cybèle et de Déméter occupent une place d'honneur après celui de l'Aphrodite éponyme.* La Mêter d'Apollonia, sous les vocables de Montagnarde (Oreia), de Miséricordieuse (Epêkoos), d'Ancestrale (Patris), paraît être au tout premier rang.* Au temps des derniers Antonins ou de Septime Sévère, le chef de la police locale et ce corps de police, recruté parmi les éphèbes, lui édifièrent un nouveau Parthénon ; c'était un édifice clos, plafonné de bois, couvert en tuiles, décoré de stucages et de peintures, affecté sans doute, comme les autres Parthénons, au service des Vierges sacrées. Plus au sud encore, sur la frontière pisidienne, le culte garde toute son importance à Keretapa Diocaesareia,* surtout à Kibyra Caesareia,* ville d'ateliers métallurgiques, centre de domaines impériaux, siège d'un diocèse juridique et « caput viarum.* » *) Monnaies de Kidramos : Loebbecke, _l. c._ 15, p. 52 n° 3 (Augustus ; ℞ Cybèle debout, coiffée du modius et voilée, les bras étendus) ; Imhoof, _Griech. Mz._, p. 208 n°s 662-3 (Vespasianus) ; 664 (Hadrianus, ℞ la même ? identifiée à l'Artémis du type éphésien) ; 666 et Mionnet 4, p. 265 n° 413 (M. Aurelius) ; Imhoof, _Monnaies gr._, p. 397 n° 92 et pl. 5, 190 (Caracalla) ; Mionnet 4, 414 (Elagabal ; ℞ la même, ayant à ses pieds un serpent). --- Antiocheia : Waddington dans _Revue Numism._ 1851 p. 235 n° 3 et pl. 12, 1 ; Head, _H. Num._, p. 520 (L. Verus). L'image d'Attis debout, qui sur sa tête soutient des deux mains le masque de Cybèle, dérive peut-être d'un prototype syrien (Antiocheia est une fondation d'Antiochos Sôter) ; d'autre part, le geste des mains levées, qui se retrouve sur des monuments hittites, était un geste de bénédiction. Pour ce type d'Attis, cf. deux bronzes au Musée du Louvre : Longpérier, _Notice des br. ant._ 444 et 445 ; un à Marseille, Musée Borely ; un autre signalé _Jahrb. d. Inst._ 1892, _Arch. Anzeiger_, p. 111 n° 12. --- Orthosia : Mionnet, _Suppl._ 6, p. 533 n° 471 (Elagabal) ; cf. 5, p. 366 n° 187. *) Head, p. 533. Ramsay, _Cities_, p. 166 (homonoia de Tr. et Attouda, époque des Attalides). Mionnet 3, p. 388 n° 493 (époque Flavienne) ; _Suppl._ 6, p. 552 n° 555 ; Imhoof dans _Wien. Num. Zft_ 16, 1884, p. 272 n° 103, et _Monn. Gr._, p. 316 n° 91 (ép. d'Hadrien) ; Babelon, _C. W._ 2654 (ép. antonine). Sanctuaire suburbain πρὸ πόλεως ? : _CIG._ 3953 d. *) Th. Reinach dans _Rev. Et. Gr._ 19, 1906, p. 268 : Moïs, esclave sacré de Démeter et de Rhéa. Ce vocable de la Grande Mère n'est peut-être ici qu'une désignation poétique (il est cité dans un distique, sans caractère rituel). Sur l'importance de ces cultes, cf. p. 115 : Domna qualifiée de Nea Demeter. Dans l'onomastique locale, noms de Metrodoros, Attinas, Papias, Adrastos. *) Id. dans _Bull. Corr. Hell._ 32, 1908, p. 500 ss, et 33, 1909, p. 547. Le titre d'Epêkoos semble trahir une influence sémitique. --- Site à Medet. Le mont Salbakè ou Salbakos est le Babadagh, 2370 m. *) Mionnet 4, p. 256 n° 364 (Commodus). Site à Kayadibi. *) Id., _Suppl._ 7, p. 525 n° 250 (Caracalla) ; Mionnet 4, p. 261 n° 394, Babelon, _C. W._ 5837 (Elagabal) ; Loebbecke, _l. c._ 12, 1885, p. 344 n° 3, et pl. 14, 6 ; Babelon, _Mélanges numism._ 2, p. 307 n° 27 et pl. 9, 15 (Gallienus). Déesse dans un bige de lions, tenant une corbeille posée sur la tête, dans la g. un flambeau (Artémis ou Hécate, d'après Imhoof, _Griech. Mz._, p. 150 : mais cf. la Dindymène debout, voilée, tenant une corbeille sur sa tête, stèle votive du Galle Sôtéridès à Cyzique) ; elle est debout sur des monnaies de Maximinus et de Maximus. C'est la divinité maîtresse, cf. monnaies d'homonoia avec Hiérapolis, sous M. Aurèle, et avec Éphèse, sous Alexandre Sévère. *) Cf. Chapot, _Province rom. d'Asie_, pp. 363 et 375. Sur la côte carienne et dans les îles qui lui font face, à Calymnos, Cos et Rhodes, le type iconographique manifeste une influence de l'Ionie voisine ; Cybèle y tient parfois un lionceau sur ses genoux. Milet associait son culte à celui des Corybantes, Titias et Kyllènos, ses deux parèdres, « conducteurs des destins » et maîtres des tempêtes.* La Grande Mère d'Halicarnasse est unie de même aux Corybantes, et intimement liée à Déméter.* Celle de Calymnos est mise en relations avec Apollon* ; à Cos, la Dame Guérisseuse devait être rapprochée d'Esculape, à qui cette île est consacrée.* A Rhodes, nous connaissons une association cultuelle d'adorateurs de la Mère des Dieux* ; d'après une tradition, le culte d'Attis y fut introduit sur le conseil d'un oracle.* *) Schol. ad. Apoll. Rh. 1, 1126. --- Monnaies au lion couché, ou au mufle de lion, ou à la tête de lion : Babelon, _Traité des monn. gr. et rom._ 2, 1 (1907), p. 21 ss, n°s 17-34, 42-63 ; p. 270, n°s 428-434. --- Statuette du 6e s. _Bull. Corr. Hell._ 13, p. 543 s. *) _Gr. Inscr. Brit. Mus._ 896 ; _J. of Hell. St._ 16, 1896, p. 234 ; Michel, _Recueil_ 854 : inscr. du 3e s. av. J.-C., où sont nommés Zeus Patrôos, Apollon de Telmessos, les Moires et la M. d. D. ; provenance douteuse. --- _Bull. Corr. Hell._ 1880, p. 399 ; Poland, _op. l._ p. 566, B 308 : prêtre des Corybantes. --- Statuette de Cybèle en marbre, fouilles de Breuvery en 1829 : Mus. du Louvre. --- Figurine de Cybèle, en terre cuite, provenant du temple de Demeter : Newton, _Halic._, _Cnidus_ _etc._, p. 328 et pl. 46, 5. *) Relief en t. c., provenant du temple d'Apollon ; au British Muséum (Cybèle assise, lion et prôspolos au caducée) : Conze dans _Ath. Mitt._ 13, 1888, p. 202 et pl. 5. --- Relief en marbre, au Louvre : De Villefosse et Michon, _Catal. Somm._ 2446 (Cybèle debout, entre deux lions). *) Benndorf et Niemann, _Reisen in Lykien u. Karien_, p. 15 s et fig. 8 ; marbre à Vienne, « Ant. Sammlung d. Kaiserhaus, » cf. _Jahrb. d. deutsch. Instit._ 1891, _Arch. Anzeiger_ p. 176, 44. --- Paton et Hicks, _Inscr. of Cos_ (1891), 38, l. 2-4, règlement : à Rhéa une brebis ; 119, l. 6 (Sébasté Rhéa = Agrippine ? ) ; 402 (règlement : à Meter Theôn, une brebis). *) _Arch. ep. Mitt._ 7, 1883, p. 124 : Cybèle assise, un lionceau sur les genoux ; statuette en marbre, mais qui proviendrait peut-être d'Adalia (Attaleia). --- Musée du Louvre : Heuzey, _Catal. des fig. ant. de t. cuite_ p. 242 et pl. 11 2 ; même type. --- « Koinon» de la M. d. D. ; 1er s. av. J.-C. ? Hiller v. Gaertringen, _IGIns._ 1, 162 ; Poland, _op. l._, p. 565, B 273. *) Socrat., _Hist. eccl._ 3, 23. Le syncrétisme que manifeste cet oracle (confusion d'Attis, Adonis, Dionysos) permet de lui attribuer une date relativement récente. Mais c'est surtout au nord du Méandre que Cybèle exerce son souverain empire. Elle est demeurée la Grande Mère de l'Ionie, la Grande Mère de toute la Lydie, où survivent encore quelques traditions de l'antique matriarcat.* Près du fleuve, sur les dernières pentes de la Messogis, elle est la déesse poliade de Brioula* et de Mastaura.* Dans la montagne, près d'un col et du village de Larasa, sur le territoire de Tralleis, se dresse le temple de la Mêter Isodromè.* Magnésie du Méandre possédait jadis un temple de la Dindymène, dont on attribuait la fondation à Thémistocle et dont la femme ou la fille de l'Athénien aurait été prêtresse ; par suite du déplacement de la ville ce temple n'existait plus au début de l'Empire.* Mais au Charonium voisin se rattachait sans doute encore le culte de la Mère catachthonienne ; et la grande déesse du pays, Artémis Leucophryénè, nous apparaît elle-même comme l'un des multiples aspects de la Mère des montagnes. Cybèle reste populaire à Priène.* Sur les terrasses qui s'étagent entre l'acropole et la plaine, on a retrouvé son image dans les ruines de simples maisons ; à l'entrée de la grande rue qui part de la porte occidentale, elle trônait dans un petit hiéron, clos d'un mur rustique. Éphèse, la cité d'Artémis,* possède un sanctuaire de la Mêter Phrygia* ; car les Phrygiens sont nombreux dans cet emporium où aboutissent presque toutes les routes maîtresses de l'Asie Mineure, premier port de commerce de la riche péninsule. Comme il arriva plus d'une fois en Phrygie, sous la double influence du sémitisme et de l'hellénisme, la déesse y fut identifiée à Mêter Letô. Dans le territoire de la cité, une montagne lui était consacrée sous ce vocable. C'est sur cette montagne qu'une archiconfrérie éphésienne de « Pieux Curètes » allait, en son honneur, célébrer des mystères et des banquets.* Franchit-on le Caïstre pour gagner Smyrne ? Dioshieron, sur le fleuve, associe Rhéa-Cybèle à Zeus* ; et Metropolis d'Ionie, au milieu de vignobles célèbres, mérite toujours son nom théophore.* Prend-on la voie de mer ? Sur toute la presqu'île montueuse qui sépare le golfe d'Éphèse du golfe de Smyrne, s'épanouit le culte de la Mère des Dieux. Elle est la Grande Dame d'Erythrae, où nous lui connaissons une confrérie de Corybantes* ; son nom reparaît dans celui de Kybeleia, bourg voisin de ce port, au pied du Mimas boisé* ; et elle reste chère aux derniers païens de Clazomènes.* En face de ces côtes, elle trône sur les rochers de Samos* et de Chios,* où le culte d'une Grande Mère Souveraine se perpétuait sans doute depuis le temps lointain des Lélèges. *) Cf. supra p. 17. Attis venu en Lydie : Paus. 7, 10, 7 ; originaire de Lydie : Luc., _Dea Syr._ 5. L'élément mâle, Pappas ou Zeus Brontôn, occupe une place plus importante dans les religions phrygienne et carienne qu'en Lydie, où prédomine le culte de la Mère et du Fils ; cf. Ramsay, _Cities_, pp. 7-9. Survivances du matriarcat, _ibid._, p. 94 ss, et _Studies_, chap. 4, p. 135-153 : J. Frazer y montre, d'après deux épitaphes, que l'hérédité par les femmes subsiste sous forme d'adoption de l'époux. *) Macdonald, _op. l._, p. 449 n° 1 et pl. 55, 14 ; Mionnet 4, 123 ; Head, _H. num._, p. 548 (au droit, tête radiée d'Hélios) ; Babelon, _C. W._ 4930 (Antoninus P.) ; Ramsay, _Cities_ p. 192. *) Babelon, _C. W._ 5094 (Maximus). D'après Steph. Byz., s. v. _Mastaura_, la ville doit son nom à Mâ = Meter, à qui les Lydiens sacrifiaient un taureau ; cf. Mastusia, hauteur près de Smyrne, et Masdya en Lydie. *) Strab. 9, 5, 19. Ramsay, _op. l._, p. 113. *) Strab. 12, 8, 17 ; 14, 1, 40 ; Plut., _Themist._ 30. --- Dédicace d'Artemisia à Meter Theôn : Cybèle entre le Kadmilos et un vieillard. Conze dans _Ath. Mitt._ 13, 1888, p. 203 ; Kern, _Inschr. v. Magn. am M._ 1900, 217 a. *) Wiegand et H. Schrader, _Priene_, Berlin 1904, chap. 5, 5, p. 171 et figg. 164-5 : _Heiligtum der Kybele_ (enceinte pentagonale, avec fosse à sacrifices ; Cybèle en marbre, avec lion sous les pieds ; autre, avec lion sur les genoux) ; --- chap. 11, p. 331 et fig. 367 : _Privathaüsern_ (terres cuites ; Cybèle assise, patère dans la dr. et tympanon appuyé sur l'épaule g., entourée de lions). Elle figurait, assise sur un lion, dans la Gigantomachie du temple d'Athéna qui parait dater du 2e s. avant J. C. *) Cette Artémis représente la dernière évolution de l'« Oupis Anassa, » qui en fut le prototype anatolien, et dont l'image en bois, d'origine céleste, disait-on, avait été trouvée dans un marécage par l'Amazone lydéenne Ephesos. C'était donc un aspect de la primitive Meter. D'autre part, sur la colonisation d'Éphèse par les Ioniens, v. Radet, dans _Rev. Et. Anc._ 8, 1906, p. 1 ss. Sur la topographie, v. Benndorf, _Forschungen zu Eph._ 1, 1906. *) _Gr. Inscr. Brit. Mus._ 576. --- Statuette en marbre, à Oxford, Ashmolean Muséum : Michaelis, _Anc. Marbles of Gr. Br._, 159. --- Reliefs et statuettes, d'époque hellénique : Conze, dans _Arch. Zeit._ 1880, p. 3, n°s M et N, pl. 3, 1 et 2 (la déesse est entourée d'un jeune prospolos et d'un homme barbu) ; _Ath. Mitt._ 13, 1888, p. 203 ; cf. _Museen zu Berlin, Ant. Skulpt._ (1891), 697, 699, 704. --- Monnaies : Mionnet, _Suppl._ 6, p. 144 n° 424 (Antoninus P.) : ℞ Cybèle ? assise, « peplum flottant en cercle, » la main g. sur le tympanon, « entre deux femmes qui tiennent une voile. » *) Strab. 14, 1, 20 ; Gruppe, _Gr. Mythol._, p. 284 et, sur une légende localisant à Eph. la naissance de Zeus, p. 271 n. 5. On a retrouvé 13 listes des deux premiers siècles de notre ère, relatives à cette association de Curètes « Eusebeis, » qui comportait, en plus de ses chefs annuels, un hiéroscope, un hiérocéryx, un hiérophante, un hiérosalpinctès, un spondaulès _etc._ ; v. une de ces listes publiées par Heberdey dans _Oest. Jahreshefte_ 1905, _Beiblatt_ p. 77. --- Acrobatai, cf. supra, p. 280 n. 6. *) Engel, _Tessères gr. en plomb_, dans _Bull. Corr. Hell._ 8, p. 9 n° 49. Sur le site, v. Ramsay, _H. Geogr._, 114 ; Radet dans _Rev. Et. Anc._ 5, 1903 p. 10 ss (à Birghé ou Adigumé). *) Mionnet 3, p. 159 s, n°s 708 (Antoninus P.), 710 (Domna), 711 (Caracalla) ; _Suppl._ 6 p. 259 n° 1152, Babelon _C. W._ 1770, Head, _Cat. of gr. Coins, Ionia_, p. 177, 13 (Mammaea) ; Mt 3, 713 (Maximinus), 716 (Gordianus P., cf. Head 14, 15, et pl. 20, 12) ; 717 (Tranquillina, cf. Head 19, 20) ; 718 (Otacilia), 719 et _Suppl._ 6, 1163 (Philippus J.) ; Babelon 1781 (Salonina). Ajouter Mt 4, p. 337 n° 822, et _Suppl._ 7, p. 593 s, n°s 485, 487-8, 492, 507, fausses attributions à Metr. de Phrygie ; cf. Head, _H. num_, p. 567, et Imhoof, _Kleinas. Mz._ 1, p. 83. --- « La vigne est aussi consacrée à Rhéa » ; Schol. ad Apoll. Rh., _Argon._ 1, 1119. *) Dittenberger, _Syll._ 370 ; Michel, _Recueil_ 839 ; Poland, _op. l._ B 344 : Meter Megalè, Corybantes. --- Au Musée de Bruxelles, terre cuite d'Er. ? (h. 19 cm.), achetée à Smyrne en 1900, collection Mistho : Cybèle trônant, tourelée, parée de boucles d'oreilles, tenant la patère dans la main dr., large tambourin contre l'épaule g., lion sur ses genoux (communication de M. Cumont). *) Strab. 14, 1, 33 ; Herodian. Techn. (2e s. après J.-C.), _Prosodia catholica_, éd. Lentz 1867-70, p. 278, l. 39 : Kybeleia, ville d'Ionie ; cf. p. 381, l. 18 : Kybela, ville de Phrygie ; p. 322, l. 6 : Kybélè, ville de Phénicie ; Lucian., _Judic. Vocal._ 7 : Kybèlon, colonie athénienne. *) Mionnet 3, p. 69 n° 73, et _Suppl._ 6, p. 90 n° 68 ; Imhoof, _Griech. Mz._, p. 111 n° 259 b (auton.) ; Mt 3 p. 72 s, n°s 89 (Trajanus) ; 90, 91 et _Suppl._ 6, p. 93 n° 82, Babelon _C. W._ 1472, Head, _Coins of Ionia_, p. 32 n° 123 (Hadrianus) ; Babelon 1475, Head 124, pl. 7, 8 (Commodus) ; Mt 3 96, Head 128 (Caracalla) ; Mt 3, 99 (Carac. et Geta) ; Mt _Suppl._ 6, 1360 (Philippus Sen.) ; Mt 3, 101, 102, Head 136 (Valerianus Sen.) --- Relief votif, au Musée du Louvre ; _Bull. Soc. Antiquaires_ 1899, p. 420 n° 43. *) _Parnassos_ 1882, p. 519 : dédicace à Meter Epicrateia, par un « theophoros. » --- Musée de Vathy : Cybèle assise, tenant patère et tympanon (h. 24 cm.) ; Wiegand dans _Ath. Mitt._ 25, 1900, p. 174 n° 51. *) Sur le rocher dit de l'École d'Homère, niche dont la face antérieure porte l'image de Cybèle trônant, avec lionceau sur ses genoux et deux lions à ses côtés ; au revers, un lion ; cf. Studniczka, _ibid._ 13, 1888, pp. 163 s (avec photogr.) et 201. --- Dédicace d'un lit et de cathèdres à la Meter par Callisthénès (1er s. av. J.-C.) ; _Bull. Corr. Hell._ 3, 1879, p. 324 n° 11 ; Michel, _Recueil_ 1146. --- Lieu-dit Metrôon, à cause d'une chapelle, vers 230 av. J.-C. ; _R. Et. Gr._ 1909, p. 194. --- Sur l'occupation lélège, v. Strab. 14, 1, 3. Dans la région de Smyrne la déesse est tout particulièrement puissante. Les destins lui en ont confié la tutelle, nous dit le rhéteur Aristidès, qui vivait à Smyrne sous les Antonins.* Aussi le Metrôon smyrniote est-il le plus important de toute l'Ionie. Reconstruit à l'époque alexandrine par Antigone ou Lysimaque, il s'élève dans la plaine, près du gymnase, en plein quartier du port.* Il est dédié à la Meter Sipylénè, reine du massif abrupt qui domine la cité.* Une dédicace qualifie la Sipylène de Fondatrice, Archégetis.* C'est sur les victimes brûlées à son autel que l'on prête les serments solennels.* Quand les Smyrniotes de l'Empire concluent des alliances avec d'autres cités, c'est la Dame du Sipyle qui, sur les monnaies commémoratives de « homonoia, » représente leur ville.* C'est à elle que l'on paie les amendes infligées pour violation de sépulture. Elle est l'une des quatre divinités d'Asie Mineure à qui seuls les empereurs ont reconnu le privilège d'hériter.* Nombreux est son clergé, sous l'autorité d'un grand prêtre et d'une grande prêtresse. Les meilleures familles se disputent le haut sacerdoce : la prêtresse Ulpia Marcella, qui vivait dans la première moitié du 2e siècle, était l'une des femmes les plus riches et les plus distinguées de Smyrne et de Thyateira, sa ville natale.* Au Sipyle même, la statue géante de la Mère, sculptée dans le rocher de Coddinos et attribuée au fils de Tantale, attire toujours des pèlerins.* Tout autour de la montagne sainte se manifeste l'ascendant de la Sipylénè. Il persiste à Magnésie du Sipyle, dont la divinité maîtresse est la Mère des Dieux sous les vocables topiques de Sipylénè et de Plasténè* ; il s'étend jusque sur l'autre rive de l'Hermos, à Temnos.* Phocée, à l'extrémité septentrionale du golfe, reste fidèle à sa Grande Mère ; sur ses monnaies du 3e siècle, elle fait figurer la Dame dont ses colons, neuf siècles auparavant, avaient transporté l'image et le culte à Marseille.* Myrina n'oublie point que, depuis les temps mythiques de l'Amazone éponyme, elle est sous la protection de la Mère des Dieux ; auprès de ses morts dorment les figurines de Cybèle et d'Attis, modelées dans l'argile,* de même que les statuettes de la déesse, en pierre, gardent les tombes les plus anciennes de Kymé.* Entre Temnos et Myrina, le temple métroaque d'Aigai nous est signalé à l'époque antonine.* *) Aristid., _Or._ 15, éd. Dindorf, 1, p. 375. *) Strab. 14, 1,37 ; Aristid. 17, 10, 11 ; cf. Calder, _Smyrna in the orator Aristides_ dans Ramsay, _Studies_, p. 104. --- Plin., _H. N._ 14, 54, _delubrum Matris Deum_ dans la « région » de Smyrne. --- Sur deux inscr. de l'époque des Diadoques, à Mortakia et Bounarbachi (_CIG._ 3156 ; _Ath. Mitt._ 16, 1891, p. 134 ; cf. Radet dans _Rev. Et. Anciennes_ 2, 1900, p. 251 ; _Rev. archéol._ 1900 2, p. 161), on a cru qu'il était question de droits affectés à l'entretien des « routes sacrées de la Mère » ; mais il s'agit d'un « hiéron » d'Aphroditè Stratonikis, et il faut lire sans doute ἱερὰς προσόδους, non pas Mητρὸς ὁδούς. *) Meter Sipulénè ou Sipulinè : _CIG._ 3137, 3193, 3286, 3385-87, 3401, 3411 ; Longpérier, _Œuvres_ 3, p. 390 s ; Hirschfeld, _Gr. Grabinschriften welche Geldstrafen anordnen_, dans _Königsberger Studien_ 1, 1887, p. 93 ss n°s 112, 121-123, 125, 132, 136, 141. --- Mionnet 3, p. 205, n°s 1104-08 ; _Suppl._ 6, p. 317, n° 1547 ; Macdonald, _l. c._, 2 p. 368 ss, n°s 112-3, 125-7, 134 et pl. 52, 7 ; Head, _Ionia_ p. 255 ss, n°s 160-1 (pl. 27, 4), 162-4, 171, 189 ; Imhoof _Gr. Mz._, p. 126 n° 350 et pl. 9, 10 ; _Num. Chronicle_, 20, 1900, p. 206 (époque Antonine) : tête tourelée avec l'insc. ΣIΠΥΛΗΝΗ. Le revers porte souvent le lion métroaque : 1° marchant ; 2° posant une patte de devant sur le tympanon. --- Meter Smyrnaikè, sur le mont Pagos : _Bull. Corr. Hell._ 3, p. 328 ; Hirschfeld, _l. c._ 131. --- Meter : _ibid._ 139. --- Meter Théôn : _CIG._ 3508 ; _Ath. Mitt._ 14, 1889, p. 94 n° 21. --- Monnaies impériales au type de Cybèle : Mionnet 3, p. 219 n° 1223 (Drusus et Antonia) ; _Suppl._ 6, p. 332 n° 1645 (Claudius) ; 3, 1250 et _Suppl._ 1659 (Vespasianus) ; 3, 1252 (Titus) 1260-61 et _Suppl._ 6, 1664-67 (Iulia Titi) ; _Suppl._ 6 1693 (Hadrianus) ; Mt 3 1292-93 et _Suppl._ 6 1701 (Antoninus) ; 3 1301, 1307 et _Suppl._ 6 1708 (M. Aurelius) ; 3 1309-10 (Faustina) ; 1312 (L. Verus) ; 1317, 1319, 1323, 1326-27 et _Suppl._ 6, 1722, 1733, 1735 ; Macdonald _l. c._, pp. 382 et 390, n°s 227, 279, 281 ; Head _Ionia_, p. 281 n° 356 et pl. 29, 8 (Commodus) ; Mionnet 3 1335 et _Suppl._ 6 1752-53 (Albinus) ; Mt 3 1338, 1342 (Severus) ; 1374 (Caracalla) ; Macd. n° 244 (Geta) ; Mt 3 1391 (Severus Al.) ; 1438-39 (Valerianus Sen.) ; 1444 et _Suppl._ 6 1842-43 ; Macd., p. 388 n°s 267-70 (Gallienus). *) _CIG._ 3387. *) _CIG._ 3137 = Dittenberger, _Syll._ 171 ; Michel, _Rec._ 19 : ἐπὶ τοῦ Μητρώιου ἱεοοῖς νεοκαύτοις. *) Homonoia de S. et Athènes : Mionnet 3 1323 (Head, _Ionia_, p. 302 n° 484 et pl. 34, 4) ; --- et Lacédémone 1326-27 et _Suppl._ 6 p. 349 n° 1733 (cf. Macdonald _l. c._ 2, p. 390 n° 279) ; --- et Laodicée : Mt 3 1301, 1307 (cf. Head 512-3) ; --- et Nicomédie, Mt 3, 1308, et _Suppl._ 6, 1735 (cf. Macd. 281, Head 489, 490 et pl. 39, 7) ; --- et Pergame : Mt 3, 1374 et _Suppl._ 6 1667 (cf. Head 507) ; --- et Philadelphie : Macd., p. 462 n° 13, Head pl. 41, 3. *) Ulp., _De regul._ 23 : « deos heredes instituere non possumus, praeter (en Asie : ) Apollinem Didymaeum Mileti, Minervam Iliensem, Dianam Efesiam, Matrem Deorum Sipylenem, quae Smyrnae colitur. » *) Cf. supra p. 250. *) Paus. 3, 22, 4 ; 5, 13, 7 ; commentaire de Frazer, t. 3, p. 552 ss, avec la bibliographie ; Ramsay dans _J. of Hell. St._ 3, 1882, p. 33 ss. Sur le culte local de la Déesse Mère et du Dieu Fils, cf. une légende relative à la naissance de Zeus ; Gruppe, _Gr. Mythol._, p. 271. *) M. Sipylénè : _Bull. Corr. Hell._ 11, 1887, p. 300 n° 8 ; 18, 1894, p. 541 n° 2. --- Temple de la Plasténè : _Ath. Mitt._ 12, 1887, p. 252 s, n°s 16 (restauré par Apollonios), 17 (dédicace de Calvisius) ; 13, 1888, p. 202 et pl. 5 (naiskos votif, préromain : Cybèle assise entre deux lions, éphèbe) ; Joubin, _Musée imp. ottoman, Sculpt._ (1893) 118. --- Statuette d'applique en bronze, époque romaine, au Musée du Louvre, _Bull. S. Antiquaires_ 1900, p. 179 et 359 n° 50. --- Monnaies : Mionnet 4, p. 69 ss, 369, 370, 380-1 et _Suppl._ 7, p. 373 n° 257 (auton.) ; Mt 4 382-3 (époque flavienne) ; 400 et _Suppl._ 7 289 (Trajanus) ; Mt 4 408 et Babelon _C. W._ 5080 (Antoninus ; Mt 4 410 et _Suppl._ 7 293, 295 (Commodus) ; Mt 4 413-5 et _Suppl._ 7 296 (Crispina) _Suppl._ 7 299 (Domna) ; Mt 4 418 et _Suppl._ 7 301, 303 (Caracalla) ; Mt 4 422 et _Suppl._ 7 304 (Severus Al.) ; Mt 4 427 et _Suppl._ 7 307 (Mammaea) ; Mt 4, 429, 430, _Suppl._ 7 309 : Babelon. _C. W._ 5084 ; Macdonald, _l. c._, 2 p. 456 n° 11 (Gordianus P.) ; Mt 4 435 Philippus Sen.) ; 436-8 et _Suppl._ 7 311-4, 317-8, 321-2 (Otacilia), Mt 4 439, 441 (Philippus Jun.) ; Mt _Suppl._ 7 326-8, Babelon _C. W._ 5085 (Etruscilla) : Mt _Suppl._ 7, 336 (Salonina) ; cf. Koerte dans _Ath. Mitt._ 22, 1897, p. 41. *) Monnaies : Leake, _Num. Hell. As. Gr._, p. 131 (auton.) ; Mionnet _Suppl._ 6 p. 42 n° 264 (Hadrianus) ; Imhoof dans _Zeitschr. f. Num._ 20, 1897, p. 283 (Severus Al.) ; Mt _Suppl._ 6 281, Macdonald, _op. l._ 2 p. 311 n° 8 (Gordianus P.) ; Mt 3, p. 31 n° 182 (Philippus S.). Influence de la Meter Sipylénè : Ramsay dans _J. of Hell. St._ 2, p. 291. *) Mionnet 3 p. 178 ss, n°s 843-5, Head, _Ionia_ p. 219, n° 125 (auton.) : Mt 864, Hd 144 (Commodus) ; Mt 865, 867 et _Suppl._ 6 p. 292, n°s 1346-49, Hd 146 (Domna) ; Mt _Suppl._ 6 1352 (Geta) ; Hd 148 (Severus Al.) ; Mt 3 876, Hd 157, Macdonald _l. c._, p. 358 n° 10, et pl. 51, 17 (Gordianus P.) ; Mt, _Suppl._ 6 1360 (Philippus S.) ; Hd 162 et pl. 23, 19 (Phil. J.) --- Entre 480 et 334 environ avant notre ère : tète d'Attis ? Babelon, _Traité des monn._ 2, 2, 1910, p. 1202 n° 2101 ; tète tourelée de Cybèle, p. 1222 n° 2188 (℞ tête d'Hermès), 2189, pl. 160, 25-6. *) Pottier et S. Reinach, _Nécrop. de Myr._, 1886, p. 26 : au sommet du Kato-Tépé (monticule limitant du côté de la mer la plaine de Kalabassary), « fragments d'ex-voto en terre cuite, d'un travail grossier plutôt qu'archaïque, représentant Cybèle assise sous un herôon. Le faîte de la colline, qui a été aplani, portait peut-être un autel consacré à la déesse. » _Catal._ n°s 195 _bis_ et _ler_, 413 _bis_ (Cybèle), 210 (Atys ? chasseur), 215 et pl. 31 (Atys-Eros), 279-281 (Atys au fruit ; A. danseur). --- Musée de Berlin, _Jahrb. d. Inst._ 4 1889, _Arch. Anzeiger_ p. 90 (= Winter, _Typen Katal._ 2 p. 334, 4) ; 7 1892, p. 106 n° 14 (= Froehner, _Coll. Gréau, Terres c. d'Asie_, pl. 4, _Catal._ 1891, n° 107). --- Musée de Bruxelles. Terre c. (haut. 30 cm., achetée à Smyrne en 1900, collection Mistho, et paraissant provenir de Myr. : Cybèle, de même type que supra p. 367 n. 1 ; --- figurine de même type, vente Hoffmann (h. 15 cm.) ; traces de polychromie (communications de M. Fr. Cumont). --- La plaque Sabouroff a été attribuée par Furtwaengler (pl. 127) à Myrina. --- Sur l'Amazone Myrina et ses rapports avec Cybèle, v. Diod. Sic. 3, 54. *) S. Reinach dans _Bull. Corr. Hell._ 13, 1889, pp. 543-561 et pl. 8 ; _Catal. du Musée imp. d'antiq._ 1882, p. 13 n° 47 ; Joubin, _Musée imp. ottom._, _Sculpt._ n°s 32 et 33. --- Terres cuites : Reinach, _l. c._, p. 548. --- Rapports de Kymé avec la Phrygie, cf. Bergk dans _Zft f. Num._ 11, 1883, p. 333. *) Mionnet, _Supp._ 6, p. 4 n° 13 (M. Aurelius). Reine du Sipyle, la Mère des Dieux est aussi la Dame du Tmôle. Identifiée à la Théa Tmôla,* qui est devenue aussi un Artémis, elle protège les villes voisines : Hypaipa,* dans la vallée du Caystre, sur la route d'Éphèse à Sardes ; Nicaia Palaiopolis, dont la Mêter Nicaénè assure la fertilité de la plaine Kilbiane* ; Auréliopolis, où Théa Tmôlos possédait un antique bois de lauriers* ; Philadelphie, qui trop souvent a besoin d'invoquer la déesse chthonienne contre les tremblements de terre ; Sardes, restée la métropole de Lydie. A Philadelphie, l'oracle d'Apollon recommande d'invoquer tout d'abord la Grande Mère et de bénir sa puissance. Sous le vocable de Matuénè, elle s'y confond avec une Mêter Anaïtis, importée jadis par une colonie perse de Matienes.* Au temps de l'empereur Gallien, comme au temps du roi Darius, Sardes rend hommage à la Kybébè dompteuse des fauves* ; et c'est pour elle, ce semble, que l'on y donnait les Jeux des Fleurs d'or, Chrysanthina, les plus beaux de la cité.* Au centre des plateaux volcaniques de la Terre Brûlée (Catakékauménè), elle a des temples municipaux à Saittai,* Daldis,* Tabala,* Maionia,* sans doute aussi à Opsikion, d'où provient une dédicace à la Mère des montagnes.* Le principal sanctuaire de cette région se trouvait à Satala ; sous des vocables divers, où se superposent les influences phrygienne, syrienne, persique et hellénique, s'y perpétuait à travers les âges le vieux culte anatolien de la Déesse Mère et du Dieu Fils.* Nombreux sont dans cette contrée, et particulièrement autour de Maionia, d'Opsikion et de Satala, les sanctuaires ruraux de Mères topiques, presque toujours assimilées à l'Anaïtis des colonies perses : Mêter Aziotténè, unie au Dieu Fils Mên Aziotténos, Mêter Tazénè unie au Dieu Fils Mên Petraeitès ; Mêter Tarsénè, unie au Dieu Fils Apollon Tarsios ; Mêter Phileïs, Mêter Ipta, unie à Zeus Sabazios.* Près de Maionia, les trois sculptures rupestres d'Hammamli, qui représentent Attis au pied d'un arbre et ses funérailles, paraissent dater de l'époque impériale.* *) Diog. Trag. dans _Trag. Gr. Fragm._, 2e éd. Nauck, p. 776. Buresch, _Aus Lydien_ p. 69 ; Farnell, _Cults of the gr. States_ 2, p. 473 ; Radet dans _Rev. Et. Anc._ 10, 1908, p. 109, et Cybébé. 1909, p. 62. Thea Tmôlos sur une monnaie de M. Aurèle : Von Sallet dans _Zft f. Num._ 13, 1885, p. 74. *) Monnaies : Mionnet 4 p. 53 n° 274 ; S. Reinach, _Chron. d'Or._ 1, p. 165 (Hadrianus) ; Macdonald, _op. l._ 2, p. 453 n° 3. Cybèle y avait pour rivale une Artemis-Anaïtis, desservie par des mages : Paus. 5, 27, 5 ; Radet, _Cyb._ p. 67. *) Imhoof, _Münzen der Kilbianer_ dans _Wien. Num. Zeitschr._ 20, 1888, p. 10 et pl. 1, 8. Ramsay, _H. Geogr._, p. 114. *) Diog. Tr., _l. c._ ; Ramsay, _op. l._, p. 106. *) Stèle d'Aurelius Trophimus à la M. d. D., « après avoir interrogé le dieu » : _Bull. Corr. Hell._ 7, p. 504 n° 9. --- Stèle votive de Q. Herennius Geminus à la Thea Matuénè Epiphanès (Musée du Louvre) : _Ath. Mitt._ 12, 1887, p. 256 n° 22 ; _Bull. Soc. Antiquaires_ 1898, p. 417 n° 20 ; _Rev. Et. Anc._ 8, 1906, p. 182. Ramsay, _Cities_ p. 342 n. 3, rapproche ce nom de ceux de Matianè en Cappadoce et Matiana en Médie ; cf. Th. Reinach, _Les Matiènes_, dans _R. Et. Gr._ 7, 1894, pp. 313-8. --- Monnaies : Mionnet 4 p. 100 n° 549 et _Suppl._ 7 p. 400 s, n°s 383-7 (n° 385, plutôt la Tychè poliade) ; Babelon, _C. W._ 5128, pl. 14, 16 (auton.) ; Mt 4, 559, avec cerf dans le champ, et _Suppl._ 7, 388 (Domitianus) ; cf. Imhoof, _Kleinas Mz._ 1, p. 180. *) Cf. supra p. 17 n. 3, et Plut., _Themistocl._ 36. --- Reliefs votifs : Lebas 5 p. 393, n° 1653. Musée de Berlin, _Beschr. d. ant. Skulpt._ (1891), 702 ; stèle d'Eleutherios et Philetos pour leurs fils et frère. --- Monnaies : Mionnet 4, p. 140 n° 805 (Salonina). --- Identité du Kybébeion brûlé en 499 et de l'Artemision : Radet, _Cybébé_, pp. 61 ss et 96 ; le Metrôon vu par Thémistocle vers 462 représenterait l'intermédiaire ; cf. Radet, _Remarques nouvelles_, dans _Rev. Et. Anc._ 13, 1911, p. 75 ss. Mais il n'en reste pas moins vrai que Sardes possédait, sous l'Empire, un Metrôon municipal, distinct de l'Artemision. *) Ramsay, _Cities_, p. 108 ; ou pour Artémis Corè : Radet, _Cybébé_, p. 89. *) Babelon, _C. W._ 5167 (sous Septime Sévère) ; Imhoof, _Monnaies gr._, p. 388 n°s 25-6 (sous Elagabal) ; Babelon 5192 (Gordianus P.) ; Head, _H. Num._, p. 552. *) Macdonald, _op. l._ 2, p. 450 n° 2 (Commodus) ; Head p. 549 : d'Auguste à Gallien. *) Mionnet, _Suppl._ 7, p. 437 n° 547 ; Loebbecke dans _Zeitschr. f. Num._ 12, 1885, p. 339, 1 ; Babelon _C. W._ 5295 (Faustina J.), 5297 (L. Verus), 5299 (Crispina), 5301(Domna) ; Loebbecke, 2 (Severus Al.) ; cf. Head p. 554. *) Mionnet, _Suppl._ 7, p. 366 n° 225 (Zeus) ; Babelon _C. W._ 5058. --- Site à Menyé. Méon, époux de Dindymè, père de Kybélè : Diod. 3, 58. *) Lebas-Waddington 5, p. 219 n° 699 ; dédicace de l'affranchi Rufus. --- Site à Koula : Ramsay, _H. Geogr._ p. 123. --- Non loin, à Gentiz, dédicace à Thea Meter ; _Mouseion_, 5, 1884-85, p. 56 S Reinach, _Chron. d'Or._ 1, p. 217 n° 6. *) Ramsay, _op. l._ p. 131 ; Drexler dans Roscher, _Myth. Lex._ 2, 2865. *) Meter Anaïtis Aziotténè, dédicace de Meltinè, fille de Secundus (ann. 130 après J. -G.) ; _Mouseion_, 5, 1884-85, p. 54 ; _Ath. Mitt._ 12, 1887, p. 254. --- M. Taz., à Kavakly, à deux lieues et demie au N. N. E. de Koula ; Buresch, _Aus Lydien_, pp. 83 et 111. --- M. Tars., à cinq kilom. au N. E. de Koula ; _Mouseion_ 3, 1880, p. 163. --- M. Phil., à Koula (ann. 126 après J.-C.) ; _Mouseion_ 3, p. 165 ; _Bull. Corr. Hell._ 8, 1884, p. 378. --- M. Ipta, à Gjölde ; _Mouseion_, _l. c._, p. 169 ; cf. supra p. 13 n. 3. *) Lebas, _Voyage arch._, éd. S. Reinach, 1888, p. 43 s, et _Itinér._ pl. 55 ; Pottier et Reinach, _Myrina_, p. 407 n. 6 ; Hepding, _Attis_ p. 101. ## 4\. Au nord de l'Hermos, Hermocapeleia,* Thyateira* qui adore la Meter Boreiténè, Nacrasa,* Apollonis,* sur la route de Sardes à Pergame, Acrasos, près des sources du Caïcos,* Hadrianotherai, avec sa sainte colline d'Atys, couronnée d'autels, au carrefour des routes de Cyzique et de la Bithynie,* ont gardé leur dévotion à la Grande Mère. Ce sont autant de stations pieuses pour le pèlerin qui gagne l'Ida troyen ou le Dindyme cyzicène. Autour de l'Ida, qui porte à son sommet les deux autels de Zeus et de la Mêter,* la domination romaine a ravivé le culte de l'Idéenne. Jusque dans les derniers temps, il est aussi prospère à Pergame que ceux d'Asclepios, de Dionysos, d'Athéna et des Augustes.* Unie aux Corybantes, la Mêter y a conservé son titre de Reine, Basileia. C'est elle encore que l'on vénère sous le vocable phrygien de Misé, Mida Dea ; elle aussi, sans doute, la Toute Suprême dont un consulaire se déclare le serviteur. Les dévots continuent à gravir la montagne dénudée où trône Mêter Aspordénè, à l'est de la ville. Attis reste sans doute le dieu protecteur d'Attaia, petit port de Pergame, où s'était embarquée la Dame Noire.* On retrouve l'Idéenne sur les ruines de l'homérique Thébè et dans le port d'Adramyttion, au pied du Placos boisé.* Une grotte sacrée attire des dévots de toute la Mysie au Metrôon d'Andeira. La déesse y est adorée comme Dame de Pureté, Agnè Théa ; elle tient une grenade et peut-être un oiseau ; elle est accompagnée d'Hermès.* Titre, attributs et compagnon y précisent son rôle de protectrice des morts. Le Metrôon de Gargara, du haut de sa falaise, appelle le salut et la prière des matelots.* En face, dans l'île de Lesbos, Mytilène, Méthymna et Eresos avaient leurs temples de la Mêter, adorée sous les vocables mysien et phrygien d'Adrasteia et d'Agdistis.* Un règlement ancien interdisait aux Galles et à leurs rites l'accès du Metrôon d'Eresos* ; il révèle soit l'influence des idées helléniques, soit la persistance de traditions antérieures à l'eunuchisme. *) Mionnet 4, p. 46 n° 240 ; _Suppl._ 7 p. 351 n° 160 (Elagabal) ; Head, _H. num._ p. 550 : d'Hadrien à Hostilien. *) Clerc, _De rebus Thyat._, 1893, p. 77 s ; _CIG._ 3508 ; _Bull. Corr. Hell._ 10, 1886, p. 411 n° 14 (Julia Juliana, prêtresse à vie). --- Mionnet 4, p. 166 n° 955 (Caracalla) ; ℞ Tychè poliade, tenant la Meter Boreiténè. Le temple de cette Meter, identifiée avec Artémis, s'élevait entre Th. et Attaleia. *) Babelon _C. W._ 5118 (Faustina J.) ; Head p. 551. *) Mionnet _Suppl._ 7, p. 319 n° 37 (Commodus) ; Head p. 548. *) _Catal._ Borrell, 1852, n° 318 (Septimius Severus) ; Mionnet 4 p. 4, n°s 22-3 (Severus Al.) ; Head p. 548 : de Trajan à Gordien. *) Aristid. (né à Hadrianoi, fixé à Smyrne), Ἱεροὶ λόγοι, 3, 43 éd. Dind. 2 p. 449 ; éd. Keil 2 p. 423. Ramsay, dans _J. of Hell. St._ 3 p. 55, situe la colline près de Smyrne. *) Ps. Plut., _De flum._ 13. La déesse y était adorée sous les espèces d'une pierre-bétyle : Claudian., _De raptu Proserp._ 1, 201. On attribuait la construction de l'hiéron à Idaios, fils de Dardanos : Dion. Hal. 1, 61. *) Mionnet _Suppl._ 5 p. 438 ss, n°s 988 (Antoninus P.), 1013 (M. Aurelius) ; Mt 2 p. 605 n° 601 (Commodus) ; _Suppl._ 5 1162 (Hostilianus). --- Cf. supra p. 40 ; ajouter Fraenkel, _op. l._, 482-4 ; Thraemer, _Pergamos_, pp. 265 ss, 367 s ; Hepding dans _Ath. Mith._ 32, 1907, p. 362, inscr. 117 : dédicace d'un Attalos, consulaire, peut-être Cl. Attalus Paterculianus, à une déesse πανυπείροχος, dont il se dit le « prospolos » et qui est la Meter, peut-être Isis ; 35, 1910, p. 444 n° 26 : déd. à Misé. --- Statuettes : S. Reinach, _Répert. Stat._ 4, 163, 1 et 2 (Cybèle), 293, 1 (Attis ? ). --- Terre cuite, trouvée sur la cime de la montagne du prophète Elias : _Ath. Mitt._ 1910, p. 520 (Cybèle). --- Schuchardt dans _Berl. Ak. Sitzungsber._ 1887, p. 1212, identifie le naos de l'Aspordénè au temple dorique hellénistique de Mamurt-Kalessi, sur le Gün-Dagh. --- Cybèle figure sur la frise de la Gigantomachie. *) Cf. Ramsay, _H. Geogr._, pp. 241, 368, 439. *) Mionnet, _Suppl._ 5, p. 279 n° 19 (M. Aurelius). *) Strab. 13, 1, 67 ; Steph. Byz., s. v. Ἄνδειρα. --- Stèle du Louvre : _CIG._ 6836 ; Clarac, _Musée_, pl. 150, 23 ; Froehner, _Sculpt. ant. du L._ 544 ; De Villefosse et Michon, _Catal. Somm. des marbres ant._, 2871 ; Smith et Rustafjaell, dans _J. of Hell. St._ 22, 1902, p. 191 et fig. 2. Dans la main dr., oiseau plutôtque balsamaire ou navette. Pour l'épithète d'Agnè, cf. Atargatis ; _Bull. Corr. Hell._ 6 1882, pp. 497 et 501. --- Relief trouvé à Cyzique, brisé : images de la déesse au fruit et d'Hermès au caducée, dédicace θεῷ Ἀνδειρείδι Περγάμου. Smith et Rust., _l. c._, p. 190 s. --- Dédicace à Meter [Andei]rénè ; Boghaz-Keui, près de Cyzique : Hasluck, dans _J. of Hell. St._ 25, 1905, p. 60 n° 20. *) Babelon _C. W._ 789 (Trajanus) ; Fox, _Rare or unedited gr. Coins_ 2 31 (Commodus). *) _CIG._ _Ins._ 2, 484, l. 10 ; 524 (personnage ? portant le nom d'Agdissis). --- Wroth, _Catal. of gr. Coins_, _Troas etc._, p. 163, n°s 69-70 et pl. 33, 12 et 13 : tête de Cybèle ? --- Mionnet 3, 98-101, 114, 139, _etc._ (d'Antonin à Gallien) : déesse tourelée, assise, mais tenant un enfant au maillot (114, tenant patère et sceptre) ; c'est la Tychè poliade. --- L'Amazone Mytilène, sœur de Myrina et dévote de la M. d. D. : Diod. Sic. 3, 54. *) Kretzschmer dans _Öst. arch. Jahresh._ 5, p. 141. Même interdiction concernant les femmes, sauf la prêtresse et la prophétesse. L'interdiction du fer et du bronze révèle la survivance de traditions préhistoriques. Sur l'Hellespont, Abydos* et Lampsaque* lui demandent de faire mûrir leurs vignes et de garder leurs ports. A sept kilomètres environ de Lampsaque, sur le sommet d'une colline, Strabon signale un « hiéron » de la Mêter Têreia, dont le nom est d'origine thraco-phrygienne.* Tout le long de la Propontide mysienne s'échelonnent les sanctuaires. La plaine du Granique est un ancien domaine de Mêter Adrasteia. Comme celle de l'Aesepos, elle n'a point cessé de subir la double influence de l'Ida, où ces fleuves prennent naissance, et de Cyzique, dont le territoire s'étendit fort loin sur cette côte. *) Mionnet 2, p. 636 n° 50 (Commodus) ; _Catal._ Whittall, 1867, p. 24 n° 291 (Septimius Severus). --- Trois statuettes de la Mêter assise, en terre cuite, provenant d'un tombeau : Meyer, _Gesch. v. Troas_, p. 25. *) Mt, _Suppl._ 5, p. 378 n° 605 ; Wroth, _Mysia_, p. 89 n° 86, et pl. 20, 14 (Caracalla). *) Strab. 13, 1, 17 ; cf. supra, p. 290 n. 4. Homère, _Il._ 2, 829, connaît déjà la montagne Tereia en Mysie. Mais voici plusieurs cimes à l'horizon. Ce sont le Dindymos de la Proconnèse,* célèbre par ses marbres, le Dindymos, le Lobrinos, l'Adrasteios de Cyzique* : montagnes saintes dont chacune est couronnée d'un Metrôon. La Mère porte encore, sur le territoire de Cyzique, les vocables de Kotyanè,* de Tolypianè,* surtout celui de Plakianè, qui est commun à la métropole et au port de Plakia.* Elle y est aussi l'Agdistis.* Des gens du pays troyen y transportèrent même les cultes de l'Andeirénè et de l'Idaia. Dans la numismatique cyzicène, on rencontre fréquemment l'image de Cybèle entourée de ses Corybantes, la tête d'Attis coiffée du bonnet phrygien et la « protomé » symbolique du lion.* Car ici, comme à Smyrne, la Mêter est au premier rang des divinités poliades, l'Archégêtis. En Proconnèse, son prêtre paraît jouir du privilège de l'éponymie, généralement réservé à la plus haute magistrature ou au principal sacerdoce. Cyzique est un centre religieux dont l'importance égale celle de Smyrne. Cette ville de marins et de marchands est aussi une ville de prêtres et de mystes.* Pour le service de la Dame et de ses nombreux temples elle entretient tout un monde hiérarchisé de prêtres, de prêtresses, d'hiéropes, de Galles. Tant de vierges sont vouées à ce culte qu'un sanctuaire spécial leur est réservé ; le temple de la Plakianè comprenait un Parthénon.* Cyzique est fière de sa dévotion à la déesse comme de ses vieilles traditions et de sa gloire passée. De tout temps, disait la légende dorée de l'Anatolie, ce fut pour la Mère des Dieux une terre d'élection. Elle aimait à y arrêter son char, à y dételer ses lions et à s'y reposer dans les bois de pins du Dindymos. Un jour, le héros éponyme, Kyzicos,fils d'Apollon, tua l'un des lions à lâchasse. Peu après, au cours d'une expédition où les Argonautes lui prêtaient main forte, Jason le transperça de sa lance, par mégarde, mais poussé par une main divine. La mort de Kyzikos ne fut qu'une juste vengeance de la déesse irritée* ; mais elle pardonna vite au peuple qui lui manifestait un si grand amour. Le sanctuaire du Dindymos avait sa légende propre. Ce furent les Argonautes qui, sur la montagne, « à l'abri des chênes élevés, les plus hauts de tous ceux qui sont enracinés dans le sol, » bâtirent et consacrèrent l'autel de la Dindymène. Ce fut Argos lui-même qui, dans un cep de vigne, sculpta le xoanon vénéré.* La cité possédait encore d'autres statues célèbres de la Mêter. Il y en avait une, en marbre, que Constantin jugea digne d'être transportée à Byzance, sa nouvelle Rome.* Une statue chryséléphantine avait été jadis enlevée aux Proconnésiens, pendant une guerre ; le visage divin était en ivoire d'hippopotame.* Attis reçoit sa part légitime des hommages rendus à la Grande Mère. Dieu lumineux et astral, les Cyzicéniens l'honoraient spécialement par des lampadéphories.* Son image cultuelle, connue par les monnaies, le représentait à demi couché, vêtu d'anaxyrides et d'une tunique étoilée. Ils avaient adopté aussi le type ionien de l'Attis ailé* ; des statuettes figurant cet Attis, et adossées à des piliers, décoraient les portes d'un temple ou peut-être d'enclos funéraires. *) Paus. 8, 46, 4. --- Babelon, _Traité des monn. gr. et rom._ 2, 2, n°s 2836-49 et pl. 179, 16-28 tête de la Dindyménè, identifiée à Coré Soteira, ℞ oenochoè, colombe ou cerf. --- Inscr. de Marmara, 2e s. ; Hasluck, _l. c._ 26, 1906, p. 301 : prêtre de la Meter, associé au culte des empereurs. --- Un mythe y localisait la naissance de Zeus et le stratagème de Rhéa : Agathoclès de Babylone dans Schol. ad Hesiod. _Theog._ 485 ; cf. _Fragm. Hist. Gr._ 4, 290, 7. *) Nicander, _Alexipharm._ 7 (thalamai de Rheia Lobrinè) et schol. : Λόβρινα ὄρη ; Strab 12, 8, 11 (montagne d'Adrastée, qui fait face à la ville), cf. 13, 1, 13 ; Propert. 3, 22, 3 (Cybèle du Dindyme) ; Ammian. 22, 8, 5 (4e s., « religiosa Matris Magnae delubra » à Cyzique et au Dindyme). L'Arctônoros, ou mont des Ours, dont une partie de la ville occupait les premières pentes, Strab. 12, 8, 11, était sans doute aussi consacré à la déesse ; Apollonius de Rhodes nous montre les Argonautes y prenant un festin en l'honneur de Rhéa. Sur la consécration des ours à la Meter anatolienne, cf. Gruppe, _Gr. Mythol._, pp. 943 et 1538. Les Pythagoriciens appelaient les constellations de la Grande et de la Petite Ourse « les mains de Rhéa » : Porphyr., _Vit. Pyth._ 41. --- Dédicace à Zeus et Meter Dindyménè : _Bull. Corr. Hell._ 12, 1888, p. 187. --- Deux dédicaces à l'Andeirénè, cf. supra, p. 373 n. 4. --- Temples et autels de Meter Idaia : Strab. 1, 2, 38. --- Sur le culte métroaque de Cyzique, au 6e s., cf. Herodot. 4, 76 ; Clem. Al., _Protrepl._ 2, 24. Le Cyzicène Néanthès avait écrit au 4e s. sur le mythe d'Attis, « prospolos » delà M. d. D. ; cf. Harpocration, éd. Bekker, s. v. Ἄττης ; Hepding, _Attis_, p. 102 s. --- A Marquardt, _Cyzicus_, p. 95 ss, ajouter les travaux de Hasluck. *) _CIG._ 3668 ; Dittenberger, _Syll._ 270 ; Wilhelm, dans _Arch. ep. Mitt._ 1897, p. 74. Dédicace du Galle Sôtéridès à Meter Kot[...], avec relief : adorante, joueur de flûte, enfant conduisant un bélier, autel au pied d'un chêne. Musée du Louvre ; De Villefosse et Michon, _Catal. somm. des marbres ant._ 2850, (cf. 2851 : fragment de relief votif, autre sacrifice de bélier) ; reprod. par Bœtticher, _Baumkultus_, 1856, pl. 4, 13, et S. Reinach, _Répert. Stal._ 1, p. 101. --- Lechat et Radet, dans _Bull. Corr. Hell._ 27, 1893, p. 531 n° 33 : déd. d'Artemisia, fille d'Artémôn, à Meter Kotyanè ; confrérie (1er s. av. J.-C.). *) Mordtmann dans _Ath. Mitt._ 10, 1885, pp. 203 et 402 ; Michel, _Rec._ 1226 ; Poland, _op. l._, p. 571, B 406 ; cf. Joubin, _Musée imp. olt., Catal. des sculpt._ 1893, p. 44 n° 117 : Cybèle trônant, entre deux lions ; au-dessous, huit suppliants et enfant qui pousse deux béliers vers l'autel. --- Stèle au type de la déesse trônant, traces d'une autre épithète locale : Hasluck, _l. c._ 23, 1903, p. 82 : ...σίτει. --- Relief votif : Cybèle assise, tenant tympanon et phiale ; lion à g. ; un adorant. British Muséum ; Smith, _Catal. Sculpt._ 782. *) Michel 537 (= _CIG._ 3657) et 538 ; Lolling, dans _Ath. Mith._ 7, 1882, pp. 151-159 ; cf. Rubensohn, _Mysterienheiligtümer_, 1892, p. 169 ss. --- Monnaies de Plakia : Head, _H. num._, p. 465 : Wroth, _Mysia_, p. 174 n°s 4 et 5, pl. 35, 2 (vers 300 av. J.-C) ; Babelon, _C. W._ 994-5, et _Traité_ 2, 2, n°s 2830-33 (tête tourelée, avec pendants d'oreilles et collier) et pl. 179, 12-15. --- Le temple se trouvait peut-être à l'emplacement du monastère de la Panagia τοῦ Μεγάλου Ἀγροῦ, très important à l'époque byzantine, sur le Kara-Dagh ; on y conserve deux lions en marbre : Hasluck, _l. c._ 24, 1904, p. 35. *) _CIG._ 6837. *) Mionnet 2, p. 527 s, n°s 76, 78-94, _Suppl._ 5, p. 301 ss, n°s 108 (pl. 2, 4), 114, 128-147. Babelon, _C. W._ 677 (pl. 1, 8), 685, 687, 691-9 ; _Traité_, _l. c._, monnaies d'électrum, 5-4e s. : n°s 2619-20 (tête d'Attis), 2645-46 (criobole), 2694 (Cybèle assise sur un lion) ; monn. d'argent de 480 à 400 env. : 2809-10 (tête d'Atys) ; pl. 173, 27-8, 174, 21-2, 175, 18, 178, 14. --- Monnaies et médaillons de Commode : _Catal._ Whittall, 1858, p. 28 n° 360 ; Mt, _Suppl._ 5, p. 331 n°s 317-8 (= Milani, _Studi e materiali_ 1, 1899, p. 53 fig. 1 : Cybèle sur le lion, trois Corybantes), 348. --- Tholos surmontée des 3 figures de la Meter Dindyménè, Lobrinè, Plakianè : Mt 2, 173. *) _CIG._ 3663 a, 3666 ; mystarques. *) Sur le sens du mot Parthénon, qui reparaît à propos d'un Metrôon d'Apollonia de Carie, d'un Artemision de Magnésie du Méandre, du temple de la Démeter d'Hermione (Argolide), v. Th. Reinach, dans _Bull. Corr. Hell._ 32, 1908, p. 500 ss. *) Val. Flacc., _Argon._ 3, 20 ss. La veuve du héros se tua de désespoir, et les larmes des nymphes formèrent la fontaine de Cleité, qui se trouvait par conséquent en relation avec le culte de la Meter. *) Apoll. Rh. 1, 1117 ss, et schol. ad 1119 ; Strab. 12, 8, 11. Conjecture de Haupt à Propert. 3, 22, 3 : « Dindymus et sacra fabricata e vite Cybelle » ; cf. éd. Baehrens, 1880. *) Zozim. 2, 31 ; cf. Amelung, dans _Roem. Mitt._ 14, 1899, pp. 8-12. *) Paus. 8, 46, 4. *) Drexler dans _Neue philol. Jahrb._ 149, 1894, pp. 321-5 ; d'après des monnaies impériales ; cf. Wroth, _Mysia_, p. 50 n° 236, et pl. 13, 7. Important article de von Fritze dans _Nomisma_, 4, 1909, p. 33 ss et pl. 3, sur le culte d'Atys à Cyzique. L'auteur illustre, entre autres, à l'aide de la numismatique, la cérémonie de la στρῶσις τῆς κλίνης (cf. ici l'attitude du dieu), et rapporte aux lampadéphories d'Attis certains types mal compris qui représente des adorants avec des torches. *) Mendel dans _Bull. Corr. Hell._ 33, 1909, p. 259 n° 8. Statuette en marbre, très mutilée, au Musée de Brousse. Le dieu, hermaphrodite et ailé, est vêtu d'une tunique transparente qui laisse à nu tout le buste et qui se continuait sur les jambes en braies à crevés ; S. Reinach, _Répert. Stat._ 4, 292, 3. Réplique à Bouyouk-Déré, dans la résidence de l'ambassade russe ; Arndt, _Einzelaufn._ Text 3, p. 30. Autre à Copenhague, Ny-Carlsberg. Près du territoire de Cyzicjue, sur la route qui vient de la Haute Phrj'gie par la vallée du Rhyndacos, nous retrouvons le culte métroaque à Milétopolis.* Il y prospérait sous les Flaviens et les Antonins ; et sans doute se liait-il à celui des sources qui alimentent le lac voisin. L'influence religieuse de Cyzique s'étend jusqu'à Daskylion, petit port sur le lac Daskylitis, en Bithynie.* *) Mionnet, _Suppl._ 5, p. 381 n° 619 (Vespasianus) ; Mt 2, p. 570 n° 358 (Antoninus P.). *) La stèle publiée par Conze, _Lesbos_, pl. 19, attribuée à Nicée ou Bryllium, pourrait être de la région de Daskylion, où Cyzique possédait des territoires : Hasluck, dans _J. of Hell. St._ 23, 1903, p. 82. ## 5\. Les Bithyniens, de même race que les Phrygiens, et qui passaient pour n'être pas moins fanatiques, adoraient également la Mère des Dieux parmi leurs grandes divinités nationales. Ils lui avaient consacré le troisième mois de leur année.* Un Metrôon donnait son nom à l'une des localités du pays.* Arrien, originaire de Bithynie, nous apprend que ses compatriotes continuaient à gravir les hauts lieux pour y invoquer Attis Pappas.* *) Il correspondait à la période du 23 novembre au 22 décembre. *) Mionnet 2, p. 448 n° 200. Arrien, _Péripl._ 13, 3, parle d'une localité qui s'était, formée auprès d'un Metrôon, à 80 stades (14 kilom.) d'Héracleia. Il y avait aussi en Bithynie une rivière Gallos : Ramsay, _H. Geogr._, p. 182. *) _Fragm. Hist. Gr._ 3, p. 592 n° 30. Le principal sanctuaire était, ce semble, à Nicée. Le mythe local ne disait-il pas que Nicaia, nymphe des eaux, était fille du roi Sagaris et de Kybélè ? que, voulant vivre vierge, elle avait passé sa vie, elle aussi, dans les montagnes et au milieu des fauves* ? Jusqu'au temps de Gallien, qui ne put empêcher le ravage de la province par les Goths, les monnaies de Nicée portent très souvent l'effigie de la Mêter.* Dans Nicomédie, la ville rivale, l'ancienne capitale des rois, le Metrôon se dressait à l'un des angles du forum. A en juger par cet emplacement honorifique, il occupait un rôle considérable dans la vie religieuse de la cité. Si l'on se décide à le reconstruire ailleurs, en l'an 112, ce n'est pas que l'indifférence ait laissé tomber en ruines le vieil édifice ; mais, à la suite de certains travaux de terrassement, il se trouvait en contre-bas de l'agora, dans une situation qui fut jugée indigne de la puissante déesse.* *) Phot., _Biblioth._ 740, éd. Reimer, 1, p. 233. Nicaia est tourelée (monnaies). *) Mionnet 2, p. 452 n° 219 ; Waddington, Babelon, Th. Reinach, _Monn. gr. d'Asie M._, 1, p. 408 n° 76, pl. 68, 10 (Antoninus P.) ; Babelon, _C. W._ 406 ; Wadd. Bn Rh 143, pl. 70, 10 (M. Aurelius) ; Bn, _C. W._ 422 (Plautilla) ; Wadd. Bn Rh, 549, pl. 81, 19 (Macrinus) ; Mt, _Suppl._ 5, p. 131 n° 743 (Elagabal) ; Babelon 433 (Severus Al.), 435 (Maximinus) ; Mt, _Suppl._ 5, p. 144 ss, n°s 834 (Maximus), 883 (Decius) ; 898-9, et Wroth, _Pontus_, _etc._, p. 174 n° 137, Wadd. Bn Rh, 767, pl. 86, 10 (Trebonianus) ; Mt _Suppl._ 5, 911, et Wadd. Bn Rh, 789, pl. 86, 27 (Valerianus S.) ; Mt. _Suppl._ 5, 931, et Wroth, _l. c._, 153, Wadd. Bn Rh, 829, pl. 87, 25 (Gallienus). C'est en 258 que les Goths pénétrèrent en Bithynie. --- De Nicée peut-être, deux stèles de thiasotes publiées par Conze, _Lesbos_, pl. 18 et 19 ; cf. Foucart, _Assoc. rel._, pp. 237-240 n°s 64-5, et Poland, _op. l._ B 414 a, b. *) Plin. _Ep._ 10, 49 et 50 (58, 59), éd. Keil. --- Monnaies ; Mionnet, _Suppl._ 5, p. l86 s, n°s 1095 (L. Verus), 1102 (Commodus) ; Wadd. Bn Rh, 1 p. 561, n° 350, pl. 97, 11 (Maximus) ; 393, pl. 98, 15 (Decius). --- Buste d'Attis au bonnet étoilé, en bronze ; acquis en 1895 par le Musée du Louvre. --- D'après la numismatique, la principale divinité parait être Demeter. Cybèle est honorée à Prusa (Brousse),* sans doute comme Dame des magnifiques forêts de l'Olympe mysien et des eaux curatives qui jaillissent dans le voisinage de la ville. On lui rend un culte au milieu des collines boisées que traverse la route de Nicée en Phrygie,* et dans toute la région montueuse qui s'étend au pied de l'Olympe galate (Ala-Dagh) : à Gordoukomè-Juliopolis, sur la route de Nicomédie à Ancyre,* à Prusias de l'Hypios, près d'un lac,* à Bithynion-Claudiopolis-Hadriana, que domine un rocher géant,* à Crateia-Flaviopolis, sur la frontière de Paphlagonie.* Toutes les villes maritimes ont leur Metrôon. Dans celui de Bryllium-Cæsarea, près du territoire de Cyzique, on adorait la triade Zeus Hypsistos, Mêter Agdistis et Hermès ; l'expansion du culte d'Hypsistos, sous l'influence sémitique, dut lui donner un regain de vitalité.* Nous retrouvons la Grande Mère à Kios,* sur le golfe de même nom, à Chalkedôn,* qui garde l'entrée du Bosphore, à Kandra* sur la mer Noire, à Héracleia du Pont,* où la grotte Acherousia passait pour être une entrée des Enfers, à Tion,* port voisin de la frontière paphlagonienne et de la grande cité d'Amastris. D'autre part le culte d'Hylas à Kios, avec ses oribasies, ses cris d'appel, ses lamentations en l'honneur du dieu disparu, et le culte d'Idmon à Héracleia, où l'on pleure le héros tué par un sanglier, sont nettement apparentés à celui d'Attis. Il y avait communauté d'origine ou influence directe du mythe métroaque ; aussi bien rattachait-on ces cultes locaux d'Hylas et d'Idmon, comme celui de la Dindymène de Cyzique, au légendaire voyage des Argonautes. *) Mionnet, _Suppl._ 5, p. 233 s, n°s 1374 (Maximus), 1381 (Philippus Sen.). Sources ferrugineuses et sulfureuses de Tehekirjeh, dédiées à Asclépios et Apollon : Ramsay, _H. Geogr._, p. 180 ; cf. _J. of Hell. St._, 27, 1907, p. 226. *) Domaszewski, dans _Arch. ep. Mitt._ 7, 1883, p. 173 n° 19 : dédicace à la Meter, par Mênios, fils de Mênios. Site à Bos-üjük. *) _Numism. Chronicle_ 18, 1898, p. 105 n° 13, Wadd. Bn Rh 1, p. 388 n° 23, pl. 63, 18 (Caracalla) ; _ibid._ 48, pl. 64, 16 (Maximinus) ; _ibid._ 53, pl. 64, 21, et Babelon, _C. W._ 380 (Gordianus P.) ; Mionnet, _Suppl._ 5. p. 76 n° 391, et Wadd. Bn Rh, 58, pl. 64, 24 (Valerianus Sen.). *) Wroth, _Pontus etc._, p. 202, 6 (Geta). Site à Uskub. *) _Ibid._, p. 118, 8 ; Wadd. Bn Rh, 1, p. 273 n° 36, pl. 42, 14 (Domna). Boli. *) Mionnet, _l. c._, p. 34, n°s 185 (Domna), 189 (Caracalla). Site à Geredeh. *) Triglia, près de Mudania ; _Bull. Corr. Hell._ 23, 1899, p. 593 ss. *) _CIG._ 3727, et Poland, _op. l._, p. 572, B 415 : thiasotes métroaques à M. Caecilius Tyra[...]. Colonie milésienne du 7e ou 6e s. *) Mionnet, _Suppl._ 5, p. 31, 165 ; Wadd. Bn Rh, 1, p. 307 n° 112, pl. 48, 23 (Gordianus P.). Site à Benderegli. *) Nom moderne. Confrérie (synodos) de l'époque antonine ; _Bull. Corr. Hell._, 25, 1901, p. 58 n° 203. *) Wadd. Bn Rh, 1, p. 373 n° 185, pl. 60, 25 (Severus Al.) ; cf. p. 378 n. 1. *) Babelon, _C. W._ 563 (Maesa) ; Wroth, _Pontus_, p. 207, 21 (Maximinus). Des liens politiques unissaient la Bithynie, la Paphlagonie maritime et une partie du Pont, groupés dès le temps de Pompée en une même province. Mais l'important commerce de la mer Noire suffisait à propager sur la côte les cultes orientalo-grecs. Amastris, métropole des dix villes de ce gouvernement qui sont situées sur l'Euxin, possède un Metrôon public. Sous les Antonins et les Sévères, elle frappe des monnaies au type de Cybèle trônant.* Dans la cité pontique d'Amisos, on trouve des figurines d'Attis hermaphrodite au vêtement étoilé* : ce type y fut introduit par les Ioniens qui colonisèrent la ville ou plutôt par les marchands de Cyzique. D'après Lucien, les confréries de Corybantes Danseurs ont pris autant d'expansion dans le Pont qu'en Ionie ; les meilleurs citoyens s'y font affilier.* *) Mionnet, _Suppl._ 4, p. 555 ss, n°s 25 (Antoninus), 84, 85, et Wadd. Bn Rh, 1, p. 153 n° 157, pl. 21, 7 (Caracalla). *) Musée de Constantinople ; _Cat. des terres cuites gr._ 1922. *) _De saltat._ 79. Au 2e siècle, Arrien signale près de l'embouchure du Phase, sur la rive droite, le temple d'une Mêter Phasianè.* « Assise comme la Rhéa de Phidias dans le Metrôon d'Athènes, » et entourée de deux lions, cette déesse tenait le tympanon, attribut de Cybèle. Image et culte furent-ils importés en Colchide par les Cyzicéniens ? Le mythe du navire Argo, devenu pour eux tradition nationale, symbolisait en effet leurs relations commerciales avec les régions du Caucase, d'où ils tiraient l'électrum. Mais Phasis est une colonie de Milet ; il se peut que la Mêter soit arrivée directement du golfe Latmique. En tout cas, on dut l'identifier à quelque divinité indigène. Dès le début de l'Empire, ce sont les troupes auxiliaires de Galatie qui sont envoyées au Caucase pour occuper les territoires soumis ; elles contribuèrent sans doute à la prospérité du temple. *) Arr., _Peripl._ 9, 1. Monnaie d'argent du dynaste Aristarchos, institué par Pompée ; ℞ déesse assise, au tympanon, mais coiffée d'une sorte de bonnet phrygien: Cybèle, d'après Von Sallet, dans _Zeitschr. f. Numism._ 3, 1876, p. 60, et 5, 1878, p. 226 ; c'est une première assimilation de la Phasianè au type métroaque. Influence de l'Asie occidentale : cf. le temple de Leucothea, le port de Dioscurias, colonie de Milet, la place forte d'Idéessa. Corybantes venus de Colchide pour servir de satellites armés Rhéa : Strab. 10, 3, 19. ## 6\. Dans les provinces qui s'étendent à l'est et au sud de la Phrygie, le culte de la Mère des Dieux ne s'était guère propagé que sur les frontières immédiates et le long des côtes. Les seules régions où il se montre remarquablement vivace, ce sont la Pisidie et la Lycaonie. Il est vrai que leurs plateaux continuent les plateaux phrygiens, que leur population est en majeure partie de race phrygienne et que la Pisidie romaine comprend la Phrygie Parorée. Dans la contrée agricole des Lacs, parsemée de villes et de villages, la Grande Mère est aussi populaire que la Grande Artémis,* sa proche parente ; et les noms théophores de plusieurs localités attestent l'ancienneté de la religion métroaque. Le village de Maion, ou Imaion, a pris le nom du temple qui est sa raison d'être. Mamouta dépendait jadis d'un « hiéron » de la Mère, et Attea d'un « hiéron » d'Attis. Ptagia est le village de la Mêter Ipta, dont on retrouve le culte en Méonie, sur les plateaux de la Katakékauménè.* Pappaion-Tiberiopolis, sur la route de Phrygie à Iconion, a grandi près d'un antique sanctuaire d'Attis Pappas.* Sur la rive orientale du lac Ascania, probablement à Limnobria, la Mère des Dieux voisinait avec Artémis Lêto.* A en juger par un oracle talaire, on la vénérait aussi dans la petite ville d'Anaboura, entre les Limnai et le lac Karalis.* Dame des montagnes, elle avait pénétré dans le massif pisidien et y continuait ses apparitions. Là où s'élève aujourd'hui Baghlu, près de l'antique Adada, l'esclave Primus dédie une stèle à la Mêter Oreia, qui s'était miraculeusement révélée à lui.* Toutes les villes de la Pisidie ont leur temple public de la Grande Mère. Elle est l'une des divinités poliades d'Antiocheia, ancienne capitale de la Parorée.* Protectrice de la vigne et Dame de la Santé, elle favorise à Amblada la culture de vignobles renommés, qui produisent un vin médicinal.* Elle apparaît au 2e siècle dans la numismatique d'Ariassos.* Assise et tenant des épis à Colbasa,* debout à Comama,* elle préside aux destinées de ces deux colonies militaires. A Cremna, repaire de bandits colonisé par Auguste, les colons romains adorent « Mater Deorum » ; mais, au temps des Sévères, la population indigène reste encore fidèle à son antique Mêter, vénérée sous le vocable phrygien de Mida Dea.* Une Mêter Lagbénè, sur la frontière d'Asie et de Lycie, protège le peuple de Lagbé.* Au temps de Caracalla, Cybèle figure sur les monnaies de Lysinia,* et jusqu'à Claude le Gothique (268-270) sur les monnaies de Sagalassos.* D'Hadrien à Sévère Alexandre nous la retrouvons sur celles de Timbriada.* C'est elle aussi, sous le vocable d'Adrasteia, que l'on vénère à Termessos, au pied du mont Solymos ; et sans doute son culte était-il associé à celui de Zeus Solymeus.* Tityassos enfin, au sud du lac Karalis, grave sur ses coins la façade de son Metrôon.* *) Megalè Artémis : Ramsay, _Studies_, pp. 319, 332, 334, 343 ss, 375. *) _Ibid._, p. 364 ss. Localités connues par les listes de souscriptions des Xenoi Tekmôreioi au 3e s. (dans l'onomastique : Pappas, _Attas_). *) Cf. supra p. 347. Site à Yonuslar ; _J. of Hell. St._ 22, 1902, p. 100 ss. *) A Burdur, peut-être sur le territoire de Sagalassos. Ramsay, _Cities_, p. 337 inscr. 173, avec relief fruste. *) _Ath. Mitt._ 22, 1897, p. 28 ss, n° 6 ; cf. Sterrett, _Wolfe Exped._, n° 342. *) Sterrett, _l. c._ 400. *) Mionnet, _Suppl._ 7, p. 91 n° 15 (M. Aurelius), p. 101 n° 70 (Gordianus P.) ; Cybèle tient le sceptre. *) _Rev. Numism._ 1883, p. 376 n° 6, et pl. 9, 4 ; Head, p. 589 (Mammaea). Sur le vin d'A., Strab. 12, 7, 2. *) Imhoof, _Griech. Ms._, p. 168 n° 479, et pl. 10, 21 ; Babelon, _C. W._ 3632 (Antoninus P.). *) Dieudonné, dans _Revue Num._, 1902, p. 349 n° 95, et pl. 10, 13 (Damna). ℞ Cybèle assise sur un trône sans dossier, le bras gauche sur le tympanon, la main gauche tenant des épis et la droite une patère, un lion à ses pieds. *) Imhoof, _op. l._, p. 173 et pl. 10, 24 (Antoninus P.) : Babelon, _C. W._ 3673 (Commodus), et _Mélanges num._ 1, p. 52 (Caracalla). Meter plutôt que Héra. *) Babelon, _C. W._ 3704 (Domna). ℞ Cybèle assise dans un temple distyle ; devant elle, petite figure ; en exergue : MATRI DEOR(um) COL(onia) etc. --- Imhoof, _op. l._, p. 171 n°s 488 et 488 a (Commodus) ; Babelon, _C. W._ 3699, 3700 et pl. 8, 11 (Severus), 3709 (Geta). ℞ femme assise à gauche, tenant une patère : MIDAE DEAE. *) _CIG._ 4318 _b_, add. ; Ramsay dans _Americ. Journ. of Archaeol._ 4, 1888, p. 16. *) Head, _H. num._, p. 591 ; Dieudonné, _l. c._, p. 351 n° 98 et pl. 10, 15 (Caracalla). ℞ Cybèle debout, tenant un sceptre court et caressant deux lions. *) Babelon, _C. W._ 3845 (Severus) ; Mionnet 3, p. 515, n°s 129 (Volusianus), 135 (Claudius 2) ; cf. Markl dans _Wien. numism. Zft_, 32, 1900, pp. 164 et 176, n°s 25 et 60, pl. 8, 25, et 12, 60. *) Mionnet, _Suppl._ 7, p. 628 n° 615, et Babelon, _C. W._ 4022 (Hadrianus) ; _Catal._ Whittall 1884, p. 91 n° 1379 (Severus) ; Babelon 4024 = 7161 (Domna) ; 4031 (Severus Alexander). Cybèle tient la corne d'abondance. *) Dédicace à Nemesis Adrasteia : _J. of Hell. St._ 15, 1895, p. 128 n° 26. *) Head, _l. c._, p. 594 (auton. ; ℞ temple tétrastyle, à gauche un serpent : MHTPOΣ) ; _Catal._ Whittall, 1867, p. 54 n° 647 (Severus). En Lycaonie, tout le pays qui est au nord d'Iconion, et qui fut jadis terre phrygienne, a conservé pour divinité souveraine la Mêter Ziziménè. Cette Mère est un type local de la Dindyménè.* Le centre de son culte est à Zizima, entre Iconion et Laodicée, dans une région minière qui constituait jadis son territoire sacré et qu'exploitait son Archigalle, mais qui fut incorporée au domaine impérial.* Laodicée, que repeuple une colonie romaine, Iconion, dont l'Empire fit une petite capitale, manifestent une grande dévotion à la Dame de Zizima. Dans la première de ces villes, le culte officiel de la Mère des Dieux laisse des traces jusqu'à la période anarchique du 3e siècle.* La déesse fut plus populaire encore dans l'autre, où résidait un Archiprêtre* ; elle y reparaît aussi sous les vocables mystiques d'Agdistis et de Boéthénè.* On retrouve le culte de Ziziménè jusque sur la frontière de Cappadoce. Entre la rive, occidentale du lac Tatta (Tuz Tschölü) et la route d'Iconion à Ancyre, elle avait son temple et son Archigalle à Savatra.* *) Cf. Nazianzos et Nadiandos : Ramsay, _H. Geogr._, p. 285 ; en Afrique, diaconus et zaconus : _CIL._ 8, p. 1109 ; _Mél. École de Rome_ 14, 1895, p. 111. *) Ramsay, dans _Classical Rev._, 1905, pp. 367 ss et 429 ; _Studies_, pp. 68, 78 s, 245 s. *) Dédicace de P. Calvisius Proclus à Meter Theôn : _Ath. Mitt._ 13, 1888, p. 237 n° 8 (cf. n° 28 un L. Calvisius Proclus au temps de Commode) ; --- dédicace à Meter Ziziménè, n° 9 ; --- ajouter peut-être le n° 7 qui fait mention d'un Titus Laurentius, hiereus. --- Monnaies : Babelon, _C. W._ 4779 (Titus et Domitianus), 4780 (Maximinus), 4782 et pl. 12, 21 (Philippus S.) ; cf. Head, p. 596. *) Sarre dans _Arch. ep. Mitt._ 19, 1896, p. 31 n° 10 = Cronin, dans _J. of Hell. St._ 22, 1902, p. 342 n° 65 : dédicace à Mêter Zizimménè, Theoxénos étant prêtre ; --- Cronin, _op. l._, n° 64 : Meleagros, archiereus, sur l'ordre de la Kyria Meter Z., vœu ; --- 65 A : Maniés et sa femme Didas à Meter Z., vœu (inscr. trouvée au N. d'Iconium) ; --- 103: Eutychos Papas, mari d'Aurelia Matrona, ἠρχιεραμένος, doit-il être aussi rattaché au sacerdoce de la M. Z., ou plutôt à celui des Augustes (cf. 15 et 144) ? *) _CIG._ 3993 : τήν τε Ἄγγδιστιν καὶ τὴν Μητέρα Βοηθηνὴν καὶ Θεῶν τὴν Μητέρα. --- Monnaie au type de Cybèle : Babelon, _C. W._ 4764 (Vespasianus). *) Anderson, dans _J. of Hell. St._ 19, 1899, p. 280. Savatra ou Soatra (Strab. 12, 6, 1, qui en parle comme d'un centre d'élevage), site à Ak-Ören. C'est près d'Iconium que se détachait la route d'Isaurie. La déesse n'avait pas attendu le roi galate Amyntas, contemporain d'Auguste, pour s'avancer jusqu'au massif isaurique. Son image apparaît déjà sur les reliefs hétéens de Fassiler.* Lorsque Servilius, en 679/75, après avoir forcé les passages du Taurus cilicien, fit le siège d'Isaura Nea, la montagne dont il s'empara d'abord était couronnée d'un « hiéron » de la Mère des Dieux.* C'était un temple très ancien et très vénérable. On croyait que la Dame, à certains jours de fête, venait elle-même prendre sa part des repas sacrés ; et le bruit de son char, que l'on entendait de loin, annonçait sa venue. Elle resta la grande divinité de cette population de brigands. Les Isauriens continuèrent à se faire ensevelir sur la hauteur qui lui était dédiée, autour du Metrôon dont on a de nos jours retrouvé les vestiges, aux pieds de leur Mère divine.* *) Sterrett, _Wolfe Exped._, 1888, p. 164 ; Ramsay, dans _Ath. Mitt._ 14, 1889, pp. 171-191 (avec dessin) Reber, _Phryg. Felsendenkm._, 1897, p. 5 s. *) Sallust., _Histor. reliq._, éd. Maurenbrecher, fasc. 2, 2, fr. 87, p. 96 ; cf. Sterrett, _l. c._, p. 150 : « occupavit sacrum Matri(s) Magnae et in eo credebatur ep(u)lari d(ie)bus certis dea etc... » *) Ramsay, dans _J. of Hell. St._ 25, 1905, p. 164 : « the holy hill of Cybele. » Par contre, au-delà des steppes de Lycaonie, la Cappadoce demeure à peu près étrangère à l'influence phrygienne.* La Grande Mère cappadocienne et pontique est une divinité guerrière, qui présente plus d'analogie avec l'Ishtar de Babylone qu'avec la Cybèle de Pessinonte. D'autre part, depuis le temps où cette contrée fut une satrapie de l'Empire perse, le mazdéisme y est resté la religion prédominante. Le feu éternel, entretenu par un nombreux et puissant clergé de mages, n'avait pas cessé d'y brûler sur les pyræthées. A l'époque tardive où la Cappadoce est annexée à l'Empire romain, on y rencontre partout des temples de dieux iraniens. De ce côté, le domaine de la Mère Phrygienne s'est véritablement arrêté sur les bords de l'Halys.* *) Attagaina, nom d'un village cappadocien cité par saint Basile, _Ep._ 278, semble toutefois dériver d'Attis. *) Est-ce bien un Attis après l'éviration (éphèbe vêtu d'une tunique et d'anaxyrides, tenant une « harpè » ), que représente une statuette en bronze, provenant de SataIa Pontica, Petite Arménie ? _Jahrb. d. Inst._ 23, 1908, _Arch. Anzeiger_, p. 65 : à Hambourg, « Museum für Kunst und Gewerbe. » Le culte aurait pu s'introduire par l'intermédiaire du commerce de la mer Noire et de Trébizonde, qui est à 110 kilom. environ au nord, ou par celui des légions 12 Fulminata (Mélitène) et 16 Flavia (Samosate). Petite Arménie et Galatie, associées par Pompée sous le sceptre de Dejotaros. De 71 à 114, Cappadoce, P. Arménie, Pont, Galatie et Pisidie gouvernées par un seul légat : _R. Et. Gr._ 1909, p. 309. Mais il est possible aussi que le culte d'une Meter soit très ancien ; sur la colonisation de l'Arménie par les Phrygiens, cf. Herodot. 7 74, et Steph. Byz., s. v. _Armenia_. Déesse assise, tourelée, entre deux sphinx, sur les monnaies d'un satrape arménien : von Sallet, dans _Zeitschr. f. Num._ 10, 1883, pp. 165-8, avec 3 fig. En Italie, dédicace à la Grande M. d. D. par la fille d'un roi d'Arménie : _CIL._ 11, 3080. Vers le sud, son culte a été contrarié par l'expansion du sémitisme. Cette concurrence produit déjà ses effets dans la partie méridionale de la province d'Asie, dès que l'on a franchi le Méandre. A Orthosia de Carie, trônent les dieux de l'Orthosia phénicienne ; et Cybèle y est rapprochée d'Astarté. A Stratonicée, comme dans l'île de Cos, elle se trouve en contact avec l'Ourania de Syrie.* En Lycie, nous ne la rencontrons que dans le petit port de Telmessos,* qui paraît l'associer à son Apollon, et sur le territoire montagneux de Myra, dont la très ancienne Mère aux serpents garde pour compagnons deux génies forestiers et pour tabernacle la frondaison d'un arbre sacré.* *) Mionnet 4, p. 377 n° 436 ; _Suppl._ 6, p. 537 s, n°s 485 (auton.), 494 (Severus). --- Atargatis dans l'île d'Astypalaea, _IGIns. Aeg._ 3, 178, 188. *) V. supra, p. 364, n . 3 ; sacrifice d'une chèvre à la M. d. D. sur l'ordre d'Apollon de Telmessos. *) Mionnet 3, p. 439 n° 51 ; Head _H. num._, p. 577-8 fig. 319 ; Gardner, _Types of gr. coins_, pl. 15, 6 (Gordianus P.) ; cf. Gerhard, _Metrôon u. Göttermutter_, pl. 2, 8 ; Milani, _Studi e materiali_, 1, 1899, p. 12 fig. 11. La Mère des Dieux est aussi rare en Pamphylie. Elle n'y est signalée que dans le port d'Attaleia (Adalia),* dans celui de Sidé,* ancienne colonie cuméenne, où des chantiers de construction et un marché d'esclaves entretenaient une certaine activité, et sur les hauteurs de Sillyon,* près du lac Capria, à sept kilomètres environ de la côte. Dans cette dernière ville, la tribu Mealitès devait peut-être son nom à la Mégalè. *) Mionnet, _Suppl._ 7, p. 36 n° 52 (Philippus J.). --- Oracle talaire, v. supra, p. 308 n. 7. --- Statuette, v. supra, p. 364 n. 6. *) Mionnet 3, p. 487 n° 239 (Gallienus). Chantiers : Strab. 14, 3, 2. *) Babelon, _C. W._ 3526 (Commodus). Sur l'identité des formes Meales, Mealeitis, Mealina et Megales, v. Kretschmer in _Zft f. Sprachf._ 1893, p. 260. Caractère théophore de ces vocables : Ramsay, _Cities_, p. 182. Quant à la Cilicie, avec ses populations sémitiques et ses colonies grecques, la civilisation et la religion syriennes y sont prépondérantes ; Rome la considéra même, au début, comme une partie de la province de Syrie. Aussi le culte de la Mère Phrygienne ne s'y développa guère. Il s'était cependant implanté à Tarse, la métropole, foyer d'hellénisme qui, au temps d'Auguste, rivalisait avec Athènes et Alexandrie. Mais il y prit un caractère insolite, que révèle l'imagerie pieuse et qui manifeste le syncrétisme de la religion locale. Sur les figurines des coroplastes tarséens, dont les ateliers prospérèrent de la période macédonienne jusque vers l'époque antonine, Attis présente de singulières combinaisons d'attributs.* Il emprunte les ailes d'Eros et les recourbe pour leur donner l'aspect du croissant de Mên. Il se couronne du lierre ou de la vigne de Dionysos, qui est ici le dieu préféré. De même la Baalat de la ville, l'Ourania syrienne et la Mère des Dieux ont fini par confondre la plupart de leurs attributs distinctifs. *) Heuzey, _Fragments de Tarse au Musée du Louvre_, dans _Gaz. B. Arts_, 1876 2, pp. 389 fig. 4 (= Winter, _Typen Katal._ 2, p. 334, 3) ; 401 fig. 12 (= Pottier, _Statuettes de t. c._, p. 188, fig. 61, et Winter, 2 p. 372, 10) ; 403 fig. 13 (= Cumont, _Mithra_, mon. fig. 384, et Winter, 2, p. 372, 7) ; cf. Lenormant, _Coll. Raifé_, 1867, p. 143 n° 1115 : « Attis ailé, aux traits enfantins, coiffé du bonnet phrygien, tenant la syrinx. » Sur les dieux ailés de Cilicie, cf. Babelon, _Traité_, 2, 2, p. 867 ss. --- Tête de Cybèle, coll. De Luynes : _Gaz. archéol._ 1878, p. 83 n. 1. --- Statuette en t. c. : Froehner, _Les musées de France_, pl. 34. --- La déesse tourelée, tenant une fleur et entourée de sphinx, sur une monnaie d'argent cilicienne (Tarsos ? ), vers 370 av. J.-C., n'est pas une Cybèle, comme le croit von Sallet, _Zeitschr. f. Numism._ 10, 1883, p. 165 s. En dehors de Tarse dont le Metrôon est encore signalé au temps de Gallien,* on ne peut affirmer la présence de la déesse nulle part, sauf peut-être à Irenopolis.* La Dame au lion, à Séleucie du Calycadnus et Alexandrie de l'Issus,* peut aussi bien être Ourania que Cybèle. Mais, entre Cilicie et Phénicie, dans l'île de Chypre où régnait souverainement Aphrodite-Astarté, le culte métroaque était sans doute fort ancien.* Il y fut entretenu, au cours des siècles, par bêlement grec de la population. L'on a retrouvé ses traces à Leucolla,* près de la pointe l'a plus rapprochée des côtes phéniciennes ; Achna* qui est dans la partie orientale de l'île ; Soli* et Tamassos,* qui sont au nord, dans le voisinage de riches mines de cuivre. Soli paraît avoir adoré la Mère de toutes choses, Pammêteira, dans un temple rond, qui s'élevait devant une grotte. Une montagne, dans cette région minière, portait le nom des Corybantes.* Quant aux relations qui s'établirent nécessairement entre la Mère anatolienne et l'Aphrodite chypriote, nous en connaissons plus d'un témoignage. Sur les statuettes que fabriquaient les coroplastes de Kition, Aphrodite porte la haute couronne crénelée ; et le Dieu enfant qu'elle tient par la main, ou dans ses bras, ou sur ses genoux, a pris le bonnet d'Attis.* Emmenée par des marchands de l'île dans les ports d'Occident, elle y demanda volontiers l'hospitalité à la Mère des Dieux.* *) Mionnet 3, p. 625 n° 618 (Salonina). *) Head, _op. l._ p. 603. *) Mionnet 3, p. 549 n° 63 (Hadrianus) ; p. 603 n° 810 (Severus Al.). *) Tradition relative à une colonisation crétoise : Strab. 14, 2, 7. *) Cesnola, _Cyprus_, éd. anglaise, p. 191 ; _Cypern_, Iéna, 1879, 1 pp. 159 et 412, pl. 39, 1 : tête colossale, tourelée et voilée. Musée de Berlin. *) Ohnefalsch-Richter, _Ant. Kultusstätten auf Kypros_, 1891, p. 1 s ; _Kypros, Bibel und Homer_, p. 295 fig. 198, et pl. 206, 6 : statuette de Cybèle trônant entre deux lions, en calcaire, trouvée dans un temple. *) Cesnola, _Cyprus_, p. 229 ; _Cypern_, pp. 199 et 413, pl. 41, 1 ; Döll, _Sammlung Cesnola_ (1873, in-4°) n° 831, pl. 7, 15 ; S. Reinach, _Répert. Stat._ 2, p. 270, 7 ; New-York, Metropolitan Museum, Sculpt. Cesnola, 1137 : Cybèle assise sur un rocher, les pieds posés sur un lion, en marbre, trouvée dans le temple rond, de même qu'un fragment d'inscr. grecque où se lisent les noms de la « Pammateira » et du proconsul Paulus (_Cypern_, p. 379). Soli possédait aussi un temple d'Aphrodite et d'Isis : Strab. 14, 6, 3. *) Ohnef. Richter, _Kultusst._ p. 11, et _Kypros_, pp. 172 et 244 : dédicace à Meter Théôn, sur le bord d'un vase à lustrations. *) Serv. ad _Aen._ 3, 111 : « Alii Corybantes ab aere appellatos, quod apud Cyprum mons sit aeris ferax. » *) Cf. Heuzey, _Figurines ant. de t. c., Musée du Louvre_, 1883, p. 187 ; pl. 15, 4-6 ; cf. pl. 16 _bis_, un Attis dansant. *) Cf. supra, p. 191, n. 5. Dieterich rappelle aussi que Misé (Mida Thea), venue à Chypre dans le cycle de Cybèle, fut honorée auprès d'Aphrodite. En pays syrien, il est peu vraisemblable que Cybèle ait accompli d'importantes conquêtes. Aux limites orientales de l'Asie grecque, elle se trouvait en face de religions fortement organisées, adaptées aux besoins d'une autre race, et que le traditionalisme obstiné des Sémites rendait particulièrement exclusives. Elle-même, en leur empruntant des éléments mythiques et rituels, avait reconnu leur supériorité. Sous la poussée continue du sémitisme, la notion de la divinité avait pris le même caractère des deux côtés du Taurus. La Mère phrygienne n'aurait donc apporté aux âmes aucune satisfaction nouvelle. Il est toutefois possible que les soldats d'origine galate l'aient introduite dans certaines villes de garnison, telles que Ptolémaïs.* Depuis longtemps sans doute elle comptait des fidèles à Antioche, cité de population très mêlée, où se coudoyaient tous les cultes. On y voit encore, 'sur le flanc escarpé du mont Stavrin, de colossales figures d'Attis ; sculptées dans le rocher, près de tombes antiques, elles furent les gardiennes sacrées des morts. Ces images ne sont pas antérieures aux Séleucides et paraissent plutôt dater de l'époque romaine.* Peut-être une localité de Phénicie portait-elle le nom de Kubeleia* ; mais il n'est pas certain qu'elle en soit redevable à la déesse Cybèle. A Baalbek-Héliopolis, le petit temple rond qui se dresse au pied de l'acropole, près du fleuve, et dont le style baroque semble indiquer le 3e siècle de notre ère, n'était pas, comme on l'a pu croire, un Metrôon. La déesse qu'il abritait, vêtue à la grecque, assise entre des sphinx, n'est autre que la Vénus Héliopolitaine sous l'aspect d'Atargatis. A Sidon, vers le milieu du 2e siècle, la Dame assise sur un lion, sceptre en main, est encore une autre forme de l'Ourania syrienne. Mais, à cette date, dans les provinces sémitiques, beaucoup de déesses poliades ont revêtu les apparences mêmes de Rhéa-Cybèle. La Baalat de Ptolémaïs et celle du mont Garizim, sur le territoire de Neapolis (Naplouse), trônent désormais entre deux lions, présentent la patère et s'appuient sur le tambourin. Au temps de Néron, la dame de Gabala tenait encore le pavot et les épis ; à ses côtés, les lions ne s'étaient pas encore substitués au sphinx. Dès l'époque antonine, elle avait pris l'aspect et les attributs de la Mère des Dieux.* *) Corbulon, en 58 ap. J.-C., complète les légions syriennes avec des éléments galates et cappadociens : Tac., _Ann._ 13, 35. Il faut tenir compte aussi du rôle des marchands dans les centres commerciaux ; cf. un Metrophanès à Damas : _Rev. Et. Gr._ 17, 1904, p. 259. Le « fanaticus » signalé à Beirouth (_Eph. epigr._ 5, 21) est un dévot de Dea Syria plutôt que de Cybèle. *) Perdrizet et Fossey dans _Bull. Corr. Hell._ 1897, p. 83 ss et pl. 2. *) Cf. supra p. 367, n. 2 ; Steph. Byz., s. v. Gabala. Peut-être Byblos-Gebal, d'après Lewy, _Semit. Fremdwoerter im gr._, 1895, p. 249. *) Cf. supra, p. 190 s. Pour Baalbeck, v. cependant une Cybèle assise, tenant le tambourin, avec un lionceau couché sur ses genoux : De Villefosse et Michon, _Musée du Louvre, Catal. sommaire des marbres antiq._ 2604 ; ce serait une importation ionienne, mais la provenance est douteuse. --- Pour Sidon, v. Babclon, _Monn. grecques_ : _Phén. et Syrie_, p. 269 n° 1852, pl. 33, 7 (dite Cybèle). La Mère des Dieux figure sur un grand sarcophage de l'époque impériale, où est représentée la lutte de Marsyas et d'Apollon et qui provient de Sidon (coll. Jacobsen, Ny-Carlsberg) : Clermont-Ganneau, _Mél. d'archéol. or._ 1, 1888, p. 287 ss et pl. 14-15. Il faut rechercher une première raison de cette métamorphose dans l'influence prépondérante de la Syrie du nord. Sous cette influence, qui ne semble pas être antérieure à l'Empire, l'Atargatis de Bambykè a franchi le Liban ; elle a gagné la Phénicie et la Palestine ; elle s'y est intronisée à côté de la phénicienne Astarté. Or, tandis qu'Astarté, avant la période gréco-romaine, demandait à l'Égypte les éléments de son iconographie, Atargatis, originaire de Babylonie, était très anciennement représentée debout sur un lion.* Dès l'époque d'Alexandre le Grand, on la voit s'asseoir sur le fauve, à l'imitation de Cybèle ; au début de l'Empire, elle trônait entre deux lions, dans l'attitude ordinaire de la Mère des Dieux et avec ses attributs. C'est par son intermédiaire que les types métroaques ont pénétré jusqu'en pays samaritain. Mais ce dont il faut tenir grand compte aussi, c'est de l'extraordinaire popularité de Cybèle dans le monde romain. L'élément sémitique a subi, malgré lui, l'ascendant d'un culte partout ailleurs puissant. Cybèle imposait son type aux divinités similaires, quand elle ne pouvait usurper leur place. C'est ainsi qu'en Gaule et sur les bords du Rhin les déesses topiques, protectrices de fontaines, gardiennes du foyer et de la tombe, lui empruntèrent son image ; et le chien familier remplaça le lionceau sur les genoux de la Mère. En s'adaptant à la mode gréco-romaine, elles assuraient mieux leur propre survivance. Il en fut de même en Syrie. Lorsque les Syriens travestissent leurs Baalats en autant de Mères des Dieux, ils sont mus par le même instinct de conservation. Ils semblent accepter la religion cosmopolite de l'Empire, tandis qu'ils restent jalousement fidèles à leurs dieux nationaux. Aux yeux de Rome, ils accomplissaient un acte pieux de loyalisme.* *) Cf. Dussaud dans _Rev. archéol._, 1904, 2, pp. 229 et 240 ss. Pour les types plus récents, cf. supra, p. 190 n. 1. *) Peut-être font-ils accomplis de préférence au temps des empereurs et des impératrices-syriennes, dont l'avènement créait des liens plus sacrés encore entre Home et l'Asie. Mais déjà sur une dédicace de Délos, antérieure à l'Empire, Hadad et Atargatis sont identifiés à Zeus Pantocrator et à la Meter Mégalè : _Bull. Corr. Hell._ 6, 1882, p. 502 n° 25. ## 7\. Dans son pays d'origine, la Grande Mère avait gardé son caractère primitif, ou du moins un caractère très archaïque. Sans doute des influences multiples s'exercent encore au temps de l'Empire sur le culte phrygien. L'action du sémitisme s'est renouvelée, depuis l'époque où les Séleucides implantaient des colonies syriennes dans chaque vallée de la Phrygie.* Elle se manifeste nettement dans l'évolution dernière d'Attis, élevé au rang suprême de l'Hypsistos judaïque.* On en retrouverait d'autres traces dans le culte des triades où figure la Mère des Dieux,* dans le vocable astronomique de la Mêter Tetraprosôpos, déesse solaire des quatre saisons, dans l'attribut du sceptre, qui à Pessinonte même identifie Cybèle à une Ourania. Non moins persistante est l'influence iranienne, depuis que les Perses, devenus les maîtres du royaume de Crésus, ont importé avec eux la religion d'Anahita. « Jusqu'au dernier crépuscule du paganisme, il y eut identité complète entre l'antique Mère lydienne et l'Anaïtis des conquérants iraniens. Les inscriptions recueillies tout autour de la chaîne du Tmole nous en fournissent des preuves multiples et convaincantes. La déesse n'y est pas mentionnée seulement sous le nom d'Anaïtis, qu'avaient fait prévaloir les Perses, ou sous celui d'Artémis, dont les Grecs se servaient, ou sous celui d'Artémis Anaïtis, qui reliait les deux mythologies. On l'y voit également qualifiée de Mégalè, comme son aïeule la Grande Mère lydienne, et de Meter, accouplement d'où il résulte que la désignation la plus récente n'avait pas fait oublier la plus ancienne.* » D'autre part, le mazdéisme continue son œuvre d'assimilation entre Attis et Mithra. Ses derniers missionnaires sont quatre cents Perses, exilés par Alexandre Sévère en Phrygie, où ils reçurent des terres.* L'Égypte, dont nous pouvons suivre les rapports avec la religion phrygienne depuis l'époque hittite et qui, sous les Ptolémées, tint garnison dans une partie de l'Asie Mineure,* y dressa son Isis Mère à côté de Cybèle. Sous l'Empire, le culte isiaque prospérait dans beaucoup de villes de l'intérieur, telles qu'Apollonia et Tripolis en Carie, Philadelpheia en Lydie, Amorion, Dokimion, Dorylaion, Eumeneia. Hiérapolis, Hyrgalea, Laodikeia, Synnada en pays phrygien. Or la théologie eut toujours grande importance en Égypte. Nulle part ne se manifeste un tel effort de spéculation pour codifier les conceptions religieuses, pour en concilier les éléments hétérogènes et pour aboutir à un syncrétisme dogmatique. L'Isis ptolémaïque et romaine, divinité panthée par excellence, est le produit de cette science sacerdotale. A son contact Cybèle dut préciser, agrandir et coordonner ses attributions ; la théologie métroaque, moins érudite, se laissa nécessairement pénétrer par les doctrines savantes d'Alexandrie. *) Culte d'Atarenatis = Atargatis en Lydie : Buresch, _Aus Lydien_, p. 118. *) Sur cette influence et les suiv., cf. supra, pp. 192 et 217 ss. *) Cf. une dédicace τῷ τριτεύματι, près de Burdur : Ramsay, _Cities_, p. 337. Il y a déjà les triades de colonnes bétyliques dans la religion crétoise : Evans, _Knossos excavations_, 1902, p. 29 s. *) Radet, _Cybébé_, p. 59 s. *) Herodian. 5, 4, 6. *) Bouché-Leclercq, _Hist. des Lagides_, 1, p. 261 ; Cardinali, _Regno di Pergamo_, p. 85 (nie la présence d'une garnison égyptienne à Magnésie du Méandre, contrairement à Droysen ; bibliogr. p. 19). Drexler, _Der Isis- und Serapis Kultus in Kleinasien_ dans _Numism. Zeitschrift_ 21, pp. 1-234, 385-392. Isis dans les îles du Levant : Id. dans Roscher, _Myth. Lexik._ 2, 379-383 ; en Cilicie : _R. Et. Gr._ 1909, p. 313 ; à Priène : Wiegand u. Schrader, _Priene_, p. 332. Quant à l'hellénisme, il ne s'était introduit qu'assez tard dans les hautes vallées et dans la région des plateaux. Après Alexandre et les Attalides, les Romains contribuèrent à son expansion qui ne résista guère, vers le me siècle, à la réaction de l'esprit oriental. Le principal effet de son intervention avait été sans doute de faire progresser la conscience religieuse et de spiritualiser, par une interprétation symbolique, les idées encore grossières de la religion indigène ; à cet égard l'hellénisme complétait l'œuvre du mazdéisme. Son activité locale se révèle sous divers aspects. Dans certaines régions, surtout dans le bassin du Méandre et sur les plateaux lydiens, à une date qui peut-être ne fut pas antérieure à l'époque hellénistique, nous voyons se superposer au culte de Cybèle et d'Attis, déesse mère et dieu fils, celui de Meter Letô et d'Apollon. Dans le sanctuaire d'Atyokhôrion, le nouveau couple avait supplanté l'ancien. A Tripolis et Hiérapolis, les Letoia-Pythia étaient devenus les premiers jeux de la cité. Mais cette Letô, mère d'Apollon et d'Artémis selon la mythologie grecque, protectrice des familles et gardienne des tombes comme la Mêter des Phrygiens, n'est guère plus une Hellène qu'elle n'est une Phrygienne. Les Pamphyliens la rapprochent de leur Artémis Reine de Perga ; et il semble bien qu'elle soit une Sémite à peine grécisée, comme toutes les Artémis d'Anatolie.* Ses épithètes rituelles sont d'origine sémitique ; elle est la Bienfaisante, Eucharistos, la Puissante, Celle « qui rend possible l'impossible. » Son nom même laisse transparaître celui de la sémitique Alilât ou Al-Lât, qu'Hérodote assimile à Ourania. Elle serait donc venue par le sud, probablement par Chypre et la Pamphylie, sans doute aussi par Éphèse.* Son fils Apollon, qui passait, comme Attis, pour être l'initiateur des mystères, est ici le dieu solaire des religions orientales. Il fut associé à la Mère des Dieux, identifiée elle-même à Mêter Letô. Il aida par conséquent à la confusion d'Attis et du Soleil.* Nous constatons à Brioula (Lydie), à Stectorium, Hiérapolis, Hiéropolis (Phrygie), et dans la région des Lacs, le rapprochement de la Mère des Dieux et d'Apollon-Hélios. Dans certains centres religieux où Cybèle exerce la médecine, l'influence hellénique métamorphose Attis en Télesphoros et la déesse en une sorte d'Hygie.* Ailleurs le dieu grécisé devient simplement le Bon Génie, Agathos Daimôn.* Dans Halicarnasse et Aphrodisias, un lien étroit unit la Mère anatolienne à l'hellénique Déméter. Sur le territoire de Kibyra, le groupe gréco-phrygien de Déméter et Saoazos a remplacé dans un temple le groupe primitif de la Mère et du Fils ; c'est par assimilation à Déméter que Cybèle, en cette ville, pose une corbeille sur sa tête et porte un flambeau.* Dans les districts agricoles d'Acmonia, Dokimion, Eucarpia et Ococlia, en Phrygie, de Colbasa en Pisidie, l'attribut des épis lui vient peut-être à la fois de Déméter, d'Atargatis et d'Anaïtis. De Sardes à Cyzique, la primitive Kybébè-Dindyménè eut pour tardif avatar une Korè Anikétos Ourania dont les vocables révèlent et symbolisent la triple influence de l'hellénisme, de l'iranisme et du sémitisme syrien.* *) Elle est Artémis Leto. *) Ramsay, _Cities_, p. 89 ss, 130 ss, 154 s. *) Le couple de Meter Letô et Hélios Apollon (à Atyokhôrion, Ramsay, _Cities_, p. 146) est évidemment proche parent du couple Meter-Attis. *) A Hiérapolis : Mionnet 4, p. 298 s, n°s 588, 597. Par contre, à Samos, 3, p. 297 n° 267, Asklepios, Hygia et Telesphoros dans le costume d'Attis ; cf. _J. of Hell. St._ 3, 1882, p. 297 ; _Num. Chronicle_, 1882, p. 285 n° 28, pl. 6, 12. Telesphoros paraît être venu de Pergame en Phrygie, mais n'est pas un dieu grec. Sur son origine septentrionale, peut-être thraco-illyrienne, v. S. Reinach dans _R. Et. Gr._ 14, 1901, p. 343 ss. *) Inscr. d'Eumeneia ; v. p. 359, n. 3. *) La déesse n'est pas Demeter puisqu'elle est dans un bige de lions. Temple de Demeter et Saoazos (= fils de la Meter, Strab. 10, 3, 15) ; Ramsay, _Cities_, p. 272. Confusion des deux déesses dans Euripid., _Helen._ 1301 ss, et dans les _Orphica_, fr. 106 éd. Abel. Une prêtresse de Demeter, puis delà Dindyménè : _Anth. Gr._ 7, 728 ; _R. Et. Gr._ 20, 1907, p. 324 ; --- de Meter Plakianè et de Coré : _Ath. Mitt._, 7, p. 156 ; --- de Demeter et de la Grande Mère de Pessinonte : Julian., _Ep._ 21. *) Radet dans _R. Et. Anc._ 13, 1911, p. 78 : ex-voto, à Chios. Enfin Rome, en favorisant le culte augustal qui prit naissance en Asie Mineure, asservit à son profit les instincts religieux du pays et détermine une certaine altération des cultes indigènes. Les empereurs et les membres de leur « Maison Divine » sont associés ou mieux encore assimilés aux grandes divinités nationales. La Mère des Dieux s'incarne dans les Mères des Césars. Déjà Livie et Tibère, à Tibériopolis de Phrygie, sont identifiés à Cybèle et Attis ; à Cos, à Eumeneia, Agrippine est devenue la Sébaste Rhéa. Les anciens dieux subviennent de leur trésor, pourtant bien diminué, à la fondation et à l'entretien du culte des dieux nouveaux.* Les archiprêtres de ceux-ci deviennent des métropolites qui surveillent et dirigent le clergé de ceux-là.* Dans les principaux centres de la religion métroaque, comme Cyzique et Smyrne, dans les centres de domaines impériaux, telles les cités des Limitai, cette religion est étroitement associée au culte des empereurs.* Nous avons vu d'autre part comment se survit à lui-même le sacerdoce suprême de Pessinonte. L'Empire a réparti ce bénéfice ecclésiastique entre une dizaine d'Attis qui se recrutent de préférence parmi les hauts dignitaires du culte impérial de Galatie. Des officiers et des fonctionnaires romains en retraite sont les successeurs du prêtre-roi. *) A Éphèse, p. 110., où l'Augusteum est bâti dans le temenos d'Artémis ; le mur de clôture des deux sanctuaires fut élevé aux frais du trésor de la déesse. En général, cf. Chapot, _Province d'Asie_, p. 425 ss. *) La direction effective des cultes ne leur a été officiellement attribuée que sous Julien ; mais dès l'organisation du culte provincial des Augustes, ils jouissent d'une sorte de privilège primatial. *) Cf. supra, p. 374 n. 6. Les Xenoi Tekmoreioi (p. 381 n. 2), consacrent une part du produit des cotisations à l'achat d'objets pour le culte impérial. Mais, d'une façon générale, les plus antiques traditions de la religion métroaque, celles que les conquérants Phrygiens ont héritée des peuplades indigènes, demeurent vivaces et peu déformées. Pour nous ramener vers les origines de ce culte essentiellement naturaliste, l'Anatolie n'offre pas seulement le spectacle des pratiques sauvages qu'elle a fini par imposer à la civilisation romaine. Sa déesse-mère n'est à proprement parler ni la Mère des Dieux telle que l'ont conçue les Grecs, ni une Mère universelle selon les spéculations des théologiens. Elle est restée par excellence une divinité topique. Elle est la Dame d'un lieu déterminé, où elle réside en personne et où s'exerce efficacement sa puissance. Sur presque toutes les dédicaces de l'époque romaine, elle continue de porter une épithète locale, qui a une valeur rituelle. Tantôt le vocable reproduit le nom de la ville ou du village qui possède le Metrôon. Tantôt la Dame a conservé le nom de la montagne d'où elle est descendue vers les cités voisines. On l'appelle la Dindyménè, l'Idaia, la Lobrinè, l'Aspordénè, A Smyrne et à Magnésie, que dominent les deux versants opposés du Sipyle, elle est toujours la Sipylénè. Nous retrouvons aussi l'ancien vocable de Meter Oreia, Notre-Dame des Monts. Car elle reste comme autrefois souveraine des hauts lieux, où se perpétue la coutume des processions et des saintes panégyries. Sur les sommets, subsistent presque partout les temples primitifs : enceintes rustiques, autels de pierres brutes, bétyles, icônes et trônes grossièrement taillés dans le roc.* Le culte de la Mêter Agdistis, qui se manifeste encore à Eumeneia, Cyzique, Iconion et dans d'autres localités,* s'y rattache peut-être au culte d'un rocher sacré, l'Agdos, comme à Pessinonte. D'autre part, les colonnes ou piliers qui s'érigent près de la Mêter, bétyles modernisés, dans ses temples de Smyrne, de Metropolis d'Ionie, d'Orthosia de Carie, rappellent que jadis la divinité résidait dans des piliers aniconiques.* *) V. supra, p. 9 n. 4 (Lycaonie et Cappadoce), p. 15 n. 6 (Phrygie), p. 383 n. 7 (Isaurie) ; cf. p. 328 n. 1. Au sommet de l'Ida, il n'y a que les deux bômoi de Zeus et de la Meter. Sur le Dindyme de Cyzique, vieil autel en cailloux, sorte de cairn : Apoll. Rh. 1, 1123. Meter rupestre du Sipyle. *) Relief votif provenant de la côte mysienne : _Arch. ep. Mitt._ 8, 1884, p. 198. Sur ce nom : Ramsay dans _J. of Hell. St._ 3, 1882, p. 56 ; Kretschmer, _Einleitung in die Gesch. der gr. Sprache_, p. 194 ; Hepding, p. 105. *) Mionnet 3, p. 225 n° 1261 (le cippe porte un Eros) ; p. 159, n°s 708 et 710 (Cybèle assise, la g. sur le tympanon, la dr. étendue vers une petite colonne, cf. un naiskos en bronze, provenant de Thessalonique) ; _Suppl._ 6, p. 533 n° 471 (Cybèle ? le cippe porte une Astarté ? ). --- De même en Cilicie, à Mallos, bétyle (Babelon, _Traité_ 2, 1, p. 559, n°s 910, 912 ; 2, 2, p. 867 s, n°s 1385-89), remplacé par une Aphrodite accoudée sur un cippe (_ibid._, 2, 2, p., 882 n° 1410). --- Cf. près de la Meter crétoise debout sur un roc, les colonnes sacrées qui portent les cornes de consécration (= bucrânes du culte phrygien) : Evans, _op. l._, p. 28 fig. 9 ; sur un cachet-cylindre de type cypro-mycénien, déesse assise, la g. tenant un oiseau, la dr. posée sur un pilier derrière lequel rampe un lion : Evans, _Mycenaean tree and pillar cult_, p. 68. La Dame des montagnes est également la Dame des cavernes qui se creusent à leurs flancs. Parmi celles qui lui sont consacrées, il en est de célèbres : telles la grotte d'Hiérapolis, où les Galles peuvent seuls pénétrer sans danger de mort ; la grotte de Synnada, dans un marbre dont les taches rouges passent pour être le sang d'Attis* ; la grotte d'Andeira, qui se prolonge jusqu'à Palaia et où la Déesse Pure présente un caractère particulièrement funéraire ; sur le territoire de Cyzique, les Thalamai ou Chambres du Lobrinos, où les Galles déposent les reliques de leur virilité ; près d'Aizanoi, l'antre Steunos, qui renferme sous ses hautes voûtes une statue très vénérée delà Mère. Sous l'Empire, ces sanctuaires souterrains n'ont jamais cessé d'être fréquentés. A une douzaine de kilomètres d'Hiérapolis, dans une gorge sauvage, s'ouvre une large caverne dont les parois furent incisées de pieux graffites ; on y lit une dédicace de Flavianus Menogénes à la déesse Bienfaisante.* *) Stat., _Silv._ 1, 5, 38. *) Ramsay, _Cities_, p. 89. Celle-ci est en même temps la Dame des sources qui naissent dans les montagnes, s'épanouissent en nappes sur les hauts plateaux et alimentent les rivières des vallées. Sur le Dindyme de Cyzique, pendant le sacrifice que lui offraient les Argonautes, elle avait fait jaillir la source de Jason. Le culte préhistorique des eaux a laissé des traditions nombreuses dans le culte anatolien de la Grande Mère. On va célébrer des orgies annuelles vers des cours d'eau ou des étangs sacrés ; ces solennités passèrent en Occident avec le rite de la Lavation. Comme aux temps lointains où prospérait le sanctuaire de Boghaz-Koï (Pteria), plus d'un Metrôon se dresse à proximité d'une source abondante, près d'un étang, au bord d'un lac. A Nicée, sur le lac Ascania, à Synaos et Milétopolis, sur les lacs de même nom, à Keretapa, sur le lac Aulindenos, à Limnobria sur un autre lac Ascania, dans Apamée, la cité des eaux, à Hiérapolis, renommée pour ses fontaines pétrifiantes, il y a corrélation certaine entre les attributions de la Mêter et le site de la ville.* Déesse de salut, dispensatrice de santé, elle tient plus spécialement sous son empire les sources qui guérissent. C'est à ce titre aussi qu'on l'adore dans Alia, Apamée, Attouda, Clazomènes, Dorylaion, Hiérapolis, Laodicée, les deux Magnésies, Nysa et Tralles, Philadelphie, Prusa, Tarse, qui possèdent des eaux thermales et minérales* ; ses prêtres y pratiquaient sans doute la médecine. *) Artémis et Anaïtis sont également les Dames des lacs ; cf. l'Artémis Coloéné et celle des Limnai. Pline, _H. N._ 16, 157, signale dans la province d'Asie un lacus Anaïticus ; cf. Ramsay, _Cities_, p. 231. *) Liste des eaux thermales d'Anatolie dans Athenaios, 2, 17, p. 43 (cf. Ramsay, _H. Geogr._, p. 164). Lydus, _De ostentis_ 53, p. 188 B, parle de celles d'Hiérapolis, Laodicée et Philadelphie ; Strabon 14, 1, 36, de celles de Clazomènes, et 14, 5, 12, des eaux froides et âcres de Tarse, « utilisées contre l'engorgement des bestiaux et des hommes. » Sur les eaux thermales d'Apamée, v. Ramsay, _Cities_, p. 401 ss ; d'Attouda et Caroura, p. 170. Son culte reste lié de même à celui des arbres et des plantes. Dendrophorie du pin et rites pour le succès des moissons et des vendanges en sont l'universel témoignage. Dans les légendes métroaques de l'Anatolie, l'arbre occupe autant de place, sinon plus, que la pierre et l'eau. Attis n'y joue pas seul le rôle d'Esprit de l'arbre. Mida la phrygienne, mère mythique du roi Midas, considérée tantôt comme nymphe de Cybèle, tantôt comme Cybèle même, passait pour être dryade.* Beaucoup d'autels sont dédiés au pied d'arbres sacrés, pins, chênes, cyprès,* qui portent, à l'instar des statues cultuelles, les attributs symboliques de la divinité. Sous les Antonins, les gens d'Aphrodisias et de Myra rendent encore hommage à un arbre qui, dans son feuillage, abrite la déesse-mère. A Cyzique, la plus ancienne icône de la Dindymène était un xoanon, taillé dans un cep de vigne ; et l'« hiéron » renfermait un bosquet de chênes. Sur ses effigies de l'époque impériale, la Dame tient en main un rameau, souvenir atténué, mais persistant, d'un âge où l'arbre était dieu.* *) Plut., _Caes._ 9 ; cf. Dieterich dans _Philologus_ 52, 1894, p. 8. *) Sur l'ex-voto du Galle Sôtéridés, à Cyzique, l'aulel est près d'un chêne où sont suspendues des cymbales. Monnaies de Smyrne au type de Cybèle : ℞ Lion dans une couronne de chêne. « Le chêne était consacré à Rhéa, selon Apollodore, dans son livre 3 sur les dieux » ; Schol. ad Apollon. Rh., _Argon._ 1124. En Crète, à Knossos, bois de cyprès : Diod. Sic. 5, 66. *) Mionnet, _Suppl._ 5, p. 331 n° 318 ; Milani, _Studi e mater_, 1, p. 53. Dans de nombreuses localités, surtout au centre de la Phrygie, restée peu accessible à la civilisation grecque, un traditionalisme puissant a maintenu les types les plus archaïques de l'iconographie. Attouda, Cotiaion, Dionysopolis, Dokimeion, Eucarpia, Laodikeia du Lycos, Temenothyrai, Trapezopolis, adorent encore une Grande Mère debout, dont les mains se posent sur la tête des lions.* Il en est de même en Pisidie, à Lysinia ; en Lycaonie, à Iconion ; en Lydie, à Brioula, Magnésie du Sipyle et Nicaia des Kilbiens ; en Ionie, à Phocée et à Clazomènes ; en Mysie, à Milétopolis et Hadrianoi. C'est seulement au siècle des Sévères que le modèle cosmopolite de la déesse commence à remplacer l'autre image. Or celle-ci perpétuait le prototype de la Matar Kubilè phrygienne, telle qu'elle figure avec son nom sur les rochers d'Arslankaia et d'Arslantasch, de la Kybébé lydienne, telle que les marchands ioniens des 7e et 6e siècles l'emportèrent dans les îles, en Grèce et jusqu'en Etrurie. Les progrès de l'anthropomorphisme et de l'art ont fait disparaître les ailes de cette Kybébé, empruntées à l'Asie orientale. Mais la déesse mère a gardé l'attitude dressée, qui déjà la caractérise dans la religion minoenne, et le geste protecteur qui convient à la souveraine des fauves. Dans un sanctuaire de Philadelphie, elle est encore debout sur le lion,* comme les divinités assyrio-chaldéennes et comme la plus ancienne Astarté de Phénicie. La même cité vénère aussi une Mêter Matuênè qui est assise, et qui porte sur ses genoux un lionceau ou un agneau : ce type, qui paraît être d'origine babylonienne,* est surtout fréquent en Ionie, où il fut en vogue à partir du 6e siècle.* Nous voyons d'autre part que, dans le bassin oriental de la Méditerranée, les primitives déesses mères sont les dames aux serpents et aux colombes, en même temps que les dames aux lions. C'est sous ce triple aspect qu'elles se manifestent dans l'art crétois et cypro-mycénien. Le serpent se retrouve encore dans le culte métroaque de l'Anatolie romaine à Téménothyrai, et surtout au sud du Méandre, à Kidramos, Hiérapolis, Aphrodisias, Myra, Tityassos.* *) Cf. l'Artémis méonienne : Radet dans _Cybébé_ pl. 5. *) Babelon, _C. W._ 5128 et pl. 14, 16. Transformation du type à Éphèse et Smyrne : Cybèle assise, les pieds sur un lion accroupi : Conze dans _Arch. Zeit._ 1880, p. 3 M et pl. 3, 2 (musée de Berlin) ; Collignon, _Bull. Soc. Antiquaires_, 1900, p. 179. --- Déesse-mère nue de la civilisation égéenne posant les bras sur la tête de deux lions et les pieds sur le corps d'un autre lion : Milani, _l. c._, pl. 1, 7 (scudi dell' antro ideo cretese, B). *) A Babylone, la grande déesse, dite Rhéa, est assise sur un char et porte deux lions sur ses genoux : Diod. Sic. 2, 9, 5. *) V. à Smyrne, Kymè, Myrina, Éphèse, et dans l'île de Cos. *) Pour Hiérapolis, cf. le miracle de l'apôtre Philippe : _Anal. Bolland._ 8, p. 289. Ajouter en Lydie le médaillon que j'ai publié dans les _Mélanges Perrot_, 1903, p. 141 ss. Rapprocher de cette Meter et de celle de Temenothyrai l'Artémis méonienne, supra, p. 396 n. 4 ; elle est entourée de serpents. De même, en Grèce, v. S. Reinach, _L'Artémis arcadienne et la déesse aux serpents_, dans _Bull. Corr. Hell._, 1906, pp. 150-160. [Planche 10. --- _Monnaies d'Asie Mineure au type de Cybèle._ --- 1. Ac monia (Julia Domna). --- 2. Metropolis de Phrygie (Trajan Dèce). --- Cotiaion (Valérien père). --- 4. Pessinonte (2e-1er siècle avant J.-C.). --- 5. Attonda (M. Aurèle et L. Verus). --- 6. Cremna (Lucille) ; Mida Dea. --- 7. Kibyra (Heliogabal). --- 8. Dokimion (Macrineus). --- 9. Aizanoi (Commode). --- 10. Lysinia (Caracalla). --- 11. Cyzique. --- 12. Colbasa (Julia Domna).](https://cdn.solaranamnesis.com/HenriGraillot/10.jpeg) Souvent aux côtés de la Dame figure Hermès Evaggelos et Psychopompe,* comme sur les stèles ioniennes et mysiennes de la période hellénique, comme déjà, ce semble, sur un rocher voisin du tombeau de Midas.* D'autres fois elle apparaît entourée de deux ou de trois Corybantes, dieux guerriers devenus ses ministres ; ce motif, qui a passé de bonne heure à Rome, s'était répandu principalement en Mysie, sous l'influence de Cyzique, de Pergame et du culte idéen.* Certains groupements ont un caractère beaucoup plus topique. A Smyrne subsiste l'intimité de la Sipylène et des Némésis locales* ; Némésis elle-même s'était identifiée à la Mêter Adrasteia, dont les Orphiques avaient fait, par une étymologie savante, la personnification de la Fatalité. A Clazomènes et Phocée, la déesse conserve ses deux hypostases de Mère des dieux et de Tyché poliade. Toutes deux tenant la patère et le tympanon* se ressemblent sans se confondre ; on continue à les représenter face à face. A Cotiaion, Attouda, Dorylaion, Mézea, il semble que Cybèle reste inséparable d'Héraclès, son compagnon mythique, dieu lion qui a conservé dans ses attributs la peau de lion, dieu solaire, dieu invincible, associé aussi parles Bithyniens à leur Pappas.* Dans la région de Téménothyrai et d'Acmonia, un cavalier parfois escorte la Dame ; ou plutôt son image est gravée au-dessus d'elle, dans le fronton, dont l'abside devient comme un symbole du firmament. C'est le grand dieu du district, Manès Daès, grécisé en Mên Ouranios ou Zeus Héliodromos, le soleil dans sa course.* Les habitants de Nacoleia, au 2e siècle de notre ère, adorent encore Pappas sous l'aspect d'un dieu androgyne.* *) Stèles de Temenothyrai, Calymnos, Bryllium-Caesarea. *) Dieu au caducée : Ramsay dans _J. of Hell. St._ 3, 1883, p. 10 fig. 3. *) Sur le caractère idéen et mysien de ces dieux, cf. le Seamandre, fils de Corybas, dans Ps. Plut., _De flum._ 13 ; Corybanteon et Corybissa, localités de Troade, inhabitées au temps de Strabon. 10, 3, 21. A Pergame, les dédicaces à Meter Basileia ont été trouvées avec une dédicace aux Corybantes. *) Cf. supra, p. 204, n. 10 ; ajouter Mionnet 3, p. 205 ss, n°s 1107 s (lion de Cybèle, griffon de Ném.), 1309-10 (griffon et lion), 1438-39 (Meter debout, en face de deux Némésis debout). *) Thea Clazoménè debout, entre deux lions : Mionnet 3, p. 69 ss, n°s 73, 90, 91, _etc._ ; Suppl. 6, p. 90 n° 68 ; Babelon, _C. W._ 1472, 1475 ; --- assise, un tympanon sous ses pieds, son nom en exergue : Mionnet 3, 89 (faussement dénommée Cybèle) ; assise, tenant dans la dr. une figurine de Cybèle ? _ibid._, 102. --- Tychè des Phocéens debout, patère dans la dr., tympanon dans la g., en face de Cybèle debout, mêmes attributs, un ou deux lions à ses pieds : _ibid._, 845, 864, 867, 876 ; _Suppl._ 6, 1336, 1346-49, 1352. *) _CIG._ 3817. A Nicée, Kios, Héracleia, Héraclès est le dieu fondateur. *) Supra, p. 359 n. 8 ; Ramsay, _Cities_, p. 566 n° 467 B, et p. 627. *) Ramsay dans _J. of Hell. St._ 5, 1884, pp. 257 n° 8, et 260 n° 12 = Hepding, _Attis_, p. 78, n°s 3 et 4. On ne sacrifie point partout à Cybèle et Attis les mêmes victimes. A cet égard les anciens règlements des temples ont été respectés. Si nous voyons immoler à la Dindyménè de Cyzique le bélier et le taureau, la Matuénè de Philadelphie réclame des agneaux ; et dans un autre Metrôon de cette ville on offrait peut-être des cerfs ou des biches, comme dans les temples d'Artémis et d'Anaïtis. A Cos, la victime est une brebis enceinte et sans tache, à Théra un bœuf, à Telmessos ou Halicarnasse une chèvre.* Dans les sacrifices non sanglants et dans les initiations, le rôle de l'orge est très important. C'était l'une des principales productions des plateaux phrygiens et de la Galatie. Le pain bénit, dont se nourrissaient les mystes à certaines périodes de l'année et dont la fabrication fut l'une des spécialités d'Ancyre, semble avoir été un pain d'orge.* *) Cf. sur un médaillon lydien, lion de Cybèle écrasant une tête de cerf : _Mél. Perrot_, p. 141. Sacrifices de chèvres sauvages en Crète (grotte de Dicté) : Evans, _Mycen. Tree_, p. 83. *) « Divinum panem, » est-il dit dans l'_Expositio tolius mundi_ écrite entre 351 et 358 ; v. A. J. Reinach, _Le pain galale_, dans _Rev. Celtique_, 1907, p. 225 ss. Avec ces traditions a survécu l'ancienne organisation du clergé et des confréries. Rome, en adoptant le rite phrygien, avait dû se conformer aux principes essentiels de cette organisation. Mais dans les pays d'Occident le personnel de la Dame se réduisait en général aux éléments indispensables. En Asie Mineure il reste fort nombreux. Tout Metrôon de quelque importance renferme un monde hiérarchisé de prêtres et de prêtresses, de ministres subalternes, de musiciens et d'hiérodules des deux sexes. C'est ainsi que la Plakianè entretient à son service, non seulement un collège de prêtresses proprement dites, mais encore plusieurs catégories d hiéropes. Un groupe de femmes est spécialement chargé du soin des parures. Un autre, celui des hiéropes que l'on nomme les Maritimes, a sans doute pour fonction de la baigner à dates fixes sur la plage ou d'accomplir avec de l'eau de mer certains rites à l'intérieur du sanctuaire.* Les Galles, qui nous apparaissent en Occident, au moins jusqu'au 3e siècle, comme des moines mendiants sans titre officiel ni poste fixe, constituent près des principaux temples d'Anatolie de véritables couvents. A Hiérapolis, ils forment en même temps un corps médical, où se perpétue un enseignement. Quant aux confréries, si importantes dans la vie religieuse de l'Orient, elles sont très nombreuses et très variées. Les unes ont des attributions spéciales : tels les Compagnons Danseurs de Cotiaion, les Acrobates d'Éphèse et de Magnésie du Méandre, les Corybantes. Tout à fait distincts des Galles, ces Corybantes sont des adolescents recrutés parmi les meilleures familles de la cité. Tantôt casqués, armés du glaive et du bouclier, tantôt porteurs de rameaux verts et d'un tambourin, ils font cortège à la Souveraine et dansent devant elle. Ce sont ses diacres et sa garde d'honneur.* Les autres confréries réunissent l'ensemble des dévots qui veulent s'astreindre à des pratiques spéciales,* ou qui ont reçu les divers sacrements d'initiation, ou qui entretiennent le culte d'une Mère topique, comme le collège de la Tolypianè à Cyzique. Elles portent parfois, comme les précédentes, une dénomination théophore. A Pessinonte, les « symmystes des mystères de la déesse » s'intitulent Attabokaoi. Peut-être faut-il traduire par Bouviers d'Attis ; ils seraient analogues aux Boucoloi de Dionysos. Mais ordinairement on se contente de les désigner sous leur nom générique de synodes ou de thiases.* On tend aussi, mais plus rarement, à les confondre avec l'ancien groupement familial des phratries grecques.* Les thiases conservaient leur régime antérieur, avec la multiplicité de leurs charges et de leurs dignités.* Ils restaient fidèles aux coutumes helléniques : un thiase de Kios, pour témoigner sa gratitude envers un certain M. Caecilius, son bienfaiteur, a décrété l'éloge public et la couronne d'olivier. C'est également par tradition que toutes ces confréries ne manifestent guère leur activité en dehors du temple et se confinent dans leurs attributions pieuses. Rome, si timorée chaque fois qu'il s'agit d'une association d'Orientaux, et qui redoute toujours de la voir dégénérer en hétærie politique, n'avait pas eu besoin de modifier les règlements établis. Il lui suffisait d'exercer un contrôle sévère. Les Dendrophores n'ont jamais eu d'autre rôle en Orient, avant comme après la conquête romaine, que de porter l'arbre d'Attis. *) _CIG._ 3657 (début de la période romaine). Galles à Cyzique, 3658. *) Strab. 10, 3, 7 (cf. 12 et 15) : les Cor. sont des diaeres ; 21 : ce sont des jeunes gens, ἠίθεοι καὶ κόροι. Apoll. Rh. 1, 1134 ss, signale cette danse de νέοι à Cyzique ; ils figurent auprès de la déesse sur un médaillon de cette ville au type de Commode ; l'un d'eux est casqué, les deux autres sont tête nue ( ? ) et tiennent plutôt un tambourin. Des confréries de fanatiques portaient aussi ce nom théophore : Lucian., _Deor. Dial._ 12. *) Ἁνγίστη (ἀγιστεία) par un synode bithynien : Poland, _op. l._, p. 573, B 418 _a_. Sur la survivance des anciennes pratiques, cf. une inscr. de Tralles, 2e s. après J.-C. : Ramsay, _Cities_, p. 95 ; dans certaines familles vouées au culte d'Artémis, ascétisme (pieds non lavés) et prostitution sacrée. *) Οἱ συναγόμενοι εἰς τὸν μητρῳακὸν θίασον, à Kios. On emploie aussi le terme plus général de « Koinon, » cf. Poland, _op. l._, pp. 565, 567, B 273 et 312. *) Cf. la phratrie des gens de Salouda et de Mélokomé, p. 362. *) Cf. sur la côte européenne de la mer Noire, à Tomi, une confrérie de Dendrophores avec pères, prêtres, archidendrophores, archirabdouques, archirabdouquesses _etc._, en 210 ou 211 : _Arch. ep. Mitt._ 11, 1887, p. 44 ss ; Poland, p. 557, B 105. Dans tout pays les traditions funéraires sont étroitement liées aux traditions religieuses. Sur les plateaux de Phrygie et de Lycaonie, dans les montagnes de Pisidie, de Lycie et d'Isaurie, elles sont demeurées intactes. Le Phrygien qui croit en Zeus, Cybèle et Attis, croit aussi que l'âme est immortelle, qu'elle retourne auprès de sa Mère divine, et qu'elle participe elle-même à la divinité. Il rend donc à ses morts un culte, dans toute l'acception du mot ; et ce culte est inséparable de celui des grands dieux. Les sépulcres sont des sanctuaires. Ceux qui se creusent au flanc des rochers et des falaises affectent l'aspect de chapelles, parce qu'ils sont en effet de petits temples. Le plus souvent il y a simplification du « hiéron. » Mais deux éléments sont indispensables : la porte, qui ouvre la communication avec l'autre monde et qui est en général, comme au tombeau de Midas, simulée sur un bloc de pierre ou de marbre ; le pilier-autel où l'on dépose les offrandes.* Le portrait du défunt ne figure pas sur ces monuments ; car, à vrai dire, sa personnalité secondaire s'efface devant celle des Tout-Puissants ou s'absorbe en elle. Mais au-dessus de la porte, dans le fronton, il n'est pas rare que l'on fasse graver, sculpter ou peindre l'effigie de la Dame aux lions. On la représente debout ou assise, selon le type de sa statue cultuelle, ou simplement en buste. Fréquemment elle est remplacée par son lion, comme Zeus l'est par son aigle.* Le vieux lion totémique, dont la crinière manifeste parfois les apparences d'une gloire solaire, ne garde pas toujours l'attitude reposée qu'il a prise aux pieds de sa souveraine. Il est aussi le tauroctone, dans les diverses phases de sa victoire. Déjà dans une sépulture à inhumation du 8e siècle, à Gordion, on a découvert le motif du lion dévorant un animal, dont il broie la tête entre ses crocs.* Sur les tombeaux de l'époque romaine, tantôt nous le voyons terrasser sa proie et la tenir mutilée sous ses griffes ; tantôt la tête seule du taureau subsiste, comme un trophée, et le fauve la piétine ou la serre entre ses pattes de devant.* Si commun est le lion de Cybèle sur les tombes phrygiennes, que son nom était devenu synonyme de monument sépulcral.* Les mêmes formules, comme les mêmes simulacres, décorent la pierre funéraire et la stèle votive. L'épitaphe est en même temps une dédicace au mort et à la Dame des morts.* Mais dans de telles invocations, n'y a-t-il pas implicitement comme un appel à la Mère de justice et de bonté pour qu elle reçoive le défunt parmi les élus et les saints de son royaume ? Ce type de prière païenne aux morts semble contenir en germe la prière chrétienne pour les morts. Enfin les tombeaux ne s'alignent pas toujours le long des routes qui sortent de la ville, selon la coutume gréco-romaine. Ils se groupent plus volontiers auprès ou autour d'un sanctuaire, comme les cimetières chrétiens à l'ombre d'une église. Dans le voisinage de la statue rupestre de la Sipylénè, la montagne est toute percée de sépultures. On a pu constater le maintien de cette tradition à Nacoleia et à Nea Isaura,* qui sont à deux extrémités opposées de la Phrygie. *) Ramsay, _Sepulchral Customs in Phrygia_, dans _J. of Hell. St._ 1884 ; _Cities_, pp. 98-101, 395 (ex. à Eumeneia) ; _Studies_, 1906, chap. 1 (Isaurie et Lycaonie) et pp. 270-8 (the tomb as a sanctuary in Phrygia) ; Koerte, _Kleinasiat. Studien_ 6, dans _Ath. Mitt._ 25, 1900, pp. 398-442 (ex. à Dorylaion, Aizanoi, Nacoleia, Pessinonte, au Mourad-Dagh, l'ancien Dindymos) ; Michon, _Stèles funéraires phrygiennes_ dans _Mém. Soc. Antiquaires_, 1907, p. 29 ss : six stèles présentant la porte, acquises par le Louvre et provenant de Gun-Keui, sur le Mourad-Dagh. *) Meter et lion : Ramsay, _Studies_, p. 78 fig. 48 (dans le fronton, étoile). --- Meter ; à droite la défunte ( ? ) déifiée, représentant en plus petit le type de la déesse ; à gauche lion ; fig. 49. --- Buste de la Meter et lion, fig. 50. --- Buste de Meter, fig. 51, 52. --- Tète de la M., fig. 55. --- Lion seul, fig. 54. *) G. et A. Koerte, _Gordion_, 1904, pl. 5 et p. 69 ; cf. S. Reinach dans _R. archéol._ 1904, 2, pp. 120 et 123. *) Ex. dans la vallée phrygienne d'Altyntach : _Bull. Corr. Hell._ 33, 1909, pp. 286 et 323 ; à Cotiaion : Lebas-Wadd. 5, n°s 797, 803, 823 ; à Trajanopolis, 714 ; à Temnos, 1530 ; en Lydie, _Mél. Perrot_, _l. c._ Ce motif funéraire s'est propagé dans les provinces orientales de l'Europe, dans la vallée du Rhin, dans le nord de l'Italie. Il était devenu un élément du symbolisme astrologique. Le lion est le symbole zodiacal de l'été, le taureau celui du printemps. Les ardeurs de l'été tuent l'énergie printanière. *) Sterrett, _op. l._ 153, 154 ; Ramsay, _Studies_, p. 278. Ce mot n'a rien à voir ici avec les mystères de Mithra, comme le croit Rohde, _Psyche_, p. 679. *) La divinité n'est pas nécessairement nommée, surtout quand son image ou son lion est sur la tombe. Mais la formule complète est : « un tel à un tel et à Zeus (Pappas), prière. » L'invocation au Père Tout-Puissant plutôt qu'à la déesse, semble révéler l'influence judéo-chrétienne. On rencontre même la dédicace : [une telle] à son enfant, dieu (_J. of Hell. St._ 1899, p. 127, Galatie). *) _J. of Hell. St._ 1884, p. 257 (dans le cimetière de Nac., les dédicaces sont faites à Zeus Pappas) ; 1905, p. 164. Ramsay, _St._, p. 274 s, signale aussi la même coutume au lac Coloé, près de Sardes, et à Dorylaion (déd. à Zeus Brontôn, à la fois céleste et chthonien, comme Cybèle et Attis). ## 8\. L'Asie Mineure était préparée par son éducation religieuse à bien accueillir le christianisme. Mais dès le début elle l'achemine vers l'hérésie. Les altérations qu'il subit dans la patrie de Cybèle et d'Attis prouvent une fois de plus l'originalité puissante de la religion indigène et sa force de résistance. Saint Paul y fut l'initiateur des nouveaux mystères. Né h Tarse et rentré dans son pays d'origine, cofondateur de l'église d'Antioche qui devint un centre actif de propagande évangélique, il avait au cours de trois missions parcouru l'Anatolie presque tout entière. Entre les années 45 et 55, il avait semé son grain dans les domaines de la Meter Ziziméné, dans la région des Lacs, dans le haut bassin du Sangarios, dans les vallées du Lycos et du Méandre, au pied du Sipyle, au pied de l'Ida. Il avait passé trois ans à Éphèse, de 55 à 57. Nous connaissons quelques-unes des premières communautés chrétiennes de la province d'Asie. Les lettres de Paul citent les églises de Colosses, de Laodicée et d'Hiérapolis. L'Apocalypse porte mention de celles de Smyrne, de Sardes, de Philadelphie, de Thyateira, de Pergame. Enfin saint Ignace, dans sa correspondance, signale celles de Tralles et de Magnésie du Méandre. Au début du 2e siècle, le gouverneur de Bithynie se plaint à Trajan de cette contagion superstitieuse « qui envahit les villes, les bourgs et les champs, et fait le vide autour des temples.* » Or, du vivant même de saint Paul, un dogmatisme tout spécial s'édifiait déjà sur la base évangélique. Écrivant aux Colossiens, l'apôtre les met en garde contre « un système de sévérité envers la chair » qui n'a que « les apparences de la sagesse » et qui est « superstition. » Il les exhorte aussi à ne se laisser point « maîtriser » par les gens « qui s'adonnent à des visions. » Ce christianisme phrygien prenait le caractère ascétique et prophétique de la religion des Galles. Il engendre des sectes nombreuses, diverses de nom et d'observance, mais qui toutes pratiquent l'encratisme doctrinal. Ici l'abstinence n'est ni individuelle ni temporaire ; tout chrétien doit, pour son salut, être un ascète. Les premiers commandements de l'église encratiste interdisent comme impurs les rapports sexuels et certains aliments, tels que viande et vin. Les Apotactites ou Renonçants vont jusqu'à refuser le salut à tous les gens mariés. L'état de sainteté par excellence est le célibat, comme chez les disciples d'Attis l'eunuchisme. La confusion même qui se produit entre les deux vocables révèle l'influence directe de l'ancienne mystique phrygienne. On glorifie un prêtre, un évêque, du titre de saint eunuque.* Il est possible que certains fanatiques en soient arrivés à la castration. D'autre part la secte des Massaliens ne vit que d'aumônes, ainsi que les Métragyrtes. L'ascèse invite à l'extase ; et l'extase favorise la révélation. L'Asie Mineure reste, avec les chrétiens, la terre du prophétisme. Il y joue en effet un grand rôle dans la vie des communautés primitives. Les dévots du Christ ont leurs illuminés, leurs convulsionnaires qui vaticinent, comme les Galles, en exécutant des bonds et des danses, leurs Pneumatiques ou Spirituels, « lyres que l'archet de l'esprit fait chanter, » disait l'hérésiarque Montanos.* Ce sont particulièrement les Evêques, comme les Archigalles, qui jouissent du don surnaturel de prophétie ; et leur inspiration est très respectée. Montanos, qui passait pour être un Galle converti,* disait aussi : « Je ne suis ni un ange ni un envoyé, je suis le Seigneur, le Tout Puissant » ; c'est ainsi que les Attis s'identifiaient avec leur dieu. Il y avait également des prophétesses. Plusieurs furent très célèbres : telles les filles de Philippe, fixées avec leur père à Hiérapolis de Phrygie, telles surtout les premières propagandistes du montanisme. Durant les offices de la secte, voici les Vierges lampadophores, vêtues de blanc, qui poussent des gémissements de pénitence ; puis, saisies d'enthousiasme, elles vaticinent, tandis que sanglotent les fidèles. Les femmes conservent, dans l'église hérétique, l'importante situation qu'elles occupaient dans les cultes de Cybèle et d'Artémis. Elle ne leur confère pas seulement, comme l'église orthodoxe, les fonctions de diaconesses. Elle les admet au presbytérat, même à l'épiscopat. Une sibylle chrétienne de Cappadoce, au me siècle, s'arrogeait en même temps les attributions d'archiprêtresse et donnait les sacrements. Chez les Quartodécimans de Phrygie, on célèbre la Pâques au 25 mars, jour des Hilaria de la Mère des Dieux.* Phrygastes et Cataphryges avaient donc, en un sens, raison de se proclamer « hommes d'antique religion » et de se distinguer des « chrétiens de loi catholique.* » Leur christianisme nationaliste apparaît comme un rajeunissement du paganisme indigène. Leur Pépouze est une Pessinonte chrétienne.* *) Plin., _Ep._ 10, 96 (97), 9, éd. Keil. *) Cassien, hérétique du 2e s., intitule un traité dogmatique de l'ascétisme : περὶ ἐγκρατείας ἢ περὶ εὐνουχίας : Clem. Al., _Strom._ 3, 13. Sur l'emploi de ce mot dans la langue ecclésiastique des 2e et 3e s. pour signifier la chasteté de l'homme, cf. les textes réunis par Renan, _L'église chrétienne_, p. 436 n. 6, et Marc Aurèle, pp. 200 n. 5, et 534 n. 3. Dans la lettre de Polycrate, évêque d'Éphèse, à l'église de Rome, l'évêque de Sardes Méliton est qualifié de « saint eunuque. » Le mot est déjà dans S. Matthieu, 19, 12 : « Il y en a qui ont été faits eunuques par les hommes, et il y en a qui se sont faits eunuques eux-mêmes pour le royaume des cieux. » *) S. Epiphan., _Haeres._ 48, 4. Montanos était né au bourg d'Ardabau, dans la Phrygie mysienne. Il porte un nom très commun en Phrygie. Sur les caractères du montanisme et sa survivance en pays phrygien : Harnack, _Text. u. Unters._ 12, 4, 1895, p. 25 ; Duchesne, _Hist. anc. de l'église_, 1, chap. 15, p. 270 ss ; De Labriolle, _L'antimontanisme et la prophétie extatique_, dans _Rev. d'Hist. et Litt. relig._ 11 1906, p. 97 ss. *) Hiéron., _Ad Marc._ 41, 4. *) En général, ce jour était considéré comme celui de la Passion du Christ, non de sa Résurrection : Tertull., _Adv. Judaeos_, 8 (écrit vers 207) : « Passio perfecta est... temporibus Paschae, die 8 Kal. april. » ; Duchesne, _Orig. du culte chr._, 5e éd., 1909, p. 267 : « ce jour a dû être suggéré par sa coïncidence avec l'équinoxe officiel de printemps ; la mort du Christ se trouvait ainsi tomber le jour même où, suivant une idée universellement répandue, le monde avait été créé. » *) « Homines religionis antiquae, christiani catholicae legis » ; cf. Harnack, _Mission und Ausbreitung_, 2, p. 363. *) Cf. Ramsay, _Cities_, p. 573 ss. Site entre Eumencia et Dionysopolis. Dans un tel milieu, l'évangile s'était dénaturé très vite. Envahi par des légendes populaires, il était devenu, selon l'expression d'Eusèbe, mythique. Combiné avec l'enseignement des mystères phrygiens, il devenait gnostique. La Phrygie apporta largement sa contribution à la gnose. Chez les Naasséniens, la thèse de l'Adam éon ou homme céleste invoque en sa faveur le mythe d'Attis et les mystères métroaques. S'il faut en croire Hippolyte ou le pseudo-Hippolyte, ils prétendaient que l'homme primordial et parfait est à la fois mâle et femelle.* Avec cet Adam, nous nous retrouvons bien dans le pays d'Agdistis. « L'éviration d'Attis figure, disent-ils, le passage de la condition matérielle (choïque) d'ici-bas à l'essence éternelle d'en haut, où il n'y a ni femelle ni mâle, mais une créature nouvelle, un homme nouveau, qui réunit les deux sexes. » Sur ce passage à l'au-delà, sur la résurrection de l'homme après son trépas terrestre, la doctrine ophitique s'inspire aussi des idées phrygiennes. « Cette résurrection, » que les Naasséniens comparent à celle d'Attis Pappas, « s'opère par la porte du ciel ; et ceux qui n'entrent point par cette porte demeurent morts. » Nous reconnaissons ici la même porte qui, dans la Phrygie païenne, ouvre l'accès de l'autre monde et de ses félicités éternelles. Il n'est donc pas surprenant qu'en des régions à demi barbares, telles que la Phrygie orientale et l'Isaurie, les chrétiens continuent longtemps encore à la faire figurer sur leur tombeau.* Il leur suffit de remplacer au fronton l'image de la Mêter par le symbole de la croix. Tous n'accomplissent pas cependant cette formalité. On en voit dont la sépulture semble rester, comme celle des aïeux, sous la protection de la Grande Mère.* Sans doute ce peut être une mesure de prudence, sous un régime de persécutions. Mais n'est-il pas vraisemblable aussi que beaucoup de chrétiens, mal dégrossis de leur paganisme, surtout parmi les humbles, amalgament d'instinct les deux religions ? Le culte commun d'un dieu qui souffre, meurt et ressuscite, l'analogie de certains rites, de certains sacrements, de certaines fêtes, rendaient cette confusion possible. Elle est singulièrement facilitée par l'abus de la même terminologie mystique. En voici deux exemples. Saint Paul rappelle aux gens de Colosses que « par le baptême ils ont été ensevelis avec le Seigneur et sont ressuscités avec lui* » ; un païen eût-il parlé différemment du taurobole ? On a pu prendre l'épitaphe d'Aberkios, évêque d'Hiéropolis, pour celle d'un prêtre d'Attis. Il se déclare en effet, sans spécifier davantage ses titres, « disciple du berger pur qui fait paître ses troupeaux de brebis dans les montagnes et dans les plaines, qui a de grands yeux et dont le regard atteint partout.* » S'il n'ajoutait que ce bon pasteur a enseigné « des écritures dignes de foi, » comment ne pas hésiter ? *) _Refut. omn. haeres._ 5, 7, p. 138, éd. Duncker et Sehn. (= Origen. _Philosophumena_, dans Migne, _P. G._ 16, col. 3131) : Ἀρσενόθηλυς. Si cet ouvrage est généralement attribué à Hippolyte, il y a doute pour les documents relatifs à certaines sectes, comme celle des Naasséniens. Sur les emprunts du gnosticisme chrétien aux cultes phrygiens, cf. Möller, _Gesch. d. Kosmologie in d. gr. Kirche bis auf Origene_, pp. 192, 197 ss, 201, 209. *) Beaucoup de tombes chrétiennes continuent à porter le nom d'herôon (Ramsay, _Cities_, pp. 495, 517 ss), avec menaces de punition contre les violateurs de sépultures. *) Ramsay, _Studies_, pp. 78-86. *) _Ep. ad Col._ 2, 12. *) Cf. supra, p. 181. Ajouter Rocchi, _L'epitafïo di S. bercio_, Roma, 1907. Les cultes païens subissaient, par réaction, l'influence du christianisme. Dans une ville d'Isaurie, au début du 4e siècle, la vierge Mâ exerce le sacerdoce de la Déesse et des Saints.* Il avait fallu que la théologie métroaque, au cours de cette longue lutte pour l'empire des âmes, achevât de préciser ses dogmes et ses commandements. Certains rites, comme le baptême taurobolique, avaient dû prendre une signification plus conforme au progrès de l'idée morale et aux principes d'une civilisation renouvelée. Les monuments figurés se surchargeaient de symboles, qui témoignent des préoccupations d'alors.* Mais le christianisme est seul à profiter de cet échange d'influences. Les sectes hérétiques, en raison même de leur particularisme éminemment national, lui préparent le triomphe définitif. Par leurs tendances paganisantes, elles sont en partie cause de l'extraordinaire tolérance des pouvoirs publics. Pendant plus d'un siècle, entre Marc Aurèle et Dioclétien, il a pu se développer à l'abri des persécutions. C'est en vain que de puissantes associations, où s'allient adroitement défense religieuse et loyalisme politique, groupent les éléments païens des cités et des campagnes.* C'est en vain aussi que, sous Dioclétien, le clergé païen d'Acmonia se vante d'avoir ramené beaucoup d'âmes vers les anciens dieux.* Dès le 2e siècle, en un temps où les autorités romaines croyaient constater une renaissance du paganisme,* plus d'un tiers de la population s'était convertie au Christ. Vers la fin du 3e siècle, d'après la statistique funéraire, Eumeneia est aux trois quarts chrétienne* ; et son évêque a choisi pour siège non la ville moderne, mais le vieux centre de la religion indigène, le bourg sacré d'Attanassos, où jadis les prêtres d'Attis étaient rois. Eusèbe signale une ville de Phrygie dont tous les habitants, aux premières années du 4e siècle, étaient chrétiens.* En 362 ou 363, l'empereur Julien déplore avec amertume que les Pessinontiens abandonnent leur Dame : « fais-leur comprendre, écrit-il au galatarque,* que s'ils désirent de moi quelque grâce, ils doivent tous ensemble se prosterner devant la Mère des Dieux. » En conférant le sacerdoce féminin du temple à Callixéna, qui était prêtresse de Déméter, il la compare à Pénélope pour sa persévérance méritoire.* Déjà sans doute, dans l'enceinte même de la cité sacrée, sous les yeux de cette Grande Mère que Julien proclame la Suprême Sagesse, se dresse l'église de Sainte Sophie.* Avant la fin du siècle paraissaient les édits prohibitifs de Théodose ; et bientôt saint Jean Chrysostome s'acharnait à la destruction des sanctuaires païens de Phrygie.* *) Radet et Paris dans _Bull. Corr. Hell._ 1887, p. 63 ; Ramsay, _St._, p. 348 s. *) Cf. la stèle de Temenothyrai. *) Xenoi Tekmôreioi, région des Lacs en Pisidie, 3e s. : Ramsay, _The Tekmoreian Guest-friends, an anti-christian society_, dans _St._, chap. 9. Semeiaphoroi d'Apollon, à Hieropolis : Id., _Cities_, pp. 97 et 115 (interprétés d'abord par Hogarth comme une confrérie de thaumaturges). *) Ramsay, _Cities_, p. 566 n°s 467-9 ; _Studies_, p. 347. *) Plin., _l. c._ : « certe satis constat prope iam desolata templa coepisse celebrari. » D'autre part, vers 150, près de la moitié de la population aurait été chrétienne ; Renan, _L'église chrét._, p. 432. Ramsay, _Cities_, p. 119 : « Les chrétiens étaient la classe dominante dans la plupart des cités phrygiennes, après 200. » *) Ramsay, _Cities_, p. 502 ss ; cf. p. 395, évêques d'Attanassos. *) _Hist. eccl._ 8, 11. *) _Ep._ 49, fin. *) _Ep._ 21. *) Elle est signalée, ainsi qu'une église des Saints-Anges hors les murs, dans la vie de S. Théodore, _Acta Sanctorum_, April. 22, p. 53. Théodore fut évêque d'Anastasiopolis (Lagania) vers 590, archimandrite de Galatie, et mourut en 613. Ses Acta sont très importants pour l'histoire de la Galatie à la fin du 6e s., mais nous n'en avons qu'une traduction latine. A Ul. Chevalier, _Bio-Bibliogr_, p. 4421, ajouter Ramsay, _H. Geogr._, pp. 246 s et 446. *) Procl., _Orat._ 20 (28) = Migne, _P. G_, 65, p. 832 : « in Phrygia Matrem quae dicebatur deorum sine filiis fecit. » Abrégé latin d'un éloge de S. Jean Chrys. par Proclos, évêque de Cyzique en 426, de Constantinople en 434. Mais l'antique religion n'était pas morte. Dans les campagnes, sur les plateaux sauvages, sur les monts solitaires, sources, arbres, grottes et rochers gardaient leur prestige divin. Six cents ans plus tard, on continuait à processionner au Latmos,* vers une roche sainte, afin d'obtenir la pluie. Aujourd'hui encore certains piliers ou bétyles, décorés d'écharpes, entourés de luminaires, sont en Asie Mineure l'objet d'un culte idolâtrique. Le fameux antre d'Hiérapolis, détruit par un tremblement de terre ou peut-être par des chrétiens fanatiques, n'existait plus au 4e siècle ; mais la sainte ville attire quand même des pèlerins, et l'oniromancie longtemps y reste en faveur. Le philosophe Damaskios, contemporain de Justinien, y reçut de Cybèle un songe qui le combla de joie. « Je rêvai, dit-il, que j'étais devenu Attis et que la Mère des Dieux faisait célébrer en mon honneur la fête des Hilaries » ; il acquit ainsi la certitude de son salut éternel.* Les pratiques superstitieuses d'autrefois, les anciennes opérations de magie demeurent liées au nouveau culte. Nous voyons se perpétuer la même formule d'exorcisme contre la grêle.* A Pessinonte, vers la fin du 6e siècle, contre les sauterelles qui ravagent le champ d'un paysan, saint Théodore l'archimandrite use d'une recette très analogue à celles des Galles.* Ces Métragyrtes n'ont pas complètement disparu. Il en subsistait encore dans les montagnes de Carie bien après l'abolition du paganisme.* La Phrygie et la Pamphylie eurent longtemps leurs Galles chrétiens, les Massaliens ou Euchites, dont le concile de Sidé ne parvint pas à débarrasser l'Église.* Les derviches musulmans perpétuèrent la tradition. De nos jours, les Mevlevi de Konia (Iconium) et de Kara-Hissar, qui dansent, bondissent et tournoient au son des flûtes et des cymbales, sont les derniers descendants des Galles et des Corybantes. *) Usener dans _Rhein. Mus._, 50, 1895, p. 147, à propos de la vie de saint Paul le Jeune (mort en 956, _Anal. Boll._ 11, 1892, p. 5 ss). --- Cf. Taylor, cité dans _Rev. archèol._ 1905, 1, p. 30 (rocher vénéré chez les Kizil-Bash d'Arménie) ; Reichel, _Vorhell. Götterculte_, 1897, p. 22 (survivance du culte du trône en Asie M.) ; Evans, _Myc. tree_, p. 103 ss (pilier sacré dans une chapelle à Tekekioi. Macédoine, centre d'un pèlerinage le jour de la saint Georges). *) Damask., _Vita Isidori_, dans Photius, cod. 242, p. 345 a, éd. Bekker. *) A Philadelphie : _Ath. Mitt._ 6, p. 272 ; Cumont, _Inscr. chr. de l'Asie Min._ 122. *) Exorcisme par l'eau puisée dans le fleuve et bénite : « hac aqua quatuor horti tui angulos consperge. » Théodore avait été appelé à Pessinonte que ruinait la sécheresse et qui réclamait la pluie. *) E. Norden, dans _Hermès_, 27, 1892, p. 618, schoi. in Greg. Naz. _Orat._ : ῎αχρι τοῦ παρόντος τινὲς περὶ τὰ ᾽ορεινὰ τῆς Kαρίας Ἕλληνες ἀλόγιστοι κατατέμνουσιν ἑαυτοὺς τῷ παλαιῷ ἔθει τούτῳ κρατούμενοι (scholie de Cosmas Hierosolymitanus, 8e s., mais sans doute antérieure à cet écrivain). Même texte dans Ps. Eudoc., _Violarium_, éd. Flach, 1880, p. 618 (compilation du 16e s., où l'on retrouve les mêmes sources que dans Suidas ; cf. Krumbacher, _Gesch. d. byzant. Litt._, 2e éd., 1897, p. 579). Au 5e s., Nonnus fait deux fois allusion aux mystères phrygiens : ad Greg. N. _Orat._ 4, 70 et 103. *) Sur ces « derviches chrétiens » : Duchesne, _Hist. anc. de l'Egl._ 2, p. 582 ss. D'une façon générale, les sectes phrygiennes existent encore au 5e siècle ; Pépuzistes dans des rescrits de Théodose datés de 423 et 428. Enfin la Mère de Dieu hérita de l'antique dévotion des Anatoliens à la Mère des Dieux. Les souvenirs de l'une étaient trop vivaces pour ne pas profiter au culte de l'autre. Aussi est-ce en Asie Mineure et en Syrie que se développe d'abord le rôle de la Théotokos. Elle y occupa tout naturellement la place laissée par Cybèle, Artémis et Atargatis* ; et les deux Corybantes, doryphores de Cybèle, se transformèrent à ses côtés en Archanges guerriers. On installa volontiers son image aux lieux mêmes où trônait jadis l'antique Mère, qui semblait ainsi rendue à la vénération des foules. Partout où le Metrôon reste debout, la Mère du Christ en prend tôt ou tard possession ; à Nova Isaura, la Megalè Mêter devint la Mégalè Panaghia. La coutume païenne, maintenue par l'iconolâtrie, lui impose parfois les dénominations topiques de la divinité qu'elle remplace. C'est ainsi que, dans la région des Limnai, quand elle recueille la double succession de la Parthenos Artémis et de la Mêter locales, elle devient l'Hagia Théotokos Limnas.* Celle-ci n'est, à vrai dire, que la métamorphose chrétienne de celles-là ; et par elle, demeurée toujours présente et puissante au milieu des populations musulmanes, se transmet à travers les âges le culte préhistorique, de la Mère des Lacs. En ces pays où la fable avait si rapidement contaminé l'Évangile même, des légendes se sont formées qui relient le présent chrétien au passé païen et expliquent la continuité des pieuses traditions. Cyzique nous en offre un très remarquable exemple. Elle ne pouvait oublier Rhéa, qu'elle avait tant aimée. Si loin qu'elle remontât dans l'histoire de ses origines, elle y retrouvait le nom et la protection de la Grande Mère. Le temple, où tant de générations avaient invoqué Notre-Dame du Dindymos, dressait encore ses murailles et semblait appeler les prières. Pour se vouer au culte de Marie sans avoir à renier la déesse ancestrale, les Cyzicènes trouvèrent un oracle apocryphe : il ressemblait à tous ceux que l'on inventa pour transformer les sibylles antiques en prophétesses de la religion nouvelle. « Les Argonautes, afin d'expier le meurtre du roi Kyzicos, élevèrent en ces lieux un temple magnifique. Mais à quelle divinité le consacrer ? Ils envoyèrent consulter aux Thermes l'oracle d'Apollon. Voici sa réponse : je vous ordonne d'adorer le dieu unique, celui qui règne au plus haut des cieux et dont le Verbe incorruptible s'incarnera dans le sein d'une vierge ignorée. Que ce temple soit dédié à la Vierge Mère de Dieu, dont le nom est Marie. » Or ils ne connaissaient que la Mère des Dieux ; car ils vivaient en des temps très anciens. C'est pourquoi ils lui consacrèrent le monument. Mais « ils inscrivirent l'oracle en caractères d'airain, sur le marbre, au-dessus de la porte.* » Le moine chroniqueur Geôrgios Kedrenos, qui raconte cette légende vers le milieu du 11e siècle, avait en effet pu lire à cette place l'étrange inscription. Elle y fut sans doute apposée au 5e siècle de notre ère, quand le Metrôon fut converti en église de la Théotokos, Zénon l'Isaurien étant empereur d'Orient. *) Influences de la mystique babylonienne, syrienne, phrygienne, sur le culte de Marie : Gruppe, _Gr. Mythol._, p. 1613 n. 2. *) Concil. Nic. 2, a. d. 787. Ramsay, _H. Geogr._, p. 414 ; _St._, p. 376. Sur les bords du lac Hoiran, au pied du massif qui le sépare du lac Egerdir, une grotte de la Vierge attire encore les pèlerins. « In a country which for centuries has been inhabited only by Turks, there is a shrine of the Virgin, which is an object of pilgrimage for all the Christians of Pisidia and Lykaonia. » *) Cedren., _Hist._, p. 119 s, éd. Bekker, 1, p. 209 s ; Joh. Malalas, _Chronogr._ 4, O, 95 (éd. de Bonn, p. 77). # Chapitre 11 ### L'Expansion du Culte en Italie et dans les Provinces. 1\. Les missionnaires du culte: Galles ; esclaves et affranchis ; marchands ; soldats. --- 2. Diffusion du culte en Italie. L'Italie centrale. Rôle de Rome et d'Ostie. --- 3. L'Italie du sud. Rôle de Pouzzoles. --- 4. L'Italie du nord. Rôle d'Aquilée. La Mère des Lacs. Cybèle et les « Matronae » cisalpines. --- 5. Les Gaules. Double influence de Rome et de l'Orient. Importance du taurobole en Gaule. Cybèle, les Mères topiques et les grandes déesses de la religion gauloise. --- 6. La frontière de Germanie. Routes commerciales et routes stratégiques. Germanies supérieure et inférieure. Cybèle et les déesses indigènes. --- 7. La Bretagne insulaire. --- 8. Tarraconaise, Relique et Lusitanie. ## 1\. Pour propager sa religion à travers le monde, Cybèle entretenait de véritables missionnaires.* Elle avait, comme Atargatis, ses prêtres mendiants et itinérants. De contrée en contrée, les Galles colportaient ses images et son culte. Avec eux la déesse a parcouru toutes les routes romaines, au bruit des cymbales et des tambourins. Dans les campagnes, parmi les ouvriers agricoles, ils rencontraient de nombreux compatriotes. Mais ceux-ci ne profitaient pas seuls du passage de la Dame pour accomplir leurs dévotions. Comme les Galles étaient prophètes et thaumaturges, guérissaient le corps et l'âme, vendaient des talismans pour les hommes et les animaux, souvent la foule se pressait autour d'eux, inquiète, prête aux aumônes et aux expiations. Alors qu'ils avaient disparu au détour du chemin, des pénitents invoquaient encore la Mère des Dieux. Plus d'une âme sans doute lui fut conquise par ces troupes de Métragyrtes ; plus d'un oratoire rustique lui fut dédié après leur prédication. *) Sur les causes générales qui ont déterminé la propagation des cultes orientaux : Cumont, _Religions or. dans le paganisme romain_, 1907, chap. 2. En outre, Cybèle dispose des mêmes ressources que les autres divinités de l'Orient. Pour apôtres elle a d'abord les esclaves. La Phrygie en était déjà pourvoyeuse aux temps helléniques. Les indigènes avaient coutume de vendre leurs enfants aux trafiquants de chair humaine.* En général c'étaient des Galates qui pratiquaient la traite. A l'époque impériale, les Phrygiens abondent sur les marchés d'Occident. On y trouve aussi des Bithyniens, des Lydiens, des Cariens, des Pamphyliens, des Lycaoniens, des Isauriens.* Dispersés en tous pays, au hasard des enchères, ils restent fidèles aux dieux de leurs pères. Ils se font inscrire parmi les Mystes. Beaucoup deviennent prêtres de leur religion. Superstitieux et fanatiques, ils exercent leur prosélytisme sur leurs frères en esclavage, sur les petites gens de leur quartier, bien souvent même sur les femmes et les filles de la maison. L'affranchissement leur permet d'agir avec plus d'autorité. Boutiquiers, artisans, agents d'affaires, scribes, commis d'administrations, fonctionnaires de toute catégorie et de tout grade, les affranchis mettent leur influence nouvelle au service de leurs dieux. Ce sont les esclaves et les affranchis des familles impériales qui ont conquis pour Attis le droit de cité romaine. Ce sont des serfs de la glèbe et des intendants de domaines ruraux qui ont introduit dans les campagnes italiennes le culte de Mater Deum Agraria Cereria. Le « villicus » d'un riche propriétaire de Venouse est un Phrygien, qui répond au nom théophore de Sagaris.* Dans les municipes, les premières églises phrygiennes se composaient presque exclusivement de serfs et de libertins. Longtemps on flétrit le culte phrygien du nom infamant de religion d'esclaves ; on en disait autant de la religion du Christ, qui devait dominer le monde. *) Philostr. (3e s.), _Vita Apoll. Tyan._ 8, 7 : c'est un usage du pays, dit-il, de vendre ses enfants comme esclaves et ensuite de ne plus s'occuper d'eux ; Amm. Marc. 22, 7, 8 ; Claudian., _In Eutrop._ 1, 59 : l'eunuque Eutrope, futur ministre d'Arcadius, « per Assyriae trahitur commercia ripae, hinc fora venalis, Galata ductore, frequentat. » L'un des grands marchés d'esclaves, surtout vers la fin de la République, était Delos, « qui pouvait en un jour recevoir et écouler plusieurs myriades d'esclaves, d'où le proverbe si souvent cité : allons, vite, marchand, aborde, débarque, tout est vendu, » Strab. 14, 5, 2. *) Bang, _Herkunft der römischen Sklaven_, dans _Roem. Mitt._ 25, 1910, pp. 223-251 ; v. en particulier, pp. 226-228 (époque républicaine) ; 234-236 (Empire). *) _IGSI._ 688 ; cf. _CIL._ 9, 425. De même, une « Cybellé, » une « Dindyméné » à Aquilée, des Attis à Nîmes, _etc._ Il y a aussi les marchands. C'est à son industrie et à son commerce que l'Asie Mineure doit la meilleure part de sa prospérité. La Galatie fabrique des étoffes pour l'exportation. La Phrygie exporte ses broderies d'or qui sont célèbres, les draps de Laodicée, les tissus en couleur et les tapis d'Hiérapolis, les marbres de Synnada, les cuirs et les fers de Kibyra. L'arrivage des produits bithyniens attire à Ostie les gros commerçants de Rome.* Les principales maisons de Smyrne et de Cyzique possèdent des comptoirs dans beaucoup de ports de la Méditerranée. Un négociant d'Hiérapolis se vante d'avoir doublé soixante-douze fois le cap Malée pour se rendre en Italie.* Ces gens débarquent leurs dieux avec leurs denrées, se groupent en collèges à la fois commerciaux, religieux et funéraires, achètent un _ager_ où ils installent leurs boutiques et leurs autels. C'étaient des marchands qui, six siècles avant notre ère, avaient importé Cybèle à Marseille et, deux siècles avant notre ère, fondé les premiers thiases métroaques du Pirée. Par les marchands d'Anatolie les capitales maritimes de l'Afrique, Alexandrie, Cyrène, sans doute aussi Carthage connurent la puissante Dame avant de l'adorer comme divinité romaine.* Avec les colons et les marchands elle était venue en Sicile, sur les côtes de la Grande Grèce, jusque dans la baie de Naples, avant de s'introduire dans Rome. Leur rôle de propagandistes ne fut pas moindre au temps des empereurs. Il explique l'expansion et le succès du culte phrygien dans les ports de Pouzzoles, d'Ostie, d'Aquilée, de Narbonne. Sur les deux rives de l'Adriatique, de Brindisi à Salone, et dans toute la Méditerranée occidentale, de Reggio à Valence, d'Hadrumète à Cherchell, de l'île de Pantellaria aux îles Baléares, il n'est pas une ville maritime de quelque importance où l'on ne découvre les traces de la Mère des Dieux. On les retrouve sur les côtes de l'Océan, à Cadix, à Lisbonne, à Bordeaux. L'activité mercantile de ces Levantins les entraînait également à l'intérieur des terres, sur les voies commerciales qui remontent les vallées des grands fleuves. Ils étaient fort nombreux à Arles, à Vienne, à Lyon, à Trêves, à Mayence, même à Londres ; et leur trafic avec les riverains du Danube, par la mer Noire, fut considérable. D'autre part le négoce, la banque, les mines, l'élevage des troupeaux, sans parler du fonctionnarisme, déterminaient une importante immigration d'Italiens en Asie Mineure. Elle avait commencé sous la République. Groupés en convents qui leur procuraient une situation privilégiée, on en trouvait dans tous les centres industriels, sur tous les marchés, au cœur même de la Phrygie, à Laodicée, Prymnessos, Apamée, Trajanopolis.* Ils ne pouvaient résister à l'ascendant de la religion indigène. Ils subissaient le merveilleux attrait de ses cultes mystiques. En voici qui résidèrent en Syrie, où Atargatis les toucha de sa grâce. Appelés par leurs affaires à la foire de Délos, ils ne manquèrent point d'aller lui rendre hommage dans le temple des dieux étrangers.* De même, parmi ceux qui, fortune faite, quittaient les plateaux phrygiens pour regagner l'Italie, beaucoup étaient devenus les fervents zélateurs d'Attis ou de Sabazios. *) Horat., _Ep._ 1, 6, 33 : « cave ne portus occupet alter, | ne Cibyratica, ne Bithyna negotia perdas. » Sur le commerce de l'Asie Mineure à l'époque impériale, v. Speck, _Handelsgesch. des Altertums_, 3, 2 B, 1906, pp. 823-839. *) _CIG._ 3920 ; milieu du 2e s. ; cf. Ramsay, _Cities_, p. 553. *) A Naucratis (fouilles de 1899), fragments de figurines de la Meter, avec poteries des 5e-4e siècles. Dans celte colonie grecque, en constante communication avec l'Asie Mineure, la Meter possédait sans doute un sanctuaire, comme Aphrodite et Demeter. Gutch, dans _British School at Ath._ 5, 1899, pp. 72-83 ; pl. 12, 73, 74 (haute coiffure à palmettes ; les bras, ramenés sur la poitrine, portent un lionceau). --- Au musée d'Alexandrie ; Botti, _Notice des monuments exposés_, 1893, p. 114 ss, n°s 1079-90, danseur phrygien (Attis ? ) ; 1374-76, Attis ailé ; 1377-78, « Mên-Attis tenant une fleur à quatre pétales. » *) Liste de ces _conventus_ dans Chapot, _Province rom. d'Asie_, p. 188 s. *) _Bull. Corr. Hell._ 6, 1882, p. 500. Enfin les soldats d'origine orientale complétaient, dans les provinces frontières, l'œuvre des trafiquants et des esclaves.* Leur action religieuse avait commencé sous la République, au contact des armées romaines d'Asie et des auxiliaires indigènes. Durant la période des guerres civiles, les divers partis cherchent successivement des renforts en Asie. Il y avait une foule d'Anatoliens dans les troupes de Pompée, à Dyrrachion et Pharsale. L'année suivante (707/47), Cyzique mandait une flotte et des hommes à César, qui faisait campagne en Afrique contre les Pompéiens et Juba. Nous connaissons précisément l'un de ces Cyzicènes ; c'était un dévot de la Mêter et l'ami intime d'un Galle. Parmi ces auxiliaires, les plus appréciés sont les Galates et les Pisidiens. « Voilà nos vraies forces, » affirmait un proconsul de Cilicie.* Après l'annexion de leur pays, l'Empire sait utiliser les qualités militaires de ces belliqueux Gaulois et de ces rudes montagnards. Le roi Dejotaros avait organisé à la romaine un corps de troupes galates ; Auguste en forme sa 22e légion, campée en Égypte. Lorsque Claude la dédouble en l'an 43, l'élément galato-phrygien reste encore considérable dans la nouvelle 22e, dite Primigenia. Casernée aussitôt à Moguntiacum (Mayence), celle-ci contribue à propager sur les bords du Rhin le culte d'Attis. En 38, pour combler les vides de ses légions qui guerroient contre les Parthes, Corbulon lève des soldats en Galatie et en Cappadoce* ; peu après, elles sont transférées de Syrie sur le Danube. En 65, on rajeunit l'effectif des légions qui occupent l'Illyricum ; l'Asie fournit une partie des contingents.* En 68, Néron constitue la 1 Adjutrix avec des marins de la flotte de Misène ;or beaucoup de ces marins, presque dans la proportion d'un tiers, sont originaires d'Asie Mineure et de la côte syrienne. De même en 70, Vespasien recrute la 2 Adjutrix parmi les équipages de Ravenne ; moins nombreux qu'à Misène, les Anatoliens y figurent encore dans une proportion de quinze pour cent.* Les deux légions vont grossir le corps expéditionnaire de Germanie et les confréries métroaques des villes rhénanes. Vers le même temps, les Italiens disparaissent des rôles de l'armée régulière ; et d'une façon générale s'accroît la proportion des conscrits asiatiques. Ils sont en majorité dans la 3e Auguste, quand elle s'établit à Lambessa, sous Hadrien ; on y compte, entre autres, un groupe important de Bithyniens.* *) Cf. pour le culte de Mithra : Cumont, _Mithra_, 1, p. 246 ss. *) Cic., _Ad Attic._ 6, 5, 3 : « haec enim sunt nostra robora. » *) Tac., _Ann._ 13, 35. *) _Ibid._ 16, 13 : « dilectus per Galliam Narbonensem Africamque et Asiam. » *) Statistiques de Juenemann dans _Leipziger Studien_ 16, 1894, p. 267 ; cf. Domaszewski, dans _Rhein. Mus._ 48, 1893, p. 347. La 1 passe en 68 en Germanie, en 107 à Apulumen Dacie, entre 114 et 117 à Brigetio, en 214 dans la Pannonie inférieure. La 2 est envoyée en 70 en Germanie, entre 71 et 80 en Bretagne, en 87 dans la Mésie supérieure, vers 120 à Aquincum, avec détachement à Intercisa. *) Cagnat, _Armée rom. d'Afrique_, p. 354 ss. Transplantés sur un sol où tout leur était étranger, et pour une vingtaine d'années au moins, les jeunes légionnaires conservaient pieusement avec eux l'image de leur divinité nationale : elle représentait la patrie lointaine. Ils se réunissaient pour la prier ensemble, pour rapprocher leurs intérêts et vivre de communs souvenirs. A leurs compagnons de tente, ils apprenaient des rites mystérieux ; ils leur persuadaient que l'on n'invoque pas en vain Cybèle dans les combats et qu'elle promet à ses fidèles une destinée meilleure dans l'autre vie. Cette prédication intime de la tente n'était pas moins féconde que celle de la maison, de l'atelier et de la boutique. Ils formaient ainsi de petites églises dans le camp. Une fois libérés du service, les vétérans s'installaient volontiers à proximité de leur ancienne garnison, dans quelque-ville du voisinage, ou dans l'un de ces municipes auxquels donnèrent naissance les baraques des vivandiers. Le foyer de piétisme rayonnait autour du camp. Dès le début de l'Empire, la Dalmatie nous offre un remarquable exemple de cette propagande militaire. La popularité de la Mère des Dieux s'y explique, en effet, par la présence de la légion 7 Claudia. Celle-ci, qui ne réside en pays dalmate que d'Auguste à Néron,* y reçoit d'Asie Mineure une bonne partie de ses recrues. Voici des Lycaoniens de Laranda et de Lystra, des Lyciens de Milyas, des Mysiens d'Alexandreia Troas, des Pisidiens d'Antioche, de Conana, d'Amblada, des Phrygiens d'Apamaea-Kibôtos et de Sébastè, des Galates d'Ancyre et de Pessinonte.* Elle campa tout d'abord à Delminium (Trilj-Gardun), sur une colline qui borde la fertile vallée de l'Hippus Tilurius (Cettina), à une vingtaine de kilomètres de Salone ; puis elle s'établit à Salone même. De nombreux retraités se fixent dans la contrée, qui est riche. Un Troyen d'Alexandreia ne quitte pas le chef-lieu, où il trouve un emploi de scribe. Tel vétéran, né dans les anciens domaines des Attalides, fait souche d'une famille salonitaine, où l'on porte le cognomen d'Attalus.* Parmi les Pessinontiens, l'un part avec sa femme, sa fille et ses deux fils pour Narona (Metkovitz), où l'on envoyait une colonie de vétérans. Un autre, après vingt-cinq ans de service, reste à Salone pour y finir ses jours. C'était un fervent serviteur de la Grande Mère ; et il voulut que les deux lions, comme au pays natal, fussent les gardiens de sa tombe. Mais la légion se recrute aussi dans l'Italie septentrionale. Les Levantins y ont pour frères d'armes des gens de Pavie, de Vérone, de Pesaro, du Picenum, de Vénétie.* Ceux-ci rapportent dans leurs foyers une dévotion particulière pour la Dame toute puissante ; son culte devint très prospère dans le Picenum et la Cisalpine. *) Au temps de Galba et d'Othon, elle est déjà en Mésie. *) _CIL._ 3, 263, 2019, 2048, 2709, 6791, 6826-27, 7055-56, 8487-88, 9733, 9737-38 ; de Pessinonte : 1818, 2710, 9726, 12498. *) _Ibid._ 8676. *) _Ibid._, p. 281 ; _Eph. Epigr._ 4, 352 (Aesis, Picenum). Vétérans de la légion établis à Pola et Aquilée : _CIL._ 5, 48, 908. Le système de la conscription régionale, institué par Hadrien, diminua l'intensité de ce mode de propagande ; il ne le supprima point. Quand certaines levées provinciales sont insuffisantes, on a recours aux Orientaux pour remplir les cadres. Il y en eut toujours dans les légions danubiennes. D'autres s'enrôlent dans les détachements auxiliaires, dont on renforce la défense des frontières menacées. Hiérapolis, Eumeneia, les territoires voisins des Limnai, les cités et les villages de Lycaonie sont encore aux 3e et 4e siècles des centres de recrutement. Un Aurelius Magnus, d'Hiérapolis, est soldat à la. légion 14 Gemina, en Pannonie ; et l'un de ses compatriotes est sous-officier dans la 6e légion.* Trois vétérans d'Eumeneia, qui reviennent mourir chez eux, ont appartenu à la cohorte 1 des Rhètes.* Plusieurs cohortes, plusieurs ailes de cavalerie sont composées de Phrygiens, de Pamphyliens, de Dardaniens.* Nous retrouvons même un homme de Cotiaion dans la garde prétorienne.* L'Anatolie donne aussi des officiers à l'Empire. Nous connaissons déjà cet Héras de Pessinonte, issu de la famille royale de Galatie, qui fut préfet de la cohorte des Ituréens, successivement tribun des légions 12 Fulminata et 3 Cyrenaica, et qui sur ses vieux jours entra dans le sacré collège des Attis. Un grand prêtre des empereurs, natif de Trapézopolis, avait de même été tribun et préfet de cohorte.* Avant d'être le bienfaiteur d'Eumeneia, sa ville natale, P. Aelius Faustinianus commanda la cohorte 6 des Espagnols et la première des Rhètes. Un citoyen de Téménothyrai, qui mérite la reconnaissance publique de l'honorable corporation des foulons, fut préfet d'une aile de cavalerie, préfet de cohorte, tribun de légion.* Tel tribun est né à Colosses, tel autre entre Aphrodisias et Nysa, tel autre encore à Milet, où il fut prophète.* Voici un préfet de cohorte qui est de Clazomènes, chère à la Mère des Dieux.* Enfin, les nécessités de la guerre provoquaient sans cesse, avec des transferts de troupes, le rapprochement et la confusion de toutes les races et de toutes les croyances. Un dévot d'Attis, né à Vienne, sur le Rhône, et mort vers la fin du 1er siècle en Aquilée, sur l'Adriatique, s'était engagé comme simple légionnaire dans la 4 Scythica.* Il avait pris sa retraite comme préfet de la cohorte 2 des Thraces. Il commença donc et finit sa carrière en Germanie ; mais, dans ce long intervalle, légion et cohorte avaient fait la campagne d'Arménie, celle de Judée, et séjourné en Syrie. *) Ramsay, _Cities_ 1, p. 117 n° 24 ; _CIG._ 3932. La légion 6 est en Bretagne depuis l'an 120. *) Ramsay, _op. l._, p. 380 s, n°s 211, 215, 216 ; cf. d'autres soldats et officiers natifs d'Eumeneia, p. 379, et dans Chapot, _op. l._, p. 370. La proportion des anciens militaires dans l'épigraphie funéraire de cette région est de 8 °/°. De même, dans la région des Limnai, au 3e s. : Ramsay, _Studies_, p. 321, l. 17 ; en Lycaonie, pp. 158 (Savatra) et 176 (Bardakomè). *) Cf. Ruggiero, _Dizion. epigr._, s. vv. _Alae_ et _Cohortes_. *) _CIG._ 3827 _cc._ *) _CIG._ 3953 _l._ *) _Bull. Corr. Hell._ 19, 1895, p. 557 n° 3. *) _J. of Hell. St._ 18, 1898, p. 90 ; _Bull. Corr. Hell._ 14, 1890, p. 233 ; _Rev. de Philol._ 19, 1895, p. 131. *) _CIG._ 3132. *) Graillot dans _Rev. archéol._, 1901, 2, p. 436. C'est donc surtout dans les ports, les centres commerciaux et les villes de garnison que nous verrons prospérer le culte métroaque. Mais il faut leur ajouter deux autres catégories de localités. Les unes se trouvent dans les régions forestières dont les bois sont en exploitation . Les marchands de bois ont pris Attis pour divin patron. Leur corporation est en même temps une sainte confrérie. Ils sont devenus les Dendrophores de la Mère des Dieux. En Italie, ce corps est particulièrement florissant au pied des Alpes et dans les hautes vallées des Apennins, alors très boisées. Il y développa la dévotion populaire à Cybèle et Attis. D'autre part, Cybèle est adorée dans les villes d'eaux. Son culte fut lié de tout temps à celui des sources. Elle est restée la protectrice de celles qui guérissent. Car elle est la déesse qui soigne et qui sauve, _Iatros_, _Iatrina_, dispensatrice de toute santé, _Mater Deum Salutaris_. C'est pourquoi aux Aquae Albulae, à Baies, Pouzzoles, Suessula, Vénafre, elle est la Dame des eaux thermales et minérales. On l'honore pour la même raison dans les régions les plus variées de l'Empire : en Grèce, à Hypatè ; en Narbonnaise, à Electum (Alet), station d'eaux ferrugineuses sur les bords de l'Aude ; dans les provinces alpines, à Moutiers, ville voisine de Salins et de Brides les Bains ; en Lusitanie, à Caldas de Vizella, dont les Romains fréquentaient les fontaines sulfureuses ; sur la frontière de Germanie, à Kreuznach, qui possède des eaux salines et iodurées ; à Aurélia Aquensis, devenue la moderne Baden. Mais Bade était alors un camp, beaucoup plus qu'une station thermale. Et c'est un marchand qui nous révèle la présence de la Grande Mère à Moutiers. La diffusion d'un culte a toujours des causes multiples et complexes. Comme les agents inconscients sont toujours plus nombreux que les apôtres volontaires, on ne peut que rarement discerner les influences concurrentes. De plus, un culte qui s'est répandu dans les provinces les plus opposées, qui est entré dans la religion de peuples très différents, n'a pu conserver partout le même caractère. Il a dû subir la réaction du milieu où il s'implantait. Aussi faudrait-il pouvoir écrire ses histoires provinciales. Mais les documents dont nous disposons ne projettent qu'une lumière imprécise sur bien des points et en laissent beaucoup d'autres dans l'ombre. On ne peut qu'indiquer en gros traits comment le culte phrygien nous apparaît dans les diverses parties de l'Empire. ## 2\. En Italie,* Rome est le principal foyer d'où il rayonne. Mais il y en a d'autres. Ostie, Pouzzoles, Aquilée sont également des centres actifs de diffusion. Le rôle d'Ostie, à cet égard, fut considérable et ne peut être entièrement confondu avec celui de Rome. Dès le temps de la République, la colonie avait dû consacrer pour le moins un oratoire à la déesse, en commémoration de sa miraculeuse arrivée. Si le Metrôon public n'y manifeste pas son existence avant la dynastie claudienne, c'est que le développement de la ville ne date guère que des premiers Césars. Sous l'Empire, nous y connaissons deux autres sanctuaires de la Dame. L'un, qui possédait le baptistère taurobolique, s'élevait au port neuf de Claude et de Trajan, sur la rive droite. L'autre paraît n'avoir été qu'une chapelle transtévérine, desservie par l'un des nombreux prêtres d'Isis Ostiensis. C'est après Hadrien que le culte atteint son apogée dans Ostie sans cesse grandissante. Les dévots sont fort nombreux. Car les Orientaux affluent ; et la population stable se compose presque exclusivement d'affranchis. Si les Galles sont toujours à rôder autour des autels, sur les quais et dans les tavernes,* c'est qu'ils ont ici une clientèle assurée et constante. Le Metrôon s'embellit d'ex-voto. La statue d'Attis couché qui fut trouvée dans les ruines, œuvre contemporaine d'Hadrien ou des premiers Antonins, est le don d'un particulier. Les confréries font preuve d'une vitalité peu commune. Elles comptent parmi leurs patrons les notables de la ville : tel le richissime Cn. Sentius Felix, père de ce Gamala dont les libéralités supposent une immense fortune.* Leurs locaux sont de petits musées, remplis de statues et de statuettes en marbre, en bronze, en argent. Les Dendrophores, qui fournissent le bois aux chantiers de construction navale, constituent ici l'une des premières corporations industrielles. Dans un port comme Ostie, ils sont une puissance. Protégés directs des Césars, ils dédient leur schola au « numen » de la Maison Auguste. La protection impériale s'étend au clergé. Les princes ont privilégié le baptistère taurobolique de la colonie et les vaticinations de son Archigalle. Le Metrôon resta prospère jusqu'au milieu du 3e siècle.* Il disparaît de l'histoire pendant la longue période d'anarchie militaire. *) Localités d'Italie (sauf Rome), par régions, où le culte est signalé. Les noms modernes sont en italiques. Région 1. Lativm Vetvs et Novvm : Anagnia, Aquae Albulae, Aricia, _Castelmadama_, Castrimoenium, Circeii. Formiae, Gabii, Labicanus ager, Lanuvium, Laurolavinium, _Marano_, _Nettuno_, Nomentum, Ostia, Portus Claudii et Traiani, _Portonaccio_, Praeneste, Signia, Tibur, Tusculum, Verulae. --- Campania : Baia, Cales, Capua, Cumae, Falernus ager, Herculanum, Liternum, Pompeii ( ? ), Puteoli, Rufrae, Salernum, Suessula, Surrentum ( ? ), Venafrum. Région 2 (Apvlia, Calabria, partie du Samnivm) : Abellinum, Aeclanum, Beneventum, Brundisium, Compsa, Larinum, Ligures Baebiani, Manduria, _Rutigliano_, Venusia, _Volturara_. Région 3. Brvttivm : Hipponium, Locri, Rhegium. --- Lvcania : Atina, Eburum, _Laviano_, Potentia, Volceii. Région 4 (Sabina, Samnivm) ; Alba Fucentia, Antinum, Anxanum, Carsioli, Corfinium, Reate, Saepinum, Teate Marrucinorum, Vestini. Région 5 (Picenvm) : Falerio, Interamna (_CIL._ 9, 5848, à Auximum, doit être reporté à Forum Sempronii, 11, 6110). Région 6 (Vmbria) : Assisium, Fanum Fortunae, Forum Sempronii, Mevania, Ocriculum, Pisaurum, Sarsina, Sentinum, Tuficum, Urvinum. Région 7 (Etrvria) : _Anguillara_, Capena, Centumcellae, Faesulae, Falerii, Luna, _Porto San Stefano_, Volsinii. Région 8 (Æmilia) : Ariminium, Bononia ( ? ), Mutina, Parma. Région 9 (Ligvria) : Dertona, Pollentia. Région 10 (Venetia et Histria) : Aquileia, Altinum, Ateste, Bellunum, Benacus Lacus (_Lac de Garde_, _Arco_, _Malcesine_), Berua, Brixia, _Buttrio_, Camunni, _Capo d'Istria_, Concordia, Feltria, _Mira Taglio_ ( ? ), Patavium, Piranum, Pola, Tergeste, _Torcello_, Verona. Région 11 (Transpadana) : _Beinasco_, Bergomum, Comum, Mediolanum. Taurinorum Augusta, Ticinum (_Pavia_). *) Juven. 8, 176. *) _CIL._ 14, 409. *) Date de la plus récente inscr., 251-253 : _CIL._ 14, 42 (taurobole). Sur les temples d'Ostie, cf. supra, p. 341 ss ; sur les confréries, pp. 262 n. 1, et 264 n. 2 ; sur l'Archigalle et ses privilèges, pp. 153 n. 1, 165, 234. Autour de Rome et d'Ostie, le couple phrygien avait conquis les campagnes latines, les monts Albains et les monts Volsques, les monts Sabins et Ombriens, le pays étrusque. On le retrouve dans les villes, où il recevait un culte municipal, et dans les domaines privés, où il comptait de nombreux adorateurs parmi les ouvriers agricoles. L'importance de son culte n'est pas toujours en rapport avec celle de la population. C'est que la Grande Mère ne se présente point partout sous le même aspect. A Laurentum Lavinium, ville sainte qui prétend garder les Pénates d'Énée et la Minerve assise de Troie, elle est avant tout la dame de l'Ida. C'est à ce titre qu'elle y possède un temple et un baptistère taurobolique, où l'on sacrifie pour le salut des empereurs.* Grâce à Rome, elle avait repris sa place auprès des dieux troyens, ses compatriotes, de qui dépendent les destinées du peuple romain. Ailleurs, elle semblait vouloir se substituer aux déesses telluriques du Latium, qui survivaient à une religion désuète. Nous la rencontrons à Lanuvium (Cività Lavinia),* auprès de Mater Regina Juno Sospita, dont le culte est lié à celui du serpent dans une grotte ; à Praeneste,* auprès de Fortuna Primigenia, déesse mère associée à un dieu enfant ; dans Aricia, ou elle se juxtapose à la Diane des forêts voisines et à la Nymphe du lac* ; à Castrimoenium (Marino),* que Néron repeupla de vétérans, et où elle recueillit sans doute l'héritage de Dea Ferentina, déesse topique des sources et des bois. De même à Gabii (Gabies), célèbre par son lac et la fraîcheur de ses eaux vives, et qui devient sous l'Empire une station d'hydrothérapie à la mode, elle tend à supplanter la Dame du lieu. Le culte métroaque y prospérait aux 2e et 3e siècles ; nous y voyons des 15virs officier aux cérémonies du taurobole.* Enfin au nord de Rome, tout au pied du mont Soracte, sur les confins de l'Etrurie, du Latium et de la Sabine, Cybèle fut certainement mise en relation avec la Feronia des Capénates, divinité fontainière et forestière, parfois identifiée à Proserpine.* *) V. supra, p. 169, tauroboles, liste B _26_. *) _CIL._ 14, 2094 = 6, 495 : dédicace à Magna Mater Idaea par un citoyen romain. C'est entre C. L. et Genzano, non loin d'une villa dite des Antonins, que fut découvert le portrait d'Archigalle du Musée Capitolin. *) _CIL._ 14, 2904 : dédicace à Mater Magna par deux femmes. *) Tête de Cybèle tourelée et voilée, en marbre italien, de grandeur naturelle, époque automne ; coll. Despuig, à Raxa (Majorque), constituée surtout par des antiquités d'Aricia ; Huebner, _Ant. Bildw. in Madrid_, 735. *) _Ibid._ 2457 : « Matri Deum ex iussu, etc... » Silva Ferentina, Aqua Ferentina, cf. Desjardins, _Topogr. du Latium_, p. 70. *) _CIL._ 14, 2790 (v. supra, p. 165 n. 3) ; 2809 (Dendrophores, ann. 220). *) _CIL._ 11, 3861, à Nazzano : « Avonia T/// et Trebatia/// M(atri) D(eum). » Au même lieu, cultes de Silvain (3863-64) et de Bona Dea, Lucus Feroniae ; cf. à Terracine, lucus et lacus F. ; en Campanie, F. nympha ; F. Persephonè, Dion. Hal. 3, 32, 1 ; v. Wissowa, _Religion d. Römer_, 1902, p. 232. D'une façon générale, selon la tradition anatolienne, son culte paraît s'être étroitement lié à celui des eaux. Dame des lacs, nous lui connaissons des sanctuaires à Vulsinii (Bolsena), sur le lac du même nom en Etrurie, à Alba Fucensis, sur le lac Fucin, à Verulae des Herniques, dont le lac a disparu* ; on a retrouvé ses traces sur les bords du Lacus Sabatinus (Lago di Bracciano), dans la moderne Anguillara,* et près du Lago di Paola, qui est au pied du cap Circé.* Protectrice des sources, elle préside à celle de l'Almo, le ruisseau de l'annuelle Lavation. De même dans la vallée supérieure de l'Anio, un peu au-dessus de la prise d'eau de l'Aqua Marcia, près des étangs et des fontaines qui alimentent les aqueducs de l'Aqua Augusta et de l'Aqua Claudia, on lui a dédié un temple* ; est-ce un sacrifice public, au nom du peuple romain, qu'une délégation des Épulons vient y accomplir ? On a mis spécialement sous sa tutelle, comme en Phrygie, les eaux douées de vertus curatives. Au milliaire 14 de la Voie Tiburtine, les Aquae Albulae ou Eaux Blanches (Bagni di Solfatara), sources sulfureuses très fréquentées par les gens de Rome, lui sont consacrées ; le temple est desservi par un prêtre qui réside à Tibur.* La même route, entre le premier et le second milliaire, franchit le « fosso dell' Acqua Bollicante » ; près de cet endroit se dressait, sur un piédestal de maçonnerie, un autel de la Mère des Dieux.* A Verulae,* Anagnia* (Anagni), Nomentum* (Mentana), à Falerii* (Cività Castellana), où elle est rapprochée d'Isis, et au nord de l'Ombrie, à Sarsina* (Sassina), le développement de son culte peut s'expliquer en partie par des raisons analogues. Il en est de même à Centumcellae* (Cività Vecchia), dont les Aquae Taurinae furent captées par Trajan dans un magnifique établissement thermal ; à Reate (Rieti), voisine des Aquae Cotiliae, dont on vantait fort l'efficacité. Aussi bien les Réatins, pratiquant l'étymologie à la façon des archéologues de la Renaissance, attribuaient-ils à Rhéa-Cybèle l'origine de leur nom ; et ils avaient, par un vœu public, consacré leur cité à la Grande Mère.* *) _CIL._ 11, 2723 (Dendr.). --- 9, 3938 (Dendr.). --- 10, 5796 (Dendr., ann. 197). Sur le lac de Veroli et le « laghetto Canoce » au pied du « monte Nervo, » cf. Abbate, _Guida d. provincia di Roma_, 1894, 2, p. 437. *) Abbate, _l. c._, p. 14 : « si vede, entro un vicolo, una testa di Cibele di marmo. » Anguillara s'élève sur l'emplacement d'une villa des Rutilii. *) _CIL._ 10, 6423 : « D. d. Matri Deum M. Agileius Faustus, Agileia Paezusa, Agileia _Praetoria_ porticum et cubiculum d(e) s(ua) p(ecunia) p(osuerunt). » L'inscr. l'ut trouvée avec des statues égyptiennes. Il y avait là un petit oppidum (Strab. 5, 3, 6) avec un _praetorium_ des Césars. *) A Marano : _CIL._ 14, 3470 : « Matri Deum Idaeae, etc... » Il y a également, dans le voisinage, des sources sulfureuses et ferrugineuses : Abbate, _l. c._, p. 375. *) _CIL._ 14, 3534 : dédicace à Attis par un « Sacerdos M. D. M. I. ad Aquas Albulas. » Trouvée à Tibur ? *) A Portonaccio : _CIL._ 6, 30968 ; v. supra, p. 340. *) Abbate, _l. c._, p. 437 : à un mille, « fonte d'acqua ferruginosa, detta la Pedicosa. » *) _Ibid._, p. 419 : au lieu-dit Bagno : « acque sorgive che hanno, per antica tradizione, virtu medicinali » . --- Dans l'église des SS. Cosme et Damien, parmi les marbres provenant du cimetière suburbain, « lastrina murata nel pavimento ed in parte coperta dalla parete laterale della cappella dell' altare maggiore... Pregai che la tabella fu smurata ; ed allora vidi che il graffito rappresenta il mito di Ati e Cibele. » De Rossi, _Bull. arch. crist._, série 4, ann. 5, 1887, p. 30 n. 3. *) _CIL._ 14, 3956, prêtre ; v . supra, p. 239. --- Eaux sulfureuses et magnésifères : Abbate, _op. l._ 1, p. 174 ; 2, p. 297. C'était aussi un riche pays de cultures et de vignobles ; _CIL._ 14, p. 441. *) _CIL._ 11, 3080 (chapelle votive, v. infra, p. 429), 3123 (Dendr.). Source ferrugineuse : Abbate, _op. l._ 2, p. 111. *) _CIL._ 11, 6520 (Dendr.) ; cf. Martial. 9, 59, 4 : « nec tua Baianas Sarsina malit aquas. » *) _CIL._ 11, 3550 (prêtre, cf. supra, p. 240). Les ruines des thermes sont aux Bagni di Ferrata. Autres sources chaudes : Abbate, _l. c._, p. 161. *) Sil. Ital., _Pun._ 8, 415 : « Magnaeque Reate dicatum Cælicolum Matri. » Explication du nom de Reate par celui de la divinité latine Rea Silvia, confondue plus tard avec Rhéa-Oreia-Cybélé : cf. supra, p. 37 n. 2. --- Existait-il un lien, dans cette ville, entre le culte de la Grande Mère et celui de Mars, qui comportait des danses de jeunes filles, « Saliae Virgines » (Dion. Hal. 2, 48) ? Cf. les Sacrani, « Reate orti » (Fest. 321 a), et le mythe d'un Corybante venu en Italie, « ex eo populos ducentes originem Sacranos appellatos » Serv. ad _Aen._ 7, 796). Sur les montagnes dont elle a pris possession, Cybèle est la bienfaitrice des champs, des vignobles, des troupeaux. Mais surtout elle règne sur les forêts qu'exploitent ses Dendrophores. C'est pourquoi elle est puissante partout où cette corporation est prospère. Dans certaines villes où nous avons déjà constaté sa présence, telle fut assurément l'une des causes principales de son succès ; nous le savons pour Verulae dans le massif hernique, Alba Fucensis au pied du « Monte Velino » (2487 m.), Falerii qui s'élève entre le Soracte et les monts Ciminiens, Volsinii dont le lac est couronné de collines et de bois. Pour la même raison, le culte phrygien paraît être florissant à Tusculum (Frascati), qu'avoisinent les rouvraies des monts Albains* ; à Signia (Segni), que dominent les forêts des monts Volsques ; à Carseoli (Carsoli), sur la voie Valérienne, dans le pays montagneux des Eques ; à Antinum des Marses (Cività d'Antino), dans la vallée supérieure du Liris (Garigliano), où les sommets dépassent 2.000 mètres.* Il en est de même à Formiae (Mola di Gaeta), dont les montagnes boisées, encadrant au nord la plaine du Liris, descendent jusqu'à la mer. Mais Formies restait en même temps une importante station sur la Voie Appienne. De plus, entre Pouzzoles et Ostie, les navires marchands relâchaient volontiers dans cette baie hospitalière de Gaète : « elle est très fréquentée, » observait déjà Cicéron, « et toujours pleine de vaisseaux.* » En faudrait-il davantage pour justifier sur cette côte la popularité de Cybèle et d'Attis ? A l'époque impériale, leur temple renferme un baptistère taurobolique. Parmi les saintes images dont l'orna la piété de nombreuses générations, une statue d'Attis avait été donnée par la prêtresse Decimia Candida, fille de C. Decimius.* Ingénues et affranchies s'y disputaient le sacerdoce ; et les prêtresses y rivalisaient de zèle pieux. *) _CIL._ 10, 5968 (Dendr.) ; au pied de la ville, une station portait le nom de « Roboraria. » --- _Not. Scavi_, 1895, p. 104 (Archigalle). *) V. supra, p. 264 n. 2, régions 1 et 4. --- Au sud des monts Albains, à Velitrae (Velletri), _CIL._ 10, 6557 : « ...ri] Lar. M. D/// » ; mais il faut sans doute lire : « Lar(ibus) M(agnis), » cf. 6556. *) _Pro lege Manilia_, 12. *) _CIL._ 10, 6074 ; 6075 : taurobole en 241, par « Helvia Stephanis, sacerdos M. M. I. » Une inscr. du Musée de Vérone, considérée d'abord comme fausse, _CIL._ 5, falsae 436, reparaît parmi les authentiques de Rome, 6, 30972, et doit être attribuée à Formies : « Decimia C. f. Candid(a) sacerd(os) M(atris) D(eum) delficam cum laribus et ceriolaris n(umero) 30. » Une delfica est un trépied. --- Chapelle privée, v. infra, p. 429 s. Sur la côte étrusque, la Grande Mère possédait un sanctuaire à Porto San Stefano, que domine la double cime du « Monte Argentario. » Il y avait là des domaines de la gens Domitia ; et peut-être s'agit-il d'un oratoire privé* Mais nous connaissons par les Dendrophores l'existence d'un temple public à Luna (Luni, près de la Spezia), port d'embarquement pour les bois et les marbres des monts Apuans. C'est par eux aussi que le culte nous est signalé dans les montagnes du Val d'Arno, à Faesulae (Fiesole) ; par eux surtout que nous pouvons apprécier son rôle en Ombrie.* Dans la vie municipale des cités ombriennes, sur les deux versants de l'Apennin, culte et confrérie tiennent une place considérable. Leur activité s'y manifeste à Ocriculum (Otricoli), station de la Voie Flaminienne sur la frontière des monts Sabins ; à Mevania (Bevagna), au-dessus de cette vallée du Clitumne dont Virgile a chanté les troupeaux ; sur la « Rocca » d'Assisium (Assise), qui s'appuie au massif du Subasio ; à Tuficum (Albacina), que domine le « Monte San Vicino, » et dans Attidium, le municipe tout voisin, qui sans doute adorait en Attis le dieu éponyme* ; à Sentinum (Sassoferrato), qui fait face au « Monte Catria » ; au Forum Sempronii (Fossombrone), où la Voie Flaminienne sort de gorges profondes pour entrer dans la vallée du Métaure* ; à Urvinum (Urbino), dont la roche escarpée s'entoure de montagnes abruptes ; enfin tout au nord de l'Ombrie, à Sarsina (Sassina), sur la limite de l'Apennin toscan, au milieu de pâturages et de vastes forêts.* Nous retrouvons Cybèle et ses Dendrophores sur la côte ombrienne, à Fanum Fortunae (Fano), Pisaurum (Pesaro),* Ariminum (Rimini). *) Statue de Cybèle, en marbre : Michon dans _Mélanges École de Rome_, 1889, p. 284 ; S. Reinach, _Répert. Stat._ 3, 204, 2. *) V. supra p. 265, régions 6, 7, 8.--- Les monuments figurés qui se trouvent à Florence ne sont probablement pas de provenance locale ni même régionale. Le plus intéressant est, aux Uffizi, un Attis en marbre, plus grand que nature, restauré au 18e s. en roi barbare dans l'attitude d'un général romain ! Antiques : torse, haut du bras gauche avec bout de manteau, haut de la cuisse droite. Les anaxyrides sont à crevés ; la tunique, dont l'agrafe porte l'image d'un lion, s'écarte pour laisser à nu le bas de la poitrine et une partie du ventre. Clarac, pl. 853, n° 2165 (roi phrygien) ; Dütschke, _Ant. Bildw. in Oberital._, 1874-82, 3, 133 ; Amelung, _Antiken in Florenz_, 1897, p. 42 n° 61 ; Alinari, phot. 1180. --- Cybèles, au palazzo Rinuceini. Dütschke 2, 305 ; au palazzo Antinori 368. *) _CIL._ 11, 5686 = _Not. Scavi_, 1877, p. 244 = _Bull. arch. com. di Roma_, 1877, p. 267. Statuette d'Attis en marbre de Luni, mutilée, tenant le pedum, trouvée avec une statuette mutilée de déesse ; Cybèle ? ), « in contrada Moresini, » près d'Albacina, déposée au Tabularium de Rome. Sur la plinthe : « Attidi Autia Vera d. d. » Municipe d'Attidium : _CIL._ 11, p. 825. *) Sanctuaire privé, v. infra p. 429. *) Cf. Martial. 3, 58 : « Sarsinate de silva » ; v. aussi supra, p. 424. *) Cf. à Pesaro, la tombe d'un affranchi, _CIL._ 11, 6393, avec lions piétinant des têtes de béliers ; au sommet se dressait une pomme de pin ou un Attis . --- Les lampes en t. c., avec images de Cybèle et d'Attis, publiées par Passeri, _Lucernae fictiles_ 1, pl. 14-19, sont fausses ; cf. Dressel, dans _Roem. Mitt._ 7, 1892, p. 146. Dans le Picenum, ils reparaissent au pied des monts Sibyllins, à Falerio ; et le culte métroaque a laissé des vestiges dans Interamna (Teramo), au pied des contreforts du « Gran Sasso d'Italia.* » Est-ce à Teramo, comme pourrait le faire croire l'ex-voto d'un prêtre, que s'élevait le temple de la Grande Mère Vestine ? Sur l'ancien territoire des Vestins, de même que chez les Voconces en Narbonnaise, la Mère des Dieux s'était identifiée, puis substituée à une grande divinité nationale, dont le culte servait jadis de lien religieux entre leurs cités ; sans doute aussi l'antique déesse trônait-elle sur le Gran Sasso, dont les Vestins occupaient les deux versants. Cybèle devint très populaire dans toute cette région montagneuse et forestière des Abruzzes. Teate (Chieti), capitale des Marrucins, est un centre taurobolique.* Entre le Gran Sasso et la Majella, qui dressent les plus hautes cimes de l'Italie centrale, un dévot du dieu Silvain et de Notre-Dame des Monts, poète à ses heures de loisir, évoque le souvenir des bois de l'Ida.* Quand il se rendait à la ville proche, à Corfinium, capitale des Pélignes, le temple où Mater Magna recevait ses hommages était l'un des plus beaux du municipe ; car les Pélignes, comme les Vestins, semblent l'honorer au premier rang de leurs divinités féminines, avec Cérès et Vénus. Au fond du sanctuaire resplendissait une statue toute dorée de la Dame. Près d'elle se tenait Attis, dont la chevelure d'or symbolisait l'éclat du Soleil Invaincu. Derrière les épaules ou sur le bonnet d'Attis Menotyrannus, brillait un croissant lunaire d'argent. Bellone, selon la tradition romaine, leur était associée.* Mais Rome n'exerce pas seule ici son ascendant. L'Adriatique est une mer à demi orientale. Les villes maritimes du Picenum, de l'Ombrie, de la Cispadane, sont autant d'escales pour le commerce levantin entre Brindes et Aquilée. Aussi tout ce versant de l'Apennin paraît avoir subi quelque influence directe de l'Orient : Magna Mater y porte beaucoup moins souvent le titre romain d'Idéenne. *) V. supra, pp. 240 et 265. Interamna était chez les Praetutii, non chez les Vestini. La capitale des Vestins était Pinna (Cività di Penne), au pied du Gran Sasso. Sur la république ou confédération Vestine, dont témoignent des monnaies et un texte de Tite Live, 64, 40, cf. _CIL._ 9, p. 317. --- Au musée de Teramo, tête tourelée et voilée de Cybèle ou de Fortuna : Dressel dans _Bullettino_, 1884, p. 142 n° 2. *) _CIL._ 9, 3014 (ann. _235_-_238_), 3015. *) _Ibid._ 3375 (près de Capestrano, année _156_) --- Buecheler, _Carm. epigr._ 250 : « Magne Deum Silvane potens sanctissime pastor, | qui nemus Idaeum Romanaque castra gubernas. » Même alliance de Mater Idaea et de Silvanus, parmi les dieux des bois et des sources, dans Gratius Faliscus (époque d'Auguste), _Cynegeticon_ 19 s. *) _CIL._ 9, 3146 : « Acca L. f. Prima, ministra Matris Magnae Matrem refecit Magnam et inauravit, et Attini comam inauravit, et Bellonam refecit. --- Attini aram lunam argente(a)m p = pos(u)it P. Marins Pharetra sacerd(os). » -- 3147 : « C. Lucilius Arcestus M. D. » Dans les manifestations du culte privé, cette action immédiate de l'Orient est souvent plus sensible encore. Nombreux étaient les oratoires particuliers. Ils se multipliaient dans les propriétés rurales, en l'honneur de la protectrice des champs et des vignes. Nous en avons vu aux portes de Rome. A l'entrée de Tibur, la Villa Cassiana renfermait un de ces petits sanctuaires* ; il en existait un autre sur les collines de Castelmadama, entre Tibur et Varia (Vicovaro)* ; et dans la Villa d'Hadrien Cybèle possédait probablement sa chapelle.* Au pied des monts Albains, vers le 15e mille de la Voie Labicane et dans l'Ager Labicanus, non loin d'un étang, on a retrouvé les traces de son culte. Une véritable colonie d'affranchis et d'esclaves asiatiques peuplait le domaine, où l'on parlait beaucoup plus grec que latin. Mêlant naïvement les deux langues, l'esclave Gallos ou Thallos y consacre un ex-voto à Meter Théôn Agraria.* Dans les monts Ciminiens, en territoire falisque, s'élevait un « sacellum » votif de Mater Deum Magna Diacritaména.* L'édicule fut construit et dédié, au temps d'Auguste, par la fille du roi d'Arménie Tigrane ; il y avait là. un domaine qui, dès la fin de la République, dut servir de lieu de relégation à la famille royale. Mater Diacritaména, ou plutôt Diacritamina, ne peut guère être que la Mère qui fait pousser l'orge.* La princesse avait rapporté d'Orient ce vocable d'apparence grecque, mais de formation barbare, ou qui fut défiguré par le lapicide. Au Forum Sempronii (Fossombrone), en Ombrie, une femme confie à une autre, par testament, le soin d'élever ou d'entretenir un temple de « Mater Deum.* » Il ne peut s'agir que d'un édifice privé ; mais ne serait-ce pas une sorte de chapelle funéraire, comme les Phrygiens en consacraient à la déesse en mémoire des morts ? Cette coutume phrygienne avait pénétré dans l'Adriatique. Sur la côte latine, au pied du Cap Circé, un affranchi et deux affranchies dédient à la Mère des Dieux un portique et un « cubiculum.* » Cette chambre sacrée est la« Thalamè » de la Mêter anatolienne, peut-être une grotte, comme on en voit plusieurs dans ce promontoire. Ils y vénèrent en même temps Isis, qui est si souvent associée à Cybèle comme Mère universelle. *) _CIL._ 14, 3562 a : « Domitia Tertulla M. D. M. d(e) s(ua) p(ecunia) f(ecit). » *) « Ara tauroboliata, » aujourd'hui à Rome, Musée des Thermes. Le baptistère où avait eu lieu le taurobole se trouvait sans doute à Tibur. *) Masque colossal, en marbre blanc, au Musée du Capitole, atrium, n° 18 : Cybèle tourelée et voilée. Re e Nibby, _Scult. Capit._ 1, pl. 17. --- Statue passée de la Villa d'Este, à Ince, coll. Blundell : femme debout, en chiton et manteau, le bras gauche sur un tambourin posé sur un tronc d'arbre (bras droit restauré) ; la Phrygie, d'après Michaelis, _Anc. Marbles_, p. 350 ; cf. Clarac, pl. 768 A, 1906 A. La tête tourelée, étrangère à la statue, est « une très belle tête antique de Cybèle » ; Furtwaengler, _Statuencopien_, p. 35. *) _Bull. arch. Com. di Roma_, 1892, p. 358. Près du lieu-dit « Marmorelle, » sans doute l'antique « Ad Quintanas. » Autre inscr. grecque du même lieu : _IGSI._ 1011. Esclaves et affranchis orientaux de l'Ager : _CIL._ 14, 2767-86. --- Bona Dea est aussi qualifiée d'_Agrestis_ : 6, 68. *) _CIL._ 11, 3080 ; Gamurrini, _Della dimora di alcuni Re asiatici nel territorio falisco_, dans _Roem. Mitt._ 22, 1907, pp. 217-224. « Contrada Boschetto, » près de Vignanello ; on a retrouvé aussi les ruines de l'édicule. Du même lieu, épitaphe versifiée de Tychè, « Reginae famula. » Ce Tigrane paraît être celui qui, réfugié à Rome au début du principat d'Auguste, fut dans les bonnes grâces du prince et se fit investir par lui de la royauté d'Arménie vers 731/23 ; sa fille porte le prénom de Julia. Le fils d'un autre Tigrane avait été conduit en otage à Rome par Pompée. *) On trouve l'expression κριθάμινος = κρίθινος, d'orge. *) _CIL._ 11, 6110 : « Pomponia M. F. Marcella Hermini Sabini, templum Matris Deum fidei suae commis [sum testamento] Baebidiae pr///. » *) V. supra, p. 423, n. 5. Dans les nombreuses villas qui bordaient le rivage d'Antium, on adorait sans doute aussi la Grande Mère. De l'une d'elles, près de Nettuno, proviendrait la statue Doria-Pamfili, qui représente Cybèle assise de face sur un lion.* Près de Formies, au-dessus de la route qui mène à Gaète, on découvrit en 1893 les ruines d'un sacellum et la statue qu'il abritait il y a dix-huit siècles.* Il appartenait à l'une des riches villas étagées entre la voie Appienne et la plage. C'était un édicule d'ordre ionique, à colonnettes de marbre, somptueusement décoré de marbres polychromes et de stucs aux couleurs vives, où dominaient le rouge et le bleu. A l'intérieur, la Dame de marbre, un peu plus grande que nature, trônait entre ses lions, sur un siège qui paraît être taillé dans le roc. Elle est couronnée de murs et de tours ; elle porte le chiton sans manches, qu'une ceinture serre au-dessous des seins, et l'ample manteau, qu elle ramène sur ses genoux. Son bras droit, abaissé, tendait la patère ; le bras gauche, levé, s'appuyait sur un tympanon. Toute la statue fut peinte ; sa robe était bleue. Des mains pieuses l'avaient aussi parée de bijoux. Ses oreilles sont percées pour recevoir des pendants, et son cou garde les traces d'un collier. *) A moins qu'elle n'ait orné la spina d'un cirque, à Antium. Matz et Duhn, 1, 902. *) _Not. Scavi_, 1893, p. 361 ; _Atti d. Commissione di Caserta_ 24, 1893, p. 1 ss ; _Arch. Anzeiger_ 8, 1893, p. 157 ; Petersen, dans _Roem. Mitt._ 10, 1895, pp. 90-92 (deux figures, face et profil g.) ; Lanciani, _Ruins of ancient Rom_, p. 137 ; Showerman, _Great Mother of the Gods_, 1901, pl. 1 ; aujourd'hui à Copenhague, coll. Jacobsen. Tête, bras et partie antérieure des pieds ont été sculptés à part. Traces de crampons de fer indiquant l'attache de deux lions, retrouvés aussi. Ruines vues par moi, avec la statue et les lions, en 1893. ## 3\. Il n'est pas moins intéressant d'étudier la diffusion du culte métroaque dans l'Italie méridionale. Les religions mystiques et orgiastiques y ont toujours rencontré un terrain favorable. Le bacchisme y florissait au temps de la République. On y pratiquait les mystères de Déméter. On y adorait l'Aphrodite sémitique. Sous les vocables romains de Cérès et de Vénus, ces deux déesses sont restées les principales divinités de la Campanie. Isis et Serapis y étaient installés bien avant l'Empire. Depuis longtemps aussi, sans aucun doute, la Mère des Dieux était venue dans ces régions. Elle y fut importée à la fois de Grèce et d'Asie Mineure. Peut-être fut-elle introduite à Pouzzoles par les marchands de Kymé qui colonisèrent cette ville. Quand toute la Méditerranée devient romaine, Brindes et Pouzzoles bénéficient de leur situation privilégiée. C'est par Brindes que s'opère une bonne partie du trafic entre l'Orient et Rome.* Les marchands d'Asie Mineure, d'Antioche, d'Alexandrie, viennent y débarquer pour prendre la voie Appienne. Nous y voyons un curieux effet du syncrétisme religieux : le même prêtre réunit les sacerdoces de Mater Magna, Dea Suria et Isis.* Mais Brindes n'est qu'un lieu de passage et de transbordement. Pouzzoles est, au contraire, le type de l'emporium. On l'appelait après les guerres puniques la petite Délos, pour signifier qu'elle était la seconde place de commerce de l'univers et que l'Occident s'y trouvait en perpétuel contact avec l'Orient.* Après la chute de Délos, elle devint le premier marché cosmopolite. Plus tard, malgré la concurrence d'Ostie, elle resta le principal entrepôt des denrées du Levant.* L'orientalisme y pénétrait aussi par l'intermédiaire du commerce africain. Car les cultes de l'Afrique romaine demeurent soumis à l'influence des religions sémitiques. C'est à Pouzzoles que l'on a découvert le plus ancien autel taurobolique de date connue ; il fut consacré le 7 octobre 134 à Venus Cælestis, la Dame de Carthage, identique à l'Ourania de Syrie.* La ville est remplie de collèges religieux, qui ont parfois gardé leur nom grec de thiases. Les mystes de la Mère s'organisent en confréries de Religieux, comme dans les églises métroaques d'Afrique, comme dans les cultes d'Asie. Ils possèdent, non pas une _schola_, comme toute corporation romaine, mais un _ager_, comme les associations de marchands syriens ; ce terrain, avec portique et sièges, était le don d'un confrère riche. L'église locale comporte également une confrérie de Vierges Cernophores, qui se recrute parmi les meilleures familles d'affranchis. Quant à la corporation cultuelle et professionnelle des Dendrophores, elle est aussi importante, aussi considérée qu'a Ostie ; dans les actes municipaux on la qualifie de « très honorable.* » Une statue mutilée de la déesse fut trouvée au 16e siècle sur la hauteur, au-dessus de la route de Cumes.* La colonie appelait ce quartier le Palatin, en souvenir de la métropole. Peut-être l'avait-elle choisi pour y construire son temple de la Mère des Dieux. L'un des ex-voto du sanctuaire nous est parvenu. C'est une lampe en bronze, où le stylet du dévot Asclepiadès a gravé la formule dédicatoire : elle brûla devant les saintes images.* Le voisinage de la flotte de guerre, stationnée à Misène, devait singulièrement augmenter la clientèle de ce Metrôon ; car, dans les équipages, il y avait un fort contingent d'Asiatiques.* Les marins de Misène, comme les marchands de Pouzzoles, ont fait œuvre de propagande en faveur de Cybèle et d'Attis. *) Gens d'Antioche et de Tyr, _CIL._ 9, 41, 6100 ; de Rhodes, 48 ; de Bithynie, 62 ; d'Alexandrie, 6101. *) _CIL._ 9, 6099 ; cf. supra, p. 240. *) Festus, _De verb. sign._ 11, p. 122, citant Lucilius : « Delum minorem. » *) Dubois, _Pouzz. antique_, 1907, p. 83 ss ; « Les Orientaux à P., » surtout pp. 104-110, « Négociants d'Asie Mineure. » *) _CIL._ 10, 1596 : « esitium (= initium ? ) taurobolium Veneris Caelestae et pantelium » ; v. Zippel dans _Festschrift f. Friedlaender_, 1895. p. 95. Sur les rapports de P. avec les ports d'Afrique, cf. une dédicace au Génie de la colonie de Pouzzoles, trouvée à Philippeville. *) _CIL._ 10, 1786 (ann. _196_), 1790, 1803, 1894. Beloch, _Campanien in Altertum_, 2e éd., 1890, p. 112, prétend que les Dendr. de Cumes n'auraient fait qu'une seule corporation avec ceux de P., et que tous étaient groupés autour du sanctuaire de Mater Baiana, qui dépendait du territoire de Cumes. Il voit une confirmation de cette hypothèse dans ce fait que, sur les listes de Dendr. Cuméens, on retrouve des noms fréquents à P. ; mais dans chacune de ces villes nous voyons le collège dépendre de la Curie locale. *) Dans la Villa Cordiglia : Palladini, _Descrizione di un sepolcreto ...e di altri monumenti etc._, Naples, 1817, p. 14 : « gamba poco piu grande del naturale di Cibele, e il frammento di un leoncino che doveva esser seduto a suoi piedi » ; cf. Dubois, _op. l._, Catal. 15. Il y avait là les ruines de thermes. Peut-être s'agit-il simplement d'une image de la déesse décorant ces thermes, comme Dame des eaux. --- Fragment de statue de Cybèle : Loffredo, _Antiq. Puteol._, cf. Dubois 16. *) _CIL._ 10, 1587. *) Cf. supra, p. 416. Aussi la Mère des Dieux avait-elle pris rang, avec Cérès et Vénus, parmi les premières divinités de Campanie. De tous côtés, monuments épigraphiques et figurés nous révèlent l'importance et la vitalité de son culte.* Sur la côte, au nord de Pouzzoles, nous la revoyons à Baies, à Cumes,* jusqu'à Liternum (Patria), qui végétait dans les marécages. Son temple de Liternum remontait peut-être aux origines mêmes de la colonie, fondée dix ans après l'arrivée de la Dame Noire ; sous l'Empire, on y accomplissait des tauroboles.* Au sud de Pouzzoles, Herculanum possédait un temple municipal de Mater Deum ; le sanctuaire s'élevait dans le quartier de la basilique et du forum, au centre des affaires ; Vespasien venait de le restaurer quand disparut la ville.* Probablement il en existait d'autres à Pompeii, où l'on adorait Zeus Phrygios,* à Sorrente,* à Salerne,* où l'on a découvert des images de Cybèle et d'Attis. Dans l'opulente plaine de la « Terra di Lavoro, » les Campaniens demandaient à Mater Deum Agraria de protéger leurs récoltes ; de même, à Potentia de Lucanie (Potenza, en Basilicate), on l'associait à Cérès et à Vertumne comme Dame des bonnes moissons.* A Capoue siège un Archigalle.* Selon toute vraisemblance, Cybèle y fut mise en relations avec l'antique déesse mère et nourricière de la cité, et tenta de la supplanter. Elle dut chercher également, ce semble, à détrôner Diana Tifatina, souveraine des monts « Tifata, » qui dominent Capoue.* Sur le territoire de Suessula, un temple lui est consacré au « Vicus Ad Novas, » près de la jonction des routes de Capoue et de Naples à Bénéventparles Fourches Caudines ; il était desservi par les meilleurs citoyens de la colonie Suessulane.* Sur le territoire de Venafrum (Venafro), nous lui en connaissons un dans la colonie* et un autre au « Vicus ad Rufras, » avec baptistère taurobolique.* A Calés (Calvi) et dans l'Ager Falernus, celle que l'on invoque aussi « pro salvatione vinearum » fait mûrir des vignobles renommés. Entre Calés et le Vicus Palatius, la femme ou la fille de T. Pomponius Proculus Vitrasius Pollio, consul sous Antonin le Pieux et sous Marc Aurèle, lui avait érigé de ses deniers un magnifique sanctuaire ; l'édifice est antérieur à l'an 176, date du second consulat de Pollio.* Dans les vignobles de Falerne son temple se dressait au pied même du mont Massique. Il dépendait sans doute de Forum Popilii, station de la Voie Appienne. Le 20 novembre 186, nous y assistons à un taurobole qu'offre la prêtresse quindécemvirale.* En Campanie, le taurobole de caractère privé, pour le salut particulier des individus, semble avoir pris une plus rapide et plus grande extension. Pouzzoles avait donné l'exemple ; à cet égard, son influence se propage par-delà la Campanie, jusqu'à Formies et Bénévent. *) Ajouter aux mon. ci-dessous une statuette de Cybèle au Musée de Naples, sans indication de provenance : Arndt-Amelung, _Einzelaufn._ 533 ; S. Reinach, _Répert. Stat. ant._ 2, p. 271, 2. *) _CIL._ 10, 3698 (Mater Baiana, année _289_ ; son prêtre était nommé par la Curie de Cumes), 3699 (album de Dendr., en _251_), 3700 (fragment d'album). *) _Ephem. epigr._ 8, 1899, p. 118 n° 455. Sur la colonie, cf. _CIL._ 10, p. 356. *) _CIL._ 10, 1406. Année _76_. Provient de la « Maceria di Bisogno, » à l'est du « Vico di mare. » --- Sur une lampe en t. c. : Cybèle assise de face entre deux lions ; à g., Attis ; à dr., pin avec cymbales. Piroli et Piranesi, _Antich. di Ercol._, éd. in-4, 6, pi. 6, 4. *) _Ibid._ 796 ; _IGSI._ 701. Le culte de la Venus Pompeiana comportait une dendrophorie ; on promenait aussi le trône de la déesse, sur lequel était posée sa couronne ; cf. la copie d'une fresque, au Musée de Naples, salle du plan de Pompeii et des vases de bronze. *) Cf. supra p. 112. *) Attis funéraire, à Chantilly ; S. Reinach, _Répert. Stat._ 2, 471, 4 et 5. *) _CIL._ 10, 129 : « Cereri, Vert. sac. Bovia Maxima sacerdos 15 viral. » On ne connaît ce dernier titre que pour les prêtresses de la M. d. Dieux. *) _Ibid._ 3810 (cf. supra p. 234 ; dédicace sur la plinthe d'une statue de la déesse, qui est au Musée de Naples) ; 3809 (don à Mater Deum). On crut retrouver au 17e siècle l'emplacement du temple de M. D. près de l'église et de l'hôpital S. Lazare, où furent découverts en effet des murs en pierre de taille, des fûts de colonnes, des chapiteaux _etc._ ; mais l'identification résulte d'une inscr. fausse, _CIL._ 10, _falsae_ 455. --- Sur la déesse mère de Capoue, v. Koch dans _Roem. Mitt._ 22, 1907, pp. 361 ss. *) Fouilles du capitaine Novi près du temple de Diane ; beaucoup de figurines d'Attis (jeune homme imberbe, à tunique courte, assis et jouant de la syrinx) ; cf. Biardot, _Terres c. gr. funèbres_, p. 322. *) _CIL._ 10, 3764. Provenance : « collina detta Carvignano, » entre Maddaloni et Cervino. Ce vicus, cité dans la Table de Peutinger, était à 7 kilomètres environ au N. E. de Suessula. C'est sans doute le temple de la Mère des Dieux que remplaça le sanctuaire de S. Maria in Vico, dans la « Valle Caudina. » *) _Ibid._ 4844 : « M. D. d. d. Sabidia T. f. Cornelia Caepionis. » La ville possédait aussi un « collegium cultorum Bonae Deae Caelestis, » 4849 ; sur les eaux minérales de V., v. infra p. 436. *) _Ibid._ 4829 : « Matri Deum Optimae Maxim(ae) sacra tauroboli, » par la même femme. Entre Presenzano et Tora. Dans les ruines de beaux monuments, on a trouvé des bases de statues dédiées à Auguste et Agrippa par les « Vicani Rufrani, quorum aedificia sunt » ; les Rufrains avaient donc leur « respublica. » *) _Ibid._ 4635 ; « [Ann _ou_ Vitras]ia T. f. Faus[tina P]olionis cos. pon[tif... Matri] Magnae sua pecu[nia fecit]. » Epistyle, avec de grandes lettres, dans les ruines d'un bel édifice. La femme de Pollio, Annia Faustina, était une cousine germaine de M. Aurèle ; leur fille Vitrasia Faustina fut tuée par ordre de Commode vers 183. *) _CIL._ 10, 4726. Près de Carinola. D'autre part, et d'une façon générale dans toute l'Italie du sud, la déesse phrygienne a conservé quelques-uns de ses aspects d'Orient les plus originaux. D'abord elle y est rarement qualifiée d'Idéenne, vocable qui constitue en Occident son titre de naturalisation romaine. Elle est simplement la Mater Deum ou la Magna Mater, comme elle était, dans les cultes anatoliens et helléniques, la Meter Théôn ou la Mégalè. Telle nous la retrouvons à Pouzzoles, à Capoue, fière pourtant de ses origines troyennes, à Calés, Herculanum, Liternum, Suessula, Venafrum ; à Compsa (Conza), chez les Hirpins* ; à Larinum (Larino), chez les Frentans* ; dans Atina de Lucanie (Atena), où le riche affranchi Antonius Horus lui fait bâtir un temple, avec portique et logement des prêtres.* Au 3e siècle, à Bénévent, ville de culture grecque et florissant emporium, elle est populaire sous le nom singulier de Minerva Berecintia.* Dans son clergé même, cymbalières et tambourinières, qui sont des affranchies, mais aussi prêtres et prêtresses, qui se recrutent dans l'aristocratie bénéventine, ne la désignent pas autrement. Cette Cybèle a-t-elle absorbé la personnalité secondaire de Bellone, déesse du cycle métroaque ? Elle s'est plutôt identifiée à une Minerve locale, celle peut-être qu'honore le collège des Palladiani, déesse probablement apparentée aux Minerves troyennes de Lavinium, de Luceria en Apulie, de Siris en Lucanie. En tout cas, un tel syncrétisme paraît être l'œuvre d'Orientaux, habitués au culte orgiastique d'une Athéna qui est en même temps une déesse mère. Le vocable rituel de Bérécynthienne, familier également au peuple de Carthage, n'est pas dans la tradition phrygio-romaine. Enfin la prééminence d'Attis, devenu le dieu suprême et toujours nommé le premier dans les formules dédicatoires, est une manifestation caractéristique d'orientalisme.* Ailleurs certaines épithètes expriment l'idée orientale de suprématie et rappellent que Cybèle est en Asie Mineure la parédre d'un Zeus Pantocrator. C'est ainsi qu'à Rufrae on lui donne les titres de Mater Deum Optima Maxima.* Il est vraisemblable qu'à Pompeii son culte fut en relations avec celui de Zeus Phrygios. *) _CIL._ 9, 981 (prêtre). *) _Ibid._ 734 (religieux et prêtre) ; cymbales, tympanon, bonnet phrygien. *) _CIL._ 10, 333 : « aedem..., porticum qui est ante aedem et cellam sacerd(otum). » Le jour de la dédicace, Horus offrit aux Décurions, aux Augustaux et au peuple, des gâteaux et du vin doux. *) _CIL._ 9, 1538 (ann. _228_) --- 1542. Le nom de Berecynthia se déforme en Parachintia et Paracentia. Une part d'influence orientale remonterait-elle à la colonie de vétérans (légions 6 Ferrata et 30 Classica) envoyée par Auguste ? *) Cf. supra p. 221 n. 2. *) Remarquer qu'à Suessula, _CIL._ 10, 3764, le prêtre de Mater Deum est patron du collège des « Cultores Iovis Optimi Maximi, » et qu'aux monts Tifata, près de Capoue, il y a aussi un culte de Jupiter. Parfois, comme en Asie, la Mère porte une dénomination topique. Sur le territoire de Cumes, on adore la Mater Baiana. De même que Vénus Lucrina, une Orientale aussi, est la Dame du lac Lucrin, Mater Baiana protège les sources thermales de Baies, les plus célèbres de toute l'Italie ; elle avait son temple sur la hauteur ou au pied même du « Castello, » qui domine les thermes et le port. A Venafrum, dont Pline compare la fontaine acidulée à l'eau du Sangarios,* à Aeclanum (près de Mirabella), première station sur l'Appienne après Bénévent, dans une région riche en eaux minérales et sulfureuses,* le culte métroaque est également lié à celui des sources bienfaisantes. A Volceii de Lucanie, près du « Lago di Buccino,* » il se rattache probablement à celui des lacs et des étangs. *) Plin., _H. n._ 31, 2, 9 : « fons acidulus. » *) _CIL._ 9, 1100, 1153 ; cf. supra p. 248. C'est près d'Aeclanum que se trouvent les _Amsancti valles_ dont parle Virgile, _Aen._ 7, 565, aujourd'hui vallée d'Ansanto, encadrée de bois de chênes ( « densis bune frondibus atrum | urget utrinque latus nemoris » ). Il y a là une grotte ( « hic specus horrendum et saevi spiracula Ditis » ) et une source sulfureuse ( « pestiferas fauces » ). *) _CIL._ 10, 8107-08 (Dendrophores). Mais Cybèle est surtout la Mère de la montagne. Comme l'Oreia d'Asie, elle trône sur les hauts lieux. Certaines cimes, au-dessus de Venafrum et de la vallée du Vulturne, lui sont consacrées. Elles étaient depuis bien longtemps le domaine de la Grande Mère des Vénafrains, quand Auguste établit dans la ville une colonie de vétérans. Il partagea le territoire entre les nouveaux colons ; mais les sommets restèrent l'inviolable et l'inaliénable propriété de la Dame, _jure templi_.* Près d'Abellinum (Avellino), à la frontière delà Campanie et du Samnium, la Mère des Dieux aurait aussi régné sur une montagne, où lui succéda la Mère de Dieu ; le pèlerinage annuel de Monte Vergine perpétuerait des traditions antérieures au christianisme.* Dans la région de Capoue, nous l'avons vue s'installer aux monts Tifata. Près de Suessula, c'est sur une colline que s'élève son temple du « Vicus Ad Novas. » A seize milles d'Equotuticum (Ariano), sur la route de Venusia, la station « Ad Matrem Magnam » tirait son nom d'un temple de la Grande Mère, qui se dressait sur une hauteur voisine.* De même, sur la côte occidentale du Bruttium, près d'Hippomum (Monteleone di Calabria), un haut lieu s'appelait Castrum Cybelis ; la déesse y possédait un fanum dont le souvenir s'enveloppa de légendes horribles.* Au sud de Rhegium (Reggio), un Metrôon érigeait sa colonnade sur le promontoire de Leucopetra, extrême pointe, croyait-on, des Apennins.* Pour les marins qui franchissaient le détroit, il apparaissait comme un phare de salut, dédié à la Dame de Bon Secours. Ceux qui naviguaient entre la Sicile et Carthage en apercevaient un autre sur l'îlot volcanique de Cossura (Pantellaria).* *) _Liber coloniarum_ 1 (= _Gromatici veteres_, éd. Lachmann, 1848, p. 239) : « Summa montium iure templi Ideæ ab Augusto sunt concessa. » _Ideae_ est la leçon du Palatinus ; un autre manuscrit donne simplement _deae_. *) Le moderne sanctuaire est certainement construit sur les ruines d'un temple antique, dont il subsiste des vestiges. D'Amato, _Brevilogio della cronica ed istoria dell' insigne santuario reale di M. Verg._, Napoli, 1777, p. 2 n. B, cite 4 colonnes et une partie du trône « dell' idolo di Cibele. » Mais les attributs sculptés sur les côtés (génie à corne d'abondance, serpent, figuier, trépied) n'ont rien qui caractérise le culte métroaque. « Si era prima quel monte col nome suo di Cibele renduto celebre e frequentato pel tempio che gia fu ivi in onore di Cibele » ; et la tradition locale rapporte que le Christ montre les ruines du Metrôon au saint abbé Guillaume en lui ordonnant de les remplacer par une église de la Vierge. Mais la vie du Saint (mort en 1142), « auctore Joanne a Nusco, Sancti discipulo, » 3, 18, ne fait aucune allusion à ce temple. Leander Alberti, dans sa Description de l'Italie, parue en 1550, confond Monte Vergine avec la station « Ad Matrem Magnam » des Itinéraires. *) _Itin. Antonin._, p. 103 ; cf. _CIL._ 9 p. 657. *) Cf. supra p. 35. *) _CIL._ 10, 7 (ann. 79) ; inscr. trouvée avec des fragments de colonnes. *) Statuette en marbre (h. sans la plinthe : 55 cm.), au Musée de Palerme, dans le cloître : Cybèle tourelée et diadémée, assise entre deux lions. Restaur. : nez, bras gauche avec tympanon, main droite avec torche, plis du manteau, mufles des lions). --- Pour le culte en Sicile, cf. supra p. 35 s. Ce qui doit rendre Cybèle plus particulièrement chère aux habitants de Rhegium et de Locri,* c'est qu'elle protège les superbes forêts de pins et de hêtres de l'Aspromonte. Dans toutes les régions montagneuses que couvrent des maquis ou de vastes futaies, son culte a pris une extension considérable. Il est signalé autour du massif lucanien de l'Alburne, « tout vert d'yeuses » au temps de Virgile, à Eburum (Eboli), Atina (Atena), Volceii (Buccino) ; sur les deux versants de la chaîne qui sépare l'Apulie de la Lucanie, à Laviano près des sources du Silarus (Sele), à Compsa (Conza) dans la haute vallée de l'Aufidus (Ofanto), à Aeclanum, dont Virgile a chanté les denses frondaisons ; sur les contreforts du mont Voltur, à Venusia (Venosa), proche de ces gorges boisées de Bantia dont Horace conservait un souvenir attendri ; dans le massif qui sépare le Samnium de l'Apulie, à Castelmanni, près de Volturara, non loin des sources du Frento (Fortore) ; au pied de l'imposant Matese, non seulement à Venafrum, mais encore à Saepinum (Sepino) et chez les Ligures Baebiani.* De même, à Cumes, la déesse tenait sous sa tutelle et ses Dendrophores exploitaient une grande forêt de pins, la Silva Gallinaria,* dont l'horreur sacrée s'ajoutait à celle du Lac Averne et des champs Phlégréens. *) _CIL._ 10, 24 et 8339 d (Cannophores). Pins de la Sila : Strab. 6, 1, 9. *) V. supra p. 264, régions 2 et 3, et aussi pour Atina et Compsa p. 434, Aeclanum p. 436 ; Saepinum, _CIL._ 9, 2480 : (Cannophores). --- Venusia, _ibid._ 424 ; cf. Hor., _Od._ 3, 4, 15 « saltusque Bantinos. » *) Juv. 3, 307 ; cf. Strab. 5, 4, 4. A Cumes, à Aeclanum et dans la région de Venouse,* comme en Phrygie son culte devait être en relation avec les « Plutonia » du voisinage. Car elle règne aussi sur le monde souterrain. Dans les cités grecques du Bruttium, plusieurs siècles avant l'Empire, on déposait auprès du myste défunt une feuille d'or qui était comme son livret de route ; et le nom de Kubélè y figure avec ceux de Gê Pammétor, de Prôtogonos, de Déméter et Coré, de Tychè et de l'orphique Phanes.* Dans les régions de Rubi (Ruvo)* et Barium (Bari),* en Apulie, de Brundusium (Brindisi)* et Manduria, en Calabre,* des figurines de Cybèle et d'Attis sont ensevelies avec l'initié, pour être ses gardiennes. On en a retrouvé d'autres dans des tombeaux de la côte napolitaine.* Un Attis funéraire provient de Salerne. En Campanie, au temps des Flaviens, ce type de l'Attis douloureux est tellement répandu qu'il a fini par perdre sa signification funéraire et qu'il tombe dans le domaine commun de l'art purement décoratif.* *) Acherontia (Acerenza), sur la route de Venouse à Potenza. *) Cf. supra p. 35. *) _Catal. du musée Jatta_, 1869, n° 12 (cf. n°s 99, 100, 127, 128). *) A Rutigliano, sépulture trouvée en 1813 : douze statuettes dont une Cybèle tourelée. _Documenti per la storia dei Musei d'Italia_ 2, p. 77. *) Musée de Brindisi. Plaque de terre cuite (h. 15 cm.) : Cybèle assise, tourelée, voilée, tenant de la main gauche un tympanon appuyé sur l'épaule, l'avant-bras posé sur la tête d'un lion accroupi ; le bras droit, disparu, tenait une patère encore visible, près d'un petit Attis (anaxyrides, tunique, manteau et bonnet, jambes croisées). Il est probable que la plaque représentait un hérôon. --- Figurine en t. c. : Attis debout (tunique, manteau court et flottant, anaxyrides, chaussures, bonnet à larges bandelettes). *) Musée de Lecce, salle 2. Buste en t. c. n° 27 (h. 20 cm.) : Attis tenant pedum et syrinx. --- Cf. des Attis provenant de Grande Grèce : Hoffmann, _Coll. Gréau, T. c. grecq._, Paris, 1891, p. 27 n°s 151-3 ; Biardot, _T. c. grecq._, pl. 15-17. *) Au Musée de Naples, sans précision de provenance. Terres c. : n° 4546 (6567), Cybèle assise, parée de boucles d'oreilles, un tympanon rose dans la main gauche (h. 20 cm.) ; n° 4640, Attis debout dans l'attitude funéraire ; n°s 7277 (5696) et 7277 bis, Attis assis, jouant de la syrinx (h. 14 cm.). --- Collection Cosentini, vendue à Naples en mars 1897, _Catal._, p. 35 n° 311 : Cybèle assise, t. c. (h. 14 cm.). *) Musée de Naples. Statuettes d'applique, ayant décoré le pied d'une table (monopodium), provenant de Pompeii : en marbre jaune, salle des candélabres en bronze (n° d'inventaire 129444) ; en marbre blanc, salle des armures en bronze ; autre, corridor des bustes, n° 6120 ; autre, dans une cour ; autre, genou droit à terre, seins fortement indiqués, galerie des fragments d'architecture, n° 6118 ; cf. _Not. Scavi_ 1899, p. 144. --- Attis dans la décoration des petits candélabres en bronze : au pied d'un arbre, genou gauche à terre, tenant des deux mains les cymbales, salle des candélabres, n°s 72202 (3707, 23)-3 (3708, 24), cf. Gerhard et Panofka, _Neapels ant. Bildw._, p. 231 ; à mi-corps, la main droite sous le menton, inv. 113424 ; Attis dans l'attitude funéraire, figurine d'applique, inv. 109762 (4514) = Cumont, _Mithra_ mon. fig., p. 437. --- Comme attache d'anse sur les vases en bronze : Attis du type funéraire, ventre nu, pied sur une tête de Zeus Idéen, prov. d'Herculanum, n° 72592 (4145) ; têtes d'Attis, salle des vases, vitrines 12-14, 774 (inv. 69449), 778 (inv. 69453, Schreiber, _Alexandrin. Toreutik_, p. 362 n° 118), 809 (inv. 69480, Schreiber, p. 347 n° 81), 818 (inv. 69489, Schreib. 82), 826 (inv. 109700, Schreib. 86) ; Musée de Pompéi, n° 9 ;inv. 1647) ; _Not. Scavi_ 1899, p. 439 ss et figg. --- Anse d'olla : buste de Cybèle tenant le tambourin et la corne d'ab., M. de Naples, salle des vases, 718 (inv. 69471) = Schreiber, 123. [Planche 11. --- 1. _Attis aux fruits._ Bronze, a Madrid, Musée archéologique. --- 2. _Attis dansant._ Bronze, _ibid._ --- 3. _Attis funéraire._ Trapézophore en marbre, provenant de Pompeï. Musée de Naples. --- _Attis aux roseaux ? et a la syrinx._ Bronze, a Toulouse, Musée Saint-Raimond.](https://cdn.solaranamnesis.com/HenriGraillot/11.jpeg) ## 4\. Le rôle d'Aquilée, dans l'Italie du Nord, est identique à celui de Pouzzoles dans l'Italie méridionale. Au fond du golfe, sur le passage nécessaire de la route continentale qui relie le Danube à l'Italie, Aquilée est l'une des métropoles commerciales de l'Empire. Toutes les races d'hommes s'y coudoient, et tous les dieux. Épitaphes et autels votifs abondent en noms exotiques. Comme plus tard à Venise, qui lui succéda, les Orientaux y entretenaient d'importants comptoirs. Voici des Levantins et des Levantines, qui se nomment Dindyme, Cybèle, Dindyménè* ; et une certaine Tychè paraît être myste de Cybèle et d'Attis. Voici des Bithyniens, qui adorent Attis Pappas.* L'église phrygienne d'Aquilée était déjà très prospère au 1er siècle. Le culte métroaque finit par occuper une situation prépondérante dans la colonie, à côté du culte indigène de Belenus, dieu celtique.* Cybèle était devenue, en compagnie de Bona Dea, la dame des riches moissons qui mûrissent dans la plaine fertile de l'Isonzo. L'un de ses sanctuaires* était placé sous le vocable de Mater Deum Magna Cereria.* Mais elle apparaît avant tout comme la souveraine de la destinée des hommes,* maîtresse de vie et de mort. Tel fut son ascendant sur cette population qu'elle lui a imposé l'une des coutumes les plus caractéristiques de la Phrygie. Sur toute une série d'autels funéraires, la dédicace est faite, non pas aux dieux mânes, mais aux grands dieux de la ville, à Silvanus, à Belenus, à Feronia, à Vénus, à Magna Mater, en mémoire des morts.* Sur d'autres tombeaux, et non des moindres, se dresse la mélancolique image d'Attis.* Elle décore les faces latérales ou surmonte le fronton des édicules ; ou bien elle est sculptée sur les pieds-droits d'une porte, à l'entrée d'un enclos sépulcral. Coiffé du bonnet à bandelettes, vêtu d'anaxyrides, de la tunique à longues manches et du long manteau, les jambes généralement croisées, le dieu tient d'une main sa houlette à crosse et de l'autre soutient sa tête penchée. Les lions de la Dame veillent parfois auprès du divin pasteur.* Souvent aussi on les représente seuls. Couché sur le couvercle des urnes, qui sont semblables aux cistes des mystères, le fauve sacré garde les cendres des morts.* Ailleurs, symbole de la mort matérielle et régénératrice, il écrase sous ses griffes la tête d'un taureau ou d'un bélier.* Nulle autre part, dans le monde occidental, les dieux phrygiens n'ont pris plus triomphalement possession des nécropoles. *) _CIL._ 5, 1176, 1330, 1013. --- Tyché, mystis ? 761. *) _Ibid._ 766 =Païs, _Suppl. ital._ (1884) 64 ;cf. Maionica, _Fundkarte v. Aquil._ 1893, p. 29. « Atte Papa Theud (atus, cf. _CIL._ 5, 386), Theu (dati) f(ilius) d. d. l. m. » *) Rien ne justifie l'hypothèse de Mommsen, _CIL._ 5, p. 84, que le culte de Belenus ait eu les mêmes prêtres que celui de Mater Magna. *) Une série de métopes (larg. 0 m. 90), au Musée, ont-elles appartenu à un temple métroaque ? On y voit : bonnet phrygien, constellé de gemmes, et épieu à crochet ; --- navire (celui de l'Idéenne ? ) ; --- fragment, de quadrige ; --- lionne blessée (allusion aux Jeux du Cirque). --- _Ibid._ salle 4, 934, relief très mutilé : Cybèle entre ses lions. *) _CIL._ 5, 796 ; cf. 761 « Augustae Bonae Deae Cereriae, » et supra p. 428. *) Cf. _CIL._ 5, 795 a = 934 : M(atri) D(eum) M(agnae) pr[o salute c]oniugis, » par la femme d'un officier de la légion 11 Claudia. *) _Ibid._ 735, 776, 821-2, 824-5, 827-33, 836 ; cf. 520, à Trieste : « M(atri) D(eum) M(agnae) in memor(iam) Usiae L. fil(iae) Tertullinae, sacerd(oti) Divarum, matris suae, Sex. Appuleius Marcell(inus) d(edit) d(edicavit). » *) Cippe de Carfania Dicé : de chaque côté, un Attis, celui de dr. jambes croisées : _CIL._ 5, 1148 ( « puer » et « mulier » ! ) ; _Museo Bresciano illustrato_, 1837, p. 168 et pl. 46. --- Cippe dit de la Villa Raspa, au Musée d'Aq. : Maionica dans _Arch. ep. Mitt._ 1, 1877, p. 59 ; Attis, jambes non croisées. --- Deux reliefs de marbre blanc, au Musée : Maionica, _l. c._, p. 53 ; l'un d'eux reprod. par Cumont. _Mithra_, mon. fig. 385, d'après Lajard, _Introd. au culte de Mithra_, pl. 100. --- Statuette acéphale d'Attis : Musée, n° 64. Fragments d'un cippe avec deux Attis, jambes non croisées, n°s 63 et 65. --- Haut d'un pilastre avec tête d'Attis, n° 48. --- Statuette en pierre, bras droit brisé ; salle 4. --- Buste et torse d'un Attis, sous le portique de la galerie lapidaire. --- Tombeau de « Q. Etuvius Sex. f. Vol(tinia tribu) Caprcolus, domo Vienna, etc., praef(ectus) coh(ortis) 2 Thrac(um) in Germ(ania), etc., arbitratu libertor(um) idemque heredum vivi fec(erunt) patrono et sibi, » v. supra p. 419 n. 4. Sur les côtés de ce monument, le plus riche qui soit conservé, deux Attis debout sur un rocher, jambes non croisées ; sur la pyramide triangulaire du couronnement, pomme de pin. Musée. --- Autres images d'Attis : figurine d'A. enfant, nu, jouant des cymbales, jambes brisées ; bronze, salle 4, n° 44 ; --- autre, salle 8 ; --- tête en ambre : Bertoli, _Antichità d'Aquil._, 1739, p. 279 (il y voit un portrait de femme en colophane ! ). *) Le cippe de Gavia Arché (Musée, salle 1) est surmonté d'un fronton triangulaire. De chaque côté, lion ; au sommet, piédestal d'une statuette disparue, sans doute Attis. *) Cf. l'urne de Chryseros, en forme de ciste ronde. *) Nombreux et beaux spécimens au Musée. Leur fonction funéraire a été considérable en Istrie, en Vénétie et en Cisalpine. Il en subsiste de très nombreux témoignages à Trieste,* Pirano* et Pola,* sur la côte istrienne ; à Buttrio* et Gemona,* dans la plaine du Frioul ; à Concordia Sagittaria (près de Portogruaro)* et Padoue,* aux deux extrémités de la plaine Vénète ; à Torcello, dans les lagunes* ; à Este, au pied des monts Euganéens* ; à Vérone et Rovigo, sur l'Adige* ; à Ferrare, dans la basse plaine du Pô* ; à Brescia, près des lacs* ; à Pavie, sur le Tessin,* à Milan.* Tous ces monuments, où s'exprima la foi des adeptes, nous révèlent combien le culte métroaque était populaire.* Nous en avons beaucoup d'autres preuves encore : des figurines d'Attis et de Cybèle ; des représentations d'attributs métroaques, provenant de Pola en Istrie, d'Altinum* et Concordia, de Brescia, Vérone, Mira Taglio* en Vénétie, de Bologne,* Modène,* et Parme* en Emilie, de Polenzo* en Ligurie, de la région de Turin* en Transpadane ; enfin tout un groupe d'inscriptions qui font mention d'un Archigalle à Trieste ou Capo d'Istria,* de prêtres, de prêtresses, de cymbalières. de fidèles, de collèges dendrophoriques. qui perpétuent à Turin le souvenir de tauroboles. qui de Pola à Nice-Cimiez, de Rimini à Turin, signalent des dédicaces de temples et des consécrations d'ex-voto.* *) Au Musée Lapidaire ; tète d'Attis. --- _Ibid._, lampe en terre cuite, n° 1164, cf. supra p. 326 n. 3 ; --- tête de Cybèle, avec diadème et haute couronne murale, fgt de statuette en t. c. rosée ; mais ces t. c. viennent probablement de Grande-Grèce, comme beaucoup d'autres au Musée. *) Cippe de L. Papius Marcellinus, vétéran de la légion 1 Italica ; des deux côtés, Attis. Provient de Porto-Rose : Kunz et Gregorutti, _Museo civico di ant. di Trieste_, 1879, p. 27 s ; _CIL._ 5, 481. *) Au Musée. Deux reliefs avec Attis : _Arch. ep. Mitt._ 1, p. 45. --- Tombe d'Obellia (_CIL._ 5, 203), deux Attis : _A. ep. M._ 16, 1893, p. 4. --- Pilastre avec Attis douloureux dans un édicule à fronton (rosace entre 2 oiseaux) : _ibid._ 16, p. 10 n° 93. --- Fragment d'un lion piétinant une tête de bélier. --- Sur un cippe consacré à Isis (_CIL._ 5, 10) attributs panthéistiques, dont plusieurs se rapportent à Cybèle, Attis et Bellone : double flûte, cymbales, syrinx, tambourin ( ? ), couteaux, double hache ; _A. ep. M._ 16, p. 8. *) Double Attis ; _ibid._ 1, p. 61. *) Lions ; _CIL._ 5, 1815. *) Au Musée de Portogruaro, n° 40 : cippe avec Attis (jambes non croisées, mutilé) ; --- n° 88 : pilastre en pierre ayant supporté l'angle droit d'un fronton triangulaire, avec Attis (acéphale, brisé aux genoux, même altitude) ; --- n° 89 : fgt de cippe, avec Attis ? levant dans sa main dr. une corbeille de fruits. --- On retrouve aussi le type de la stèle funéraire en forme d'édicule avec lions sur le fronton. --- Le musée conserve, de plus, un fgt de statuette de Cybèle en bronze, main g. sur le tympanon (h. 0m 15), et un lion en bronze posant la patte g. de devant sur un médaillon décoré du masque d'Attis. *) Museo civico, n° 53 (= Cumont, _Mithra_, p. 437) ; --- n° 87 : Attis funéraire, jambes croisées, dans une niche rectangulaire ; cf. Furnaletto, _Ant. lapidi patav. illustrate_, p. 473, pl. 71. --- Lions couchés ou rampants sur le fronton de stèles-édicules, qui renferment en général les bustes des défunts : n°s 35, 85, 88, 144, 207 ; cf. _CIL._ 5, 2936. Beaucoup de pierres du musée proviennent d'Aquilée. *) Musée de Torcello. Plaque en marbre blanc ; dans un cadre de rinceaux, Attis douloureux. *) Museo Euganeo. Lions accroupis sur frontons d'édicules, sur couvercles d'urnes ou sur cippes rectangulaires ; lions posant leurs pattes sur la tête d'un taureau ; cf. _CIL._ 5, 2512, 2520, 2538, 2609, 2615, 2662, 2693, 2724. Plusieurs de ces monuments appartiennent à des légionnaires ; cf. Pietrogrande, _Ateste nella milizia imperiale_, Venezia, 1888. --- Tête d'Attis se détachant en profil à g. sur un tambourin, plaque de marbre brisée (larg. 0m 22 ; h. 0m 18). *) Vérone, Museo Maffeiano. Cippe terminé par une pyramide tronquée ; sur un côté, Attis, jambes croisées, en tunique bouffante et manteau gonflé par le vent ; à dr. arc : à g. carquois ; au-dessus, Triton. Ce cippe servait de pilier d'angle à la balustrade d'un enclos funéraire. Dütschke, _Bildw. Oberitaliens_ 4, 555. --- Museo civico. n° 58 : stèle à fronton, avec lions formant acrotères ; --- n° 351, bronze trouvé dans l'Adige, type complexe de l'Attis-Eros chasseur, figurine d'applique. --- Au Museo Maffeiano, deux « naiskoi » avec l'image de Cybèle, mais de provenance grecque : n°s 27 (Dütschke, 419) et 134 (D. 444). Au Museo Civico. deux autres Cybèles assises dans des « naiskoi, » l'une tenant la patère, sans lions, avec petit adorant àdr. ; l'autre tenant tympanon et patère, avec lionceau couché sur ses genoux ; aussi d'importation. --- Rovigo. Lions: _CIL._ 5, 2461. *) Lions ; _ibid._ 2438. *) Museo civico archeologico. Attis tourné à dr., dans une niche cintrée, en pierre ; autre, à g. : _Museo Bresciano illustr._, 1838. pl. 45, 3-4 et pp. 164-167, cf. Dütschke, _l. c._ 354, 359. --- Deux Attis autour d'un trophée d'armes, dans une niche rectangulaire, entre colonnes torses ; _Mus._, pl. 46, 2 et p. 168, Dütschke 380. --- Autre Attis en pierre : Dütschke 360. --- Buste d'Attis en bronze, avec seins d'hermaphrodite, bonnet étoilé, la m. g. soutenant le menton ; trouvé en 1806, « presso S. Barnaba » : _Mus._, pl. 42 (embelli). --- Relief brisé, encastré dans un mur intérieur du Duomo Vecchio, près de l'entrée delà crypte (larg 1m 20 : h. 0m 40) : syrinx et pedum en panoplie, avec banderoles. *) Caponi. _Mem. istoric._ 1. p. 256, pl. 6 : cf. _Museo Bresc. Ill._, p. 165. *) Museo archeol., au Castello. Base ronde : en haut, frise de trophées militaires : au-dessous, deux Néréides affrontées ; deux Attis, au manteau flottant, une main sous le menton (h. totale 65 cm. ; des Attis 45 cm.). --- Masque d'Attis (h. 28 cm.), angle de tombe. --- Ajouter : tête diadémée et tourelée, en marbre. --- Aux inscr. de Dendroph., ajouter _CIL._ 5, 5814 : « ///procos. in A/// [Ma]tris Deum cu[ravit]. » *) Deux Attis funéraires, au musée de Catajo (cf. Dütschke, 5, 437 et 625), doivent provenir aussi de la Vénétie. *) _Mél. Ecole fr. de Rome_ 14, 1894, p. 265, d'après Aug. Valenti, _Antichità Altinati_, Venezia, 1893 : petit buste de Cybèle en bronze. *) Entre Padoue et Venise. Tête de Cybèle ou de Tutela, diadémée et tourelée, d'époque romaine ; au Musée de Trévise. *) Museo civico. coll. Palagi : 9 figurines de Cybèle assise, tambourin dans la main g. : mais elles doivent provenir de la Grande-Grèce, comme les vases de la même vitrine. --- Fragment de bas-relief, avec têtes de Cybèle et d'Attis ; _Cataloghi_, p. 84. *) Attis nu sous la chlamyde flottante, tenant pedum et syrinx (h. 0m 12), bronze trouvé « nella villa di Saliceto Panaro, circa un miglio al disotto della via Emilia » ; _Bullettino_, 1858, p. 158. *) Museo archeologieo. salle 2, lampe en t. c. (diam. 0m 11) : Cybèle trônant, tenant patère et tympanon, entre deux lions : à g., buste d'Attis tenant la syrinx : à dr. flambeau ? Heydemann, _Mitteil. aus den Antiken-Samml. in Ober- u. M. Italien, Hallisches Winckelm. Programm_ 3, 1879, p. 48. Provenance ? Le musée renferme beaucoup d'antiques provenant de Velleia ou envoyés par les Farnèses : telles, « per farle condurre a Parma, due statuette della dea Cibele. » inventaire farnésien de 1673 ; _Docum. per la storia d. Musei d'It._, 2, p. 379 ; Dütschke 5, 911, 929. --- Sur le culte à Parme, cf. le collège des Dendrophores, _CIL._ 11, 1059. *) Franchi-Pont, _Delle antichità di Pollenzo_, 1806 : « una statuina che rappresenta Cibele fu trovata nell' anfiteatro » : sur la couronne murale, petites têtes : Cybèle-Panthée. --- Cf. _CIL._ 5, 7617-18 Dendr. *) Turin, Museo di Antichità, Statuette de Cybèle assise, avec patère et tympanon : _Docum. Etc._ 1, p. 440 n° 41. --- _Ibid._ 42 : « busto di Cibele con torri » : Dütschke 4, 214. --- Statuette en bronze, plutôt de Tutela, assise sur un rocher : Reinach, _Répert. Stat. Ant._ 2, 269, 2. *) _CIL._ 5, 488, épitaphe d'un Archigalle : « vivus fecit sibi. » Elle provient de Capo d'Istria. peut-être l'ancienne Capris. D'après une tradition locale, la cathédrale aurait été bâtie sur l'emplacement d'un temple de Cybèle. *) Inscr. relatives à des Dendrophores, v. supra p. 265 restituer à la région 9 Pollentia, placée par erreur dans la région 10 : --- aux Cannophores de Milan, p. 263 : --- à des prêtres de Pola, Trieste, Milan, p. 241 ; --- à des prêtresses de Vérone et de Brescia, p. 249 : --- à une cymbalière et un aedituus de Trieste, pp. 258 n. 5. et 261. --- Les autres sont indiquées au cours de ce chapitre. Mais si l'action d'Aquilée fut prépondérante, on ne peut oublier que les Cisalpins, durant tout le 1er siècle, fournirent un fort continrent aux lésions de Dalmatie et de Germanie. Ils y subissaient le contact prolongé du fanatisme phrygien. Beaucoup en rapportaient une dévotion spéciale à Cybèle et Attis et faisaient à leur tour œuvre de propagande. Aussi n'est-il pas surprenant de voir, à Milan, la société des Vétérans en étroites relations avec les Dendrophores et les Cannophores.* Selon l'influence qui prédomine, Attis varie ses aspects. Dans Aquilée et Brescia, coiffé du bonnet constellé, il est le seigneur du ciel et le « bercer des blanches étoiles. » Pour conquérir les âmes, celui de Milan s'unit à Mithra l'Invincible* et s'assimile au Grand Panthée du syncrétisme monothéiste.* Celui d'Augusta Taurinorum (Turin) s'identifie à l'Éternel des religions sémitiques et laisse accomplir des tauroboles « Viribus Aeterni.* » De même Cybèle s'associe à Isis dans de communs sanctuaires. Elle tend alors à se manifester sous l'aspect de Mère universelle, omnipotente, « aux mille noms » : telle l'Isis Panthée de Pola. Mais plus souvent elle se superpose ou se juxtapose aux « Matronae » topiques, dont le culte demeure très vivace dans la Gaule transpadane et surtout dans la région des Lacs.* Car elle est, comme ces Mères de la religion celtique et préceltique, la Dame des eaux. Elle possède un temple public à Côme* et peut-être une chapelle ou une grotte à Angera, sur le lac Majeur. Un sanctuaire lui est dédié au nord du lac d'Isée, sur le territoire des Camunni (Val Camonica).* Nous lui en connaissons deux autres sur le lac de Garde. Ainsi que les temples proprement gaulois, on les désignait sous le nom de « fana. » L'un, qu'elle partageait avec Isis, se dressait sur la rive orientale, à Malcesine ; il fut restauré, peut-être dès le 1er siècle, à la suite d'un vœu, par le citoyen romain G. Menatius Severus, qui ajouta un pronaos. L'autre, vers la pointe supérieure, sans doute sur un domaine des Numisii, fut agrandi par une famille d'affranchis.* Dame des forêts, Cybèle profite aussi de l'importance particulière que les Dendrophores ont prise au pied des Alpes, à Bellune et Feltre, dans la haute vallée de la Piave, à Padoue, Vérone, Brescia, Bergame, Côme, Milan* ; au pied de. l'Apennin, à Parme ; au pied du massif ligure, à Tortona et Polenzo. Enfin, les excellentes relations de ces Dendrophores et du clergé de la déesse avec les Sévirs Augustaux,* très honorés et très puissants dans l'Italie septentrionale, contribuent encore à l'éclat de son culte officiel. *) _CIL._ 5, 5840 : les « Martenses » paraissent être en effet des vétérans. *) _CIL._ 5, 5465 = Cumont, _Mithra_, Textes et inscr. 109. *) Un Deus Magnus Pantheus, auquel est lié le culte des « Vires, » _CIL._ 5, 5798 ; cf. la Cybèle ( ? ) de Polenzo. *) _Ibid._ 6961-62. Par Aquilée (_ibid._ 769, 770, 8208) et Vérone (3321), le culte du Deus Magnus Aeternus a remonté de la Vénétie en Transpadane. On le retrouve en Mésie, en Dacie, en Pannonie ; et il est fréquent en Afrique. C'est le Baal Syrien, accouplé à une Dea Aeterna (8209, Aquilée) ; cf. Cumont, _Les Dieux Eternels_ dans _Rev. archéol._, 1888, 1, p. 184 ss. *) Cf. _CIL._ 5, index : 56 inscr. entre Vérone et les Alpes-Maritimes ; cf. les dédicaces « Nymphis et Viribus Augustis. » *) _Ibid._ 5275 et 5296. --- Pour Angera, cf. supra, n. 1. *) _Ibid._ 4940 : « Matri Deum. » A Cividate. Son culte y est sans doute en relations avec les bains du voisinage. La statuette, trouvée en 1897 sous les fondements de l'église de S. Cassiano, déposée au Musée de Brescia, et dénommée Cybèle par Savignoni dans _Not. Scavi_, 1898, p. 5, est une Tutela, avec corne d'abondance. *) _CIL._ 5, 4007, 4985 (au pied du « monte Brione, » vers Arco). Sur les _praedia et fundi_ de la région, cf. 5005. *) Aux inscr. dendrophoriques, ajouter _CIL._ 5, 5120, Bergame : « //M(atri) D(eum) pon(endum ? ) ///cum sui(s)/// omnibu(s)///. » *) _Ibid._ 2794 (Padoue), 3312, 3438 (Vérone), 4418, 4449, 4477 (Brescia), 5275 (Côme), 5465, 5902 (Milan), 7618 (Polenzo). A Brescia, Côme et Milan, les Sévirs comptent dans leurs rangs beaucoup d'ingénus, dont plusieurs sont décurions. Mais, en dehors du culte public, la Grande Mère n'est jamais l'Idéenne de Rome et des empereurs. Lorsqu'à Trieste Sex. Appuleius Marcellinus lui dédie un autel en mémoire de sa mère, qui était flaminique, lorsque dans Aquilée Secundina lui en consacre un pour le salut de son mari, qui est officier, leurs prières s'adressent simplement à Mater Deum Magna. Au lac de Garde, elle est la Mère des Dieux sans épithète. Près de Turin, la fille d'un citoyen romain lui élève un sanctuaire sous la simple invocation de Magna Mater* ; et pour désigner ce temple elle emploie le terme rare de « Sanctum, » traduction du grec « hiéron, » qui conserve à la dédicace une physionomie orientale. *) A Beinasco ; _ibid._ 6956 a. ## 5\. Par-delà les Alpes, la déesse avait précédé les Romains dans la vallée du Rhône. Importée par les colons phocéens, elle trônait depuis le 6e siècle à Marseille. A son tour Marseille l'avait introduite dans ses propres colonies et dans les villes alliées. Une archaïque Cybèle de type ionien, qui porte le lionceau sur ses genoux, provient d'Orange. Sur des monnaies d'Avignon et de Cavaillon, antérieures à l'Empire, figure une tête tourelée qui paraît être celle de la Grande Mère ; elle symbolisait cette alliance religieuse et commerciale avec la métropole marseillaise.* *) Cf. Duprat, _Monnaies d'Avignon_, dans _Revue numism._ 1910, p. 160 ; sur l'autre face, taureau, animal consacré à Cybèle. Après la conquête, les Gaulois avaient accepté la religion des Romains aussi volontiers et aussi vite que leur civilisation.* Entre les Alpes et le Rhône, dans cette partie de la Province dont on disait qu'elle était encore l'Italie, la Grande Mère est surtout l'Idéenne. Elle se manifeste comme telle à Vence, Fréjus, Riez, Die, Vaison, Valence et dans la capitale administrative des trois Gaules, à Lyon. Plus encore, elle est la Palatine. A l'antique Mêter de la colonie grecque, les Gallo-romains de Marseille, cité pourtant jalouse de son autonomie, opposent « Mater Deum Magna Idaea Palatina. » Lorsque les Nîmois taurobolient pour le salut de l'empereur et la prospérité de leur colonie, c'est à l'Idéenne Palatine que sont dédiés les autels commémoratifs. La déesse est également l'Augusta. Nous lui voyons décerner ce titre à Lyon, à Nîmes, à Périgueux. Quand, dans cette dernière ville, Pomponius Sextus Paternus « pose » l'autel d'un taurobole, il rappelle avec orgueil, sur la dédicace, que son père est ou fut prêtre à l'Autel de Rome et d'Auguste. En même temps qu'à Magna Mater Deum Augusta, il consacre cet autel aux « Numina Augustorum, » c'est-à-dire aux puissances divines des princes qui, depuis le premier Auguste jusqu'au César vivant, se sont succédé dans le gouvernement de l'Empire et en ont assuré la perpétuité. Qu'il s'agisse de tauroboles, comme ceux de Pomponius à Périgueux et de Publicius à Orange, ou de simples ex-voto, comme celui de T. Romanius à Moutiers, on se plaît à réunir dans une même invocation le « Numen » de l'empereur et la Mère des Dieux. Nulle part, sauf en Italie, le culte métroaque ne fut associé par des liens plus étroits à celui des Césars. Les Dendrophores eux-mêmes, à Lyon, portent le titre officiel et envié d'Augustaux, généralement réservé aux Sévirs du culte impérial. *) Localités des Gaules qui ont fourni des monuments épigraphiques ou figurés. Alpes Maritimes, Orées et Pennines Cemenelvm (_Cimiez_). --- _CIL._ 5, 7881, 7904-05, 7920 (Dendr.). --- Attis funéraire ? Espérandieu, _Recueil des bas-reliefs de la Gaule rom._ 1 (1907), 11. Vintivm (_Vence_). --- _CIL._ 12, 1 ; cf. supra, p. 170. Darantasia (_Moutiers en Tarentaise_). --- Cagnat, _Ann. épigr._ 1904, 140 : « Numinibus Augg., Matri Deum et Matronis Salvennis T. Romanius Mercator ex voto. » Sedvnorvm Drvsomagvs (_Sion_, Valais). --- _CIL._ 12, 135 : « Matri Magnae Q. Caecil(ius) Secundus t(estamento) l(egavit), h(eres) f(aciendum) c(uravit). » Narbonnaise Alba (_Aps_, Ardèche). --- _CIL._ 12, 1567 ; cf. supra, p. 241. Aqvae Sextiae (_Aix_). --- Tête tourelée de Cybèle ou Tutela, en marbre. Espérandieu, _op. l._ 3 (1910), 2488. Aravsio (_Orange_). --- _CIL._ 12, 1222 (Châtelain, _Mon. rom. d'Or._ 1908, p. 136, n° 6 ; cf. supra, p. 159, 2 _f_) ; --- 1223 (Châtelain, p. 150, n° 19). --- Statuette de Cybèle, un lionceau sur les genoux ; Musée d'Avignon. Espérandieu, _op. l._ 1, 244 ; Châtelain, p. 207. Arelate (Arles). --- Tète d'Attis, en pierre ; au Musée. --- Tête d'Attis entre deux pilastres ; au Théâtre antique. Espérandieu, _op. l._ 1, 205. Avenio (_Avignon_). --- Lampe en terre c. : Cybèle tourelée, tenant la ciste mystique et adorée par un Galle, d'après Hirschfeld, _CIL._ 12, 5682, 71 _b_ (mais elle est nue ! ). Musée. --- Sur une anse de vase, en bronze, buste de déesse tourelée, le tambourin ? dans la main g., pavots et épis dans la dr. ; au Musée. Cabellio (_Cavaitlon_). --- Attis funéraire, en pierre de Beaumont (Vaucluse), jadis peinte en rouge ; au Musée d'Avignon. Espérandieu, _op. l._ 1, 238. Carpentoracte (_Carpentras_). --- Déesse trônant, tourelée, voilée, mains brisées : Cybèle, à cause du voile. Bronze au Musée de Lyon. Comarmond, _Antiq. du palais des Arts_, 765 ; Reinach, _Répart. Stat._ 4, 164, 4. _Caveirac_ (Gard, à 9 km. de Nimes). --- Cagnat, _Ann. épigr._ 1910, 217 : tauroboles et crioboles de l'an _255_, « Matri Deum Mag[nae Idaeae August ? ]ae Palatinae, » pour les deux Philippes, Otacilia, les 15virs et la colonie de Nîmes. Dea Vocontiorvm (_Die_). --- Autels taurob. : v. supra, p. 159, 2 _n_, _w_, _cc_, _dd_ ; reliefs dans Espérandieu, _op. l._ 1, 313, 318. --- Trois autels taurob. anépigraphes, _ibid._ 315, 317, 320. Le soi-disant sistre, figuré sur ces autels, est un caducée, symbole d'Hermès (cf. _CIL._ 6, 499) ou insigne de l'Apparator. Electvm (_Alet_, Aude). --- _CIL._ 12, 5374 : dédicace à Mater Deum par le « curator templi » ; cf. Bonnard, _La Gaule thermale_, 1908, p. 361. Forvm Jvlii (Fréjus). --- _CIL._ 12, 251, cf. supra p. 159, 2 _b._ --- Fragment de déesse assise, en marbre : Espérandieu, _op. l._ 3, 2455. _Lansargues_, Hérault, sur l'ancien territoire de Nîmes. --- _CIL._ 12, 5953, pp. 503 et 842 : « Nem[auso] Aug(usto) et n(uminibus) deorum [i]tem g(enio ? ) [l ? ]oc[i...] et dendro [for]or[um...]. Massilia (_Marseille_). --- Stèles archaïques au type de la Mère : v. supra, p. 33 s ; ajouter Maass, _Die Griechen in Südgallien_, dans _Öst. Inst. Jahreshefte_ 9, 1906, p. 174 ; Espérandieu, _op. l._ 1, 49 (reprod. 21 stèles). --- Atys, au ventre nu, soulevant au-dessus de sa tête un masque imberbe ; bronze, au Musée Borély ; provenance ? --- _CIL._ 12, 405 et p. 812 ; v. supra, p. 260 n. 3 ; Espérandieu, _op. l._ 1, 83, d'après le dessin publié par Grosson en 1773. --- _CIL._ 12, 411 : « Dendrophori Massilienses. » Nardo Martivs (_Narbonne_). --- _CIL._ 12, 4321-29, cf. supra, p. 159, 2, _o_, _ff_, _gg_, et p. 169 s. Attributs des autels 4324 et 4326 : Espérandieu, _op. l._ 1, 568, 576. --- Attis funéraires : _ibid._ 622 (bras dr. levé), 623 (tombeau d'argentier, _CIL._ 12, 4459), 624 (main sous le menton), 625 (bras dr. levé), 627-9, 704 et 707 (bras dr. levé), 710 (id. ; _CIL._ 12, 4577), 746 (tombeau d'affranchi, _CIL._ 12, 4644), 761 (mains rapprochées sur le ventre). Nemavsvs (_Nîmes_). --- Petite tête d'Attis, inclinée ; à la Maison Carrée. Espérandieu, _op. l._ 3, 2676. --- Buste de déesse tourelée et diadémée, sans voile ; marbre, à la M. C. ; _ibid._ 2669. --- V. Caveirac, Lansargues, Sommières. _Poncins_, Loire. --- _CIL._ 12, 2721 : « [Matri ? ] Ma[gnae ? ] Conservatrici. » Reiorvm col. Apollinaris (_Riez_). --- _CIL._ 12, 357-8, cf . supra, p. 170 ; Espérandieu, _op. l._ 1, 28. Emplacement à la chapelle des Pénitents Bleus. _Sommières_, Gard. --- Tête d'Attis, trouvée à Villevieille. Musée de Nîmes. Espérandieu, 3, 2716. Tarasco (_Tarascon_). --- Patère en argent, trouvée dans le Rhône, en aval de Tar. ; au Musée d'Avignon. Sur l'anse : « Matr(i) M(agnae) » ; déesse trônant, tenant une corbeille de fruits ; autel rond avec fruits et pommes de pin, entre deux arbres ; oiseaux, chien, ciste. _CIL._ 12, 5697, 3. Tegna (_Tain_). --- _CIL._ 12, 1782, cf. supra, p. 159, 2 g. Trouvée sur la colline de l'Ermitage. Tolosa (_Toulouse_). --- Musée S. Raimond, salle gallo-romaine ; Attis tenant la syrinx, terre c. ; Roschach, _Catal. des antiq._ 1865, n° 278 (berger phrygien). Provenance régionale ? --- V. Agen. Valentia (_Valence_). --- _CIL._ 12, 1744-45 ; cf. supra, p. 159, 2 _l_, _ee_ ; reliefs dans Espérandieu, _op. l._ 1, 335. Autels trouvés : 1. sur la voie romaine de Tain, avant le pont de l'Isère ; 2. près de la cathédrale. --- Plaquette en bronze : entre deux ceps de vigne, buste de déesse tourelée, parée de colliers ; au Cabinet des Antiques de la Bibl. nat. ; Babelon et Blanchet, _Catal. des br._, 615. Vasio (_Vaison_). --- _CIL._ 12, 1311, cf. supra, p. 159, 2 _bb._ --- Attis funéraire, sur plaquette en os (h. 9 cm.) ; à Florence, Bargello, coll. Carrand ; _Catal. del R. Museo naz._, 1898, p. 201. Vienna (_Vienne_). --- _CIL._ 12, 1814 (cf. supra p. 279 n. 1), 1827 (cf. supra p. 159, 2 _m_), 1878, 1917 (Dendrophores). L'autel taurobolique 1827 porte en relief un aigle sur une sphère, symbole de Caelus (Cumont, _Mithra_ 1, p. 88). Découvert dans les ruines d'un temple ; Chorier, _Rech. sur les antiq. de Vienne_, 1658, p. 364 : « On y trouva entier un pavé de grandes pierres ; ...celles du dernier rang du côté du septentrion formaient un canal qui répondait à une grotte. » --- Attis funéraires, en relief, séparés par un pilastre ; fragment au Musée lapidaire : Espérandieu, _op. l._ 1, 353 (donné comme Parthe). --- Attis fun., la main sous le menton ; fragment, au Musée ; _ibid._ 356 (Parthe ! ). --- Attis entre deux pilastres, fragm. au Musée ; _ibid._ 357 (Parthe ! ). --- Attis fun., acéphale, en pierre, « trouvé au-dessus de la grotte de S. Marcel » ; au Musée : _ibid._ 3 2603. --- Chapiteau corinthien en marbre, avec bustes de Cybèle tourelée et de Saturne ? ; au Musée : _ibid._ 1, 409. --- Buste de déesse tourelée, plutôt Tutela, en bronze ; au Musée. --- Statuette en t. c. : Attis assis sur un rocher, jambes croisées, jouant de la syrinx ; à la Bibliothèque. --- Moules de médaillons en t. c. : 1. Cybèle ou Caelestis sur le lion : 2. tête tourelée. Musée de Saint-Germain-en-Laye, n°s 28131, 28127. Déchelette, _Vases céram. ornés de la Gaule rom._ 2, 1904, p. 268, n°s 61, 64. Aqvitanie et Novempopvlanie Aginnvm (_Agen_). --- Attis nu, coiffé du bonnet, jouant de la syrinx et appuyant sur une colonnette le bras g., qui tient trois roseaux. Bronze. A Toulouse, Musée S. Raimond. Provient de l'Agenais. Graillot dans _Bull. Soc. archéol. du Midi_, 1901-03, pp. 226 s. --- Plaque de terre c., où sont groupés « les sigles D M, la peau de bélier ( ? ), le pedum, la flûte à double tuyau, la harpa ou couteau des sacrificateurs et la pomme de pin ou le rameau des sacrificateurs » ; Chaudruc de Crazannes, dans _Mém. Soc. Antiquaires_ 2, 1819, p. 381. Aqvae Calidae (_Vichy_). --- Attis jouant de la syrinx, terre c., au Musée de Saint-Germain, n° 25483. Blanchet, dans _Mém. Soc. Ant._ 51, 1890, p. 199. Avgvsta Nemetvm (_Clermont-Ferrand_). --- Attis à la syrinx, terre c ; même musée, n° 7287. Blanchet, _l. c._ et 60, 1899, p. 215. Avnedonnacvm (_Aulnay_, Charente-Inf.). --- _CIL._ 13, _falsae_ 118. Avaricvm (_Bourges_). --- Attis funéraire ? Bronze ; Reinach, _op. l._ 2, 479, 7. Bvrdigala (_Bordeaux_). --- _CIL._ 13, 572 : « Magnae Matri C. Iulius » ; sur un chapiteau de colonne ; --- 573, v. supra, p. 170 ; cf. Espérandieu, _op. l._ 2, 1071. --- Autel taurob. anépigraphe ; _ibid._ 1070. _Flavignac_ (Haute-Vienne). --- Autel taurob. anépigraphe ; Espérandieu, _op. l._ 2, 1582. _Labroquère_ ; v. Lugdunum Convenarum. Lactora (_Lectoure_) . --- _CIL._ 13, 504-525 ; v. supra, p. 159, 2 _d_, _v_, _hh_, _ii_, et p. 170 ; Espérandieu, _op. l._ 2, 1058, 1060. Lvgdvnvm Convenarvm (_Saint-Bertrand-de-Comminges_). --- _CIL._ 13, 83 : « Matri Deum A. Flavius Athenio, ex voto Sabinae, Sabini f(iliae), uxsoris » ; --- _Ibid._ 241 : « M(arti) D(eo) » ou « M(atri) D(eum) etc. » --- Dumège, _Archéol. pyrénéenne_ 3, p. 135 : « Les masures ( ? ) d'un temple consacré à Cybèle existaient autrefois, selon divers manuscrits ( ? ), dans l'un des champs situés dans le territoire de Valcabrère, sur la rive gauche de la Garonne ; on a presque sous nos yeux découverts dans l'un de ces champs les restes d'un lion en marbre blanc » ; cf. dans Roschach, _Catal. du Mus. de Toulouse_, p. 52, un texte de 1667 : « J'ai vu une ancienne idole assise sur un siège. » _Martres Tolosane_, Villa Anconiana, cf. _Annales du Midi_, 1908, p. 14 ss. --- Bustes de Cybèle et d'Attis dans des médaillons ; marbre de Saint Béat. Musée de Toulouse. Espérandieu, _op. l._ 2, 892, 2 et 4. --- Plaque de marbre italien : Attis debout, jambes croisées, tenant pedum et syrinx ; une partie perdue, l'autre au M. de Toulouse. _Ibid._ 930, 934. Pictonvm Limonvm (_Poitiers_). --- Attis jouant de la syrinx, terre c. ; au M. de Saint-Germain-en-Laye, n° 6863 ; Blanchet, _l. c._ 51, 1890, p. 199. --- Fragment d'une statue de Cybèle ? Espérandieu, _op. l._ 2, 1399. --- Attis dansant ? Bronze, provenant de Sanxay ; S. Reinach, _Répert. Stat._ 2, 471, 8. _Saint-Clar_, près de Lectoure, Gers. --- Attis funéraire, main dr. sous le menton, main g. sur la poitrine ; en pierre calcaire (h. 70 cm.). Simon, dans _Rev. Soc. Savantes._ 1879, p. 326 ss (donné comme mithriaque). _Sanxay_, v. Pictones. Tarbelli (région de _Tarbes_). --- Pilastre en calcaire : Attis ( ? ), main g. levée ; au Musée de Tarbes. Espérandieu, _op. l._ 2, 1039. Vesvna (_Périgueux_). --- V. supra p. 159, 2 _jj_ ; Espérandieu, _op. l._ 2, 1267. Au Musée. Côté dr. : buste d'Attis sur un socle, devant un pin où sont suspendus deux fouets et des cymbales, et où se pose un oiseau : à dr., taureau agenouillé ; dans le champ, syrinx et bonnet richement brodé. Côté g. : tête de taureau avec infules, aiguière, patère à long manche, harpè. Face postérieure : tête de bélier, flûtes, cymbales. Lvgdvnaise _Aignay-le-Duc_, Côte-d'Or. --- Stèle en calcaire : Attis funéraire ? jambes croisées, mains croisées sur la poitrine. Espérandieu, _op. l._ 3, 2344. Avgvstodvnvm (_Autun_). --- Tête d'Attis en t. c . blanche ; Musée Rolin. --- Attis, bronze ; v. Magnien. --- Cf. _Passio S. Symphoriani_ dans _Acta SS._ 22 Aug. 4, p. 496 ; Ruinart, _Acta sincera_, p. 71 s ; Greg. Tur., _In gloriam confessorum_, 76 (éd. Krusch). Avtessiodvrvm (_Auxerre_). --- _CIL._ 13, 2922, v. supra p. 159, n. 2 _q_. Bellicivm (_Belley_). --- _CIL._ 13, 2499 : « Matri Dcum// I. Albius Attius aram crepidines colunmas tectum pro/// » ; --- 2500 : « Matri Deum et Attin(i) cupidines 2 Apronius Gemellinus tes(tamento) leg(avit) vic(anis) Bel(licensibus) ; her(edes) pon(endos) cur(averunt). » _Chassenard_, Allier. --- « Grande tête d'Atys, d'un excellent style, » en bronze ; Babelon, dans _Bull. Soc. Antiquaires_, 1895, p. 139. _Coulanges_, Allier. --- Tête d'Attis, en bronze, trouvée à la Font Saint Martin, avec un Jupiter et un Mercure en bronze et des poteries : Bulliot et Thiollier, _Culte de S. Martin dans le pays éduen_, 1892, p. 342. Intaranvm (_Entrain_, Nièvre). --- Tête diadémée, tourelée ? et voilée de Cybèle ou Tutela, en pierre. Espérandieu, _op. l._ 3, 2296. Jvliobona (_Lillebonne_, Seine-Inf.). --- Tête tourelée de Cybèle ou Tutela, en bronze : Roessler, dans _Bull. Antiquaires Normandie_ 5, 1869, p. 344 ss. Lvgnvnvm (_Lyon_). --- _CIL._ 13, 1723 (Dendr.), 1751-56 (v. supra p. 159, 2 _a_, _h_, _i_, _j_, _k_, et p. 170), 1921, 1961, 2026 (Dendr. Aug.). --- Coin monétaire de Faustine la Jeune au type métroaque, MATRI MAGNAE : Steyert, _Hist. de Lyon_ 1, p. 301 ; Babelon, _Traité des monn. gr. et rom._ 1, 1, p. 913 s. Lvtetia (_Paris_). --- Tête de Cybèle ou Tutela, trouvée « au bas de Montmartre » ; Dom Martin, _Religion des Gaulois_ 2, pp. 40 et 230. --- Autre : Grivaud de la Vincelle, _Antiq. recueillies dans les jardins du palais du Sénat_, 1807, p. 98 et pl. 1, 3. --- Autre, trouvée près de Saint-Eustache ; Bibl. Nat. ; Babelon et Blanchet, _Catal. des bronzes_ 614 ; S. Reinach, _Têtes ant._, 1903 pl. 110 s. --- Attis jouant delà syrinx ; terre c., au Musée de S. -Germain, n° 6864 ; Blanchet dans _Mém. Soc. Antiquaires_, 51, 1890, p. 199. _Magnien_, près d'Arnay-le-Duc, Côte-d'Or. --- Statuette d'Attis, ventre nu, en bronze incrusté d'argent, trouvée au bord de la voie romaine ; donnée par la comtesse de Coligny au Musée de la Rép. de Saint-Marin : Bulliot et Thiollier, _op. l._, p. 239 ; Loydreau, dans _Mém. Commission archéol. Côte-d'Or_, 13, 1895-99, p. 51 ; S. Reinach, _Répert. Stat._ 2, 471, 12 (dite d'Autun). Massava (_Mesves_, Nièvre). --- _CIL._ 13, 2896 : « [Num(inibus)] Aug(ustis) sacr(um) [et] Matri Deum [ara]m cum sigill[es] etc. » Lettres de la fin du 2e s. _Saint-Réverien_, Nièvre. --- Attis à la syrinx, bronze : _Mém. Soc. Ednenne_, 1844, p. 329 (dit joueur de flûte de Pan, « coiffé d'une sorte de capuchon » ). Senones (_Sens_). --- Cybèle, statuette ; S. Reinach, _op. l._ 4, 162, 3 ; Espérandieu, _op. l._ 4, 2823. --- Tête tourelée et voilée, _ibid._ 2777. Venetonimagvs (_Vieu-en-Val-Romey_, Ain). --- _CIL._ 13, 2529 ; autel taurob. anépigraphe ; --- 2543 (Sévir Aug. et Dendr.). Belgiqve et Séqvanaise _Abbeville_. --- Tète tourelée, en bronze, au Cabinet des Antiques, Bibl. Nat. ; Babelon et Bl., _op. l._ 611, reprod. p. 257, et dans Jullian, _Gallia_, p. 221. _Alt-Trier_, Luxembourg. --- Cybèle assise, terre c., au Musée de Trêves : Hettner, dans _Westdeutsche Zft_ 19, 1900, p. 410 ; cf. Blanchet, _l. c._, p. 194. _Amsoldingen_ (Suisse). --- _CIL._ 13, 5153 (Dendr. augustal). _Anthée_, près de Dinant, Belgique. --- Plaques en bronze, poignées de meubles : buste de Cybèle entre deux lions et deux bustes d'Attis entés sur pommes de pin. Musée de Namur. Reinach, _Musée de S.-Germain, Bronzes_, 431 ; Cumont dans _Annales Soc. arch . Bruxelles_ 22, 1908, p. 227. Avgvsta Ravricorvm (_Augst_, Bâle-Campagne, Suisse). --- Fragments d'une Cybèle en bronze : tête à polos, base avec vestiges de déesse assise et de lions. Vischer, _Schmid'sche Sammlung aus Augst_, Basel, 1858, p. 16. --- Peut-être d'Augst : Attis en bronze, à tunique se terminant en anaxyrides, buste nu, main dr. sous le menton. Bernouilli, _Museum in Basel_, 1880, n° 143. Aventicvm (_Avenches_, Suisse). --- Main votive, avec symboles sabaziens et métroaques (buste de Cybèle, tympanon). Dunant, _Guide du Mus. d'Av._ 1900, 597 et pl. 10, 6. Bagacvm (_Bavai_, Nord). --- Plaque en bronze, cf. Anthée ; Babelon et Bl., _op. l._ 1456 ; Cumont, _l. c._, p. 223. --- Lion tenant une tête de bélier, grès. Musée de Bruxelles, Cumont, _Catal. des mon. lapid._, 1898, 17 A. Basilea (_Bâle_), v. Augusta Rauracorum. _Bousies_, Nord. --- Deux plaques en bronze, cf. Anthée. Musée de Lille. Cumont dans _Ann. Soc. arch. Brux._, _l. c._, pp. 224 et 228. _Brunault-Liberehies_ (Belgique) . --- Plaque en bronze, cf. Anthée. Université de Gand. Roulez, dans _Bull. Acad. Belg._ 12, 1845, p. 405 ss ; Cumont, _l. c._ _Chapelle-les-Herlaimont_ (Belgique). --- Plaque en bronze, de même type, au château de Mariemont. Cumont, _l. c._, p. 219 s, et pl. _Dronecken_ (Allemagne). --- Figurines en terre c. blanche, provenant d'un temple romain, « im Distrikt Naundorf bei Dronecken im Hochwald » : Cybèle assise entre deux lions, tympanon dans la main g., cymbales sur les genoux. Autres déesses mères, avec animal ou fruits sur les genoux, au Musée de Trêves. Hettner, dans _Westd. Zft_ 1900, p. 408, et _Prov. Muséum, Illustr. Führer_, 1903, p. 82. Monnaies delà fin du 1er s. à la fin du 4e. _Elouges_ (Belgique). --- Plaque en bronze, cf. Anthée. Musée du Cinquantenaire, à Bruxelles. Cumont, _l. c._, p. 220 et fig. _Gèromont_, Meuse. --- Deux déesses assises, un chien ? sur les genoux : terre c. : Cybèle ou Nehallenia. --- Blanchet, _l. c._, pp. 194, 212. _Grozon_ (Jura). --- Cymbale votive en bronze : « Matri Deum Camellius Tutor ex voto » ; trouvée dans une cave, près de l'église Notre-Dame, avec des poteries sigillées. Bibl. Nat. ; Babelon et Blanchet, _op. l._ 2298 ; _CIL._ 13, 5358. Levci (_Toul_). --- Fragment d'Attis funéraire ? en pierre, une main sous le menton, l'autre tenant une haste ; derrière le dos, carquois ? A Nancy, Musée lorrain ; Wiener, _Catal._ 1895, n° 279 (dit archer syrien). _Luxembourg_. --- Cybèle ( ? ) assise, tenant sur ses genoux un lionceau ou un chien ; terre c., au Musée. Blanchet, _l. c._ 60, 1899, p. 239. Orolanvm (_Arlon_, Luxembourg). --- Plaque en bronze, cf. Anthée. brisée ; Prat, _Hist. d'Arlon_, Atlas, pl. 79 _a_, texte 1, p. 59. --- Buste d'Attis ? , génie ailé, tête de lion ; _ibid._, pl. 33 ; Wilthemius, _Luciliburgensia_, 1841-42, pl. 65. Remorvm civitas (_Reims_). --- Deux statuettes en pierre : Cybèle tourelée, trônant, la main dr. posée sur le genou, la g. soutenant le tympanon ; trouvées au faubourg Cerès ; Musée de l'Hôtel de Ville. Trois autres, de même type, mais corne d'abondance au lieu de tambourin ; deux au même Musée, une au Musée lapidaire. _Travaux Acad. Reims_, 95, p. 210 ss. --- Attis funéraire, appuyé à un pilier, jambes croisées, main g. sur le pedum, main dr. tenant la syrinx. _Bull. archéol. du Comité_, 1896, p. 43 s. (donné comme marchand ! ). _Roisin_ (Belgique). --- Plaque en bronze, cf. Anthée. Cumont, _l. c._, p. 223 s. Treverorvm Avgvsta (_Tréves_). --- Mère assise, les mains aux genoux, sur lesquels repose un lionceau ; terre c. peinte, provenant d'une nécropole « aus dem Maar bei Trier » ; au Musée. Lehner, dans _Westd. Zft_ 13, 1894, p. 310 et pl. 10, 1 ; 19, 1900, p. 408. --- Cybèle assise, un petit animal sur ses genoux ; statuette en pierre ; cf. _ibid._ 1897, _Korresp. Blatt_, p. 117. --- Deux figurines de Cybèle en t. c., au Musée : _Archaeol. Jahrb. d. Inst._ 1902, _Anzeiger_, 79. --- Tête d'Attis ou de dadophore mithriaque, en marbre : Cumont, _Mithra_, mon. fig. 322. --- Statuette d'Attis, en pierre calcaire, tête, bras, pieds brisés ; au Musée, n° 13629. Tvrnacvm (_Tournai_, Belgique). --- Attis debout, paré d'un collier, vêtu d'anaxyrides à crevés et d'une tunique serrée à la taille, mais qui laisse à nu presque tout le buste, tout le ventre et le haut des cuisses ; type complètement féminisé. Bronze incrusté d'argent. Pignorius, _Magnae Deum Matris et Attidis initia ex vetustis mon. nuper Tornaci erutis_, Paris, 1623 ; De Bast, _Recueil d'antiq._, Gand, 1808, 1, p. 162 et pl. 5, 12. Vesontio (_Besançon_). --- Sur un manche de patère en bronze, trouvé dans le Doubs : tête d Attis, pedum et syrinx ; Musée de B. ; cf. Reinach, _Musée de S.-Germ., Bronzes figurés_, p. 318 n° 403. C'est surtout le taurobole, célébré « pour le salut du César Auguste et de sa Maison Divine, » qui a fait ici la fortune politique des dieux phrygiens. Il est devenu l'une des principales manifestations du loyalisme gallo-romain. Le plus ancien taurobole de rite phrygien dont nous connaissons la date certaine fut offert à Lyon, le 9 décembre 160. On y sacrifia bélier et taureau pour le salut d'Antonin et de ses fils. Ce fut L. Aemilius Carpus, Sévir et Dendrophore, qui reçut les « vires, » qui en opéra la translation du Vatican au temple pour l'oblation rituelle, qui enfin consacra le bucrâne et l'autel. En souvenir de la métropole romaine, le baptistère ou Phrygianum lyonnais, distinct de l'« Aedes Magnae Matris Idaeae, » portait le nom de Vaticanum ; et sans doute en fut-il ainsi dans toute la Gaule, sinon dans tout l'Empire. A Nîmes, on fait figurer sur le marbre dédicatoire les vœux officiels pour les 15virs ; car en Gaule, comme en Italie, culte et clergé de la Grande Mère relèvent directement du sacré collège. Presque toujours on inscrit la formule qui concerne le salut de la ville et le maintien de sa prospérité. Toute une population est donc intéressée à ces fêtes, qui attirent sur elle une part des grâces divines. Puisque du salut des Césars dépend la conservation des cités, les villes accomplissent des tauroboles en leur propre nom. Narbonne, Lectoure, la république des Voconces nous font assister à des cérémonies de cette nature. Une souscription publique en couvre les frais. Tout le haut clergé y est convié ; parfois le pontife lui-même préside. Par le taurobole, le culte de Cybèle et d'Attis dépasse l'enceinte municipale. Il prend un caractère régional. Le personnel du temple lyonnais se déplace pour accomplir des sacrifices à Valence et à Tain. Le 30 septembre 245, c'est le pontife perpétuel de Valence qui vient taurobolier à Die ; il est assisté du clergé métroaque de Die, d'Aps et d'Orange. Bien plus, le culte prend un caractère national, comme celui de Rome et Auguste à Lyon. Il devient le culte commun d'une province. Narbonne célèbre un _taurobolium Provinciae_, sous la présidence du flamine provincial des Augustes. D'autre part, l'immigration orientale est aussi intense en Gaule qu'en Italie. Parmi les vétérans qui colonisent la Narbonnaise au début de l'Empire, il y a sans doute un élément d'Anatoliens, comme il s'y trouve des Grecs d'Égypte. Fréjus est, au 1er siècle, un port militaire : et les compatriotes d'Attis sont nombreux dans la marine. Le trafic levantin n'a pas cessé de suivre les antiques sillages des Phocéens. Marseille, demeurée un centre actif d'hellénisme, conserve encore des liens religieux et commerciaux avec l'Ionie. Sur les quais de Narbonne et d'Arles tout l'Orient débarque ses produits. Ateliers et magasins y sont peuplés d'Asiatiques. Il n'est pas de ville marchande où ces émigrants n'aient fondé d'importants comptoirs, pas d'étape, le long des grandes routes, où ils n'aient installé leurs bazars. Ils forment de véritables colonies à Bordeaux, à Nîmes, et dans les principales cités de la vallée du Rhône, surtout à Lyon, où ils occupent le quartier du confluent. Dans la capitale des Gaules, ils retrouvent tout un monde de compatriotes, affranchis ou esclaves, qui sont employés aux nombreux bureaux de l'administration impériale. Artisans et mercantis ont remonté la Saône avec les nautes ; ils ont suivi la voie d 'Agrippa, qui relie Lyon au port de Boulogne. Ce sont eux qui maintiennent à Autun la tradition de la langue grecque, usitée jadis aux foires de Bibracte. Dans la petite ville de Saulieu, le boutiquier Félix, qui donne l'hospitalité au prêtre chrétien Andoche et à son diacre Thyrse, est comme ceux-ci d'origine orientale. Bien que la proportion des Syriens soit assez forte, la majorité de ces Orientaux se compose d'Asiates et de Phrygiens. Nous connaissons à Nîmes des gens de Tralles et de Tarse, des Galates, des Phrygiens et des Phrygiennes qui se nomment Attis ou Atthis ; nous connaissons des Bithyniens à Bordeaux, des Lydiens à Vienne. Le prêtre Bénigne, à Langres, est un Smyrniote. Les chrétientés de Vienne et de Lyon, au 2e siècle, sont comme « des coins de Phrygie transportés en pleine Gaule.* » On peut en dire autant de l'église d'Autun, où semble refleurir toute la mysticité phrygienne.* Le terrain est favorable au développement du piétisme. C'est pourquoi les mystères de Cybèle y prospèrent, sous la protection des pouvoirs publics. Attis s'y dresse en face du Christ. En 179, l'Autunois Symphorianus, brûlant de manifester sa haine des faux dieux au cours d'une grande solennité païenne, choisit le jour d'une procession des dieux phrygiens.* Au début du 5e siècle, dans cette même ville d'Autun, les fêtes métroaques n'ont pas cessé d'attirer la foule ; « pour la conservation des champs et des vignes, » on y promène encore la déesse sur son char à bœufs, que précèdent chantres, musiciens et Corybantes danseurs.* *) Renan, _L'Eglise chrét._, p. 471. --- A Saulien, cf. _Acta Sanct._, Sept. 6, p. 676 : « quidam negotiator ibidem residons nomine Felix, orientalis vir. » *) Pectorius y exprime sa foi dans le même style qu'Aberkios d'Hiéropolis. *) _Acta_, Aug. 4, _l. c._ : « Tune Aedua civitas Berecynthiae, Apollinis et Dianae cultum speciali dilectione venerata est ; itaque ad Berecynthiae matris daemonum profanam sollemnitatem populorum multitudo convenerat. » Sur l'emplacement présumé du temple de Cybèle, v. De Charmasse et De Fontenay, _Autun et ses monuments_, 1889, p. 75 s. *) Greg. Tur., _l. c._ : « Ferunt in hac urbe simulacrum fuisse Berecynthiae, sicut sancti martyris Symphoriani passionis declarat historia. Hanc cum in carpento pro salvatione agrorum ac vinearum suarum misero gentilitatis more defferrent, adfuit Simplicius episcopus, haud procul adspiciens cantantes atque saltantes ante hoc simulacrum, etc. » A Autun, comme à Bénévent, comme à Carthage, la Grande Mère est Notre-Dame du Bérécynthe ; et son culte y est lié, de même qu'en Orient et dans la Marseille grecque, à ceux d'Apollon et de Diane, « Reine d'Éphèse.* » Son titre tout romain d'Idéenne ne semble avoir été populaire ni à Bordeaux ni à Narbonne, où l'influence orientale est puissante* ; à Lyon même, elle ne le porte que sur les monuments d'un caractère officiel. A plus forte raison cesse-t-elle d'être l'Idéenne quand on s'éloigne des centres de romanisation. L'épithète ne figure sur aucune des nombreuses dédicaces de Lectoure. Chez les Convenes, dans la haute vallée de la Garonne, le culte phrygien fut probablement introduit par des affranchis ; il y en avait beaucoup dans les services de la douane, et Lugdunum Convenarum (Saint-Bertrand de Comminges) était le chef-lieu d'une circonscription douanière.* Mater Deum n'y est point qualifiée d'Idaea. Elle n'est adorée sous ce vocable dans aucune des petites localités où nous lui connaissons des temples : telles Alet dans la haute vallée de l'Aude, Mesves sur la Loire, Grozon dans le Jura, Belley dans le Bugey, Moutiers en Tarantaise. *) Dédicace grecque à Apollon Médecin Illuminateur des mortels, et à la Reine d'Éphèse ; _IGSI._ 2524 ; cf. De Charmasse et De Fontenay, _op. l._, pp. 133 s et 157 s. Sources chaudes et bois consacrés à Apollon : Eumen., _Constantini paneg._ 22. *) Colonie orientale à Bordeaux : Jullian, _Inscr. rom. de B._ 2, p. 549. *) « Statio splendidissimi vectigalis quadragesimae Galliae » ; l'administration centrale était à Lyon. Un habitant de Belley, T. Albius Attius, dédie à Mater Deum un autel, avec soubassement dallé, colonnes et toiture ; un autre consacre à Mater Deum et Attis deux Cupidons, symboles de leurs divines amours. Le nom d'Attis ne reparaît pas ailleurs dans l'épigraphie gallo-romaine. C'est que l'épigraphie subit l'influence persistante des anciennes traditions grecque et latine, demeurées surtout vivaces en Narbonnaise. De ce silence des textes il ne faudrait point conclure que, sauf de rares exceptions, le culte d'Attis fut impopulaire en Gaule. Au pied des Pyrénées, dans l'opulente villa de Martres-Tolosane, une longue suite de médaillons encadrant les bustes des Grands Dieux décorait un portique : Attis avait pris place à côté de Cybèle dans ce panthéon gallo-romain de l'époque antonine. Une autre image du dieu berger, le bras gauche appuyé sur la houlette à crosse, la main droite tenant la syrinx, servait aussi à l'ornementation de la villa. Des vallées pyrénéennes jusqu'aux bords du Rhin, des contreforts du massif alpin aux collines du Poitou, l'on retrouve l'effigie d'Attis. Elle n'est pas toujours un produit exotique. Les terres cuites et les petits bronzes sont de fabrication indigène ; beaucoup de sculptures sont en pierre du pays ; les médaillons de Martres furent exécutés à Toulouse ou sur place, en marbre pyrénéen. Mais, pour comprendre quelle fut aux 2e et 3e siècles l'importance de la religion phrygienne, il faut revenir aux tauroboles. Le rôle d'Attis y est considérable. C'est lui qui préside au baptême rouge et à l'ablation des organes. Sur les autels, d'où son nom est exclu, figurent presque toujours ses attributs, syrinx, pedum et bonnet. Pomponius de Vésone a fait plus. Il a voulu conserver, sur l'autel de son taurobole, une vision de la scène même du sacrifice. Voici le pin sacré, symbole d'éternelle vie, qui dressait sans doute auprès de tous les baptistères phrygiens ses branches surchargées d'ex-voto. Devant l'arbre, sur une sorte d'autel, est posé le buste d'Attis ; c'est un de ces bustes portatifs, montés sur socle richement drapé, que l'on promenait dans les processions. Tout à côté, le taureau est déjà tombé sur les genoux, prêt à répandre son sang pour le rachat des hommes. Or aucun pays n'a fourni plus d'autels tauroboliques. On en a découvert soixante-trois dans les Gaules ; ils proviennent de Vence, dans la petite province des Alpes-Maritimes, de Narbonne, Nîmes, Fréjus, Riez, Vaison, Die, Orange, Valence, Tain, Vienne, en Narbonnaise, de Bordeaux, Lectoure, Périgueux, Flavignac, en Aquitaine, de Lyon, Vieu de Valromey, Auxerre, en Lugdunaise. La plupart sont l'œuvre de particuliers, dont beaucoup se préoccupent moins du salut de l'empereur que de la régénération de leurs âmes. Trente-neuf de ces monuments, en y comprenant huit autels an-épigraphes, rappellent des tauroboles privés pour le salut individuel de dévots. Parmi les dédicants, où domine l'élément féminin, beaucoup sont des affranchis d'origine anatolienne. Mais il s'y trouve aussi un grand nombre de citoyens et d'ingénues. En général, ceux-ci portent des noms qui appartiennent à l'onomastique gallo-romaine : tels A. Pompeius Avitianus et Claudia Firmina, de Vaison, T. Helvius Marcellinus et Valeria Decumilla, de Die, L. Dagidius Marius, pontife perpétuel de la cité de Valence, Axia Paullina, de Narbonne, Valeria Jullina, de Bordeaux. A Périgueux, L. Pomponius Sextus Paternus était aussi de souche indigène, et de l'une des meilleures familles. Nous avons vu l'exemple tout à fait remarquable que nous présente Lectoure. Le taurobole y est introduit par une affranchie ; et les premiers prêtres du culte phrygien y sont des esclaves. A l'occasion de tauroboles publics, offerts par le Sénat et la République des Lactorates, les tauroboles privés se succèdent à l'envi. Le 18 octobre 176, il y en eut au moins cinq, peut-être dix ; le 8 décembre 241, il y en eut au moins huit. Affranchies et ingénus alternent dans la fosse baptismale. En 176, à côté d'Aurélia Oppidana, dont le surnom révèle la naissance servile, voici Antonia Prima, peut-être une descendante de cet Antonius Primus de Toulouse, qui donna l'Empire à Vespasien. En 241, les ingénus dominent ; à côté de Julia Nicé, de Pompeia Flora, dont le surnom est fréquent à Narbonne parmi les femmes de condition libertine, voici C. Julius Secundus, Junia Domitia, Servilia Modesta, Valeria Gemina, d'autres encore, assurément des personnages de l'aristocratie locale. Telle femme est entraînée, au baptême par une esclave ; telle autre y conduit sa fille ; le fils de Repentinus y accompagne la fille de Taurinus ; depuis plusieurs années, Valeria Gemina se montrait l'une des plus zélées et des plus fanatiques au temple de la Mère des Dieux. « Toute la nation gauloise, » constate César, « est extrêmement adonnée aux superstitions.* » Rome et l'Orient renouvelèrent le fonds primitif. Mais, à voir le succès du taurobole, il paraît vraisemblable que, sous cet aspect nouveau, se continuaient des traditions1 ancestrales. Le taureau fut un fétiche des Gaulois ; ils en firent le compagnon et la victime de leurs grands dieux, et leur attribuèrent ses cornes, en qui semblait résider sa force.* D'autre part, affusion et absorption de sang étaient chez eux, comme chez beaucoup de barbares, des pratiques rituelles.* Ils avaient aussi leurs sacrifices de rachat, qui n'admettaient pas encore la substitution de la victime animale à la victime humaine.* Remplaçant ces holocaustes d'êtres humains, le taurobole constituait à tous égards un progrès ; et l'on comprend que les autorités romaines en aient favorisé l'expansion. *) _De bello gall._ 6, 16, 1 : « admodum dedita religionibus. » *) Cf. Jullian, _Hist. de la Gaule_ 2, p. 139. *) Cf. Solin. 22, 2, sur l'Irlande : « sanguine interemptorum hausto prius victores vultus suos oblinunt » ; Jullian, _op. l._ 1, p. 144. *) Jullian, _op. l._ 2, p. 158. Il est une autre tradition dont la Grande Mère sut tirer parti, et qui contribua certainement à la rendre populaire : c'est le culte celtique des déesses mères. Lorsqu'elle pénétrait dans les campagnes, avec le nombreux personnel d'esclaves et d'affranchis des villas seigneuriales, elle trouvait partout le sol peuplé de petits dieux, génies ou dames topiques des eaux, des arbres et des champs.* Dans les villes l'élément indigène leur était resté pieusement fidèle ; et souvent même la religion officielle des cités leur réservait une place d'honneur. Cybèle, dont le culte se liait si étroitement à la vie du sol, apparut comme une divinité de même ordre, mais d'essence supérieure. La communauté d'attributions, loin d'être une cause d'antagonisme, facilita le rapprochement. En beaucoup d'endroits la Mère du lieu, aussi souple que tenace, accepta le patronage de la Mère des Dieux. Ce n'était point seulement par esprit de flatterie et pour faire œuvre de loyalisme ; c'était surtout par mesure de prudence, pour s'accommoder aux nécessités des temps nouveaux et assurer ainsi sa propre vitalité. *) _Ibid._ 1, pp. 105 ss, 135 s ; 2, p. 130 ss ; A.-J. Reinach, _La nouvelle déesse mère d'Alésia_, dans _Pro Alesia_, 1909 (étude d'ensemble). Le plus souvent, à vrai dire, nous voyons Cybèle se juxtaposer simplement aux anciennes divinités des sources sacrées, qui gardent leur autonomie. Selon la tradition orientale, elle protège de préférence les eaux curatives, dispensatrices de santé. C'est pourquoi elle s'est installée à Vichy, où nous rencontrons aussi Jupiter Sabazios et Isis ; mais la reconnaissance des malades va surtout aux génies locaux, devenus un Mars, une Diane, une Vénus.* Cybèle dut exercer également sa tutelle sur les eaux de Royat ; car on a découvert ses traces sur le territoire d'Augusta Nemetum (Clermont-Ferrand). Son culte prospéra dans la région de Riez, où se trouve la station thermale de Gréoulx, l'antique Griselum ; et son pouvoir de guérisseuse y fut sans doute l'une des raisons de son succès. Mais la souveraineté des eaux reste aux « Nymphae Griselicae. » La femme du consul Vitrasius Pollio, que nous avons vue dédier un temple à la Mère des Dieux en Campanie, vint quelques années plus tard se soigner à Gréoulx ; ce fut aux Nymphes du lieu que, pour témoigner sa gratitude, elle dressa un autel.* Chez les Convènes, où abondent les eaux thermales, Cybèle a pris place auprès des Nymphes bienfaisantes ; mais elle ne les fit point oublier.* Si les habitants de Périgueux lui confient les destinées de leur Font-Chaude, aujourd'hui disparue,* ils conservent quand même une fervente dévotion pour leurs Mères Vésuniahènes. A Nîmes, elle est mise en relations avec les Mères Némausiques et avec le dieu Nemausus, qui demeure le génie de la fontaine filialement vénérée. A Bordeaux, son temple s'élevait, ce semble, auprès de la sainte Divona, dont Ausone a chanté les vertus médicales.* Jusque dans les campagnes, encore que le fait y soit plus rare, nous constatons ce rapprochement de la Grande Mère et des Dames fontainières. Au 2e siècle, chez les « Vicani Massavenses, » entre Nevers et Cosne, elle voisine avec Dea Clutoida, fée d'une source où l'on va boire encore pour chasser la fièvre.* Près de Tréteau, dans l'Ailier, ses lions protégeaient la principale source du pays.* Attis lui-même, chez les Eduens, devient le compagnon des petits dieux ruraux. A Magnien, dans la vallée de l'Arroux, il est le proche voisin d'Alisanus, que son nom désigne comme un dieu fontainier.* Vers les sources du Beuvron, à Saint-Révérien (Nièvre), on l'a rencontré dans la société des fées nourricières, avec Mercure et Silvain.* Enfin, non loin de la Loire et sur le territoire de Coulanges (Allier), la Font-Saint-Martin, d'où provient une image d'Attis, était une fontaine sacrée. *) Cf. Bonnard, _La Gaule thermale_, 1908, pp. 171 s, 176, 263, 434 ss. *) _CIL._ 12, 361 ; sur ces eaux, cf. Bonnard, _op. l._, p. 330 s. *) Dans le voisinage immédiat de Lugdunum, eaux thermales de Barbazan, Sainte-Marie et Siradan. A Lugdunum même, son culte pouvait être lié à celui de la principale source ; cf. Greg. Tur., _Hist. Franc._ 7, 34. *) Cf. Bonnard, _op. l._, p. 337. *) Aus., _Urbes_ 157-160. Sur la localisation de cette source, v. Jullian, _op. l._ 1, p. 107 n. 5. Les trois inscr. métroaques proviennent de la région qui comprend la cathédrale, la rue du Hâ et le cours d'Alsace-Lorraine. *) Bulliot et Thiollier, _op. l._, p. 291 s. *) Espérandieu, _op. l._ 3, 1628, 1630 : « retirés d'une grande source. » *) Patère consacrée « deo Alisano, » trouvée sur la commune de Viévy, voisine de celle de Magnien ; Bulliot et Th., _op. l._, p. 239. Alis, nom de rivières et de sources : cf. Jullian, _op. l._ 1, pp. 113 et 137 n. 2. *) Cf. Bulliot et Th., _op. l._, p. 423 ; Espérandieu, _op. l._ 3, pp. 239-242. Mais, auprès du couple venu de l'Orient, qu'étaient ces humbles dieux de la Gaule, qui n'avaient pas d'histoire, qui pour la plupart n'avaient pas même l'auréole d'une poétique légende, et dont la renommée 11e dépassait guère l'horizon prochain ? Tantôt donc, les Mères celtiques et pré-celtiques acceptent la suzeraineté de la Grande Mère et deviennent ses parèdres de moindre rang. Les eaux de Salins et de Brides-les-Bains, près de Moutiers, étaient le domaine des « Matronae Salvennae ou Salvennehae* » ; ces Matrones le partagent désormais avec « Mater Deum, » qui est désignée la première sur les dédicaces votives. Tantôt la Grande Mère finit par détrôner complètement les Mères topiques et se substitue à leur médiocre personnalité. L'exemple le plus caractéristique est celui que nous offre Die, ville sainte des Voconces, séjour de leur déesse nationale Andarta. Sous l'Empire, au temps des Antonins, la « Dea Augusta Vocontiorum » paraît s'être tout à fait confondue avec « Mater Deum. » Il semble même que l'on ait identifié le nom d'Andarta avec celui d'Adrasta,* qui est l'un des vocables mysiens de Cybèle. La Dame d'Alet a disparu, cédant ses pouvoirs et la protection des eaux thermales à la Mère des Dieux. Celle-ci est toute puissante à Lectoure. Son temple y domine la Fontélie, source sainte dont elle a dépossédé l'antique divinité. A Belley, Cybèle et Attis pourraient bien avoir recueilli comme protecteurs des sources la succession de dieux locaux.* De même, au nord de Belley, dans le Valromey, les cultes orientaux ont supplanté les cultes indigènes. Magna Mater y règne sur les eaux et sur les bois ; et ses prêtres, comme ceux de Mithra, y donnent peut-être des consultations médicales.* A Reims, où l'on a reconnu l'existence d'eaux minérales,* elle s'est identifiée avec la Tutelle de la cité ; dans sa main elle porte indifféremment le tambourin ou la corne d'abondance. Les deux déesses n'avaient-elles pas des attributions communes et déjà des attributs communs ? En principe, au moins dans certaines régions, le culte de la Tutela gallo-romaine se rattachait à celui des eaux ; elle est la gardienne des sources sacrées qui alimentent les villes.* Devenue sous ce nom romain la gardienne des villes mêmes, elle se couronnait de murs et de tours, comme Cybèle et la Fortune poliade.* L'imagerie favorisait l'œuvre d'assimilation. Tel est l'ascendant de la Mère des Dieux que certaines mères des campagnes éduennes lui empruntent sa couronne, comme si elles n'étaient plus, de leur propre aveu, que des manifestations locales de sa grande divinité.* A Fontaine-la-Mère, près d'Autun, Dea Clutoida reçoit des cymbales en ex-voto, comme si elle était assimilée à Magna Mater.* A Aignay-le-Duc, la Dame de la Fontaine prend les allures d'une Cybèle, qui aurait remplacé par un chien le lion accroupi à ses côtés.* Sur une patère en argent trouvée dans le Rhône, entre Tarascon et Arles, on voit trôner une déesse dont la tête est couverte d'un voile, et qui tient sur ses genoux une corbeille de fruits. A ses pieds, un chien semble sortir d'une ciste ; au-dessus du trône volètent des oiseaux ; un autre se pose sur une colonnette. Cette déesse est-elle une transformation hellénistique ou gréco-romaine de l'Astarté aux colombes ? Ne serait-ce pas plutôt une de ces divinités celtiques dont fruits, chiens et oiseaux constituaient les attributs coutumiers ? Voulant dédier une coupe à la Mère des Dieux, un dévot avait précisément choisi celle où figurait ce type divin. Ainsi, de toutes parts, le syncrétisme tendait à interpréter les mères indigènes comme de multiples hypostases de la Grande Mère phrygio-romaine. Nous en retrouverons d'autres exemples au bord du Rhin. Toutefois, nous ne voyons jamais la Grande Mère ajouter à ses noms romains un vocable gaulois, qui l'identifie entérines très nets à la déesse de telle localité ou de telle tribu. Trop impérieuse est en général la personnalité des dieux des mystères, trop manifeste leur caractère de haute puissance, pour qu'ils se prêtent aisément à de telles adaptations. La Gaule compte de nombreux Apollons, de nombreux Mercures, de nombreux Mars ; mais la Mère des Dieux conserve sa souveraineté universelle, dont témoignait son titre théogonique. *) Sur la terminaison en _nehae_, fréquente chez les noms de Mères et qui parait signifier source ou mère, cf. Jullian, _op. l._ 1, p. 108 n. 5, et 2, p. 131. *) Andarta, _CIL._ 12, 1554-60 ; Andraste, Adraste : Dio 62, 6, 2 ; 7, 3. *) Greppo, _Eaux therm. ou min. de la Gaule_, 1846, p. 181 s. *) Cf. Cumont, _Mithra_, insc. 494. ( « Pater Patrum » médecin) et mon. fig. 275. *) Patissier, _Manuel des eaux min._, p. 369. *) Au moins dans le sud-ouest. Jullian, _op. l._, p. 132, et dans _R. Et. Anc._ 1907, p. 191 (Tutela de Lourdes). *) Tutela porte la corne d'abondance. Mais il est difficile d'identifier les têtes isolées, comme celles d'Aix, Nîmes, Paris, Lillebonne, Abbeville. Le voile de consécration indique plutôt Cybèle que Tutela. La tête de Nîmes a été trouvée « en 1827, au-dessus du moulin qui est près de la fontaine couverte » (Catalogue ms. du Musée). --- Abbeville, sources minérales : Patissier, _op. l._, p. 559. --- Aix, ses sources : Strab. 4, 1, 5 ; Liv., _Epitome_ 61 ; Plin., _H. n._ 31, 4. *) Bligny-sous-Beaune : tête de déesse, au Musée de Dijon ; _Mém. Commission archéol. Côte-d'Or_, 10, 1878-84, p. 18. --- Vertaut (Vertilium) ; _Catal. du Musée des antiq. de la Côte-d'Or_, 1894, p. 19 n° 100. --- Alesia : Mater, parédre d'un dieu au maillet ; Espérandieu, _op. l._ 3, 2347. *) Bulliot et Th., _op. l._, p. 290. *) Espérandieu, _op. l._ 3, 2343. Le culte métroaque pouvait mieux s'adapter à celui d'une grande déesse nationale. Au-dessus des Mères topiques et des déesses de tribus et de clans, la religion gauloise admettait l'existence de deux grandes divinités féminines.* L'une se transforme tour à tour en Minerve, en Victoire, en Bellone. Or l'Idéenne est restée celle qui vint protéger, en des temps difficiles, les armes romaines ; sur le Rhin comme à Rome, Bellone est sa suivante et Minerve Bérécynthienne est identique à Cybèle. Aussi la Dame des tauroboles apparaît-elle parfois sous cet aspect de déesse victorieuse et qui fait vaincre. A Vienne, un autel lui est dédié « pour la victoire des Augustes » et leur retour triomphal. Lyon en possède deux pour le salut de Septime Sévère ; ils sont datés des années où l'empereur faisait campagne en Asie Mineure (194) et en Mésopotamie (197).* Enfin l'Andarta des Voconces, que semble avoir remplacé la Grande Mère Adrasteia, fut une divinité de combat et de victoire. *) Jullian, _H. de la Gaule_, 2, p. 122 ss. *) Sévère avait été gouverneur de la Lyonnaise en 181 ou 182. D'autre part, l'une des dédicantes de 197, Optatia Siora, paraît être une Africaine, comme l'empereur ; cf. Ziora, _CIL._ 8, 2967. L'autre déesse est la Terre, mère des hommes et des dieux. « Le mystère de la production terrestre est peut-être le premier qui élargit la religion par-delà les étroites limites de la crainte d'un Génie voisin.* » Serait-ce la déesse Terre que représentent dans une civilisation antérieure les menhirs à formes de femmes ? Quoi qu'il en soit, les Ligures l'adoraient déjà ; et les Gaulois durent lui conserver ses plus anciens sanctuaires, dans la profondeur des forêts, au bord des étangs, dans la solitude des îles. Sous l'Empire romain, son culte s'adapte naturellement à celui de Terra Mater. Elle est interprétée d'autres fois en Maia, en Vesta ou, comme Dame des Morts, en Aerecura. Elle survécut aussi dans la Mère des Dieux, la plus puissante de ces divinités chthoniennes. N'était-elle pas en vérité la mère d'une multitude innombrable de dieux, issus des entrailles mêmes du sol, dieux arbres, dieux sources, dieux rochers ? Dans la Germanie barbare, sur les bords du golfe de Dantzig, les Estyens vénéraient une grande déesse que Tacite assimile à la Mère des Dieux.* Selon toute vraisemblance, de pareilles identifications s'étaient produites en Gaule, facilitées par de singulières analogies de culte. La Nerthus ou Ertha germanique, identifiée par les Romains à Terra Mater, avait pour temple un bois sacré, pour attribut un char traîné par des génisses. Elle-même conduisait son char, quand elle venait visiter les hommes ; et c'étaient alors des jours d'allégresse. Les fêtes se terminaient par une « lavation » du véhicule, symbolisant un bain de la déesse, et par des sacrifices humains. Chez les tribus germaniques, la Terre Mère était unie au grand dieu, père de la nation. De même, elle passait pour être la mère et l'épouse de Teutatès, ancêtre des Gaulois, interprété tantôt en maître des sommets, tantôt en dieu souterrain.* Dans la Gaule romaine, Jupiter Optimus Maximus est rapproché parfois de Terra Mater, parfois de Mater Deum. Avec les autels tauroboliques de Lectoure, on a trouvé deux autres autels qui lui sont dédiés. A Vienne, dans un sanctuaire qui s'élevait au-dessus ou auprès d'une grotte, la Mère des Dieux apparaît comme la parèdre de Cælus. Faut-il admettre ici la persistance d'une tradition nationale ? Caelus et Jupiter sont-ils ici les aspects nouveaux du Teutatès adoré sur les cimes, peut-être aussi du céleste Belenus, préféré comme plus grand dieu dans certaines régions ? Mais il est à peu près impossible de discerner la part des influences indigènes et celle des influences orientales. *) Jullian, _op. l._ 1, p. 143 ; cf. Dieterich, _Mutter Erde_, 1905. *) Tac., _Germ._ 45 ; cf. 40, sur Nerthus. Dans une île voisine de la Bretagne insulaire, rites qui rappellent ceux de Cérès et Proserpine en Samothrace, Strab. 4, 4, 6, « c'est-à-dire inspirés par la maternité de la Terre, » Jullian, _op. l._ 1, p. 145. *) Teutatès interprété en Saturne ou en Dis Pater : Jullian, _op. l._ 2, p. 121. Pour la Germanie, Tac., _l. c._ 2. Jusqu'à quel point se combinèrent-elles, par ailleurs, pour développer la notion du rôle funéraire qui est attribué à Cybèle et Attis ? A Angoulême, à Boulogne-sur-Mer,* des lions qui tiennent sous leurs pattes antérieures une tête d'animal furent les gardiens de tombeaux. Mais les sculpteurs gallo-romains interprétaient à leur façon le motif oriental. Ce n'est plus le taureau ou le bélier qu'a dompté ici le fauve de Cybèle ; c'est le sanglier gaulois, animal précisément consacré à la Mère des Dieux celto-germanique. De nombreux affranchis installés à Narbonne, pour la plupart marchands ou artisans, ont fait sculpter sur leurs tombes l'effigie d'Attis. Plusieurs de ces monuments remontent au 1er siècle. Le dieu n'y présente pas toujours l'attitude méditative et douloureuse qui caractérise son type funéraire ; souvent il lève les mains en signe de bénédiction. A Vienne aussi, dont la colonie orientale fut très importante, se dressait sur maint tombeau l'image tutélaire et symbolique du divin pasteur. On la retrouve à Cavaillon, Arles et Nîmes, à Tarbes, à Saint-Clar près de Lectoure, à Aignay-le-Duc (Auxois) et jusqu'à Reims. D'autres dévots préféraient déposer dans la sépulture même, auprès du mort, une figurine d'Attis en terre cuite ; on a découvert de ces statuettes dans la région toulousaine et à Vienne, Vichy, Clermont-Ferrand, Poitiers et Paris. Un Attis de type funéraire, sur plaquette en os, provient de Vaison ; un autre, en bronze, provient de Bourges. Pour protéger les morts et les accompagner dans le monde souterrain, on plaçait également près d'eux des images de la bonne Mère,* dont le culte s'associait à celui de l'infernale Aerecura.* Peut-être même ce rite se perpétuait-il depuis des siècles dans les colonies grecques de la Gaule méridionale. Car il est possible que les archaïques Cybèles de Marseille et d'Orange, qui portent un lionceau sur leurs genoux, aient eu cette destination funéraire. Mais si, d'autre part, la statue menhir des tribus pré-celtiques représente une déesse, cette divinité ne serait-elle pas déjà, comme la Grande Mère d'Anatolie, une dame des morts et la souveraine des nécropoles ? La Terre maternelle des cultes celtiques est Mère des Mânes. Aussi bien les Gaulois croyaient ils que la mort est un passage à une autre vie. Ils croyaient également que les défunts s'en vont au séjour des dieux.* La population indigène était donc préparée aux enseignements de la mystique orientale. *) Espérandieu, _op. l._ 2, 1377. --- Cumont, _Mithra_, mon. fig., p. 527 n° 330. *) Aux Musées de Saint-Germain, n° 14706, et de Moulins, _Catal._ 59 : t. c. blanche, mais de provenance rhénane ? cf. Blanchet, _l. c._ 60, 1899, p. 239. *) Cf. à Vieu-en-Valromey. *) Jullian, _op. l._ 2, pp. 169-175. ## 6\. Un réseau de voies commerciales et stratégiques mettait la Gaule en communication avec les marchés et les camps du Rhin. Le couple phrygien les avait toutes suivies. De Vienne et de Lyon, les marchands gagnaient Bâle par Genève et Avenches. C'est ainsi que, près du lac de Thoune, un Lydien s'était établi comme orfèvre à Amsoldingen, dont il devint l'un des notables. Cybèle y eut son temple ; et l'exploitation du bois y donnait une importance particulière à ses Dendrophores. Avenches, capitale des Helvètes, pratiquait les mystères de Phrygie ; on y a découvert une main votive, qui porte des symboles métroaques et sabaziens. Sur la Moselle, Trêves était la capitale du trafic rhénan et le centre d'approvisionnement des armées. Elle devint au 3e siècle le quartier général des autorités militaires. On y comptait beaucoup d'Orientaux dès le 1er siècle. De bonne heure le culte de la Grande Mère s'y développa. Comme dans bien d'autres villes de la Gaule, il s'y substitua sans doute à celui d'une divinité locale. Car la déesse assise dont le type s'est propagé dans la région, celle que l'on rencontre dans les sépultures et parmi les ex-voto des sanctuaires, tient sur ses genoux tantôt un lionceau, tantôt une paire de cymbales, tantôt simplement des fruits. A l'est de Trêves, près de Dronecken, c'est sous ce triple aspect qu'on l'honore dans un temple du Hochwald. Elle s'y trouve en compagnie de Mars, interprétation romaine d'un dieu indigène ; la présence d'un dieu cavalier, d'Amour et Psyché, d'autres figurines à signification funéraire, précise ici son caractère de Dame des morts. A l'ouest, dans Alt-Trier, elle voisine avec Diane, Minerve et des génies topiques de l'abondance. Elle est adorée à Luxembourg et Arlon. Nous la retrouvons encore par-delà les forêts des Ardennes. Les bronziers de Bavai empruntaient à l'iconographie métroaque les éléments de pièces décoratives ; ils ont répandu les images et les symboles des dieux phrygiens dans tout le pays de Sambre-et-Meuse. Plus au nord, Cybèle et Attis recevaient un culte à Tournai, capitale des Nerviens. En territoire germanique, on suit leurs traces des deux côtés de la Meuse, tout le long de la route qui relie Cologne à la Belgique Seconde. De Vlytingen, près de Tongres, de Juslenville, près de Spa, proviennent des figurines de Cybèle ; sans doute avait-on mis son culte en relations, selon la coutume, avec les eaux médicinales de Tongres et de Spa. Sur une éminence, à Vervoz, l'Attis douloureux décorait un édicule funéraire d'ordre ionique. A Pier, près de Düren, Magna Mater avait une confrérie d'Initiés. Mais, sur toute cette frontière, l'orientalisme arrive par le Rhin plus encore que par les chemins de la Gaule ; et les soldats, beaucoup plus encore que les marchands, contribuent à sa diffusion. Les légions de Germanie, il est vrai, ne se recrutent guère en Orient et n'ont pris que de très rares contacts avec les troupes d'Asie.* Toutefois les Levantins fournissent un fort contingent à la 1 Adjutrix, constituée par Néron avec les marins de la flotte, et qui passe en pays rhénan presque toute la seconde moitié du 1er siècle. La 22 Primigenia, qui se fixe à Mayence dès le temps de Claude, avait été formée par dédoublement delà Dejoteriana, corps de troupes galates. Les soldats de la 4 Macedonica, en garnison dans cette même ville de 43 à 70, ceux des cohortes dalmates, les cavaliers de l'aile mésienne, sont originaires de provinces où fleurissent les mystères de Cybèle et d'Attis. *) Cf. Ritterling, dans _Westd. Zft_ 12, 1893, pp. 105-120, 203-242. D'autre part, les Bataves tiennent une place considérable dans l'armée romaine. On vantait leur courage et leur fidélité militaire ; ils passaient pour être parmi les meilleurs cavaliers. Mettant à profit ces qualités, comme en Orient celles des Galates, l'Empire exigeait d'eux dix mille hommes d'armes ; et l'on recrutait aussi chez eux les gardes du corps de l'Empereur. Les Cannénéfates, leurs voisins, fournissaient des ailes aux troupes de l'Europe orientale, réparties sur les frontières danubiennes. Enfin les légions du Danube servent sans cesse d'intermédiaires entre l'Asie Mineure et la vallée du Rhin. Elles entretiennent des relations constantes avec l'Orient, où elles complètent leurs cadres jet où elles expédient des détachements en temps de guerre. Au 1er siècle, elles sont plusieurs fois appelées à renforcer la défense des lignes rhénanes. Après la désastreuse défaite de Varus, en l'an 9, la 2 Augusta, la 16 Gallica et la 20 Valeria sont transférées des provinces danubiennes en Germanie ; elles y demeurent jusqu'en l'an 43. De Mésie vinrent en 70 la 8 Augusta, en 85 la 1 Minervia ; celles-ci ne devaient plus quitter les régions de Mayence et de Bonn. A partir d'Hadrien, les forts du _Limes_ relient étroitement les deux fleuves et les deux corps d'armée. Dans ces conditions, les dieux de Phrygie ne pouvaient être moins populaires sur les bords du Rhin que sur le Danube. Du lac de Constance* et des frontières de Rhétie jusqu'au delta du Rhin et à l'Océan germanique, leur culte a laissé partout des vestiges.* On le retrouve à Bâle, Strasbourg, Spire, Mayence, Bingen, Andernach, Coblence, Bonn, Cologne, Neuss, Nimègue, et dans la région d'Utrecht. Il avait même franchi la rive droite, avec les soldats et les colons qui occupaient les champs Décumates. Par l'une des principales routes du Danube au Rhin, il a gagné directement et suivi la vallée du Neckhar ; il s'y manifeste à Rottenburg, où cette route franchissait la rivière, à Cannstatt près de Stuttgart, à Beihingen près du confluent de l'Enz, à Neuenheim en face d'Heidelberg. Plus au nord, en face de Mayence, il s'était introduit chez les Mattiaci, qui habitaient les rives du Mein et le massif du Taunus. Pour expliquer sa diffusion sur ce territoire, il suffirait du voisinage de la grande cité ou de la seule présence de quelques détachements militaires. Mais la population indigène avait d'autres raisons d'en subir l'attrait : dès le 1er siècle elle fournissait une cohorte à la Mésie Inférieure, que ses ports avaient depuis longtemps ouverte aux religions d'Anatolie. Le Castellum Mattiacorum, qui ferme sur la rive orientale le pont de Mayence, possède un mont Vatican. C'est un tertre artificiel, puisqu'en 236 on juge nécessaire de le restaurer. On y célèbre les fêtes tauroboliques. Les pâtres résidant au Castel, gardiens d'immenses troupeaux dans les pâturages proches, et en même temps organisés en milice, s'étaient placés sous le double patronage du berger Attis et de la guerrière Bellona. En 224, le jour du Sanguis, qui comporte des prières spéciales à l'Idéenne pour l'empereur et l'Empire, nous les voyons dédier un autel au Numen de l'Auguste. A l'extrême frontière, sur la crête du Taunus, la dame de Pessinonte et du Palatin protège les aigles impériales. On la vénère dans le camp retranché du Saalburg. Sous le principat d'Antonin le Pieux, un centurion de la 22 Primigenia participe de ses deniers à la construction ou à l'aménagement du sanctuaire. Elle le partage, ce semble, avec Mithra, le dieu fort et invaincu. Face à l'ennemi, elle-même oppose sa puissance invincible à celle de la grande déesse germanique, comme elle s'opposa jadis triomphalement à la Grande Mère carthaginoise. *) V. infra, Rhétie, _Stein._ *) Localités de Germanie qui ont fourni des monuments épigraphiques et figurés. Germanie Supérieure Antvnnacvm (_Andernaeh_, Rheinland). --- _CIL._ 13, 7684 : tombe de Firmus, fils d'Ecco, soldat de la cohorte des Rhètes, et de son esclave Fuscus. En haut, 2 lions entourant un sphinx : sur les côtés, Attis funéraire, reprod. dans _Bonn. Jahrb._ 77, 1884, pl. 1, cf. p. 24. Musée de Bonn. Argentoratvm (_Strasbourg_). --- Cybèle ( ? ) assise, tête radiée (couronne murale ? ), tenant un animal sur ses genoux ; coll. Mowat à Paris. Blanchet, dans _Mém. Soc. Antiquaires_ 60, 1901, p. 240 ; cf. _Bull. S. Ant._ 1870, p. 260. Avgvsta Nemetvm (_Spire_). --- Tête d'Attis, primitivement « an einen Fels gelehnt » (h. environ 70 cm), et jambe g. « gelehnt an den Felsboden, » ayant décoré un monument funéraire du Rothselberg, au lieu-dit « Allenkirchen » ; _Westd. Zft_ 13, 1894, _Korr. Blatt_ p. 324 s n° 140 (dessin), et 1895 p. 377. Aqvae Avreliae (_Baden_). --- _CIL._ 13, 6292: « Matri Deum C. Sempronius Saturninus, centurio coh(ortis) 26 vol(untariorum) civium r(omanorum), v. s. l. m. » Aqvae Mattiacae (_Wiesbaden_) ; cf. Castellum Mattiacorum. _Beihingen_, Würtemberg. --- Attis ? menton appuyé sur la main g., un arc dans la dr. : au Musée de Stuttgart. Sixt dans _Würtemb. Vierteljahreshefte_ 1893, p. 326, et dans _Westd. Zft_ 1898, p. 354 ; Cumont, _Mithra_ mon. fig. 241 _bis_. Bingivm (_Bingen_, Hesse rhénane ; ville de garnison jusque sous Vespasien). --- _CIL._ 13, 5707 : tombe d'Annaius Daverzus, de la cohorte 4 des Dalmates. En haut, 3 lions ; sur les côtés, 2 Attis, jambes croisées, une main sous le menton. --- _CIL._ 13, 7514 : tombe de Tib. Iulius Abdes Pantera, natif de Sidon, de la cohorte 1 des Sagittaires ; sur les côtés, 2 Attis, 1er siècle. --- Figurines en t. c., trouvées à Bingenbrück : Cybèle ( ? ) assise devant la colonnade d'un temple, lionceau ou chien sur ses genoux. Blanchet dans _Mém. Soc. Antiquaires_, 60, 1901, p. 238 ; cf. 51, p. 193. _Cannstatt_, Würtemberg. --- _CIL._ 13, 6443 : construction ou restauration d'une « aedes Matris Deum, » en l'honneur de la Maison Divine, par Iunius Valens et... ; dans le vieus contigu au castellum, cf. Kappf, _Cannst._ (publications de la commission du _Limes_). Postérieure à 150, à cause de la formule « in h. d. d. » --- Culte d'Aerecura : _CIL._ 13, 6438-39. _Carlsruhe_, Gr. Duché de Bade. --- Lampe en t. c. : Cybèle trônant entre deux lions ; à g. Attis ; dessous, 2 plantes de pieds. Au Musée. Winnefeld, _Vasensammlung zu Karlsr._, 1887, p. 174 n° 938. --- Autre : Cybèle trônant entre 2 lions ; _ibid._ 939. --- Buste d'Attis ( ? ) en bronze : Schumacher, _Samml. ant. Bronzen_, 1890, n° 279, pl. 7, 4. Provenance régionale ? Castellvm Mattiacorvm (_Kastel_, en face de Mayence). --- V. supra, p. 279 n. 2. Parmi les noms d'Hastiferi de l'an 236 : G. Meddignatius Severus, curator ; Crixsius Adnamatus, Giamillius Crescens, Marcrinius Perpetuus, Atregtius Cupitianus. Une cohorte de Mattiaci en Mésie inférieure ; diplômes militaires des années 99 et 134. Conflventes (_Coblenz_). --- _CIL._ 13, 7627 : tombe d'une famille. Des deux côtés, Attis, jambes croisées, sous une panoplie faite d'une pelta et de 2 haches doubles ; reprod. par Haakh, dans _Verhandl. d. Philologen versammlung_, 1857, p. 181. Crvciniacvm (_Kreuznach_, sur la Nahe, Rheinland). --- _CIL._ 13, 7531 : « Matri D(eum) Calvisia Secundina v. s. l. m. » _Fürth_, cercle d'Ottweiler, Rheinland. --- Tête d'Attis ou de dadophore mithriaque, fragment de statue en grès rouge ; Hettner, _Röm. Steindenkm. d. Provinzialmuseums zu Trier_, 115 ; Cumont, _Mithra_, mon. fig. 314. _Heidelsburg_, près de Waldfischbach, Palatinat. --- Tombe d'un homme et d'une femme ; à g., buste brisé d'Attis, le cou orné d'un torques ; à dr., génie ailé, nu (cf. supra, Arlon) ; _Bonn. Jahrb._ 77, 1884, p. 75 et pl. 7, 1 et 2. --- Autre tombe, avec Attis ? appuyé sur le pedum ; _ibid._, pl. 7, 4. Magniacvm (_Mayen_, à l'ouest de Coblenz, Rheinland). --- Cybèle ( ? ) tenant un animal sur ses genoux ; t. c., d'un autre style qu'à Bingenbrück. Blanchet, _l. c._ 60, 1901, p. 240. Mogontiacvm (_Mayence_) --- _CIL._ 13 6664 : « In h. d. d. De[o A[ttini [Vic-]torius Salutaris libert(us). » Entre les années 180 et 250. --- 6808 : « Aram d(is) m(anibus) et innocentiae Hipponici, ser(vi) Dignillae (uxoris) Iun(ii) Pastoris, leg(ati) leg(ionis 22) Pr(imigeniae), etc., Hedyepes et Genesia parentes. » Au-dessus, dans une niche, Attis tenant dans la g. le pedum, dans la dr. la syrinx ? ( « eine Tasche, » d'après Becker. _Röm. Inschr. u. Steinsculpt. des Museums_, 1875, n° 247) ; cyprès. --- Fragment d'une tombe avec portraits d'au moins 2 personnages. Sur la face g., Attis, jambes croisées ; au-dessus, danseuse. Trouvé sur la place du château. Musée. --- Sur plusieurs tombes, au-dessus de la niche où figure le mort, deux lions ou têtes de lions ; cf. Becker, _op. l._ 167 (soldat de la 14 Gemina, natif de Modène), 214 (soldat de la cohorte 1 Lucensium Hispanorum), 228 (soldat), 341. _Neuenheim_ (en face d'Heidelberg, Duché de Bade). --- Tête et buste d'un Attis, torse nu, en grès, avec traces de couverte blanche. Heidelberg, Schloss Kapelle. Von Duhn, dans _Westd. Zft_ 11, 1892, p. 27 et fig. 2. Sur le castellum, cf. _CIL._ 13, 2, p. 224. _Rheinzabern_, Palatinat. --- Cybèle assise, tenant un lionceau (_a_) ou un chien (_b_) sur ses genoux ; terres cuites: _a_, Musée de Carlsruhe ; _b_, Musée des Archives de Francfort-s.-le-Mein. Blanchet, _l. c._, p. 240. _Saalburg_, près de Homburg, Hesse. --- _CIL._ 13, 7458 : M[atri De]um in h.d. d., pr[o in]c(olumitate) Imp. Caes. T. Aeli H[adr(iani)] Antonini Aug. etc., Anton. Aemilianus centurio leg(ionis) [22] Pr(imigeniae) etc., pro se et suis [aede]m substr(uxit ou avit) et v. s. l. m.. » Entre les années 139 et 161. Trouvée au sud du castellum, devant le temple. _Sanct Wendel_, au S. E. de Trêves, Rheinland. --- Tête d'Attis ou de dadophore mithriaque. Cumont, _Mithra_, mon. fig. 313. _Schweinschied_, entre la Nahe et le Glan, cercle de Meisenheim, Rheinland. --- Tombe et reliefs taillés dans le roc, connus sous le nom de « Wildfraukirche. » Niche centrale : cavalier qui renverse un Germain. Niches latérales : arbre à tronc grêle (laurier ? ). Entre les 3 niches, images d'Attis. Côté droit : danseuse. Koehl dans _Westd. Zft_ 7, 1888, _Korresp. Blatt_ p. 202 n° 136, et dans _Bonn. Jahrb._ 87, 1889, p. 201 ; Schmitz, _Mithrasdenkm. von Schw._ 1892 et pl. 3, 4 ; Cumont, _Mithra_ mon. fig. 331, et Suppl. p. 527 (se refuse à y voir des sculptures mithriaques). _Spire_, v. Augusta Nemetum. Svmelocenna (_Rottenburg_, Würtemberg). --- _CIL._ 13, 6368 : tombe de Julia Severina, par Julius Severus. Faces latérales : Attis, jambes croisées, une main sous le menton, l'autre appuyée sur le pedum (arc ? ) --- 6372 : tombe de Tessia Juvenilis, Helvetia, par Silius Victor, Helvetius, « coniugi et sibi. » Faces latérales : Attis, de même type, avec pedum. Fin 2e ou 3e s. Les deux tombes reprod. dans _Bonn. Jahrb._ Suppl. 1, pl. 2 et 3, par Haakh _l. c._, et par Haug-Sixt, _Röm. Inschr. u. Bildw. Würtemb._, 128, 129. Germanie Inférieure Batavi. --- De la région des B. provenait sans doute la Cybèle trônant, tenant le tympanon et caressant un chien couché sur ses genoux, coll. Witzius à Amsterdam ; Reinach, _Répert. Stat._ 2, p. 270, 1. Bonna (_Bonn_). --- _CIL._ 13, 8056 : « P. Clodio P. f. Vol(tinia tribu) Alb. mil. leg. 1 etc. » Faces latérales : Attis, jambes croisées, une main sous le menton. 1er siècle. --- 8088 : tombe des affranchis Pudens et Auctus ; fronton entre deux Attis aux jambes croisées ; près du dieu, double hache 1er siècle. Les deux monuments sont reproduits dans _Bonn. Jahrb._ 108, 1902, pl. 5, 1, 5, cf. pp. 206, 212. Sur l'autel dédié par Candidinius, _CIL._ 13, 8042, Cautopates au pedum, non Attis : Cumont, _Mithra_, mon. fig. 261. Colonia Agrippina (Cologne). --- Cybèle sur un lion, terre c., trouvée au quartier de S. Sévérin, avec une monnaie de Géta, déposée au Muséum Wallraf Riehartz ; Kisa dans _Westd. Zft_ 12, 1893, _Korresp. Blatt._ p. 95 n° 40. --- Statuette en pierre calcaire : Cybèle ? assise, un petit quadrupède sur ses genoux ; Kisa, _ibid._, 1897, p. 116 s. --- Attis ? en braies plissées et hautes bottes, avec un chien ; terre c. ; Klein dans _Bonn. Jahrb._ 79, 1885, p. 184 s ; Blanchet dans _Mém. Soc. Antiquaires_ 60, 1901, p. 215. --- L'Attis publié par Düntzer, _Röm. Alterth. d. Mus. Wallraf-R._ 1885, n° 82, est un dadophore mithriaque : Cumont, _op. l._ n° 264. --- Buste d'Attis, applique en bronze, au Musée de Bonn ; _Westd. Zft_ 17, 1898, p. 394 ; _Bonn. Jahrb._ 1898, p. 232 ; _Arch. Jahrb. d. Inst._ 1899, _Anzeiger_ 21. --- Grande lampe en terre blanche, à vernis rouge, avec tète d'Attis en haut relief ; trouvée à Roden-Kirchen, près de C. ; Muséum W. R. : Kisa, dans _Bonn. Jahrb._ 93, 1892, p. 52 n° 77. --- _CIL._ 13, 8244 : « deae Semelae et sororibus eius deabus ob honorem sacri matratus etc. » ; à dr. tympanon et pedum, à g. thyrse et cymbales. --- Tombes avec deux lions : _ibid._ 8301 (vétéran) ; Düntzer, _op. l._ 200 (légionnaire, natif de Virunum), 224 (cavalier de l'aile indienne), 232. Fectio (_Vechten_, Hollande). --- Cybèle assise, la main g. sur un lion ; terre c. ; _Catal. d. archaeol. Verzameling, Utrechtsch Genootschap van Kunsten_, Utrecht 1868, p. 40. Sur l'occupation militaire, cf. _CIL._ 13, 2, p. 638. _Juslenville_, canton de Spa, Belgique. --- Cybèle ? assise, lionceau ou chien sur ses genoux ; terre c., au Musée de Liège. Blanchet, _l. c._, pp. 240 et 268. Novesivm (Neuss et Düsseldorf). --- Buste de Cybèle, pierre : Haug, _Röm. Denksteine d. Antiquarium in Mannheim_, 1877, p. 13 n° 4 ; suspect. Noviomagvs (_Nimègue_, Hollande). --- Statuette en bronze : Cybèle assise sur le lion et tenant le tympanon. Scheers et Abeleven, _Gemeente-Verzameling te Nijmegen_, 1873, p. 67. E 3. --- Vases d'argent avec l'image de Cybèle _ibid._, p. 68, E 11 ; Jansenn, _Museum van Oudheden te Leyden_, n°s 905-907. _Pier_ (cercle de Düren, Rheinland). --- _CIL._ 13, 7865 : « Pro salute imperator(is) Augusti Mater Magnae consacrani l. m. » ; cf. 7866, déd. aux Matrones. _Vervoz_, hameau de Clavier, arrondissement de Huy, Belgique. --- Attis, main g. au menton ; relief sur un tambour de colonne, en calcaire de Longwy. Musée de Liège. Schuermans dans _Westd. Zft_ 19, 1900, p. 431 ; Cumont dans _Bull. Instit. archéol. liégeois_ 29, 1901, et planche. _Vlytingen_, Tongres, Belgique. --- Schuermans _l. c._ 17, 1898, p. 402 : « statuette de Cybèle, » collection privée à Tongres. Germanie Barbare Deux coupes du trésor d'Hildesheim (Hanovre), avec bustes de Cybèle au tympanon étoilé et d'Attis-Mên. Musée de Berlin. Pernice et Winter, _Der H. Silberfund_, 1901, pl. 4, 5. Mais, dans la Germanie romaine, les deux divinités s'étaient sans doute rapprochées et confondues. A la Mère des Dieux, venue en conquérante, fut assimilée la Terre Mère des Germains, mère aussi de leurs dieux et première ancêtre de leur race, qui trône dans les profondeurs des forêts, au bord des fontaines et des lacs solitaires. L'analogie de certains rites favorisait l'identification des êtres divins. Quant aux mères et matrones topiques, très nombreuses et très populaires dans tout le bassin du Rhin, elles ont également subi l'ascendant de Magna Mater. Comme en Gaule, Cybèle tend surtout à se substituer aux Matres Medicinae, dames tutélaires des sources dont on apprécie les vertus curatives. Elle possède des sanctuaires à Baden (Aquae Aureliae), où tenait garnison la 26e cohorte de citoyens volontaires, à Kreuznach, dont on exploitait déjà les eaux salines et iodées, peut-être à Wiesbaden (Aquae Mattiacae), en compagnie de Sirona et de la Diana Mattiaca. Au pied du Saalburg, elle dut exercer sa tutelle sur les eaux salines de Homburg. De même, il y a corrélation entre sa présence à Cannstatt, sur le Neckhar, et l'existence des sources minérales qui ont fait la fortune de cette ville. Probablement aussi étendit-elle sa protection sur les eaux de Niedernau et d'Imnau, près de Rottenburg, sur celles d'Ems, près de Coblence, sur celles de Godelsberg, consacrées à Esculape et à Hygie, près de Bonn. Comme en Gaule, l'assimilation de Cybèle et des divinités indigènes se fait en partie par l'image. Nous avons déjà constaté, dans les bassins de la Moselle et de la Meuse, une grande diffusion de figurines en terre cuite ; elle ne fut pas moins considérable en pays rhénan. Reinzabern, Bingen et Cologne paraissent être les principaux centres de fabrication. Il n'est pas toujours facile de distinguer la Mère phrygio-romaine des Mères locales. Celles-ci ne sont pas représentées en déesses nourricières. Elles s'inspirent directement d'un type de Cybèle, très répandu sur les côtes de l'Ionie et du Bosphore. Elles lui empruntent son attitude, sa couronne tourelée, son voile, son cadre de petit temple ionique, sa patère et l'animal couché sur ses genoux. De son côté, Cybèle est parfois assise sur un siège du pays, en osier tressé, avec dossier arrondi ; et c'est le chien familier de Nehallenia qui, sur ses genoux, remplace le lionceau. Quand elle chevauche le lion, elle fait pendant à l'Épona germano-celtique, assise sur un cheval. Attis lui-même s'adapte aux coutumes indigènes. Son bonnet finit par ressembler à une cuculle. Ses anaxyrides se transforment en braies plissées, et il est chaussé de hautes bottes. Il porte au cou les torques du pays. Au pedum il substitue l'arc des chasseurs, et aussi des dieux astraux ; car une prépondérance de la religion astrale se manifeste en Germanie. Près de lui veille un chien. Autant que les céramistes, les sculpteurs ont popularisé le type du dieu. De Constance à Cologne sur le Rhin, à Schweinschied, entre Mayence et Trêves, à Heidelsburg dans le Haardt, à Rottenburg sur le Neckhar, l'Attis funéraire garde les tombeaux de soldats, de femmes, d affranchis, d'esclaves, de familles entières. Parmi les soldats, légionnaires ou auxiliaires, il en est de toutes nations. A côté d'un asiatique de la cohorte I des Sagittaires, voici des gens de Mésie, de Norique, de Dalmatie, de Cisalpine, d'Espagne, peut-être de Narbonnaise. Parmi les femmes, il y a des ingénues. Beaucoup de ces monuments datent du 1er siècle. Quelquefois, comme en Phrygie, ils sont taillés dans la roche vive où se creuse la sépulture. Ils se compliquent d'attributs divers. Le pampre y joue, comme sur les tombes phrygiennes, son rôle décoratif et symbolique. Près d'Attis ou sous ses pieds se dresse l'arbre de vie, image de résurrection. Le lion, qui pose une patte sur la tête d'un bélier ou d'un taureau, témoigne que Cybèle est la toute puissante maîtresse de la mort, mais que le fidèle peut se racheter par une nouvelle naissance. Le motif des ballerines sacrées, mis en vogue par l'art hellénistique, est le symbole des âmes qui veulent être les servantes et les élues de la divinité. Les génies ailés qui accompagnent le dieu sont des allégories de l'amour divin. La double hache de Bellone, qui fait oublier le caractère efféminé d'Attis, perpétue des traditions préhistoriques et rappelle peut-être, comme les oscilles, le sacrifice humain aux dieux infernaux.* Tous ces thèmes funéraires,* groupés autour de l'Attis douloureux, se retrouvent fréquemment dans les provinces danubiennes, d'où ils ont passé en Germanie. *) Cf. la hache déposée dans les sépultures néolithiques ou gravée sur des mégalithes funéraires, et l'ascia figurée sur les tombes gallo-romaines. Le marteau, attribut divin, paraît être un succédané. *) Cf. Weynand, _Form u. Dekoration der röm. Grabsteine d. Rheinl._ dans _Bonn. Jahrb._ 108, 1902. ## 7\. Ce fut la Germanie, autant que la Gaule, qui servit d'intermédiaire entre l'Orient et l'Angleterre. Cybèle avait franchi le détroit avec les marchands et les soldats.* Londres apparaît déjà comme le principal entrepôt du commerce insulaire ; et le mouvement de son port est considérable. Elle a donc, comme tout grand emporium, son quartier de Levantins. On y adore Cybèle et Attis. L'eunuque Attis s'y révèle même sous un aspect singulier : dieu delà fécondité, il est devenu un personnage ithyphallique, aux mains chargées de fruits. Mais ce qui détermine surtout l'expansion des cultes orientaux, c'est l'occupation militaire de l'île. Dans le pays de Galles, à Wroxeter, où résida la quatorzième légion jusqu'au temps des Flaviens, nous rencontrons l'Attis funéraire. Son image y décorait l'une des colonnes d'un riche édicule, comme à Vervoz. Un chien accompagne le dieu, ainsi qu'à Mayence et Cologne. C'est que les légions de Bretagne viennent des provinces germaniques. *) Sur les cultes orientaux en Grande Bretagne, v. Moore dans _Harvard Studies_ 11, 1900. Localités de Grande-Bretagne où le culte est signalé. Londinivm (_Londres_). --- Attis, bronze trouvé dans le gravier de la Tamise, avec des statuettes d'Apollon, Mercure et Vénus : _Archaeologia_ 28, p. 40 et pl. 8 ; Roach Smith, _Roman London_, 1859, p. 69 et pl. 19 ; S. Beinach. _Répert. Stat._ 2, 472, 1. --- Attis en pierre calcaire, tenant l'arc, trouvé à Bevis Marks : R. Smith, _op. l._, pl. 1 ; Reinach, _l. c._ 471, 2. Magnae (Vallum Hadriani, statio 11 ; _Carvorran_, Northumberland). --- _CIL._ 7, 759 = Buecheler, _Carmina lat. epigr._ (1895) 24 : « Imminet Leoni Virgo caelesti situ | spicifera, iusti inventrix, urbium conditrix, | etc. ; | ergo eadem Mater Divum, Pax, Virtus, Ceres, | Dea Syria, lance vitam et iura pensitans | etc. | Marcus Caecilius Donatianus militans | tribunus in praefecto, dono principis. » Donatianus est préfet de la cohorte « 1 Hamiorum Sagittariorum, » avec le titre honorifique de tribun. Époque des Sévères. Procolitia (Statio 7 ; _Carrawburgh_). --- _CIL._ 7, 618 : « D. M. D. Tranquillia Severa pro se et suis v. s. l. m. » ; déd. à Mater Deum ? Viroconivm (_Wroxeter_, Shropshire). --- Attis, ventre nu, sur un fragment de colonne à imbrications ; R. Smith, _Collectanea antiqua_, 3, p. 29, pl. 7. La divinité orientale de Chester, debout sur un taureau, est faussement indiquée comme Magna Mater, Reinach, _l. c._ 273, 5. Tout au nord, dans les postes échelonnés le long du rempart d'Hadrien, on rend un culte à la Mère des Dieux. Elle s'y retrouve dans l'intimité des grands dieux syriens, de Mithra, d'Isis et de Sérapis. L'éloignement est favorable au syncrétisme. Un préfet de cohorte auxiliaire, qui commandait la garnison du onzième fort au temps des Sévères, exprima ces tendances en de mauvais vers. Originaire d'Afrique, dévot de la Vierge Céleste et quelque peu imbu des doctrines astrolâtriques, il y déclare que sa Dame est aussi la Mère des Dieux, et Bellona Virtus, et Cérès, et Atargatis. Sous la diversité des vocables, c'est toujours la même divinité, suprême et toute puissante, celle qui a donné aux hommes le blé, fondé les cités, établi la justice, enseigné la religion et qui, dans les plateaux de sa balance, pèse notre vie. ## 8\. A une autre extrémité de l'Europe, en Espagne, se manifeste également la double propagande par le commerce et par l'armée. La première est toutefois beaucoup plus intense. « Avec aucune province de son empire, vraisemblablement, Rome n'a entretenu des relations commerciales aussi étendues ni aussi constantes qu'avec l'Espagne.* » Sur la Méditerranée et sur l'Atlantique s'ouvrent des ports très actifs, où prospèrent des comptoirs de négociants Syriens et Asiates.* Le couple phrygien put y exercer sa propagande avec succès. Sa présence est signalée à Barcelone, à Tarragone, où Attis veille encore sur le prétendu tombeau des Scipions ; à Valence, où se répandit de même le type de l'Attis funéraire ; à Mahon, dans les Baléares, où deux personnages du pays firent construire un temple de Magna Mater et d'Attis ; à Cadix, dont le trafic avec l'Orient n'avait pas cessé depuis l'occupation phénicienne ; à Lisbonne, où les mystères de Cybèle étaient en vogue dès le début du second siècle.* De grandes villes, qui sont des centres marchands, peuplent les plaines fertiles de la Catalogne, de l'Andalousie et de l'Estrémadure. Cybèle n'y est pas moins populaire. On a retrouvé son image à Gérone. Comme à Narbonne, on célébrait peut-être des tauroboles provinciaux à Cordoue, capitale de la Bétique. Dans toute la vallée du Guadalquivir, sur la route de Cordoue à Séville, sur celle de Séville à Cadix, Attis eut ses dévots et protégea des sépultures. Sur les rives du Guadiana, l'on pratiquait le taurobole à Medellin, surtout à Mérida, colonie de vétérans qui devint l'une des plus florissantes cités de la péninsule. Nous connaissons un Archigalle de cette dernière ville ; c'est un affranchi qui vivait à la fin du 11e siècle. Mais nous connaissons aussi un prêtre du temple municipal, qui fut son contemporain ; c'est un Lusitanien d'origine et de nom. La population indigène de l'Espagne, comme celle de la Gaule, avait fait bon accueil aux mystères phrygiens. *) Mommsen, _Hist. rom._, tr. Cagnat-Toutain, 9 (1887), p. 94. *) « Koina » de Malaca ; _CIL._ 2, p. 251. Culte de Caelestis à Tarragone et Lugo, cf. _ibid._ 2570, 4310 ; d'Hypsistos Serapis en Portugal, cf. Cagnat, _Ann. épigr._ 1897, 86. *) Localités où le culte est signalé. Baléares Mago, mun. Flavium (_Mahon_, Minorque). --- _CIL._ 2, 3706, sur un linteau : « M. Badius Honor[atus] et// Cornelius Silv[icus]/// templum Matri Ma[gnae et] Atthin (i) de s(ua) p(ecunia). » Un Badius Macrinus et un Cornelius Silvicus à Tarragone, 4106, 4108, 4297. Bétique Arva (_Peña de la Sâl_, en amont d'_Alcolea del Rio_. --- Attis funéraire, adossé à un pilastre, au Cerro de la Camorra : Engel, dans _Nouv. Archives des Missions_ 3 1892, p. 148 fig. 2. Cordvba (_Cordoue_) . --- _CIL._ 2, 5521, taurobole « ex iussu Matris Deum, » en 238, cf. supra, p. 159 n. 2 _u_. Gades (_Cadix_). --- Statuette mutilée d'Attis, vue par Albertini chez un antiquaire de Madrid. Nabrissa Veneria (_Lebrija_). --- Figurine d'Attis dont fait mention Caro, _Antiguedades de Sevilla_, 1634, p. 119 ; cf. Huebner, _Ant. Bildw. in Madrid_, 1862, p. 319. Lusitanie Capera (_Venlas de Caparra_, près de Plasencia, Estremadure). --- _CIL._ 2, 805 : « Matri Deum Britta///. » Emerita Avgvsta (_Merida_, Estremadure). --- _CIL._ 2, 5260, autel taurob., cf. supra pp. 171, 234 (archigalle), 242 (prêtre) ; reproduit dans la _Ilustracion esp. y americana_, 1899, n° 36 (30 sept.), p. 192. Metellinvm (_Medellin_, _ibid._). --- _CIL._ 2, 606, autel taurob. mal lu et perdu, cf. supra, p. 171. Olisipo (_Lisbonne_). --- _CIL._ 2, 178 : « Deum Matri T. Licinius Amaranthus v. s. l. m. » ; --- 179, taurobole, cf. supra p. 171. Tarraconaise Barcino (_Barcelona_). --- Mosaïque : jeux du Cirque ; Cybèle sur le lion, ornant la spina. De Molins, _Museo prov. de antiguedades_ 1888, pp. 102-106 n° 1152, reprod. et bibliogr. ; Rémy, _La statue équestre de Cyb. dans le Musée belge_ 11, 1907, p. 251. Mais rien ne prouve que cette mosaïque représente le cirque de la ville. Gervnda (_Gerona_). --- Mosaïque, avec même motif ; cf. Lanciani, _Ancient Rom in the light of rec. discov._, p. 214 s, et pl. Legio 7 Gemina (_Leon_). --- _Boletin Acad. de la Historia_ 58, 1911, p. 229 s : « Minervae et [M. D.] Matri I(daeae), patriae conserv[atricibu]s et n(umini) imp(eratoris) Caes(aris) M. Aur. [/// cura]nte Casti[no ? ///e(x) v(oto). » Marbre trouvé près de la cathédrale, qui aurait remplacé un temple. Limicorvm civitas (près de _Ginzo de Limia_, Galice). --- _CIL._ 2, 2521 : « Iunoni [Mat]ris Deum Aemilia Flavina. » Tarraco (_Tarragona_). --- Figurine de déesse mère assise, en terre cuite : Huebner, _op. l._ 216, n° 473. --- Sur le tombeau dit des Scipions (cf. Laborde, _Voyage pittor. en Esp._, 1, pl. 43-4, et Puig y Cadafalch, _Arquitectura rom. Catalunya_ 1, 1909, p. 70. fig. 58), les deux personnages ont le costume et l'attitude des Attis funéraires, jambes croisées, main sous le menton. Valentia (_Valence_). --- Attis funéraire, adossé à un pilier : S. Reinach, _Répert. Stat._ 2, 471, 3, avec bibliogr. --- Attis de type funéraire, appuyé à un pilier ; trouvé au fond du port, à la suite d'un dragage (communication de M. Pierre Pâris) ; au Musée. Vellica ? (au monte Cildad, près d'Aguilar de Campoo, Vieille Castille). --- _Ephem. epigr._ 8 (1899) : « Matri Deum C. Licinius Cisus templum ex voto///. » Épigraphie du 2e siècle. Du même lieu, _CIL._ 2, 6297-6304. _Vizella ou Caldas de V._, Portugal. --- _CIL._ 2, 2407 ; cf. Graillot dans _Rev. Archéol._, 1904, 1, p. 325. Provenance inconnue ; Musées de Madrid. --- Real Academia de la Historia. Statuette en argent, applique de vase : Attis en court manteau, couronné de pin. tenant pedum et syrinx. --- Museo arqueologico. Bronzes : Attis ( ? ) nu, dansant ; _Catal. d. Museo_ 1, 1883, n° 2975 ; --- Attis enfant, dansant ; _ibid._ 2982 (anc. collection du marquis de Salamanca, en partie formée en Italie) ; --- Attis enfant, tenant des fruits dans sa tunique, 3015. Ladite Cybèle, 2899, avec ses cornes d'abondance, est une Fortuna Tutela. --- Real Museo. Cybèle assise entre deux lions, marbre italien ; Huebner, _op. l._ 12. Des côtes et des plaines Cybèle avait gagné les montagnes, dont elle est souveraine maîtresse. Remontant un affluent du Tage, que suivit la route de Mérida vers Salamanque et Léon, elle a franchi le massif central ; au pied des sauvages sierras « de las Jurdes, » percées de grottes encore habitées, on l'adorait dans l'oppidum de Capera. Elle pénètre jusque dans les régions moins romanisées du nord, en Galice, en Asturie, chez les Cantabres. Nous là retrouvons deux fois entre Minho et Duero, sur la frontière de l'Espagne et du Portugal. A Caldas de Vizella, dont on utilisait déjà les eaux sulfureuses, Cybèle et Attis furent qualifiés de Dieux Omnipotents sur une dédicace panthéistique ; dans la « Civitas Limicorum, » qui occupait la haute vallée de la Limia, près de Ginzo et du lac Béon, une femme dédie un autel à la Junon de la Mère des Dieux. Près d'Aguilar de Campôo, dans cette Cantabrie montagneuse où l'onomastique est presque entièrement indigène et la latinité plutôt barbare, un temple votif de Mater Deum se dresse sur un haut lieu. A Léon, un autel votif réunit au « Numen » de l'empereur la Mère Idéenne et Minerve, « conservatrices de la patrie. » Ce furent les soldats qui, dans ces contrées mal soumises, introduisirent les religions orientales : légionnaires de la 7 Gemina qui tient garnison à Léon, vétérans des cohortes recrutées parmi les tribus montagnardes et envoyées comme auxiliaires sur le Danube et sur le Rhin.* *) Cohortes d'Astures et de Galiciens en Pannonie et en Illyrie, d'Astures en Germanie, de Lusitaniens en Germ., en Pann. et en Mésie inférieure. A Mayence, tombe d'un soldat espagnol, cf. supra p. 467. D'autre part, Auguste avait établi deux légions en Asturie et une en Cantabrie ; elles furent envoyées sur le Rhin pendant la guerre des Bataves. Vespasien réduit l'occupation à deux légions, et Domitius à la seule 7 Gemina, renforcée par des contingents d'auxiliaires. # Chapitre 12 ### L'Expansion du Culte dans les Provinces (_Suite_). Europe Orientale et Provinces d'Afrique. 1\. Côtes européennes de la mer Noire : Panticapée, Olbia, ports mésiens. Basse et Haute Mésie. Villes de garnison et villes de commerce. La Dacie. --- 2. Basse et Haute Pannonie. Routes du Danube, de la Drave et de la Save. Norique ; pénétration de l'orientalisme par le Danube et par Aquilée. Rhétie. Du Danube au Rhin. --- 3. Dalmatie. Importance du culte à Salone. Attis funéraires dans les hautes vallées de la Drina et de la Morava occidentale. --- 4. Thrace et archipel thrace. Colonies grecques de la côte et colonies romaines de l'intérieur. Macédoine, Thessalie, Epire. --- 5. Grèce. Meter et Demeter. L'Attique ; Athènes, Pirée. La Béotie. Le Péloponèse ; culte archaïque de Rhéa en Arcadie. Les Cyclades ; la Crète. Attis dans l'Olympe grec. --- 6. Les provinces d'Afrique. Égypte. Proconsulaire, Numidie et Maurétanies. Cybèle et Caelestis. Influence de la religion indigène. ## 1\. Dans l'Europe orientale, les provinces danubiennes furent aisément conquises par les dieux d'Anatolie. Depuis longtemps les régions situées au bord de l'Hémus subissaient l'ascendant de la religion thrace. Les Scythes adoraient le dieu suprême Pappas, époux d'une déesse de la terre. Ils pratiquaient le sacrifice du sang humain à la manière des Galles ; et ils avaient des prêtres eunuques, à la fois devins et médecins.* Dès le 6e siècle, Anacharsis essaya d'introduire en Scythie les mystères métroaques, après son séjour à Cyzique.* Bien avant la domination romaine, ils furent importés sur les côtes par les Grecs d'Asie, qui colonisèrent les ports principaux de la mer Noire. Ils comptent de nombreux adeptes jusque dans la Crimée, où la « Thea Kimmeris, » au dire d'Hésychius, n'est autre que la Mère des Dieux. Quatre siècles avant notre ère, Panticapée possède un sanctuaire de Meter Phrygia ; et les dédicaces de l'époque impériale y perpétuent le nom tout phrygien d'Aggistis. Le Metrôon s'y dressait peut-être sur l'acropole, avec les temples des grandes divinités poliades. Dans les tombes on déposait des figurines de la Dame ; nous y retrouvons les divers types de la Cybèle anatolienne, assise tantôt sur un trône, tantôt sur un lion, tantôt accompagnée du fauve, tantôt portant un lionceau dans ses bras ou sur ses genoux. On y mettait aussi des images d'Attis ; il est figuré soit en Bon Pasteur, soit en dieu tauroctone, à la façon de Mithra. Cet Attis iranisant occupait une place importante à côté de Cybèle, dans la religion de Panticapée ; car c'est probablement le buste du dieu phrygien que reproduisent des monnaies locales. *) Herodot. 4, 67 (les rites de ces prêtres étaient en relations avec le culte d'Aphrodite syrienne, cf. 1, 105) ; 4, 69, 71 (usage Scythe de se taillader visage et bras). *) _Ibid._ 4, 76 ; Clem. Al., _Protrept._ 2, 24. A l'embouchure du Borysthène (Dnieper) et de l'Hypanis (Boug), Olbia était une autre colonie de Milet. Elle rend également à la Mère des Dieux un culte public.* Nous y connaissons une prêtresse du Metrôon, femme de condition, au temps des empereurs. Cybèle apparaît ici comme la Dame des moissons, celle qui fait mûrir les blés dans les vastes plaines de la Russie méridionale ; et Olbia, qu'enrichit l'exportation de ces blés, entoure pieusement d'épis la couronne murale de sa déesse. De même Tyra, près de l'embouchure du Dniester, met dans les mains de Cybèle un bouquet d'épis. Son Metrôon manifeste une grande activité au 2e siècle et au début du me, jusqu'à l'époque où Tyra devient le centre de la piraterie dans le Pont Euxin ; d'Hadrien à Caracalla, la Dame aux lions figure dans la numismatique de la cité. *) Culte de Cybèle et Attis dans la Russie méridionale. Olbia. --- Inscr. nommant une prêtresse, v. supra p. 249, note. --- Monnaie avec tête de Cyb. : Kondakof _etc._, _Antiquités de la Russie mérid._ 1891, p. 15 ; Pick dans _Arch. Jahrbuch_ 13, 1898, pl. 10, 35 ; Hirst, _Cults of Olbia_ dans _J. of Hell. St._ 22, 1902, p. 267. --- Figurine de Cybèle en terre c., trouvée dans une maison : _Arch. Jahrb._ 26, 1911, _Anzeiger_ 209 et fig. 22. --- Lampe, au Musée d'Odessa, v. addenda. Panticapaion (_Kertch_). --- Dédicaces à Meter Phrugia par Hestiaia, fille de Menodôros ; Latyschev, _Inscr. orae sept. P. Eux._ 2, 17 ; _CIG._ add. 2107 b ; --- à Meter ou Demeter par Leôstratos, pour son frère ; Latyschev 16 ; _CIG._ 2107 ; --- à Aggistis, par Plousia, pour ses filles ; Latyschev 31, cf. Kaibel dans _Götting. Nachrichten_ 1901, p. 498. --- Statue de Cybèle en marbre, trônant entre deux lions, trouvée au pied de l'acropole : _Antiq. Russie mér._, pp. 7 et 106 ; S. Reinach, _Répert. Stat._ 2, 270, 2. --- Reliefs au Musée de Moscou, v. addenda. --- Figurines de t. c., Cybèle ; _Antiq. R. m._, p. 100 ; _Arch. Jahrb._ 8, 1893, _Anzeiger_ 96 (Musée de Berlin). --- Attis portant un bouc ou un chevreau sur les épaules, terre c. ; _Antiq. R. m._, p. 100 fig. 133. --- Plaques de t. c., au Musée de l'Ermitage, S. Pétersb. : Attis-Mithra, tuant un buffle ; Cumont, _Mithra_ mon. fig. 5 et 5 _bis_, fig. 17 et bibliogr. (fabrication anatolienne ? ). Autres à Odessa : Derewitzky _etc._, _Museum d. K. Od. Gesellschaft, Terracotten_ 2, 1898, p. 10 ss, pl. 5, 1 et 3. --- Moules de figurines en t. c. : Attis ? _Comm. arch. S. Pétersb., Matériaux d'archéol. russe_ 1892, fasc. 7, p. 18 n° 2. --- Noms théophores d'Attis, Nana Mâ, Mêtrodôros ; _ibid._ fasc. 9, p. 47. Tyra. --- Monnaies au type de Cybèle trônant : Grimm, _Münzen v. Tyra_ dans _Berliner Bl. f. Münz... Kunde_ 6, p. 34 n° 6 (Hadrianus) ; --- 7 (Antoninus P.) ; --- _British M., Gr. Coins, Tauric Chers_, _etc._, p. 13, 1 (Septimius Severus) ; --- Grimm 23 ; _Museen zu Berlin, ant. Münzen_ 1, p. 32, 7 ; Mionnet, _Suppl._ 2, p. 30 n° 125 ; Grimm 24 (Domna ; Cyb. avec épis et tympanon) ; --- Mt 127, Grimm 29 (Caracalla) ; --- Mt 133, Grimm 30 (Plautilla). Par-delà le Danube, dans les ports de la Mésie inférieure, le culte métroaque n'est pas moins intense. Presque toutes ces villes ont été repeuplées par des Grecs d'Asie : Istrus et Odessus sont des colonies milésiennes, Callatis est une colonie d'Héraclée pontique ; un personnage d'Odessus, au 1er siècle avant notre ère, porte le nom théophore d'Attis.* Les rapports de la Meter avec Héraclès, dieu solaire, y dénotent une influence de la Bithynie. D'autre part, comme à Tyra et Olbia, on y demande particulièrement à la Mère des céréales de protéger les récoltes ; car la province fait des expéditions considérables de blé, destinées surtout à l'approvisionnement de Rome.* C'est pourquoi la Cybèle d'Odessus tient aussi des épis.* Celles de Callatis et d'Istrus ont pris le sceptre, attribut des divinités suprêmes. Dans ces deux villes et à Tomi, principal emporium du littoral mésien, la Grande Mère est associée aux Dioscures, que l'influence des doctrines astrologiques identifiait aux Corybantes et aux Cabires. Ils précisent son caractère chthonien ; dieux qui vivent et meurent tour à tour, ils personnifient en effet les deux hémisphères célestes, qui alternent au-dessus et au-dessous de la terre. Dieux cosmiques, ils font eux-mêmes fonction de dieux agricoles ; et leur puissance s'ajoute à la sienne pour assurer la fertilité du sol. Sous l'Empire, ces deux cultes sont les premiers de Callatis. Avec celui d'Apollon, ils sont les premiers aussi d'Istrus et de Tomi, qui sans doute avait mis sous la tutelle de la Mère des Dieux les sources sulfureuses du voisinage. Au temps des Flaviens, les Galates de la légion 7 Claudia, --- tel un porte-enseigne natif de Pessinonte et mort à Tomi, --- purent constater combien leur déesse y était populaire. Elle conserva cette popularité jusqu'à l'invasion barbare du 3e siècle. Le collège de Dendrophores, organisé selon le type des anciens thiases grecs, se recrute dans la bourgeoisie locale, comme en Asie Mineure ; on y trouve beaucoup de citoyens romains. En tête de ses bienfaiteurs il compte le Gouverneur de la province, l'Empereur lui-même et sa famille. Les prêtresses sont choisies dans la classe aristocratique et riche. Filles et femmes de citoyens romains, elles rivalisent de magnificence, comblent la déesse de présents, la surchargent de somptueuses parures et méritent la reconnaissance publique. Vers la fin du 3e siècle, les victoires de Claude sur les Goths et de Dioclétien sur les Sarmates rendirent quelque vitalité au pays. Ce fut, pour le Metrôon de Tomi, une nouvelle période de prospérité. Nous y voyons un général de Dioclétien, commandant les troupes du « limes » de Scythie, consacrer un autel à la Dame de Salut pour les deux Augustes et les deux Césars de la tétrarchie. *) Michel, _Recueil_ 866 ; 1er s. av. J.-C. *) Cf. la relation du gouverneur Tiberius Plautius Silvanus ; Mommsen, _Hist. rom._, tr. Cagnat-Toutain, 9, p. 277. *) Monuments du culte en Mésie. Moesie Inférieure Callatis (_Mangalia_, Roumanie). --- Monnaies autonomes au type de Cybèle : Mionnet 1, p. 354 n° 5 ; Pick, _Ant. Mz. v. Dacien u. Moesien_ 1898, p. 111, n°s 292, pl. 2, 12 (époque de Sévère à Philippe), 293-295. --- Monnaies de Faustina Junior : Blanchet dans _Revue numism._ 1892, p. 60 n° 7 et pl. 1, 3 ; Pick 298 (Cyb. sur le lion) ; --- de Julia Domna : Mt, _Suppl._ 2. p. 57 n° 21 (dite Lucilla) ; Pick 313 ; --- de Geta : Mt, _l. c._ 36 ; Pick 325 ; --- de Severus Alexander : Pick 332 ; --- de Gordianus Pius : Mt. _l. c._ 45 : Pick 343, 347. --- Au revers des monn. auton., tête d'Héraclès ; Cyb. au sceptre : Pick 293 _a_, 298, 313. Culte des Dioscures, cf. Pick, pp. 88 et 96. _Gergina_, v. Troesmis. Istrvs (à 250 stades au N. de Tomi ; _Kara-Burun_ ? Roumanie). --- Monnaies de Commodus : Pick, _op. l._, p. 171 n° 486 ; --- de Severus 495, 496 ; --- de Domna 500 ; --- d'Elagabal 512 (Cyb. au sceptre) ; --- de Severus Alexander 517. Marcianopolis (_Pravadia_, Bulgarie). --- Monnaies au type de Cybèle trônant ; autonomes du 3e s., avec tête de la Tychè poliade : Mionnet 1, p. 357 n° 30 ; Pick, _op. l._, p. 196 n°s 537-539 et pl. 3, 11 ; --- de Septimius Severus ; Pick 551 pl. 18, 13 (Cyb. au sceptre), 558 pl. 18, 12, 565 (= Mionnet, _Suppl._ 2, p. 74 n° 116), 566, 567, 579 (= Mt, _l. c._ 114), 586 ; --- de Severus et Domna, 599 ; --- de Caracalla, 617, 623 (= Mt, _l. c._ 140) ; --- de Car. et Geta, 651 ; --- de Car. et Domna, 673, 674 ; --- de Macrinus et Diadumenianus, 757 (= Mt _l. c._ 203) ; --- de Diadum., 792 ; --- de Gordianus P. et Serapis, 1152. La monnaie de Gordien dans Mt 327, Pick 1105, est d'Hadrianopolis. Nicopolis ad Istrvm (_Nikup_, Bulgarie). --- _Arch. ep. Mitt._ 10, 1886, p. 241 n° 6 ; _Rev. archéol._ 1908. 1, p. 44 n° 45 : dédicace de Flavios Asianos, bouleute, pour son salut, « au fils de Thea Ideia Megalè Meter, Megas Kyrios Sabazios Hagios Arsilênos. » --- _A. e. M._ 15, 1892, p. 214 n° 93 ; _Rev. archéol._, _l. c._ n° 46 ; autel et table, ex-voto d'Aquilinus, fils de Publius, à la M. d. D. Skelenténè. --- _A. e. M._ 17, 1894, p. 180 n° 26 : dédicace à Thea Epêkoos Euantêtos, après un songe, par Lucius Andronicos. --- Monnaies au type de Cybèle : Mionnet, _Suppl._ 2, p. 119 n° 370 ; Pick, _op. l._, p. 367 n° 1316 et pl. 18, 9 (Severus) ; --- Mt 471, Pick 1554 (Caracalla) ; --- Mt 511, Pick 1636, Tacchella dans _Revue num._ 1902, p. 373 n° 26 (Plautilla) ; --- Mt 520, Pick 1672 (Geta) ; --- Mt 697, Pick 2070 (Gordianus P.). Cybèle sur le lion, avec sceptre : Pick 1316, 1554, 1672. Odessvs (_Varna_, Bulgarie). --- _Arch. ep. Mitt._ 17, 1894, p. 202 n° 80 : dédicace votive à Meter et Héraclès ; image de femme assise, présentant une couronne à Héraclès. --- Mordtmann dans _Rev. archéol._ 1878, 2, p. 298, et dans _Ath. Mitt._ 10, 1885, p. 321 : déd. pour Septime Sévère et ses fils, avec relief ; Cybèle trônant, un énorme lion près d'elle. --- Monnaies : Mionnet, _Suppl._ 2, p. 356 s, n°s 918 (Severus Alexander ; Cyb. ou Tychè tenant des épis et un « crotalum » ? ), 926 (Gordianus P. ; Cyb. trônant entre deux lions). Oescvs (_Gighen_, Bulgarie). --- Tête d'Attis funéraire ou de Mithra, « expression douloureuse » ; Cumont, _Mithra_, mon. fig. 131, 4, fig. 425. Tomi (_Kustendje_, Roumanie). --- _Arch. ep. Mitt._ 14, 1891, pp. 22-26 ; Michel, _Rec._ 334 : décret relatif à la création d'une garde de 40 citoyens : l. 37-38, sacrifice annuel à Meter Theôn et aux Dioscures. --- _A. e. M._ 6, 1882, p. 23 : prêtresse honorée par le sénat et le peuple. --- _A. e. M._ 11, 1887, p. 44 ss ; cf. Poland, _op. l._, p. 557, B 105 : déd. pour Sévère et ses fils, en 210-211, par les Dendrophores, avec liste de noms. --- _CIL._ 3, 763 : « Atti, C. Antonius Eutyches, archidendroph. pro salute sua posuit » : trouvée à 1 km., sur une hauteur ; --- 764 et p. 997 : « Matri Deum Magnae pro salute adq(ue) incolumitate dd. nn. Augg. et Caess., Aur(elius) Firminianus v(ir) p(erfectissimus), dux limit(is) prov(inciae) Scyt(hiae), bonis auspiciis consecravit. » --- Monnaies au type de Cyb. : Mionnet, _Suppl._ 2, p. 187 n° 753 (Commodus) ; --- 759, 760 ; _Museen zu Berlin, Ant. Münzen_ 1, p. 92, 12 (Crispina) ; --- Postolakas, _Cal. d. monn. ant. du Musée d'Athènes_ (en grec) 1, p. 120 n° 871 _a_ (Severus) ; --- Mt 766 ; _Berlin, A. M._ 13 (Caracalla) ; --- _Revue numism._ 1893, p. 58 n° 41 (Geta) ; --- _British Mus., Gr. Coins l. c._, p. 62 n° 53 ; _Revue num._ 1900, p. 407 n° 21 (Gordianus P.) ; --- Mt 856 (Philippus S.) ; --- _Brit. Mus._ 68 (Phil. J.). Troesmis (_Iglitza_, Roumanie). --- _CIL._ 3, 7505 : Marcia Basilissa, Mère des Dendr., mariée à un vétéran ; --- 7516 (à Gergina, rive g. du Danube) : un légat propréteur, patron ? des Dendrophores. Moesie Supérieure _Guberevci_, Serbie. --- Cippe d'Aurelius Demas, mort à 80 ans, par ses petits-enfants (lettres fin 2e s.) ; provient de _Suvodol._ Musée de Belgrade. _Öst. arch. Instit. Jahreshefte_ 3, 1900, _Beibt._ 162, n° 62 : _CIL._ 3, 14544. Sur les côtés, Attis debout sur un piédestal, jambes croisées ; il tient le pedum et soutient sa tête. --- Stèle funéraire, au Musée de Belgrade ; provient sans doute de la même région ; _Jahresh._ 12, 1909, _Beibt._ 194 : Attis. _Kaliste_, Serbie. --- Cippe en calcaire, h. 79 cm, larg. 68 ; au Gymnasium de Pozarevac. Sur la face antérieure, deux Attis tenant le pedum, dans des niches accolées et cintrées ; 3e s. ; _Jahreshefte_ 4, 1901, _Beiblatt_ 133. Sur ce municipe, _CIL._ 3, 12665 et 12675. Naissvs (_Nisch_, Serbie). --- _CIL._ 3, 13812 : autel à Domna Regina et Domnus, peut-être Cybèle et Attis ? Cf. _Jahreshefte_ _l. c._ 137. Viminacivm (_Kostolac_, Serbie). --- Sur la stèle funéraire de Valeria Felicula, 2e s., tête d'Attis entre deux lions couchés : _CIL._ 3, 14217, 5 ; _Jahresh._ 3, 1900, _Beibt._ 123. --- Cippe en marbre de M. Antonius, M. f., Fabia, Fabianus, « procurator 40 Galliarum et portus item, argentariarum Pannonicarum, conductor portorii Illyrici, » par son affranchi Mercator ; sur les deux côtés, Attis douloureux, appuyé sur le pedum ; _Jahresh._ 8, 1905, _Beibt._ 3. --- Fragments d'un sarcophage, en calcaire blanc : Attis nu, de face, tenant pedum et syrinx, jambes croisées ; _ibid._ 12, 1909, _Beibt._ 164 (au Gymnasium de Pozarevac). --- Lions, seuls ou accouples, sur des tombes : _ibid._ 105 s. Marcianopolis, fondation de Trajan et capitale de la Basse Mésie, avait élevé un temple public à la Mère des Dieux. Elle lui témoigne une grande dévotion, surtout au siècle des Sévères, qui correspond à une poussée générale de l'orientalisme. Placée sur la route directe d'Odessus au Danube, et à une faible distance de la côte, elle subissait l'influence religieuse des cités pontiques. Mais sur les bords mêmes du fleuve et sur toute la frontière sarmatique, c'est la propagande militaire qui reprend ses droits. Un incessant apport d'Asiatiques supplée en effet, dans le recrutement des légions danubiennes, à l'insuffisance numérique des contingents régionaux. Près du delta, la légion 5 Macedonica tient garnison à Troesmis pendant presque tout le 2e siècle. Le culte métroaque y fleurit, ainsi que dans le petit oppidum qui lui fait face sur la rive gauche. Nous y connaissons une Mère des Dendrophores ; c'est la femme d'un vieux soldat qui, après vingt-cinq ans de service (145-170), s'était retiré au camp où il était né. D'autre part, la flottille de guerre qui croise sur le Danube recrute une partie de ses équipages en Asie Mineure. Avec elle les dieux orientaux remontent le fleuve jusque dans la Haute Pannonie. Enfin, en assurant la paix, les armées de Rome ouvraient de nouveaux débouchés au commerce levantin. Les trafiquants d'Asie établissent des comptoirs dans les principaux centres ; et c'est par la vallée du Danube qu'ils gagnent le Rhin, les Belgiques et l'Angleterre. Nicopolis ad Istrurn, autre fondation de Trajan, sur l'une des voies qui relient le Danube à la Thrace et à la Macédoine, est la plus importante de ces villes marchandes à l'intérieur de la Basse Mésie. Elle rend à la Mère des Dieux un culte municipal et, de Septime Sévère à Gordien 3, met sur ses monnaies l'image de la Dame aux lions. Ce n'est point seulement par déférence pour Rome que la déesse y porte le nom d'Ideia. Il y eut ici, dans des conditions que nous ignorons, pénétration directe des cultes mysiens . Car on l'y vénère aussi sous le vocable ethnique de Skelenténé, qui provient, ce semble, de Troade. De plus, Meter Ideia est réunie à son fils Sabazios Zeus Hélios, Grand, Maître (= Baal), Saint : ce qui complète son caractère nettement asiatique. La route du sud par Nicopolis se détachait du fleuve près d'Oescus, d'où partent également les routes de Dacie. Dans l'emporium qui dut à cette situation privilégiée un siècle et demi de prospérité, Attis a laissé des vestiges. On l'adorait à Viminacium, capitale de la Mésie supérieure et ville de garnison, où sa présence est signalée au 2e siècle. De là il avait pénétré dans la vallée de la Mlava, où l'on retrouve ses traces à Kaliste, municipe romain ; il put aussi venir directement de Thrace par Naïssus et la vallée de la Morava. Au sud de Belgrade, vers la frontière dalmate, on rencontre son image funéraire aux alentours du mont Kosmaj. Les Romains y exploitèrent d'importantes mines d'argent ; il y eut par conséquent dans cette région un nombreux personnel d'esclaves et d'affranchis. D'autre part, Marc Aurèle répartit des troupes sur toute cette frontière. Des cohortes auxiliaires tinrent garnison à Suvodol, à Guberevci et dans d'autres localités du pays ; Galiciens et Liburniens y voisinaient avec des Scythes. Attis arrive en Dacie avec les troupes de Trajan (101-103) et bientôt avec les premiers colons. Les Orientaux sont fort nombreux dans la légion 1 Adjutrix,* qui reste une dizaine d'années au camp après l'annexion ; nombreux aussi dans la 13 Gemina, qui s'y installe sous Antonin. Dès l'époque même de Trajan ou d'Hadrien, près des baraquements qui vont donner naissance à la colonie d'Apulum, se dresse une chapelle de « Mater Deum Magna. » C'est un sous-officier de cavalerie en retraite qui Ta fait bâtir, sur l'ordre de la déesse et pour le salut de l'empereur. Ce vétéran avait commandé une décurie dans l'aile II des Pannoniens ; mais il porte un nom fréquent dans l'Asie romaine. Selon la coutume de l'Anatolie et de l'Europe orientale, toute sa famille participe à la donation : sa femme, son fils, ses deux filles Clémentine et Marcelline. Le monument est désigné sous le nom de lieu saint, « sanctum, » qui traduit le mot grec « hiéron » et qui semble bien prouver l'origine orientalo-grecque du personnage. Mais l'armée n'est pas seule à propager les cultes d'Orient dans les vallées daciques. Parmi ces colons de tous pays et de toutes races dont Trajan peuple l'ancien royaume barbare,* l'élément asiatique est considérable. Il y vient des Syriens, qui amènent leurs Baals, des Cappadociens et des Perses qui se font les missionnaires de Mithra, mais aussi beaucoup d'Anatoliens des provinces d'Asie, de Bithynie, de Galatie. A Napoca, les « Asians » sont assez nombreux pour constituer un important collège. Il s'y trouve également un collège de Galates, ainsi qu'à Germisara (Brôos, Szászváros). Ce sont des Phrygio-Cariens d'Eriza qui ont introduit Jupiter Erusenus. Des Mysiens ont importé leur Adrasteia, variante delà Mère anatolienne ; elle est devenue la patronne d'une corporation de bateliers-utriculaires, dans la région de Salinae (Varfalva).* *) Recrutée par Néron, dans la flotte de Misène ; cf. supra p. 416. *) « Infinitas copias ad agros et urbes colendas, » dit Eutrope, 8, 6. Sur la population et ses cultes, v. Jung, _Römer u. Romanen in den Donauländern_, 2e éd. 1877, p. 112 ss. *) Monuments du culte en Dacie Ampelvm (_Zatatna_, Transylvanie). --- Attis, sur les côtés d'un cippe funéraire, _CIL._ 3, 1336, inscr. fruste. Apvlvm (_Karlsburg, Gyula Fehérvar_, Trans.). --- _CIL._ 3, 1100 : « Pro salute Aug(usti), M(atris) D(eum) M(agnae) sanctum T. Fl(avius) Longinus vet(eranus) ex dec(urione) al(ae) 2 Pann(oniorum), dec(urio) col(oniae) Dac(icae) etc. et Cl(audia) Candida coniunx et Flavi Longinus, Clementina, Marcellina, fil(ii), ex imperio pecunia sua fecer(unt). L(ocus) d(atus) d(ecreto) d(ecurionum). » Époque de Trajan. --- 1101 : « M. D. M. sacr. pro se et suis G. Statius Pollio vet. leg. 13 G(eminae). » --- 1102 : « M. D. M. Umbricia Maxima pro se suisque v. s. l. m. » --- 1217 : patron des Fabres et des Dendr. de la colonie. --- 1243 : Attis funéraires au pedum, sur les côtés du cippe de Seccia. --- 7766 : déd. (en grec) par ordre de Meter Trocliménè. --- Attis ? peut-être uni à Mithra, sur un relief mithriaque ; Cumont, _Mithra_, mon. fig. 192 _bis_. Drobeta (_Turn-Severin_, Roumanie). --- _CIL._ 3, 1582 et p. 1420 : « M. D. M. Iulia Maximilla v. s. l. m. porticum de suo fecit » (une Iulia M. f. Maximilla en Dalmatie, 2960) ; --- 8016 : « M. D. M. Abuccia Claudiana v. s. l. m. » Napoca (_Klausenburg_, _Koluzsvar_, Transylvanie). --- Cybèle trônant entre ses lions, statuette en tuf, au Gymnasium de Deés ; _Jahreshefte_ 5, 1902, _Beibt._ 103. --- « Collegium Asianorum, » en l'an 235 : _CIL._ 3, 870 ; Galates, 860. Sarmizegetvsa (_Varhely_, Trans.). --- _CIL._ 3, 1496 : cippe funér. d'Aurelia ///ucilla ; Attis appuyé sur le pedum. A Zejkfalva, dans l'église. _Szamos-Ujvar_, Transylvanie. --- Attis funéraire, dans les murs de l'ancienne église ; _Jahreshefte_, _l. c._ 102. --- Autre Attis : _ibid._ 6, 1903, _Beibt._ 120 fig. 42. Sur ce camp, cf. _Arch. ep. Mitt._ 14, p. 168 ss. Tibiscvm (_Zsupa_, au N. N. O. et près de _Karansebes_, Trans.). --- Deux Attis, appuyés sur le pedum, jambes croisées, une main soutenant la tête ; cippe funér. du vétéran Publ. Aelius Ulpius (épigraphie du 2e s.) Au Musée de Temesvar. _Arch. ep. Mitt._ 6, 1882, p. 118 n° 66 ; _CIL._ 3, 1552 = 8001. Entre _Mikhaza_ et _Demenhyaza_, (sur le Nyarad, affluent du Maros, comitat de Maros-Vasarhely, Trans.). --- _CIL._ 3, 944 : « in h(onorem) d(omus) d(ivinae), Adrastiae colleg(ium) utriclariorum. » Ce pays de montagnes, de forêts, de mines, d'eaux thermales et minérales, était propice au développement du culte phrygien. Par ses Dendrophores, Cybèle trôna sur les monts et sur les bois. Les Dendrophores d'Apulum formaient une corporation puissante, protégée par les premiers citoyens de la colonie. Ils durent contribuer largement à la prospérité du temple de la Grande Mère. La municipalité favorisait, d'autre part, la construction d'oratoires privés, en concédant des emplacements sur terrain communal. Nous connaissons d'autres sanctuaires métroaques dans la province. Il y en avait un à Drobeta, qui défendait le pont de Trajan sur le Danube près des « Portes de fer » ; une femme d'origine dalmate en édifia le portique, pour accomplir un vœu. Un autre s'élevait à Napoca, l'un des centres les plus éloignés du Danube. La fréquence des Attis funéraires témoigne de la popularité du dieu. Ce n'est point seulement dans la haute vallée du Marus, principale artère de la civilisation romaine, qu'Attis devient le protecteur des tombeaux. C'est à Ampelum, centre d'une région minière, dans la haute vallée de l'Ompoly ; à Sarmizegetuza, ancienne capitale du royaume dace, dans la haute vallée du Strell ; à Tibiscum, dans la haute vallée de la Témès ; enfin à l'extrémité septentrionale de la Dacie, dans la forteresse de Szamos-Ujvar, où campait une aile de Pannoniens. ## 2\. La légion 1 Adjutrix fut transférée d'Apulum à Brigetio, sur le Danube, entre 114 et 117 ; elle y resta jusqu'en 214. La 2 Adjutrix s'installa vers 120 au camp d'Aquincum, où elle demeura plusieurs siècles. Successivement la 15 Apollinaris et la 14 Gemina tinrent garnison à Carnuntum, place stratégique de premier ordre au confluent du Marus (Mardi), où séjourna Antonin le Pieux, ou Marc-Aurèle passa trois années avec son état-major, où Septime Sévère fut peut-être proclamé empereur. Grâce à leur contingent d'Asiatiques, dont la proportion n'avait pas dû faiblir depuis l'origine, ces légions contribuèrent à implanter en Pannonie les religions orientales. Sous la tente même, l'esprit de prosélytisme opérait des conversions. La Grande Mère, forte de sa situation officielle et de la faveur des Césars, enlevait plus d'un zélateur à ses rivales.* Aelius Domitius, par exemple, vétéran de la deuxième légion, est un Syrien d'Hiérapolis ; il est né sous la tutelle d'Atargatis et d'Hadad. Mais il a subi l'attrait des Omnipotents phrygiens ; et c'est la double image d'Attis qui garde sa sépulture. Voici trois autres mystes d'Attis. L'un, centurion au même corps et qui a fait la campagne dacique, est un Gallo-romain de Vienne. Un autre, cavalier de l'aile I des Cannénéfates, est un Trévire. Le troisième, C. Julius Agricola, ancien sous-officier de l'armée auxiliaire, pourrait bien être également un Gaulois. C'est dans leur vie de garnison, au contact permanent du fanatisme oriental, qu'ils sont devenus les disciples du dieu ; et sans doute à leur tour ils accomplirent œuvre de propagande. *) Monuments du culte en Pannonie, en Norique et en Rhétie. Pannonie Inférieure _Also-Dörgicse_. --- Attis funéraire ; au Musée de Budapesth. _Archaeologiai Ertesitö_ (Bull. archéol. de Hongrie), nouv. série, 17, 1897, 2e fasc. Aqvincvm (_Bude, Alt Ofen_). --- _CIL._ 3, 3471 : « M(atri) D(eum) M(agnae). » _Ibid._, 15166 : sarcophage de L. Septimius Fuscus, « scolasticus, » par son père, décurion du municipe de Mogetiana ; à dr. et à g. de l'épitaphe, Attis funéraire, cf. _Budapest. Régiségei_ 7, 1900, p. 39 n° 28. --- Cippe brisé : dans une niche cintrée, Attis de face, la main g. sous le menton ; _ibid._, p. 45 n° 37. --- Attis fun., _ibid._ n° 38. --- Cippe : dans une niche à sommet triangulaire, Attis de face, la main droite soutenant le visage ; sur un autre côté, femme nue, tenant sur la tête une corbeille ; _ibid._ n° 39. Tous ces Attis ont les jambes croisées et tiennent le pedum, crosse en bas. _Csakvar_, Hongrie. --- _CIL._ 3, 15154 : cippe de Vibianus, fils de Deivo, et d'Atezissa, par leur fils Vibius Saturnus, duplicarius de l'aile 1 des Thraces ; sur les côtés, Attis. Musée de Budapesth. Salva (près de _Gran_), v. _Zsellic._ Sirmivm (_Mitrovicz_). --- Attis funér. sur le cippe de T. Cominius Severus, né à Vienne, centurion de la légion 2 Adjutrix, qui a obtenu toutes les décorations militaires dans la guerre contre les Daces, sans doute sous Domitien ; _CIL._ 3, 10224. --- Statuette mutilée d'Attis, jambes croisées, une main sous le menton, la crosse du pedum vers le sol ; _Arch. ep. Mitt._ 13, 1890, p. 26. _Zsellic_, sur le Gran, à une vingtaine de km. au N. du Danube. --- _CIL._ 3, 11076 : « D. m. Aelius Domitius, vet. leg. 2 Adj., domo Erapuli (Hierapolis), cives Surus, vivos sibi etc. » ; deux Attis. Le cippe paraît provenir d'un fort situé près du confluent, peut-être de Salva ? Pannonie Supérieure Brigetio (_O-Szöny_). --- _CIL._ 3, 4278 ; _Arch. ep. Mitt._ 1, p. 161 : cippe fun. de Valerius Saturninus, Valerius Sabinus et Caesia Digna. Sur le socle, cavalier entre deux Attis au pedum, une main soutenant la tête. --- _A. e. M. I._, p. 162 : pilier à 4 faces, dont chacune est divisée en trois niches, avec images de divinités ; entre Apollon et Diane, Attis ? tenant un rameau dans la main g. A _Totis_, où beaucoup d'antiques proviennent de Brigetio. Carnvntvm (_Petronell_, Basse-Autriche). --- _CIL._ 3, 13460 : « [Matri] Mag(nae) s(acrum)/// Ser(gia), [Pl ? ]otinus pro sal(ute) sua et suorum v. s. l. l. m. » La tribu Sergia paraît indiquer une origine dalmate. --- Tête de déesse tourelée en pierre. _Der römische Limes in Österreich_ 3, 1902, p. 111, fig. 21. --- Buste d'Attis sur plaque de bronze, travail décoratif ; _ibid._, p. 107, fig. 20. Emona (_Laibach_, Carniole). --- _CIL._ 3, 10738 (à _Igg_, au sud de L.) : dendrophores ; --- 10764 : « [Matr]i Magn(ae) [Pet]ronia... » ; --- 14354, 8 : « M. D. M. Clodia L. f. Clementilla. » Gervlata (_Karlburg_, Hongrie). --- _CIL._ 3, 4391 : cippe fun. de Flavius Attius, « civis Treverus, » cavalier de l'aile 1 des Cannénéfates ; sur le côté gauche, Attis. Mogetiana (_Somlyo-Vasarhely_, au N. O. du lac Balaton), v. Aquincum. _Pfaffenberg_, près de Carnuntum. --- Attis ? , relief en calcaire, trouvé près d'un temple ; _Röm. Limes_ 1, 1900, p. 80 fig. 3. Poetovio (_Pettau_, Styrie). --- _CIL._ 3, 4069 : stèle fun. ; en haut, tête barbue entre deux lions ; sur la face antérieure, Orphée charmant les animaux ; sur les côtés, danseuses. Gerhard, _Antike Bildw._, pl. 28 ; Conze dans _Wien. Akad. Denkschriften_ 24, 1875, pl. 5-6 ; cf. de Rossi, dans _Bull. di archeol. crist._ 1868, p. 55. Siscia (_Sissek_, Croatie). --- _CIL._ 3, 10858 ; dendrophore. --- Au Musée d'Agram, qui renferme beaucoup de monuments de S. : Attis, ventre nu, tenant une corne d'abondance ; _Arch. ep. Mitt._ 3, 1879, p. 171 n° 5. _Totis_, v. Brigetio. Vindobona (_Wien_). --- Attis ? nu, dansant, et « symplegmata » panthéistiques avec attributs métroaques, au Cabinet impérial ; Sacken, _Ant. Bronzen in W._, pl. 37, 5 ; 46, 1 et 10, mais sans indication de provenance. Norique Celeia (_Cilli_, Styrie). --- _CIL._ 3, 5194 : « M. D. M. Blaudie Cn. Pomp. Iustinus dec(urio) et 2 vir Cl(audiae) Cel(eiae) v. s. l. m. » ; faut-il lire « M. D. M. Idacae » ? --- 5195: « M[atri Magnae ? ] ex imp[erio] Aemilia/// don// » ; trouvée sur le mont Saint-Nicolas. --- Attis funéraire, tenant syrinx et pedum ; --- autre ? près d'un arbre : Conze, _l. c._, 27, 1878, p. 202. Ivvavvm (_Salzburg_, Autriche), --- Cybèle ? assise, tenant un animal (panthère ? ) sur ses genoux ; terre cuite. Loewy dans _Arch. ep. Mitt._ 5, 1881, p. 184 ; Blanchet dans _Mém. Soc. Antiquaires_ 60, 1901, p. 272. Lavriacvm (_Lorch_, près d'Enns, Haute-Autriche). --- _CIL._ 3, 5680 : « A. Barbio A. f. Grato, Vel(ina tribu), ann. 75, et Cominiae T. f. Pupae, ann. 70, T. Barbio A. f. Quinto, mil(iti) leg(ionis) 15 Apo(llinaris), ann. 25, etc. » ; sous l'inscr., deux Attis, crosse du pedum vers le sol, séparés par un laurier et un chien. Matvcaivm (_Wieting_, Carinthie). --- _CIL._ 3, 5021 : déd. à M. D. M., pour le salut de l'Auguste, par Aur. Aquila et Aur. Flavianus, prêtres. Un Aurelius Aquila, à Salone, avait un fils qui fut centurion et mourut à Sirmium, 2006 ; la même tombe porte le nom d'Aur. Flavius, marchand syrien ; cf. 2086, à Salone, un Aur. Aquila, décurion à Potaissa, « negotiator ex provincia Dacia, » et 4457 Aurelius Flavianus, soldat, mort à Carnuntum. Trigisamvm (_Traismauer_, Basse-Autriche). --- _CIL._ 3, 5655 = 11796 : cippe fun. de C. Julius Agricola, « vet(eranus) ex arm(orum) cust(ode) al(ae) 1 Aug(ustae) » ; sur les côtés, Attis au pedum, et génie à bonnet phrygien, appuyé sur une torche renversée. Virvnvm (_Zollfeld_, près de _Klagenfurt_, Carinthie). --- Au Muséum Rudolfinum. Statuette de Cybèle, h. 11 cm., en bronze ; le tympanon est décoré d'une étoile. --- Deux têtes d'Attis, en calcaire, avec traces de peinture, h. 7 et 11 cm. --- Lapis lazuli : Cybèle ou Caelestis sur le lion ; Jabornegg, _Kärnt. Röm. Altertümer_ 1870, p. 61, 1. --- Relief ; Attis du type fun., et génie nu, ailé ; h. 1 m. ; cf. Haakh, _Verhandl. d. Philol. Versamml._ 1857, p. 184. _Wels_, sur la Traun, Haute-Autriche. --- Attis fun., jambes croisées, main droite sous le menton, bras gauche appuyé sur une « torche renversée, » qui est brisée en bas (plutôt un pedum mal interprété) ; au Musée de Salzburg : Schumann, _Juvavia_, p. 100 ss et pl. 1, 6 ; Loewy, _l. c._, p. 178 n° 7. Rhétie _Gauting_, Haute-Bavière. --- Cybèle, un lion sur ses genoux ; statuette en pierre, à l'Antiquarium de Munich ; S. Reinach, _Répert. Stat._ 2, 270, 6. _Hausen_, à 3 km. au nord de Dillingen et Lauingen, Souabe. --- _CIL._ 3, 11903 ; _Münch. Akad. Sitzungsber._ 1889, 2, pp. 96-102 : « M. D. [Magn ? ]ae Sanctae, si[gnum deae] item valvas c[ellae... P]etr. Victori[us... vita] sua functus f[ac(iendas) c(uravit)] e(x) t(estamento). » 2e siècle. _Lauingen_, Souabe. --- _CIL._ 3, 5873 : « Apollini Granno et Sanctae Hygiae [M]at(ri) Deum////rum pro salute Luc////. » _Stein_, extrémité occidentale du lac de Constance, Suisse. --- Tête d'Attis ou de Mithra, en grès, de grandeur naturelle, trouvée au pied du Hohenklingen. A Constance, Musée Rosgarten : Cumont, _Mithra_, mon. fig. 239 _ter_, p. 506. Aussi pratiquait-on les mystères de Phrygie dans toutes les places fortes qui s'échelonnent le long du Danube : à Aquincum, que colonisèrent Hadrien et Septime Sévère, au poste qui défendait le confluent du Granus (Gran), à Brigetio, Gerulata, Carnuntum, Vindobona et, par-delà la frontière du Norique, à Trigisamum près du confluent de la Traisen, à Lauriacum près du confluent de l'Enns. Autour de ces foyers le culte rayonna. D'Aquincum et de Brigetio il a gagné les plaines voisines et la moderne Totis, où il doit être en relations avec le lac et les grottes du lieu ; il a gravi les collines volcaniques, peut-être déjà riches en vignobles, qui bordent au nord le lac Balaton. Gomme les sources ferrugineuses et sulfureuses abondent dans toutes ces régions, en particulier dans le voisinage d'Aquincum (eaux de Bude), de Brigetio (eaux d'Aimás), de Carnuntum (eaux de Deutsch-Altenburg), de Vindobona (Thermae Pannonicae, à Baden), il est vraisemblable que Cybèle y exerça son coutumier patronage sur les eaux curatives. Elle y fut aussi la Dame des forêts ; à Carnuntum, un autel votif de Magna Mater provient d'un « sacellum » de Silvanus. Mais ce Silvain est aussi le protecteur du foyer domestique, Silvanus Domesticus. Cybèle et Attis sont, comme lui, les dieux tutélaires de la famille ; à Lauriacum, Attis reçoit pour attributs le laurier et le chien, qui caractérisent les dieux Lares. A l'ouest du Danube, les larges vallées de la Save et de la Drave constituaient naturellement des voies commerciales et stratégiques, dont la navigation fluviale augmentait encore l'importance. Elles mettaient les provinces danubiennes en communication avec l'Italie ; elles reliaient l'Orient à l'Occident. La déesse y parvint tout droit d'Asie Mineure par le Danube. On l'adorait à Sirmium, qui commande le confluent de la Save, à Siscia, place d'armes et gros emporium, port d'attache de la flottille romaine sur cette rivière, à Poetovio et Celeia, sur la Drave. Un habitant de Celeia, capitale du Norique, invoque Mater Deum Magna Blaudia. S'agit-il de la Dame de Blaundos, ville de la Grande Phrygie ? Des marchands levantins l'auraient importée ici ; de même on retrouve à Nicopolis de Mésie la dame de Skelenté, et à Sarmizegetusa, en Dacie, l'Esculape de Pergame. Certaines tombes de Poetovio portent une décoration figurée d'un caractère très oriental. On y voit la tête barbue d'un Zeus Sabazios entre deux lions, ou les fauves écrasant la tête d'un bélier. Le mythe d'Orphée y rappelle en même temps ce que les mystères métroaques doivent à l'orphisme. Mais de telles représentations sont fréquentes aussi sur les monuments d'Aquilée ; et c'est aussi bien par Aquilée que par le Danube que ces mystères ont pénétré dans la Pannonie supérieure et dans le Norique du sud. L'influence immédiate d'Aquilée s'exerça sur la région agricole d'Emona, colonie fondée par Auguste en même temps, ce semble, que Trieste et Pola, et qui fut rattachée plus tard à l'Italie. Elle s'étend jusque dans le haut bassin de la Drave, à Virunum, centre d'une région minière qu'enrichit l'industrie du fer et qui écoule vers Aquilée ses produits. Comme à Celeia, le voisinage d'eaux thermales y fut sans doute propice au développement du culte. Mais surtout, en cette ville que baigne un grand lac et que domine le massif des Alpes Carniques, Cybèle reprit avec autorité son double rôle de Notre-Dame des Lacs et de Notre-Dame des Monts. A Emona, à Virunum, à Siscia, encore aujourd'hui centres d'un gros commerce de bois, elle bénéficie de l'importance que donne à ses Dendrophores l'exploitation des forêts alpines. Il en fut de même, vraisemblablement, dans les petites villes du massif Carinthien, telles que Matucaium, sur la route de Virunum au Danube. Nous connaissons ici deux prêtres qui vivaient à la fin du 2e siècle. Sont-ils apparentés à des personnages de même nom et d'origine syrienne, marchands et militaires, qui vécurent à Salone, à Sirmium, à Carnuntum, à Potaissa (Dacie) ? Ce serait un nouvel exemple de Syriens romanisant leur religion et délaissant leur Baalat lointaine pour la Grande Mère du Panthéon impérial. Au nord du massif styrien, Cybèle et Attis ont pénétré dans la vallée de la Traun, riche en forêts, en lacs et en sources minérales ; ils y sont venus directement de Lauriacum, sur le Danube, où Marc-Aurèle établit un camp pour la légion du Norique. Du « camp Batave » de Passau, ils ont remonté l'Inn et la Salzach jusqu'aux montagnes de Salzburg, l'antique Juvavum. En Rhétie, ils ont suivi la route du Danube jus-qu'aux frontières de Germanie. Un temple de « Mater Deum Sancta » s'élevait entre Dillingen et Lauingen (Souabe) ; l'épithète de Sainte révèle une influence orientale. C'était du reste une fondation privée. Mort avant d'avoir vu terminer l'édifice, le donateur spécifiait dans son testament que l'on eût soin d'y placer la statue de la Dame et les portes de la cella ; il espérait ainsi s'attirer les grâces de la divine Mère. De telles fondations s'inspirent de la tradition phrygienne des chapelles funéraires. A Lauingen même, où séjourne au 3e siècle un détachement de légion, Cybèle reparaît comme Mère de la Santé, « Mater Salutaris. » On l'y associe à Sainte Hygie, qui est orientalo-grecque, et au dieu-médecin Apollon Grannus, qui est germano-celtique, principale divinité du lieu. L'influence germanique se manifeste nettement en Rhétie, où prennent à la fois naissance le Danube et le Rhin. On la retrouve jusque dans le Norique septentrional. De Salzburg et de Gauting, près de Munich, proviennent des figurines de la Cybèle funéraire qui tient un lionceau sur ses genoux ; ce type semble bien être ici d'importation rhénane. ## 3\. La Dalmatie nous a fourni le plus notable exemple du rôle des légions, au début même de l'Empire.* Une légion, la 7 Claudia, partiellement recrutée en Asie Mineure, réside d'Auguste à Néron dans le pays de Salone ; et le culte phrygien y prend de suite une importance extraordinaire. De nombreux vétérans s'y installent à demeure, y font souche de familles salonitaines et transmettent à leurs descendants leur dévotion héréditaire à la Mère des Dieux. D'autre part, les navires de commerce s'arrêtent aux échelles de la côte dalmate ; Salone est, après Aquilée, le principal port de l'Adriatique. Par les villes du littoral et par la frontière mésienne, les relations de la Dalmatie avec l'Orient demeurent ininterrompues. *) V. supra, p. 417. Un Phrygien émigré en Dalmatie : Ramsay, _Studies_, p. 209. De toutes les divinités orientales, c'est la Mère anatolienne qui est de beaucoup la plus populaire.* Elle est vraiment la Dame de Salone. Elle trône sur la riche plaine dont elle protège les champs et les vignes, sur les cimes du Kozjak et du Mosor, sur le rocher solitaire de Clissa, sur la belle fontaine du Giadro. Aucune autre cité d'Occident, à notre connaissance, n'a possédé autant de sanctuaires métroaques. Il y avait d'abord le temple public de la colonie, avec son Archigalle, son clergé de prêtres et de prêtresses, son personnel de musiciennes et d'acolytes, ses confréries officielles. On ne saurait le confondre, ce semble, avec l'édifice dont on a retrouvé les colonnes de granit gris, les chapiteaux corinthiens, des fragments de corniche et d'architrave. Ruiné par un incendie dès le 1er siècle, ce dernier bâtiment fut reconstruit aux frais du trésor municipal. Mais il ne s'agit ici que d'une chapelle, qui avait sans doute un caractère votif, et qui s'élevait en dehors de la ville proprement dite, dans le voisinage d'une nécropole. Les autres monuments que nous connaissons étaient des fondations privées ; et l'on y chercherait en vain, sur la formule dédicatoire, le vocable d'Idéenne. Une _Aedes Matris Magnae_ perpétuait le nom de P. Julius Rufus, qui comptait des chevaliers romains dans sa famille. Une _Aedes Matris Deum_ était l'ex-voto de L. Statius Facula, membre de l'aristocratie salonitaine et qui exerça la première magistrature de la cité. Une _Aedes Matris Deum Magnae_ fut remise à neuf et agrandie dès le 1er siècle par l'affranchie Junia Rhodine, dont la déesse avait exaucé les vœux. A Salone même ou à Clissa, un édicule fut élevé par les soins d'une ingénue, Servilia Copiesilla, fille de M. Servilius ; son mari, en un temps où elle était sans doute gravement malade, avait promis à la Grande Mère cette chapelle. Un _Fanum_ fut restauré après vœu par une autre femme, Curia Prisca ; elle donna aussi les statues divines, un larophore, destiné à supporter des statuettes et des luminaires, les cymbales et les tambourins nécessaires aux offices, un plateau pour offrandes, des ciseaux liturgiques et un autel. Enfin un petit temple, près de la source et de la cascade du Giadro, sur la rive droite, était consacré à _Mater Magna Cognationis_, Notre-Dame de la Parenté. Monument et autel furent édifiés aux frais de C. Turranius Cronius, Sévir Augustal, qui fournit également toute la décoration, à la suite d'un vœu. C'était la chapelle d'une confrérie dont tous les membres devaient être unis par les liens du sang. De tels groupements de familles, qui se vouent au culte d'une divinité chère entre toutes, ne sont point rares à Salone. Mais c'est une importation de l'Orient. Ils y font revivre les syggénies de l'Asie grecque. La pieuse coutume des chapelles votives à la même origine. Ces _naiskoi_, dont certains types de stèles ne sont que l'expression simplifiée, perpétuaient ici sous son primitif aspect une tradition caractéristique de la religion anatolienne. Parfois aussi, comme en Phrygie, on consacre les édifices funéraires à la déesse, pour mettre les morts sous sa bonne tutelle. C'est pourquoi T. Prusius Optatus, qui habitait l'île d'Arba, voulut que sa sœur et héritière bâtit un portique sur le terrain sépulcral et le dédiât à la Mère des Dieux, en mémoire de lui. *) Province de Dalmatie Monuments du culte (les noms modernes sont en italiques). Aenona (_Nona_, Dalm.). --- Tête d'Attis ? en marbre blanc. Ancienne collection Danieli, à Zara, provenant surtout des fouilles d'Aen. ; coll. du Séminaire archiépiscopal d'Udine (dispersée), n° 111 ; cf. _Arch. ep. Mitt._ 18, 1895, p. 75 n° 33 ; _Bull. Dalmat._ 19, 1896, p. 151. Arba (île d'_Arbe_, Dalm.). --- _CIL._ 3, 3115 : « Matri Deum porticus in memoriam s[uorum ? ] T. Prusius T. f. Ser. Op[tatus p(oni) ius]sit per Babriam (_plutôt_ Baebiam) T. f. Ter[tullam] sororem heredem[que]. » _Arilje_, au S. S. E. de _Pozega_, cercle d'_Uzice_, Serbie. --- Attis funéraire, jambes croisées, main droite soutenant la tête ; cippc en marbre, supportant la table d'autel de l'église. Kanitz dans _Wien. Ak. Sitzungsberichte_ 36, 1861, p. 198 n° 20, et pl. 3, 1 ; Vulic dans _Jahreshefte_ 12, 1909, _Beibt._ 196. Asseria (_Podgradje_ près de _Benkovac_, Dalm.) --- _CIL._ 3, 9935 ; « [M(atri)] M(agnae) Q. Petronius Philippus. » La tête de bélier et le couteau, sur le côté droit, semblent faire allusion au criobole. _Bucnje_, Turquie, sandjak de _Novibazar_. --- Cippe avec bustes d'homme et de femme : aux côtés, Attis ; _Mitteil. aus Bosn._ 4, 1896, p. 292. Delminivm (_Tritj-Gardun_, Dalm.). --- _CIL._ 3, 13972 : « M(atri) M(agnae), M. Cal(purnius) Pri(mus) et Treb(onia) Chr(este) rest(ituerunt). » Domavia (_Gradina_, cercle de _Srebrenica_ (Bosnie). --- Cippe anépigraphe : sur les côtés, Attis au pedum ; _Mitteil. aus Bosn._, 1, 1893, p. 311. Epetivm (_Stobrec_, Dalm.). --- _Ibid._ 8544 = 12814 : « Lupula Statili[a tem ? ]plum ? Matri Magn[ae deo]rum de suo re[stitu]it cum suis fil[iis]. » On n'a trouvé que trois autres dédicaces : 8518 à Liber Pater, 8519-20 aux Nymphes. _Fiume_, Dalm. --- Statuette d'Attis funéraire, jambes croisées, en pierre ; au château de Tersatto : _Arch. ep. Mitt._ 5, 1881, p. 164 n° 18. _Fojnica_, Bosnie. --- Statuette d'Attis, jambes croisées, en bronze ; _Mitteil. aus Bosn._ 5, 1897, p. 175 ; Reinach, _Rép. Stat._ 3, 137, 2. _Gtumae_, au N. N. E. de _Pozega_, Serbie. --- Attis fun., sur un cippe trouvé à Otanj, rive dr. du Skrapez : _Jahreshefte_ 3, 1900. _Beibt._ 172, n° 3 B. _Gorobtje_, au S. E. de _Pozega_, Serbie. --- _CIL._ 3, 1669 = 8346 : cippe fun. d'Aelius Proculus, fils de Capito, décurion, par sa femme et sa fille. Sur le côté gauche, Attis debout sur un piédestal, jambes croisées, main droite tenant le pedum, crosse en bas, la main g. soutenant la tête ; au-dessous, rinceaux de feuilles de lierre ; cf. Kanitz, _l. c._, p. 199 et pl. 3, 2 (le manteau flottant transformé en ailes ! ) ; _Jahreshefte_, _l. c._ 168. _Jezevica_, à 23 km. au nord de _Pozega_, Serbie. --- Cippe de T. Aelius Maximus (épigraphie de la secon de moitié du 2e s.) ; aux côtés, dans un encadrement de pampres et de fleurs sortant d'un vase ansé, Attis aux jambes croisées : _Jahresh._ 3, 1900, _Beibt._ 174, 6 D et 69 ; _CIL._ 3, 14611 ; reprod. _Jahresh._ 12, 1909, _Beibt._ 195 fig. 129. --- Quatre cippes anépigraphes, avec. Attis de même type, dans un encadrement identique : _ibid._ 3, _Beibt._ 174, 6 A, B, C, E. --- Autre, _ibid._ G ; 12 _Beibt._ 198 : Attis ? nu, jambes croisées. _Katinici_, à 16 km. au nord de _Pozega_, Serbie. --- Cippe anépigr. ; aux côtés, Attis ; type et ornementation comme supra : _ibid._ 173 n° 5. _Karan_, au N. d'_Uzice_, Serbie. --- Cippe avec inscr. fruste ; sur le côté g., Attis : _Jahreshefte_ 7, 1904, _Beibt._ 9. _Kremna_, cercle d'_Uzice_, Serbie. --- Cippe anépigraphe ; sur chaque côté, Attis au pedum : _Jahresh._ 3 _Beibt._ 177, cf. 168. _Kriva Reka_, près de _Mackat_, cercle d'_Uzice_, Serbie. --- Cippe fun. dont l'inscr. a disparu ; sur le côté g., Attis. _Jahreshfte_ 12, 1909, _Beibt._ 200. Mvnicipivm Mal[avicvm ? ] _Visibaba_, à 2 km. de _Pozega_, Serbie. --- _CIL._ 3, 8339 : cippe de T. Aelius Martialis, décurion du municipe, 2vir, mort à Salone, par sa femme ; aux côtés, Attis au pedum. --- 8341 : cippe d'un inconnu, décurion, mort à Salone, par sa femme et sa fille ; mêmes effigies. --- 1672 = 8342 et p. 1023 : cippe de P. Aelius Quintilianus, décurion, par ses deux fils et sa fille ; aux côtés, Attis, les pieds posés non sur une demi-lune, comme il est dit au Corpus, mais sur le sol indiqué en relief. --- 8345 : cippe de... Capito, décurion, 2vir, et de Valeria Bersa ; aux côtés, Attis, même type et décor qu'à Jezevica ; cf. _Jahreshefte_ 3, _Beibt._ 168-170, et 4, 1901, _Beibt._ 156 s. Pitvntivm (_Podstrana_, Dalm.). --- _CIL._ 3, 6428 = 8474 : v. supra p. 191, n. 2. Drexler dans Roscher, _Myth. Lexik._ 2 2923, conjecture Asca[niis]. _Ptevtje_, Turquie, sandjak de _Novibazar_. --- _CIL._ 3, 8329 : cippe avec bustes d'homme et de femme ; aux côtés, Attis dadophore ; --- 14605 : cippe de T. Aurelius Severus Celsianus ; aux côtés, Attis ; cf. _Mitt. aus Bosn._ 4, 1896, p. 290 (Iljino Brdo), et 8, 1900, p. 117, fig. 54. _Rogatica_, Bosnie. --- Cippe à inscr. fruste ; sur les côtés, Attis, lièvre, dauphin, rinceaux : _Arch. ep. Mitt._ 16, 1893, p. 89 n° 5 ; _CIL._ 3, 12754. Salonae (_Salona_, Dalm.). --- _CIL._ 3, 1952 = 8567 : « Curia Prisca Matri Magnae fanum refecit, signa posuit, larophorum, cymbala, tympana, catillum, forfices, aram dat. » --- 1953 : « P. Iulius Rufus aedem Matr(i) Mag(nae) d(e) s(ua) p(ecunia) f(aciendam) c(uravit) idemq(ue) dedic(avit) » ; cf. p. 850, dans les « privilegia militum, » T. Iulius Rufus, « eques romanus. » --- 1954 : « L. Statius L. f. Facula, Quinq(uennalis), Matri Deum aedem d. p. s. f(ecit) ex voto. » --- 2920 a, et p. 1037, à Jader (_Zara_) : épitaphe d'un Archigalle salonitain, cf. supra pp. 235 et 236 n. 4. --- 8675 : Matri Magnae Cognationis C. Turranius Cronius, Sevir August(alis), voto suscepto aedem et aram d. s. p. fecit et expoli(vi)t idemquededicavit » ; supra, p. 282. Il y a des Turranii à Salone, Scardona et Nedinum (près de Zara). --- 8810 : M(atri ? ) I(daeae ? ) M(agnae)/// nomine/// [sa]cerdos M//. » --- 8823 : dendrophore. --- 13903 : « Servilia M. f. Copiesilla aediculam M(atri) M(agnae) faciendam curavit ipsa inpe(n)sa sua, quam voverat pro ea M. Cottius Certus, vir eius » ; à dr., poisson, vase, chien ; à g., dauphin, patère, chien. --- 14243 : « Iunia Rhodine cum coniuge et fil. D(eum) M(atris) M(agnae) aedem refecit et ampliavit v. s. s. l. m. » ; épigraphie du 1er s. --- 14674 : « [aedem Matri Magnae Deorum igne co]nsumptam resp(ublica) Salonitanorum [ex voto suo sumptu a solo r]estituit, » conjecture de Vulic dans _Bull. Dalmat._ 21, 1898, p. 141 ss ; fragment d'architrave, dans les ruines d'un temple. --- 14663, 2 : fragment de dédicace, par Phileros et Imeros, sévirs, à Dea Barbarica (= Phrygia ? ? ), 1er s. --- 14675 : « t[emplum M]atris Magnae ?/// ullinu(s)///. » --- 6384, cf. Dumont dans _Rev. Archéol._ 23, 1872, p. 124 s : cippe fun. de Q. Aeronius Firminus, mort à 14 ans ; « parcite iam lachrimis, miseri solique parentes ; | ...corpus habent cineres, animam sacer abstulit aer. » Aux côtés, Attis appuyé sur le pedum. --- Statuette en bronze ; Attis nu, en bonnet phrygien, appuyé à un pilier, pedum dans la main g., syrinx dans la dr. : Jelic, _Guida di Spalato e Salona_, 1894, p. 167. --- Relief muré dans le campanile du dôme de Spalato : Mercure, Mars et Cybèle, dans un cortège de Jupiter ? _Arch. ep. Mitt._ 9, 1885, p. 70 s ; cf. Lanza, _Antico palazzo di Diocleziano_, pl. 12, 2. --- Pour les inscr. ajouter Kubitschek, _Culto della Magna Mater in Salona_, dans _Bull. Dalmat._ 19, 1896, p. 87 ss. _Sikiric_, sur la Drina, Bosnie. --- Cippe anépigraphe ; aux côtés, Attis ; _Glasnik zem. muzeja u Bosni_ 1891, p. 242 fig. _Arch. ep. Mitt._ 16, p. 136. Tragvrivm (_Trau_, Dalm.). --- _CIL._ 3, 2676 = 9707 et p. 1034 : « L. Stallius Secundus Sevir Aug. et Callirhoe uxor cum liberis aedem Matri Magnae ex voto suscepto fecerunt s(ua) p(ecunia). » --- Petite tête d'Attis ? _Arch. ep. Mitt._ 9, 1885, p. 57. _Tubici_, près de _Kosjerici_, cercle d'_Uzice_, Serbie. --- Cippe, en marbre, de T. Aurelius Silvanus, décurion, par son fils ; aux côtés, entre des rinceaux, Attis de face, « sur une base en forme de demi-lune » ; _Jahreshefte_ 7, 1904 _Beibt._ 10. --- Autre cippe ; sur le côté dr., Attis de face ; _ibid._ 2. _Tuckovo_, cercle d'_Uzice_, Serbie. --- Cippe fun. d'Aelius Atan /// ; sur le côté g., Attis de face. _Jahreshefte_ 12, 1909, _Beibt._ 195 n° 63. _Visibaba_, v. Municipium Mal... _Vranjani_, entre _Uzice_ et _Pozega_, Serbie. --- Cippe de T. Aurelius Marcus, décurion, mort à Salone, par ses fils ; sur le côté, Attis au pedum, une main soutenant la tête. _Wien. Sitzungsber._ 36, 1861, p. 198 n° 17, et pl. 3, 3 ; _CIL._ 3, 8344 ; _Jahresh._ 12, 1909, _Beibt._ 196. _Zara_, IADER, v. Salonae. Toute la région côtière, soit directement, soit par l'intermédiaire de Salone, a subi les mêmes influences. Sur la colline de Delminium, où campa d'abord la septième légion, à Tragurium, port de commerce, à Epetium, on a retrouvé plusieurs de ces petits sanctuaires qu'élevait la piété des familles. Epetium associait peut-être la Grande Mère aux Nymphes et à Liber Pater, selon une tradition orientale. A Peguntium, un Syrien d'Ascalon l'unit aux dieux de sa patrie ; c'est dans le temple delà Mère phrygienne qu'il allait prier ses dieux et leur offrir ses ex-voto. La déesse possède un temple dans le municipe d'Asseria, qui est plus à l'intérieur des terres, sur la route de Salone à Zara, et qui fut ville de garnison sous Auguste. A une autre extrémité de la province, près de la frontière de Mésie et sur la route de Salone au Danube par la Morava, il existait une véritable église phrygienne. Elle a étendu sa propagande sur la moyenne vallée de la Drina et sur le haut bassin de la Morava occidentale. Dans ces régions montagneuses et minières, dont Srebrenica en Bosnie, Uzice en Serbie, Plevlje en Albanie, sont les centres, Attis s'imposa comme maître des vivants et des morts. Son image funéraire, qui se retrouve également à Salone et Fiume, peut-être à Trau et Aenona, veillait sur les petites nécropoles de Rogatica, Gradina et Sikiric (Bosnie), de Kremna, Kriva Reka, Karan, Túckovo, Vranjani, Pozega, Visibaba, Goroblje, Arilje, Glumac, Kalinici, Jezevica, Tubici (Serbie), de Plevlje, Iljino Brdo et Bucnje (Albanie) . Ces monuments datent en général du temps des Antonins. En Serbie, ils paraissent provenir d'un même atelier de sculpture, établi à Visibaba. Plusieurs dévots ont fait connaître leurs noms et leurs titres. Ce sont des indigènes, semble-t-il, gratifiés du droit de cité par Antonin. Ils furent des personnages importants dans leurs municipes, des décurions, des duumvirs. Deux d'entre eux sont morts à Salone. Intérêts privés et intérêts publics les appelaient fréquemment au chef-lieu de la province. Mais est-ce par Salone ou par le Danube qu'Attis avait gagné leurs montagnes ? ## 4\. Aussi bien, le massif où se creuse la vallée de la Morava était-il habité par des peuplades thraces, apparentées par conséquent aux Phrygiens. Les Thraces retrouvaient dans le culte de la Mère phrygienne les orgiasmes de leur propre religion, sauvage et passionnée. C'était de part et d'autre la même musique rituelle, les mêmes danses rituelles. C'étaient également les mêmes croyances à l'efficacité du baptême rédempteur et à l'immortalité de l'âme. Si la Grande Mère d'Anatolie est une déesse aborigène, la Cotys des Odryses, déesse mère et nourricière, et la « Grande Bendis, » Dame des montagnes, des forêts, des sources, protectrice des fruits, protectrice du bétail, protectrice des hommes, « Reine » du ciel, de la terre et des enfers, avaient été rapprochées de la Grande Mère anatolienne et lui furent assimilées.* Dans Attis Pappas les Thraces pouvaient reconnaître sans difficulté leur Sabazios-Dionysos, Dieu suprême qui s'identifie à Zeus, dieu père et dieu « fils de la Bonne Mère, » dieu de la végétation, dont on célèbre chaque année le douloureux aphanisme et l'épiphanie triomphale, dieu arbre qui reçoit l'hommage de Dendrophories, dieu taureau devenu un dieu bouvier comme Attis est un dieu berger, pasteur des hommes, maître des vivants et des morts. Strabon constate la singulière analogie des deux religions.* L'œuvre d'assimilation avait commencé en Asie même, après la conquête phrygienne. D'autre part le littoral thrace du Pont-Euxin, du Bosphore, de la Propontide, de l'Hellespont, était jalonné de colonies grecques. Il s'y produit un constant afflux d'Asiates et de Bithyniens. Les échanges sont continuels entre les deux rives. Des relations commerciales unissent Byzance à Cyzique ; et, au temps d'Auguste, Byzance a des possessions dans la Cyzicène.* Le Dindyme de Cyzique et celui de la Proconnèse dominaient toute la Propontide. Franchissant la mer sur les navires des colons et des marchands anatoliens, la Dindymène s'était installée dans les principales villes de la côte.* Selon les traditions locales, le Metrôon de Byzance et son idole vénérée remontaient aux origines mêmes de la colonie mégarienne, aux temps du héros fondateur et éponyme Byzas ; depuis le 7e siècle, Cybèle était la Dame tutélaire de la cité, sa Tychè poliade. Partout se manifeste également l'influence propre de l'Ionie. Ce sont des marchands ioniens qui ont répandu le type de la déesse assise, tenant un lionceau sur ses genoux. Les Galles avaient accompagné leur Dame et propageaient son culte. Au début du 2e siècle avant notre ère, lorsque la ville hellespontique de Sestos fut assiégée par C. Livius Salinator, ils y constituaient un puissant clergé. Enfin les noms théophores de Métrodôros, Métrobios, Métropythos, Mâtris, Mâtrobios, sont très fréquents sur tout le littoral. *) Hesychius, s. v. Kυβήβη. Rapprochement d'Adrasteia et de Bendis comme Dames des fruits : _CIA._ 1, 210. Comme Dame des monts, des bois et des fauves, B. est identifiée aussi avec Artémis ; comme Dame des morts, avec Hécate ou Proserpine. *) Strab. 10, 3, 16 ; cf. aussi le rôle d'Hermès au bélier dans les mystères de Samothrace. *) Strab. 12, 8, 11. *) Monuments du culte en Thrace, dans l'archipel thrace, en Macédoine-Thessalie, et en Epire (les noms modernes sont en italiques). Thrace Anchialos (_Anchiolu_, Bulgarie). --- Monnaies. Mionnet, _Suppl._ 2. p. 219 s, n°s 83, 84, 87 ; _Museen su Berlin, Beschreibung d. ant. Mz._ 1, 1888, p. 131 n°s 4, 7 ; St. Poole, _British Mus., Gr. Coins, Thracia_ p. 232 n° 10 a : Cybèle assise entre 2 lions ; Mt 85, Cyb. assise, un lion couché ; 86, Cyb. sur un lion (Septimius Severus). --- Wiczay, _Mus. Hedervar._, 1, 2263 ; Postolakas, _Cat. d. monn. ant. du Mus. d'Athènes_ (en grec) 1, p. 126 n° 902 (Caracalla). --- Mt. 1, p. 371 n° 60 : Cyb. assise, lion accroupi, Atys debout (Gordianus P.). --- _Beschreib._ 1, p. 134 n° 20 : Cyb. assise entre 2 lions (Maximinus). Avgvsta Traiana (_Eski Sagra. Stara Zagora_, Bulg.). --- Monnaies attribuées par Mionnet à Trajanopolis. Mt., _Suppl._ 2, p. 508 ss : n°s 1790, Cyb. sur un lion : 1791, Cyb. assise dans un temple tétrastyle ; 1792, dans un temple héxastyle (Severus) ; --- Poole _l. c._, p. 178, Cyb. assise entre 2 lions (Domna) ; --- Mt 1837, id. (Caracalla) ; --- 1865, id., un lion (Elagabal). Bisanthe ? (_Rodosto, Tekirdagh_, Turquie). --- Cybèle assise entre 2 lions, main dr. posée sur la tête du lion ; travail barbare. Dumont-Homolle, _Mél. d'archéol. et d'épigr._, 1892, p. 402 n° 76 l. ; mais de provenance indéterminée, cf. p. 399. --- Autre relief du Musée, au type de Cyb., indiqué comme provenant de Mesini. Byzantion (_Constantinople_). --- Mordtmann et Dethier, _Epigr. von Byz._, pl. 6, 8, cf. Foucart, _Assoc. rel._, p. 88 : dédie, votive à Meter Theôn Mamouzénè par une femme, avec image de Cybèle au tympanon, assise entre deux lions. --- _CIG._ 2039 : dédicace à Thea Mâ par Tib. Claudius Chairémôn et Tib. Claudius Aurelianus Archelaos. --- Relief en marbre ; Cybèle assise, tenant patère et tympanon, un lionceau sur ses genoux ; Musée de Berlin : _Verzeichniss d. ant. Skulpt._ (1891), 700. --- Cf. Hesych. Mil. 4, dans Mueller, _Fragm. Hist. Gr._ 4, p. 149 ; Codin., _De patr. Cnopol._ 4 (Brun p. 6) : Byzas, ayant fondé la ville, y éleva un temple et une statue de Rhéa ὅτι καὶ Τυχαῖον τοῖς πολίταις τετίμητο ; --- Zozim. 2, 31 : statue de Mêter Theôn Rhéa, apportée de Cyzique par Constantin et transformée en Orante. Callipolis (_Gallipoli_, Turquie). --- Relief au type de Cybèle assise, un lionceau sur ses genoux : Mordtmann dans _Ath. Mitt._ 6, 1881, p. 265 ; Dumont-Homolle, _op. l._, p. 432 n° 100 k. Devltvm (_Derkou_, Bulgarie). --- Mionnet, _Suppl._ 2, p. 282 n° 479, et Cohen 4, p. 464 n° 605 (Severus Alexander ; ℞ Cyb. assise entre deux lions, patère dans la dr., sceptre dans la g., coude g. sur le tympanon) ; --- Mt 578-9, et Cohen 5, p. 121 n°s 281-2 (Philippus Sen ; ℞ Cyb., même type, sans sceptre). --- Colonie flavienne de vétérans de la légion 8 Aug., en 82 ; _CIL._ 6, 3828. Hadrianopolis (_Andrinople_, Turquie). --- Monnaies de M. Aurelius, Commodus, Caracalla, Geta et Gordianus P., au type de Cybèle trônant, un lion à ses pieds, ou entre deux lions, ou assise sur un lion : Mionnet _l. c._, p. 304 ss, n°s 621, 646, 689, 690, 735 ; St. Poole, _l. c._, p. 119 n° 24 ; Postolakas, _l. c._ 947 ; Dressel dans _Zeitschrift f. Num._ 24, 1903, p. 31. --- Statuette en bronze : Attis, jambes croisées, main g. tenant la syrinx, main dr. ayant tenu le pedum ; adossé à une colonne que surmonte un chapiteau corinthien. Musée du Louvre ; Longpérier, _Notice des br. ant._ 446 (anc. galerie Pourtalès, vendue en 1865, _Catal._ 661) ; cf. Dumont-H., _op. l._, p. 358 n° 62, 5. Mesemnria (_Misivria_, Bulg.). --- Monnaie : St. Poole, _op. l._, p. 134 n°s 18, 19 (Philippus Sen. et Otacilia ; ℞ Cybèle assise, tenant patère et tympanon ; près d'elle « lapin » ? --- Sestini, _Medaglie ant. gr._, p. 31, 3 et pl. 6, 3 (Gordianus P. ; deux Corybantes). Pavtalia (_Küstendil_, Bulg.). --- Mionnet _l. c._, p. 368 ss, n°s 977 (Antoninus P.), 979 (M. Aurelius), 1005 (L. Verus) ; ℞ Cyb. assise sur un lion. Perinthos (_Eregli_, Turquie). --- Mionnet _l. c._, p. 434 s, n°s 1374 (Pupienus ; deux femmes, l'une tenant patère et haste, l'autre ayant à ses pieds un lion, Tychè et Cybèle ? ) ; 1384 (Gordianus P. ; Cybèle assise, tenant patère et tympanon, entre deux lions). --- Statuette de Cybèle, en marbre, travail de basse époque, au Musée de Berlin ; _Verzeichn. ant. Skulpt._ 703 : Dumont-H., _op. l._, p. 398, n° 74 z 13. --- Stèle à fronton, au type de Cyb. assise, tenant un lionceau, travail archaïque : Dumont-H. 74 z 17. Philippopolis (_Philippopel_, Bulg.). --- Autel et statue dédiés à Mêter Théôn par les Hellènes Bithyniens. pour le salut des Césars, du Sénat et du Peuple Romain ; Dumont-H., p. 345 n° 59, _Arch. ep. Mitt._ 17, 1894, p. 221 n° 126. --- Déd. pour le salut de Septime Sévère et de ses fils. Cybèle trônant ; près d'elle, gros lion ; _Rev. archéol._ 1878, 2, p. 299 ; Dumont-H., p. 341, 57 f. --- Monnaie au type de Cybèle : _Revue num._ 1908, p. 346 n° 4 (Septimius Severus). Rhaedestvs, v. Bisanthé. Selymbria (_Silivri_, Turquie). --- Stèle à fronton, au type de Cybèle assise, tenant un lion, style archaïsant ; Dumont-H., p. 370, n° 62 b 22. Serdica (_Sofia_, Bulgarie). --- Mionnet _l. c._, p. 488 n° 1679 (Caracalla ; ℞ Cyb. sur un lion). --- Inscr. bilingue. Sur une face, dédicace grecque, mutilée, à Agathé Tyché, avec listes de noms sur trois colonnes. C'est un album de « Mystriai » ; 1re colonne, l. 1, 2 : Valeria, Mère des Dendrophores ; une femme est dite μεμνίασα στολίδος (la stolis est la robe des mystes). Il est question d'un « hiéros doumos, » comme sur deux inscr. lydiennes : Buresch, _Aus Lydien_, p. 58 n° 34, autel de la Meter ; _CIG._ 3439, autel de Mên Tiamou et Mên Turannos. Le doumos serait une association cultuelle, spéciale au cycle de Cybèle et Attis ? Epoque de M.-Aurèle. --- Sur une autre face : dédicace latine pour le salut d'Hadrien par un « [sodalicium] verna[culorum], » selon la lecture de Filow, ou par un esclave impérial, « [Caes(aris)] n(ostri) [servus] verna, » selon la lecture de Walter : « Matri Deum [Magnae] fec(it) [et Atti(di) Menoty ? ] ranno per M. Iu[lium ? Satur _ou_ Anto]ninum sacer[dotem]. » Filow dans _Klio_, 9, pp. 253 ss ; Cagnat, _Ann. épigr._ 1908, 37 ; Otto Walter dans _Ath. Mitt._ 35, 1910, p. 144 ss. Sestos (près de _Boghalü_, Turquie). --- Galles, v. supra, p. 94. Traianopolis (près d'_Ourounjik_, Turquie). --- Monnaies : _Beschr. d. a. Mz._ 1, p. 242 n° 1 (buste du Démos ; ℞ Cyb. assise, sans couronne murale, près d'elle un lion) ; p. 170 n° 22 (Geta ; 4 Cyb. sur un lion) ; Mionnet, _Suppl._ 2, p. 512 n° 1811 (Caracalla ; ℞ id.) ; St. Poole, _l. c._, p. 179 n° 13 (Caracalla ; ℞ Cyb. assise entre deux lions). Zerhintos, (près d'_Enos_, Turquie). --- Grotte de Rhéa, dite aussi d'Hécate : Schol. vet. Marc. ad Lycophr. _Alexipharm._ 77. Sur le suffixe phrygien « unthos » (cf. Berek-unthos), indiquant une grotte, v. Pettazzoni, _Le origini dei Kabiri_, dans _Memorie d. Accad. dei Lincei_, 1909, p. 722 n. 6. Archipel Thrace Imbros. --- Statuette de Cybèle trônant, marbre : Conze, _Reise auf d. Inseln des thrak. Meeres_, 1860, p. 70 et pl. 15, 8. --- Deux autres, au Musée de Kastro : Fredich dans _Ath. Mitt._ 33, 1908, p. 106. Samothrakè. --- Monnaies. Mionnet _l. c._, p. 542 ss, n°s 9-12, 14-21 ; St. Poole _l. c._, p. 215 n°s 1-5, 11 ; Conze, Hauser, Niemann, _Arch. Untersuch. aus Sam._ 1875, p. 11, et _Neue Unters._ 1880, p. 9 ; _Beschreibung d. ant. Mz._ 1, p. 284 n°s 1-4, 9, 11-21, et pl. 7, 65 ; Von Sallet dans _Zeitschr. f. Num._ 16, 1888, p. 2 et pl. 1, 1 ; Head, _H. num._, p. 226. Sur une face, tète de Pallas. Sur l'autre, Cybèle trônant, avec patère et sceptre ; sous le trône, lion. Parfois le lion est absent, parfois (Mt 14, _Beschr._ 21) il est remplacé par un astre. De la période des successeurs d'Alexandre à celle de la domination romaine. --- « Spelaion » de Rhéa Bendis (Hécate) au mont Saon (Saos, héros éponyme, fils d'Hermès, sans doute Sabazios = Saoazios) : Schol. ad Lycophr. 78 ; cf. Tzetz. 1, p. 367 éd. Mueller. --- Sur le culte de Cyb., cf. Pettazzoni, _l. c._, pp. 664 ss (assimilation des Cabires et des Corybantes déterminée par le culte de Cyb.), 696 ss (importation relativement tardive du culte de Cyb.). --- Rapports de S. et de Cyzique : Rubensohn, _Myster. Heiligtümer_, 1892, pp. 173, 180 ; Kern dans _Arch. Anzeiger_, 1893, p. 130. Thasos. --- Statuette de Cybèle, en marbre, trouvée « in Limenas » : Sitte, dans _Arch. Jahreshefte_, 11, 1908, p. 150 et fig. 44. --- Dédicace au « Theos Mên Turannos Dionysos » : _J. of Hell. St._ 8, 1887, p. 411. Macédoine Amphipolis (_Neochori_, Turquie). --- Relief au type de Cybèle tenant dans la main dr. un grand tympanon et appuyant la g. sur un lion accroupi ; dédicace de Nicostratè à la Meter. Perdrizet dans _Bull. Corr. Hell._ 18, 1894, p. 423 n° 3. --- Figurine en terre cuite peinte : déesse trônant, coiffée du polos, tenant la patère. Sitte dans _Jahreshefte_ 11, 1908, _Beibtatt_ 98. --- Figurines en terre c. provenant de tombes : Attis debout ou assis, avec ou sans chien ; époque hellénistique. Sur 300 statuettes environ, la proportion des Attis est de 80 °/°. Perdrizet, _l. c._ 21, 1897, p. 514 ss et pl. 5-8 ; Sitte _l. c._, fig. 65 et 66. Edessa (_Vodena_). --- Dédicace à Meter Theôn, ann. 237 ou 238 ; Mordtmann dans _Ath. Mitt._ 16, 1893, p. 416 n° 1, c ; sur les affranchissements par vente à un dieu, cf. Calderini, _Manomissione in Grecia_, 1908, liv. 1, A, chap. 2, et B, chap. 1. Philippi (près de _Dikili-Tash_ et _Bereketlü_). --- _CIL._ 3, 639, fragment d'épistyle : « Mat]ri Deo[rum. » --- _CIG._ 2, 2010 c ; dédié à Meter Theôn par Proculus et Ulpia Meltinè. Thessalonica (_Selanik_, _Satonique_). --- Plaque en bronze, figurant un édicule ionique, à colonnes torses. Cybèle assise, coiffée du polos, tenant un sceptre dans la main g. et appuyant la dr. sur un cippe ; près d'elle, lion ; derrière, déesse debout. Des deux côtés, les donateurs ? Ancienne collection Rayet, _Catal. de vente_ 1879, p. 3 n° 15. Musée de Lyon. --- Dédicaces à Mâ Aniketos : _Rev. Et. Gr._ 11, 1899, pp. 169-173. Thessalie Hypatè. --- S. Reinach, _Rép. Stat._ 2, p. 472, 4 : Attis, ventre nu. Larissa. --- Médeios, fils d'Eurydamas, à Meter Theôn. De Sanctis, _Iscriz. Tessaliche_ 69, dans _Monum. d. Lincei_, 8, p. 61. Épire Dodona. --- Cybèle sur un lion, bronze, du meilleur style grec ; S. Reinach, _Catal. du Mus. imp. d'antiq._, Constantinople 1882, p. 66 n° 614. Nicopolis (près de _Preveza_, Albanie). --- Monnaies au type de Cybèle assise sur le lion : Mionnet, _Suppl._ 3, p. 385 n°s 185 (Commodus) : --- 191 (Severus) ; --- Mt 2, p. 58 n° 95 (Domna) ; --- Mt _Suppl._ 3, p. 390 n° 231 ; Gardner, _Brit. Mus., Catal. of Gr. Coins, Thessaly etc._, p. 107 n° 36 (Caracalla) ; --- Mt S. 3, 276 (Elagabal) ; --- 336 (Trebonianus) ; --- 347, et Gardner 43 et pl. 19, 18 (Gallienus) ; --- Mt _l. c._ 372 (Salonina). Corcyra (_Corfou_). --- Tête de déesse tourelée, marbre grec ; _Coll. di ant. del museo Naniano_, 1815, n° 206 ; cf. Paciaudi, _Monum. Pelopon._ 1758, 1, p. 190. --- Fragment de relief votif, 4e s. : Cybèle ? avec Hécate ? , éphèbe et adorant barbu ; au Gymnasion. Arndt-Amelung, _Einzelaufn._ 3, 606. A l'époque impériale, la Grande Mère y conserve sa part de souveraineté. De plus, au 1er siècle, elle bénéficie de la présence des auxiliaires galates qui occupent militairement le Bosphore. Entre Byzantion et Sestos, on lui rend un culte à Selymbria, Périnthos, Bisanthé, Callipolis. Sur la mer Noire, elle possède des temples publics à Mesembria et Anchialos. Dans ces deux villes comme à Périnthos, où la route militaire et commerciale d'Italie en Orient rejoignait la mer, son effigie persiste sur les monnaies jusque vers le milieu du 3e siècle. Près de l'embouchure de l'Hèbre, sur le territoire de Zerinthos, une grotte est consacrée à Rhéa ; la déesse y succède à Bendis-Artémis-Hécate. Nous la retrouvons sur les côtes de l'archipel thrace. Les habitants de Samothrace attribuaient à la Mère des Dieux et aux Corvbantes, ses fils, le peuplement de leur île ; les premiers autels de la déesse y seraient l'œuvre des Amazones. D'après une autre tradition, qui avait cours sous l'Empire, Attis y importa lui-même les orgies de Rhéa-Cybèle. Les légendes témoignent d'une longue concurrence entre la religion anatolienne et la religion indigène, dont les comptoirs phéniciens et l'occupation hellénique avaient déjà modifié par deux fois le fonds primitif. A vrai dire, la substitution de la Grande Mère à la « Mégalè Théos » des mystères, qui entraîna la substitution des Corybantes aux Cabires, fut relativement tardive. Mais elle était accomplie déjà sous les premiers successeurs d'Alexandre ; au 3e siècle, l'image de la déesse aux lions et au tympanon figure sur les monnaies insulaires. Les rapports de l'île avec Cyzique durent contribuer à cette évolution religieuse ; et des liens sacrés, que symbolisait l'un des mythes du héros Dardanos, unissaient Samothrace h l'Ida troyen. Sur la côte nord, au mont Saon, Cybèle a pris possession d'une caverne qui était un ancien sanctuaire de la Dame indigène. Identifiée à Hécate, elle apparaît ici dans son rôle funéraire. Mais le sceptre et l'astre, sur les monnaies de l'île à l'époque romaine, sont les attributs d'une reine des cieux. L'île d'Imbros, autre centre du culte cabirique, celle de Thasos, centre d'un culte dionysiaque, renfermaient aussi des temples de la Mère des Dieux. Cybèle y partageait avec Dionysos la tutelle de célèbres vignobles ; et le titre de Mên Turannos, qu'y porte Sabazios-Dionysos, révèle nettement les affinités de ce dieu thrace avec Attis-Mên. Il ne semble pas que Cybèle et Attis, avant la création de la province romaine de Thrace, se soient beaucoup éloignés du littoral. L'intérieur du pays demeurait à peu près barbare. A Philippopolis même, fondation macédonienne dans la haute vallée de l'Hèbre, elle n'a laissé aucun vestige qui soit antérieur à la période automne ou peut-être sévérienne. Hadrianopolis, métropole industrielle et marchande des plaines de l'Hèbre, au carrefour de routes stratégiques, Trajanopolis, qui surveille l'embouchure du fleuve, au pied du Rhodope et sur la route de Macédoine, ont mis la Grande Mère au nombre de leurs divinités poliades ; et on y adore avec elle Attis. Mais c'est seulement dans la seconde moitié d'un siècle que le type métroaque s'introduit dans la numismatique de ces colonies. Il en est de même à Pautalia, dans la haute vallée du Strymon, sur l'une des routes qui relient la mer Noire et l'Adriatique, à Serdica, sur un affluent du Danube et sur la route de la Morava, à Augusta Trajana, qui commande l'un des principaux passages des Balkans. Par de trop rares inscriptions, nous pouvons juger du rôle des trafiquants anatoliens, du rôle des esclaves et des affranchis, et de celui des femmes, dans la propagation du culte phrygien. Au 2e siècle, un groupe d'Hellènes Bithyniens résidait à Philippopolis ; c'étaient sans doute des négociants, réunis en collège. Désireux d'embellir le sanctuaire de leur déesse nationale et d'en accroître l'importance, ils érigent à la Mère des Dieux une statue et un autel. Sous le principat d'Hadrien, à Serdica, un esclave impérial ou quelque confrérie d'esclaves offre peut-être un taurobole, en tout cas dédie un autel pour le salut de l'Empereur. La dédicace est faite en latin à la Mère des Dieux Grande et à Attis Mên Turannos. L'autre face fut utilisée au temps de Marc-Aurèle pour y graver, en grec, l'album d'une confrérie de mystes. Ces mystes sont des femmes, qui paraissent appartenir à la meilleure société de Serdica. Elles portent une robe spéciale. Leur confrérie s'intitule un saint « doumos, » terme qui ne s'est retrouvé jusqu'ici qu en pays lydien, dans les cultes de Mên Turannos et de la Mêter. Si l'on franchit la frontière de Macédoine par la route de l'Euxin à l'Adriatique, on retrouve de suite la Mère des Dieux au pied du Pangée, à Philippi, colonie d'Auguste. Y possédait-elle un Metrôon municipal ? Elle partageait, ce semble, avec la déesse thrace Cotys, devenue Vénus Cotytto, un petit temple rond hors les murs, près d'une source. Sur le chemin de Salonique, Cybèle et Attis furent très populaires à Amphipolis. Esclaves et marchands les y avaient introduits durant la période hellénistique, de même qu'ils les avaient importés avec Mên dans la ville de Philippi. D'innombrables figurines du Bon Pasteur peuplaient la nécropole et protégeaient les morts. Tantôt il y est représenté debout, tenant pedum et syrinx et s'adossant à un arbre, qui est le symbole de résurrection ; tantôt il est assis sur un rocher, la tête appuyée sur une main dans une attitude de sommeil ; et près de lui veille un chien, attribut des dieux funéraires. Une plaquette en bronze, d'un type fort rare, et qui fut un ex-voto, témoigne de l'existence du culte à Thessalonique : dans un édicule d'ordre ionique, à colonnes cannelées, Cybèle assise tient de la main gauche un long sceptre et appuie la main droite sur un pilier-bétyle. On adorait dans cette même ville la Dame (Kyria) Mâ Aniketos Epekoos, importée sans doute ici, comme à Byzance, par des esclaves d'origine pontique et cappadocienne. Voulait-on affranchir l'un d'eux ? On le consacrait à la Dame de son pays. Toute une série d'actes de consécration à Mâ date des années 224-255. Si l'esclave était d'origine phrygienne, on le vouait à la Grande Mère de Phrygie. C'est par un de ces actes que nous connaissons le Metrôon d'Edessa, sur la Voie Egnatienne par où l'on gagnait l'Adriatique : en l'an 237 ou 238, Aurélia Luciana étant prêtresse, Autrônia Gaia fait hommage à Meter Theôn d'une fillette née dans sa maison. Au sud de l'Olympe, sur la route de Salonique en Grèce, la Mère possédait aussi des temples en Thessalie. Elle eut ses dévots à Larissa, capitale politique et marchande. Plus au sud, sur la frontière grecque, elle protégea les eaux thermales d'Hvpatè, que dominent les hautes parois de l'Oeta. En Epire, on a retrouvé son image à Dodone ; et il est possible qu'à l'origine Rhéa fît partie du cycle de Zeus Dodonéen. Durant la période impériale, le centre du culte métroaque est à Nicopolis, colonie fondée par Auguste en face d'Actium. Sous les Sévères et jusqu'au temps de Gallien, on y frappe des monnaies au type de Cybèle. Mais la déesse apparaît toujours assise sur le lion, comme on la voyait au Cirque, sans doute parce qu'elle présidait aux Jeux Actiaques. En face de la côte épirote, on l'adorait aussi à Corfou. ## 5\. Nous avons vu quelles antiques traditions perpétuait, dans la Grèce propre, le culte de la Grande Mère.* Elle fut la Dame aux lions de la religion mycénienne et des cultes pélasgiques. S'identifiant à Rhéa comme Mère des Dieux et probablement en raison d'une commune origine, elle s'en différencie dans le culte. Mais Rhéa est une divinité vieillie. Sauf dans certaines régions, et surtout dans le massif arcadien, où son culte reste lié à celui des hauts lieux et des sources, Rhéa possède plutôt des autels que des temples ; et ces autels se dressent en général, avec ceux de son époux Chronos, dans les enceintes consacrées à leur fils Zeus Olympios. Depuis le 5e siècle, au contraire, se sont multipliés les temples de la « Mégalè Mêter. » Le nombre croissant des métèques, dont beaucoup sont Lydiens et Phrygiens,* contribue à cette expansion. La popularité de la déesse grandit à l'époque hellénistique et persiste à l'époque romaine. Sous la dynastie antonine, un Grec d'Asie qui fut l'un de ses dévots,* Pausanias, nous a signalé ses principaux sanctuaires. Les fouilles nous en ont révélé beaucoup d'autres. *) V. p. 7 ss. *) Xenoph., _De redit._ 2, 3. *) Il paraît être initié, cf. 2, 3, 4 ; il était né probablement en Lydie. On l'adore dans les cités et dans les campagnes, auprès d'abondantes fontaines, aux sources des rivières, dans des gorges boisées, à l'intérieur ou dans le voisinage de cavernes, au flanc ou sur la cime de montagnes. Elle a pour cortège les Nymphes, les dieux fleuves et Pan aux pieds fourchus, qui joue delà syrinx. Déesse guérisseuse, dame tutélaire des eaux thermales, nous la voyons s'associer au dieu médecin Asclepios. On lui rend un culte dans l'Asclepieion d'Epidaure, dans celui de Sicyone, dans celui d'Athènes ; on vénère Asclepios dans un Metrôon proche de Tanagra, et nous les retrouvons ensemble dans l'île de Kéos. D'étroites relations unissent la Mêter et Apollon, comme en Orient. Leurs cultes sont rapprochés à Mégalopolis, à Hermione et dans la grotte de Vari. Avec la pélasgique Gaia, la Dame aux lions précéda peut-être à Delphes Apollon Pythios ; et le dieu lui réserve un rôle dans ses oracles. Ces liens se manifestent par des traditions plus ou moins légendaires : on attribuait aux oracles pythiens la fondation du Metrôon d'Athènes et celle du Metrôon de Thèbes,* de même qu'ils auraient contribué à l'introduction de la déesse dans la cité romaine. Enfin, Cybèle est apparentée à l'une des plus grandes et des plus populaires divinités de la Grèce, à Démeter. Leurs autels sont tout voisins dans un temple de Lycosura. Éleusis même lui ouvrit ses portes. Dès le 6e siècle, l'hymne à Démeter faisait intervenir Rheia dans le drame éleusinien : elle fut auprès de Démeter la messagère de Zeus.* Au 5e siècle, Euripide les confond ; dans un chœur d'« Hélène, » c'est la Mère des Dieux, Dame des monts, « Meter Théôn Oreia, » qui pleure et recherche sa tille disparue.* Cette assimilation n'est point une erreur ni une liberté de poète. Nous en retrouvons ailleurs d'autres témoignages. Elle est déjà signalée dans l'œuvre de Mélanippide, antérieur au moins d'un demi-siècle ; elle reparaît sur une inscription d'Amorgos, qui porte mention d'une « demeure de Démeter Oreia.* » Mais surtout elle était familière, ce semble, à la population athénienne ; et peut-être Euripide s'inspira-t-il d'un cantique rituel d'Éleusis. Le Metrôon d'Athènes, attenant au Phéréphattion ou temple de Perséphone, et voisin de l'autel éleusinien des Heudanemoi, servait primitivement au culte de Déméter ; les deux sanctuaires rapprochaient la déesse mère et la déesse hile. C'est au Metrôon d'Agrai que l'on célébrait les petits mystères d'Éleusis ; ce temple aussi doit primitivement son nom à la Mère de Koré-Phéréphatta ; mais le nom y attira la Mère des Dieux, qui semble avoir pénétré dans le cycle éleusinien au temps des Pisistratides. Sur les monuments éphébiques des 2e et 1er siècles, Démeter, Koré et Mêter Theôn forment comme une triade sacrée. Annuellement les éphèbes vont leur consacrer des phiales ; et c'est aux fêtes éphébiques d'Éleusis que se rattache le rite des Galaxia, en l'honneur de la Mère des Dieux. Celle-ci reçoit de même à Éleusis, au nom du Sénat et du Peuple, l'annuel hommage de canéphories. Dans les ruines du sanctuaire éleusinien, l'on a retrouvé plusieurs statuettes de la Dame aux lions. En Attique et dans les régions soumises à l'hégémonie d'Athènes, son culte n'a pu que bénéficier considérablement de cette alliance. *) Julian. _Or._ 5, p. 159 ; Schol. ad. Pindar., _Pyth._ 3, 137. *) _Hymn. hom._ 5, 441 ss, éd. Baumeister. *) _Hel._ 1301-07 ; cf. _Orphica_, éd. Abel, p. 4, _Argonaut_, 21 s. *) Melanipp., _Fragm._ 10 Bergk ; _Bull. Corr. Hell._ 1888, p. 236 (5e s. av. J.-C.) ; cf. Gruppe, _Gr. Mythol._ 1542 n. 1. Le Metrôon d'Athènes se dressait à l'angle sud-ouest de l'Agora, presque au pied de la colline de l'Aréopage et près de la route qui conduisait à la Pnyx. Situé dans le voisinage immédiat du Bouleutérion, on y déposait pour cette raison les archives d'État. Pausanias et Arrien attribuent à Phidias même la statue cultuelle, qui était célèbre ; à vrai dire, elle sortait de l'atelier d'Agoracritos de Paros, disciple favori de Phidias. Elle représentait la déesse assise entre deux lions et tenant le tympanon ; la Cybèle de la villa Doria-Pamfili, à Rome, réplique d'un original du 5e siècle, en reproduit vraisemblablement le type.* Il y avait d'autres sanctuaires dans la ville.* Sur la pente nord-ouest du Mouseion, la Mêter possédait un domaine sacré ; une inscription gravée dans le roc indique encore l'emplacement du « hiéron. » Peut-être occupa-t-elle aussi un sanctuaire en compagnie d'Artémis, et un autre, sur l'acropole, en compagnie du dieu Pan. Quant au Metrôon d'Agrai, il s'élevait en dehors de l'enceinte, sur la rive gauche de l'Ilissos, entre le Stade et la route de Sunium. Hors d'Athènes, le plus important des sanctuaires métroaques de l'Attique est celui du Pirée. Antérieur au 3e siècle, et fondé par des Anatoliens dévots de la Grande Mère, on a cru le retrouver sur la péninsule rocheuse de l'Aktè ; c'est en effet de là que proviennent les nombreuses dédicaces des Orgéons. Le _hiéron_ ou _temenos_ comprenait une cour (_aulè_, chez les Romains _campus Matris Deum_), le temple proprement dit (_naos_), le local des thiasotes (_oikos_) avec cuisine (_mageireion_), peut-être aussi le logement des prêtres. On découvrit, encore engagé dans un mur, un bassin que le trésorier Nikias avait consacré à la Mère des Dieux. Ce mur appartenait à l'_oikos_ ; et ce vase servait aux lustrations des confrères, comme celui qui décorait, à Rome, une salle de la basilique Hilarienne. Sous l'Empire, l'important commerce du Pirée et les privilèges officiellement reconnus au culte phrygien maintiennent l'activité du temple. Un ex-voto de Mélitinè, fille de Primus et ancienne prêtresse, date de l'époque antonine ; une dédicace à la Mère des Dieux Bienveillante et Guérisseuse pourrait bien ne dater que de l'époque des Sévères. *) Cf. Furtwaengler, _Statuenkopien_, p. 53, pl. 10. *) Province romaine d'Achaïe, textes et monuments figurés (les noms modernes sont en italiques). Attique Acharnai (_Menidi_). --- Dans un naiskos à inscr. fruste, Meter tenant un lionceau sur ses genoux ; à g., adorant ; _Ath. Mitt._ 13, 1888, p. 337 n° 502. Agrai. --- Meter : _CIA._ 1, 273 (_426-422_ av. J.-C.). --- Metrôon, temple ionique amphiprostyle, détruit au 18e s. ; bibliogr. dans Judeich, _Topogr. von Athen_, 1905, p. 370. --- Relief au Musée d'Athènes. Déesse debout dans une grotte, entre le jeune échanson et la j. fille dadophore ; en haut, tête de fleuve. Conze dans _Arch. Zeitung_ 1880, p. 6 n° 10 et pl. 4, 3. Anagyrovs (_Vari_). --- Hiéron de Meter Theôn : Paus. 1, 31, 1 ; cf. Frazer, _Comment._ 2, p. 401 (peut-être à la chapelle de Tous-les-Saints, au S. E. de Vari). --- Grotte d'Archédémos, au N. E. : _CIA._ 1, 423-431 ; _Ath. Mitt._ 5, 1880, p. 217 ; Frazer, p. 426 ; _American Journal of Archaeol._ 1903, n° 2. Athenai. --- Paus. 1, 18 : Cronos et Rhéa dans le temple de Zeus Olympios. --- Metrôon (hiéron de Phrugia Thea, Poll. 3, 11) : textes dans Judeich, _op. l._, pp. 305-307, et Farnell, _Cults of the greek States_, 3, 1907, p. 382. Statue : Paus. 1, 3, 5 (Phidias) ; Plin., _H. n._ 36, 17 « Agoracriti opus » ; Arrian., _Peripl._ 9. --- _CIA._ 1, 4, fête de Meter Theôn ; --- 2, 167, 404, 444, 446, 453, 476, 551,672, 836 ; 3, 1085 ; 4, 385, 458 ; _Ephem. arch._ 1887, 177, et 1910, 2 : mention du Metrôon comme dépôt d'archives, du 4e s. à l'époque d'Hadrien. --- _CIA._ 2, 465, dédicace éphébique de phiale à Demeter, Corè et Meter Theôn, 2e s. av. J.-C. ; 466-8, 470-1, autres à Meter Theôn, 2e et 1er s. (cf. Dumont, _Éphébie attique_, p. 267) ; --- 2, 607, dédicaces-en _324-3_ av. J.-C. ; --- 2, 1388 b (1er s. av. J.-C.) et _Ephem. arch._ 1895, 102 n° 14, canéphories à M. Th. ; --- _CIA._ 2, 1620, ex voto à M. Th. par Demetrios, fils de Lucius, de Marathon, et Xanthippe, fille d'Apollonios de Phalères, 1er s. av. J.-C. ; --- 3, 172, taurobole d'Archelaos ; 173, taurobole de Mousônios, « accompli en Athènes » ; cf. _Arch. Zeitung_, 1863, pl. 175-177 ; Sybel, _Katal. d. Skulpt. zu A._ 581-2, Staïs, _Catal. du Musée d'Ath._ (1910), 1746-47. --- _CIA._ 3, 206, deux tuiles, consacrées à M. Th. par Dionysios et Ammônios, époque romaine ; --- 3, 207 et _Suppl._ 1659 c : M. Th. et Artémis ; --- 3, 354, Μητρὸς θεῶν, au théâtre de Dionysos ; --- 3, 4062, prêtre de M. Th. et de l'Agapetos Aurelios (Septime Sévère ? ) ; --- _Ephem. Arch._ 1899, 237-240 : ἱερὸν Μητρός, inscr. rupestre sur le versant N. O. de la colline du Mouseion, 4e s. av. J.-C. --- _Ibid._ 1910, 17 : Armenos fils d'Antiphatès, prêtre en _328/7_. Ziebarth, dans _Götting. Nachrichten_ 1899, p. 118 n° 18, tablette d'imprécation par Hermès, Hécate, Gè, et Meter Theôn. --- Relief avec images de Pan et dédicace à Meter Theôn par Isias, fils de Diodôros, du dème de Lamptrai, trouvé sur l'Acropole : _Ath. Mitt._ 1896, p. 275. --- Figurine de terre cuite, trouvée sur l'Acropole, mais d'importation : _Arch. Jahrbuch d. Inst._ 1893, _Anzeiger_ p. 146 ; 1895, p. 129 n° 22 (Meter portant un lion sur ses genoux, peut-être du 6e s.) ; culte de la Meter et d'Asklepios sur le versant sud de l'Acr. : Milchhoefer, _Die Museen Athens_ (1881) 45 a, 48 b. --- Statuettes de la Meter trônant, coiffée du polos, tenant tympanon et patère, un escabeau sous les pieds, généralement dans des édicules à fronton ; Musée central, n°s 1540-1557 ;cf. Sybel, _op. l._, et Staïs, _op. l._ ; Reinach. _Rép. Stat._ 2, 271, 3. La déesse tantôt porte un lionceau sur ses genoux, tantôt appuie la patère sur la tête d'un lion accroupi. Sceptre au lieu de tympanon, n°s 1543 et 1545 (main g. percée pour sceptre en bronze). Double naiskos, avec deux images delà Meter et éphèbe au prochoos, n° 1540 ; provenant de l'église d'Hagios Demetrios, au pied de l'Hymette ; cf. Conze, _l. c._, p. 3 n° 1, et pl. 2, 1. Avec éphèbe choéphore ou dadophore et vierge dadophore, n°s 1544, 1553, 1554, 1556 (sur le rebord g., Pan), 1557 ; cf. Conze _l. c._ p. 2 n°s C-G. --- Cybèle trônant, lion à sa dr. ; Musée d'Ath. 1613 ; Reinach, _op. l._ 4, 163, 7. --- Autre, bras restaurés ; British Muséum, 1706 ; Reinach 3, 83, 1. --- Autre, attributs indistincts ; Cambridge, Fitzwilliam Museum : Michaelis, _Ancient marbles_, p. 247 n° 3. --- Autre, avec patère et lion accroupi. _Vente Serrure_, 1903, pl. 2, 134 ; Reinach 3, 251, 3. --- Torse d'Attis ; Sybel 979. Statuette d'Attis, Sybel 981. --- Au Musée du Louvre : Cybèle assise, lionceau sur ses genoux ; --- autre, lion accroupi : _Catal. somm._ 2600, 2601. Elevsis. --- Au Musée, _a._ Statuette acéphale de la Meter, un lionceau sur les genoux (h. 23 cm). --- _b._ Autre, de même type (h. 26 cm). --- _c._ Naiskos, brisé à dr., avec Meter trônant, tenant une patère sur la tête d'un lion accroupi. --- On avait cru retrouver une fosse taurobolique ; Lenormant dans _Rev. d'archit._ 1868, p. 61 ; Sayous dans _Rev. Hist. d. Religions_ 16, 1887, p. 152. Kephisia. --- _CIA._ 3, 235. _Limiko_, an sud de Rhamnonte. --- _Ath. Mitt._ 12, 1887, p. 310 n° 352. Marathon. --- Statuette de la Meter : _ibid._, p. 311 n° 358. --- Autel votif d'une femme à M. Th. ; _ibid._ 18, 1893, p. 208 n° 1. Oropos. --- _CIA._ 3, 61 A 3 29 : Φλ. Θάλεια Χωρ(ίου) Μητρῴου ἐν Ὠρωπῷ. Époque d'Hadrien. Paiania (_Liopesi_). --- Statuette de Meter tenant patère et tambourin, un lionceau sur ses genoux : _Ath. Mitt._ 12, 1887, p. 95 n° 64. Peiraievs (_Pirée_). --- Metrôon : Foucart, _Assoc. rel. chez les Grecs_, 1873, p. 85 ss ; Judeich, _op. l._, p. 400. --- _CIA._ 2, 610, 614, 618-624, thiasotes et Orgéons ; --- 627, Aphrodite Syria, adorée au Metrôon ? --- 741, Hermès Hegemonios, rattaché à la Meter ? --- 1337, déd. par Nikias, « tamias » de thiase ; --- 1594, déd. par Manès et Mika avec relief ; Musée d'Athènes, n° 1554. --- _CIA._ 2, 1613 = 3, 131 : déd. à Artémis Nana ; --- 3, 94, déd. de Mélitiné, fille de Primus, du dème Paiania, Philémon étant prêtre (entre 161 et 170) ; --- 134, déd. de Polynikè, femme de Moskhiôn, du dème Philaïdes, à Meter Theôn Euantêtos Iatriné (époque impériale) ; --- 135, déd. d'Euphris, fils de Patron, du dème de Probalinthos (1er s. ap. J.-C.) ; --- 136, base de la statue de Megistè, fille d'Architimos, du dème Sphèttos, dédiée par elle à M. Th. Euantêtos Iatriné Aphroditè (1er s. ap. J.-C.) ; --- 137, déd. d'Himertos, de Marathon, à M. Th. Euantêtos Iatriné (2e s. ap. J.-C.) ; --- 197, Hermès Hegemonios ; --- 888, Philostratè, fille d'Aropos d'Azanion, et femme de Philocratos, du Pirée, consacre leur fille à M. Th. par ordre de la déesse (époque d'Auguste) ; --- 4, 2, 620 b et 624 b, thiasotes. --- Au Musée du Pirée, statuettes de la Meter assise, en marbre, avec ou sans « naiskos, » avec ou sans escabeau, soit portant un lionceau sur les genoux (A), soit accompagnée d'un lion accroupi (B). Type A _a._ avec patère et tympanon, h. 19 cm (brisée en haut) ; --- _b._ patère et tympanon de profil, h. 30 cm ; --- _c._ patère dans la main dr., main g. sur le genou, acéphale ; --- _d._ patère dans la dr., acéphale, h. 17 cm ; --- _e._ patère dans la dr., main g. percée pour sceptre en bronze, h. 34 cm ; --- _f._ id., à dr. vierge dadophore, à g. Pan, h. 39 cm ; --- _g._ les mains sur le lionceau, sans attributs ; à dr. vierge dadophore, à g. éphèbe ; 27 cm ; cf. _Deltion_, 1889, p. 47 ; --- _h._ tête et buste brisés, h. 10 cm ; --- _i._ tête, et pieds brisés ; h. 10 cm ; --- _j._ tête et bras g. brisés, patère dans la main dr., h. 19 cm. --- Type B : _k._ patère dans la dr. ; main g. ayant tenu le sceptre ? h. 29cm ; --- _l._ tète et bras brisés, h. 45 cm. --- Fragments : _m._ buste et genoux, patère dans la main g. ; h. 19 cm ; --- _n._ tête à polos, dans un naiskos, h. 16 cm. --- Au Musée d'Athènes : Mêter assise, le polos percé pour une parure de métal ; cf. _Rev. archèol._ 14, 1866, p. 350. --- Au Musée du Louvre : Cybèle assise, lion accroupi : Reinach, _Rép. Stat._ 2, 270, 4 ; De Villefosse et Michon, _Catal. somm._ 2443 ; --- Cybèle assise dans un naiskos, tenant patère et tambourin, un lionceau sur ses genoux ; éphèbe et jeune fille sur les pilastres : De Vill. et M. 2602. --- Au Musée de Berlin : Cybèle assise, tenant patère et tympanon, un lion sur ses genoux ou près du trône : _Beschr. d. ant. Skulpt._ 1891, n°s 691-695 ; cf. Conze _l. c._, p. 1 ss n°s A (Meter de profil ; devant elle, éphèbe et vierge dadophore), B a (avec éphèbe et vierge), H et pl. 4, 1 (Cyb. dans une grotte ; éphèbe). Phlya (_Khalandri_). --- _CIA._ 3, 173, autel taurobolique de Mousônios. Sphettos (_Koropi_). --- Statuette provenant de Philiati : Meter assise, un lionceau sur les genoux : _Ath. Mitt._ 12, 1887, p. 98 n° 104. _Vari_, v. Anagyrous. Béotie Chaironeia. --- _CIGSept._ 1, 3315, 3378-79 : actes d'affranchissement par consécration à Meter Théôn Megalè. --- Paus. 9, 41, 6 : Rhéa, sur le Petrakhos. Orchomenos. --- _CIGSept._ 1, 3216 ; cf. supra, p. 249 note. Plataia. --- Paus. 9, 2, 7, mythe de Rhéa. Tanagra. --- Fouilles d'un temple près de Mustaphadès. Reliefs en marbre pentélique, au Musée d'Athènes ; cf. Sybel. pp. 210 et 226. _a._ Meter assise, Pan, un héros topique, les 3 Nymphes (5e s.) : Koerte dans _Ath. Mitt._ 3, 1878, p. 390 n° 156 ; Conze _l. c._, p. 3 n° K ; Loewy dans Arndt-Amelung, _Einzelaufn._ 5, 1902, p. 23 n° 1250, avec bibliogr. ; --- _b_, _c_, _d_, _e_, _f_) fragments de naiskoi, avec Meter au tympanon ; Koerte 157-161 ; --- _g._ fragments de Cybèle assise, tenant un sceptre dans la main dr. ; --- _h._, _i._ autres, avec Korè dadophore ; --- _j._ tête de Cybèle ou Demeter ; Koerte 162-165. --- _CIGSept._ 1, 560, ex-voto de Cornelia Euphrosinè, d'Athènes, pour ses enfants ; --- 561, fragment d'édicule ; --- 562 (Koerte 158), déd. à la Meter. --- Au Louvre, relief avec « Cybèle tenant une double torche, » trois nymphes dans une grotte, et Pan ; De Villefosse et Michon, _op. l._ 751 : Tanagra ? Thebai. --- Paus. 9, 25, 3 ; cf. Frazer, _Comment._ 5, p. 135 ; Schol. ad Pind. _Pyth._ 3, 137. --- Ovid., _Metam._ 10, 686, temple bâti par Echion dans une forêt. --- Culte de la Grande Mère et mystères des Cabires : Robert dans _Jahrbuch d. arch. Inst._ 5, 1890, p. 236 s. --- Relief en calcaire : Cybèle assise, tenant le tympanon ; Koerte _l. c._, p. 329 n° 26. --- Relief en marbre, trouvé au village de Karantà. Musée de Thèbes, n° 86 : Cybèle dans un naiskos, éphèbe sur le pilastre g. ; Koerte, _l. c._, p. 397 n° 178 ; Conze _l. c._, n° 50. Thespiai. --- _CIGSept._ 1, 1811 : Ageisis à Mater Mégalè, dédicace gravée sur une colonnette. --- Tête voilée et tourelée, Tyché ? Mionnet 2, p. 111 n° 114. Mégaride Pagai. --- Monnaies au type de Cybèle ; Head, _H. num._, p. 330 (M. Aurelius, Septimius Severus) ; --- Cybèle assise, tenant patère et sceptre, un lion près d'elle : Imhoof et Gardner, _Numism. Comment. on Pausanias_, p. 9 et pl. A 4, cf. _J. of Hell. St._ 6, 1885, p. 58 ; _British Mus., Cat. Gr. Coins, Attica_, p. 125, 1 et pl. 22, 1 (Septimius Severus) ; --- Mionnet, _Suppl._ 3, p. 593 n° 401 : femme assise, tenant épis et sceptre ; à ses pieds, lion accroupi (id.). Péloponèse Acriai, Laconie. --- Paus. 3, 22, 4 (éd. Hitzig, 1, p. 853), Frazer, _Comment._ 3, p. 380. Alpheios (sources de l'), Arcadie. --- Paus. 8, 44, 3 ; Frazer, _C._ 4, p. 417. Alpheios (vallée de l'), Arcadie, Elide. --- Dio Chrys., _Or._ 1, p. 59 R. Arcadia, cf. supra p. 7 n. 5. Argos. --- _CIGPel._ 1, 659 : donation de terrain à un thiase. --- Célébration de mystères, au 3e s. : _Confessio S. Cypriani_ dans _Acta Sanct._, sept. 7, p. 222, et Preller dans _Philologus_ 1, 1846, p. 349 ; cf. _CIA._ 3, 172. Asea, Arcadie, v. sources de l'Alpheios. Azanion, Arcadie. --- Paus. 10, 32, 3 ; Lact. Placid. ad Stat. _Theb._ 4, 292 : « in illo monte Azanio ut Jupiter ita etiam Mater Deorum colitur ritu idaeo. » Corinthos. --- Supra, p. 23 n. 3, métragyrtes. --- Paus. 2, 4, 7 ; cf. 3, 4, à propos d'une statue d'Hermès. --- Monnaies au type de Cybèle assise entre deux lions : _Catal._ Wiczay, 3907 (Hadrianus) ; --- avec un seul lion : Mionnet, _Suppl._ 4, p. 85 n° 576 ; Imhoof et Gardner _op. l._, p. 25 n° 32, et pl. F 120, cf. _J. of Hell. St._ 6, 1885, p. 74 (Antoninus P.) ; --- Imh. et G., _ibid._ (M. Aurelius, --- Domna) ; cf. Head, _H. num._, p. 340. --- Au Musée de Klagenfurt, relief en marbre blanc, de basse époque, au type de Cybèle assise ; trouvé « près du temple de Junon, à Corinthe » (communication de M. Loewy). Dymè, Achaïe. --- Paus. 7, 17, 9. --- Monnaie autonome, avec tête de déesse voilée, Mêter ou Démeter : Imhoof et Gardner, _op. l._, p. 74 n° 2. Epidavros, Argolide. --- _CIGPel._ 1, 1034, dédicace à Megalè Meter Theôn par le prêtre Diogénès (fin du 3e s. après J.-C.), trouvée dans l'Asclepieion ; --- 1307 : Ματρός κθ, sur une base ; --- 1308, dédic. à M. Th. à la suite d'un songe, par Melanôpos ; trouvée avec une inscr. au nom de Statilius Secundus, prêtre. --- S. Reinach, _Chroniques d'Or._ 1, p. 279 : statuette de Cybèle en marbre. Hermionè. --- _CIGPel._ 1, 700, dédicace à Helios Hyperiôn, près du « sekos » de la Mêter ; culte d'Hélios, cf. Paus. 2, 34, 10. --- Monnaies au type de Cybèle : Imhoof et Gardner, _op. l._, p. 51, cf. _J. of Hell. St._ 6, p. 100 (Plautilla) ; --- Head, _H. num._, p. 370 (de Sévère à Geta). Lykaion (mont), Arcadie. --- Callim., _Hymn. in Jov._ 10 ss. Lykosovra, Arcadie, --- Paus. 8, 37, 2 ; Frazer, _Comment._ 4, p. 367. Mantineia, Arcadie. --- Paus. 8, 10, 2 ; cf. Fougères, _Mantinèe et l'Arc. orientale_, 1898, pp. 225 ss (Poseidôn Hippios), 334 (Rhéa et la nymphe Arné), 236 (Rhéa et Demeter). Mégalopolis, Arcadie. --- Paus. 8, 30, 4 ; Frazer, p. 318, avec carte. Messénè. --- Paus. 4, 31, 6 ; cf. 9, Megaron des Curètes. Methydrion, Arcadie, v. Thaumasion. Olympia, Elide. --- Paus. 5, 8, 1, Dactyles Idéens et Curètes ; 14, 9, autel de M. Th. (sans doute l'autel à l'ouest du Metrôon) ; 20, 9, Metrôon (temple dorique périptère) : 6, 25, 5, statue de Corybas ; cf. Frazer, _op. l._ 3, pp. 563 et 621 s. --- Schol. Ad Pind. _Ol._ 5, 10, et _Frg. H. Gr._ 2, 36, 29, autel de Cronos et Rhéa. --- Cymbales consacrées dans le temple de Zeus, v. supra, p. 8 n. 4. Patrai, Achaie. --- Paus. 7, 20, 3 ; cf. Frazer, _op. l._ 4, p. 147. --- Monnaie au type de Cybèle assise, tenant patère et sceptre, un lion près d'elle ; Imhoof et Gardner, p. 79 n. 7, cf. _J. of Hell. St._ 7, p. 83 (Commodus). Phigaleia, Arcadie. --- Paus. 8, 41, 2: mythe de Rhéa. Sikyôn. --- Paus. 2, 11, 8, xoanon de Mèter Theôn. Spartè, Laconie. --- Paus. 3, 12, 9, hieron de Mégalè Mêter ; cf. Sam. Wide, _Lakonische Kulte_, 1893, p. 204 s. --- Statuettes de Cybèle, en marbre, au Musée : _a._ assise sur un lion, pieds sur un escabeau, bras g. sur le tympanon orné d'une étoile à huit rayons, basse époque ; --- _b._, _c._ trônant, bras g. sur le tympanon, lion près du trône ; --- _d._ trônant entre deux lions, dans un naiskos. Dressel et Milchhoefer dans _Ath. Mitt._ 2, 1877, p. 330 n°s 47-50 ; cf. Tod et Waec, _Catal. of the Sparta Museum_, Oxford, 1906. --- Naiskos de Cybèle, au Musée d'Athènes : _Ath. Mitt._ 2, p. 379 n° 194 ; Heydemann, _Ant. Marm. zu Ath._ 762. --- Grande lampe en terre c. : Attis, en chlamyde, étendu sous un arbre, le pedum en main ; dans le champ, tympanon et flûtes. Furtwaengler, _Coll. Sabouroff_, pl. 75, 4 ; Musée de Berlin, _Vasensammlung, inv._ 2825. Tegea, Arcadie. --- Paus. 8, 47, 3, mythe de Rhéa. --- Attis, assis sur un sarcophage que décorent des scènes de bataille, terre cuite, au Musée d'Athènes. Pervanoglu, _Nuove memorie d. Instituto_, p. 76 et pl. 7, 7 ; Martha, _Catal._ 601. --- Déesses assises, pierre : Reinach, _Rép. Stat._ 2, 682, 4 et 5. Thavmasion (mont), Arcadie. --- Paus. 8, 36, 3 ; Frazer, _op. l._ 4, p. 363. Troizen, Argolide. --- Relief : double image d'une déesse assise, tenant la patère ; Legrand dans _Bull. Corr. Hell._ 29, 1905, p. 303 n. 1. --- _CIGPel._ 1, 757 B, l. 10-12, télestes de Mégalè Mêter, 3-2e s. ; cf. Wide, _De sacris Troez._, 1888, p. 65 s ; Poland, _Gr. Vereinswesen_, p. 553, B 9. --- Rapports de Trézène avec les Orgéons du Pirée : _CIA._ 2, 614 ; avec Halicarnasse : Strab. 8, 6, 14 ; 14, 2, 16. Eubée Eretria. --- Relief en terre cuite : Cybèle ? au tambourin, sur un char traîné par des chiens-loups ; peinture rouge sur le tambourin et le chiton, bruneviolacée sur les animaux ; _Bull. Corr. Hell._ 1898, pp. 214 s et 416 fig. 2. Oreos. --- Statue de Cybèle trônant entre deux lions ; phot. à l'Institut germ. d'Athènes : Euboea 3 ; cf. Arndt-Amelung, _Einzelaufn._ 533. Cyclades Amorgos. --- _Rev. archéol._ 1896, 2, p. 73. --- Naiskos de la Meter assise, les mains posées sur les genoux ; au Musée de Dresde. Reproduit dans _Arch. Jahrb._ 1898, _Anzeiger_ 52 s, et dans _Jahreshefte_ 1899, p. 200. Andros. --- _CIGIns._ 5, 730 : Nemesis et Adrasteia. --- Conze, dans _Arch. Zeitung_, 1888, p. 5 n° U : relief des Nymphes ; mais la déesse assise serait une nymphe, et non la Meter : Bulle dans Arndt-Amelung, _l. c._ 1329. Delos. --- _Bull. Corr. Hell._ 6, 1882, pp. 500 ss, n°s 22, dédicace à M. Th. : --- 25, déd. à Zeus Pantocrator et à Meter Megalè Toute Puissante, sur l'ordre d'Osiris, par Aristokydès, fils de Démarctos, et Artemôn, fils de Pytheos : 3e-2e s. av. J.-C. --- _Ibid._ 30, 1906, p. 558 s, fig. 22 : statuette de Cybèle trônant, avant-bras brisés, trouvée dans la maison dite de Dionysos, rue du Théâtre : vêtements roses et bordés de bleu ; --- p. 601 s, fig. 44 ; autre, mutilée, même rue : cf. Reinach, _Rép. Stat._ 4, p. 162, 1 et 6. --- Autres ; Reinach, _l. c._ 2 et 5. Keos. --- _Bull. Corr. Hell._, 29, 1905, p. 358 n° 14 ; dédicace à M. Th. parmi prêtre. Basse époque. Melos. --- Statuette d'Attis ? terre cuite : Heuzey, _Figurines ant. du Louvre_, pl. 37, 2 ; _Bull. Corr. Hell._ 1896, p. 99. Paros. --- _CIGIns._ 5, 239 : dédicace à Meter Theôn par C. Iulius Rufus, près de Parikia ; --- 240 : sacellum de Thea Phrygia, à Leukai ; --- 241 : fgt d'épigramme à une déesse « couronnée de murs » ; --- 245 ; relief d'Adamas, au Marpessos (4e-3e s.) ; Conze _l. c._, p. 5 n° T, et 1888, p. 205 ; Loewy dans _Ath. Mitt._ 11, 1886, p. 168 s. --- La chronique de Paros, _CIGIns._ 5, 444, signale l'apparition de la Meter sur les monts Kybèles, Erichthonios étant roi d'Athènes. Thera. --- _CIGIns._ 3, 416 : temple de Thea Basileia (chapelle d'H. Nikolaos Manrarénios), élevé par Epilonkhos et Kritarista : --- 436, borne d'un terrain consacré à M. Th. ; sacrifices d'Archinos, 4e-2e s. ; --- 437 : déd. d'une dîme à M. Th., sur le rebord d'un vase ou bénitier en marbre ; --- 438 : Mollios à M. Th., petit autel cylindrique. Ces 3 inscr. trouvées près du village de Kontokhori, ainsi que deux lions en marbre ; cf. Hiller von Gaertringen, _Die Insel Thera_, 1899, pp. 172 et 307. --- _Ibid._, pp. 159 et 172 : un « Bakalos, » cf. supra, p. 292. Crète Nicand., _Alexiph._ 217 ss et schol. : Zacore Kernophore de Rhéa. --- Diod. Sic. 4, 80 : culte des Meteres nourrices de Zeus. --- Ps. Dionys. Areop., _Ep._ 8, 6, fête des Hilaria. --- Schol. ad Clem. Alex., _Protr._ 2, p. 22 éd. Pott : Epiménide, prêtre de Zeus et Rhéa. --- Monnaies du Koinon au type de Cybèle assise entre deux lions : Wroth, _Catal. Gr. Coins, Crete_, p. 3 n° 18 ; Svoronos, _Numism. Crète anc._ 1, 1890, pp. 345-351, n°s 65, 73, 109, et pl. 34, 3 et 11. Cnossos. --- Diod. Sic. 5, 66. Gortyna. --- Attis, au pied d'une statue d'homme, brisée. Savignoni dans _Roem. Mitt._ 5, 1890, p. 142 ss ; S. Reinach, _Rép. Stat._ 3, 137, 5. Lebena. --- Philostr., _Vit. Apoll._ 4, 34 : Promontoire offrant les apparences d'un lion, d'où viendrait le nom de cette ville ; légende du lion de Rhéa. Sur le nom phénicien de Lebena, cf. Gruppe, _Gr. Mythol._, p. 817. Le culte de Rhéa s'y trouvait peut-être lié à celui d'Asclepios ; cf. Philostr., _l. c._ Phaistos. --- Epigramme de la période hellénistique (début du 2e s., d'après Paribeni), sur un naos de Megalè Meter : Halbherr dans _Museo Italiano_ 3, p. 736 ; Maas dans _Ath. Mitt._ 18, 1893, pp. 272-6 ; Wernicke _ibid._ 19, 1894, pp. 290-3 ; Maas, _Orpheus_, 1895, pp. 309-312 ; Drexler dans _Wochenschrift f. klass. Phil._ 12, 1895, 1291 ss (allusion au taurobole ? ) ; Comparetti dans _Wien. Studien_, 1902, pp. 265-275 ; Dieterich, _Mutter Erde_, 1905, p. 112 : A. J. Reinach dans _Rev. Hist. d. Religions_, 52, 1905, p. 427 s ; Paribeni, dans _Monumenti Antichi_ 18, 1908, p. 314 s. Rhithymnia. --- Tête de Mêter, tourelée et diadémée, style attique du 4e s. ; Furtwaengler, _Coll. Sabouroff_, texte relatif à la pl. 25. [Planche 12. --- 1. _Statue de Cybèle_, en marbre, à Rome, villa Doria-Pamfili.](https://cdn.solaranamnesis.com/HenriGraillot/12.jpeg) Dans le reste de l'Attique, nombreux étaient les sanctuaires de la déesse, dame des montagnes et dame des sources. Il en existait à Menidi, l'ancien dème d'Acharnes, au pied du Parnès et de ses forêts de pins ; à Képhisia, près de la belle source du Céphise et de bois ombreux, au pied du Pentélique ; à Khalandri, entre le Pentélique et l'Hymette, près des sources de Kalogrésa dont l'aqueduc d'Hadrien amenait l'eau dans Athènes ; à Liopesi, l'ancien dème de Paeania, sur le versant oriental de l'Hymette ; à Koropi, dans la plaine de la Mésogée où régnait Artémis, entre l'Hymette et le massif du Laurium. Pausanias signale un « hiéron » au dème d'Anagyrous, situé à l'extrémité méridionale du mont Hymette. La Mère des Dieux fut très honorée sur ces falaises qui dominent le golfe d'Egine. Près de Vari, son image et une tête de lion apparaissent encore, taillées dans la roche vive, à l'entrée d'une grotte où coule une source limpide : Archédémos de Théra, qui habitait le dème de Kholleidai quatre ou cinq siècles avant notre ère, avait consacré cette caverne aux Nymphes, à Pan et à Apollon. Au-delà du Pentélique, dans le « Haut Pays » (Diacrie), son culte ne fut pas moins répandu. On en suit les vestiges à Marathon, à Bey et près de Rhamnonte. Enfin nous connaissons un Metrôon sur le territoire d'Orôpos, à la frontière de Béotie ; sous l'Empire il donnait son nom à un « fundus. » La Grande Mère y fut sans doute attirée par la réputation d'une source sacrée, que fréquentaient de nombreux malades, et que l'influence thébaine avait fait mettre sous la protection du devin guérisseur Amphiaraos. A peine avait-on franchi la frontière béotienne, voici que la déesse réclamait de nouveaux hommages. Sur le territoire de Tanagra et près de la route qui reliait cette ville à Thèbes, elle possédait un temple au pied du mont Soros. Comme en Attique, elle y fut primitivement associée aux Nymphes, à Pan et à un dieu fluvial. A côté d'images votives du 5e siècle, on y a découvert un ex-voto dont la dédicace porte le nom romain de Cornelia. Les Thébains faisaient remonter aux âges mythiques leur culte de la Dame aux lions. Celle-ci avait présidé aux noces de leur roi Cadmos et d'Hermione. C'était le Sparte Echion, compagnon de Cadmos, qui avait élevé dans la forêt voisine le premier Metrôon de la région thébaine ; ce fut dans l'enceinte de ce temple qu'Hippomène et Atalante abritèrent leurs amours et se virent métamorphosés en lion et en lionne. Aussi bien, si l'on en juge par les nombreuses légendes qui situent près de Thèbes, de Platées, de Chéronée, la naissance de Zeus et le stratagème de sa mère, Rhéa serait une des plus anciennes divinités de la Béotie. La dévotion des Béotiens à la grande déesse préhellénique se reporta sur la Mère des Dieux. Dans ce pays de montagnes, de lacs, de grottes, où le sol se crevasse et tremble, son culte semble avoir été populaire. Dans un faubourg de Thèbes, à l'ouest de l'Acropole et du torrent de la Dirkè, Pausanias vit encore le « hiéron » consacré par Pindare à Mêter Dindyménè, près de sa maison ; une fois par an le sanctuaire s'ouvrait au public, qui pouvait admirer la statue et le trône de la déesse, en marbre pentélique, chef-d'œuvre des artistes thébains Aristomédès et Socratès. Il y avait un Metrôon à Thespies, que domine l'Hélicon, à Orchomène, sur les bords du lac Copaïs, à Chéronée, qui localisait sur son acropole la fable de Chronos lithophage, souvenir mythique du culte des pierres sur les hauteurs. Au fond du golfe de Grisa, dans la baie qu'enferment les massifs de Béotie et de Mégaride, le port mégarien de Pagai paraît subir surtout l'influence religieuse de Corinthe. Sous l'Empire, la Mère des Dieux est une de ses principales divinités poliades ; elle ligure sur les monnaies de la ville au temps de Marc-Aurèle et de Septime-Sévère. Corinthe était un centre du culte métroaque. La déesse possédait un « naos » très ancien sur l'Acrocorinthe. On n'y voyait point, ce semble, de statue cultuelle. Pausanias ne parle que d'un trône, selon la tradition préhellénique, et d'un pilier-stèle, survivance d'un culte bétylique. Mais il y avait probablement un autre Metrôon dans le quartier du port, où les marchands levantins installaient leurs comptoirs et devaient se grouper en thiases. La Cybèle orientale y faisait concurrence à la Mère indigène ; dès le 4e siècle les Galles pullulaient dans la ville. Ruinée par Mummius, Corinthe redevint prospère quand Jules César y eut établi une colonie romaine. Les monnaies de la colonie témoignent que, d'Hadrien aux Sévères, son Metrôon fut particulièrement florissant. Non loin de Corinthe, à Sicyone, Pausanias ne signale point de Metrôon, soit qu'il n'en ait pas rencontré, soit plutôt parce que l'édifice était insignifiant. Mais, dans le portique de l'Asclépieion, il remarque une statue en bois de la Mère des Dieux, voisinant avec des « xoana » de Tychè, Aphrodite, Hécate et Dionysos. A l'autre extrémité du golfe, Patrai et Dymé subissent, comme Corinthe, l'influence orientale ; notre guide y vit des temples de Mêter Dindyménè et d'Attis. Ce culte y fut-il introduit par les marchands qui débarquaient à Patrai, ou par les pirates de Pamphylie et d'Isaurie, que Pompée établit comme colons à Dymè ? Le Metrôon de Patrai était dans la ville basse, près du port. Pausanias n'y aperçut aucune image d'Attis ; mais il nota la statue cultuelle de la déesse, en pierre ; celle-ci ligure, au lin du 2e siècle, sur les monnaies de la colonie. A l'intérieur du Péloponnèse, nous retrouvons la Mère des Dieux hellénique, tantôt juxtaposée, tantôt substituée à Rhéa. Parmi ses temples, quelques-uns n'étaient déjà plus que des ruines sous la domination romaine : tel celui de Mégalopolis, en Arcadie. Dans cette capitale fondée par Épaminondas, se groupaient tous les cultes arcadiens ; et la Grande Mère y occupait une place d'honneur. Le Metrôon se dressait sur l'agora, entre le « naos » de Zeus Lykaios et celui d'Hermès ; près du temple, on avait consacré une petite statue de la déesse, à droite d'une statue d'Apollon. Mais, au début de l'Empire, Mégalopolis est en partie déserte ; quand Pausanias la visita, il ne restait plus du Metrôon que la colonnade. D'autres sanctuaires avaient changé de destination : tel celui d'Olympie. Auprès de Zeus, dieu souverain de la ville sainte, il y avait eu très anciennement un culte de Rhéa : les autels accouplés de Chronos et Rhéa en perpétuaient la tradition, et les cymbales consacrées dans le temple de Zeus en font foi. Dans l'Altis même, s'élevait un Metrôon, temple dorique périptère, qui mesurait environ 20 m. 60 de long sur 10 m. 60 de large, avec six colonnes de façade et onze de côté. Il ne serait pas antérieur, d'après le style, à la première moitié du 4e siècle. Sous les premiers Césars, on le convertit en Augusteum ; et la Mère des Dieux n'eut plus désormais, comme Rhéa, qu'un autel. Toutefois, le culte de la Mêter demeurait généralement vivace et, dans beaucoup de cités, gardait son éminente situation. A Sparte, Pausanias constate qu'il est au premier rang et que Mégalè Mêter est l'objet d'une vénération sans égale. Des statuettes votives, d'assez basse époque, la représentent trônant entre ses lions, ou assise sur un lion ; elle appuie le bras gauche sur le tambourin, parfois orné d'une étoile à huit rayons. Auprès du Metrôon, on voyait un hérôon d'Hippolytos. Cet Hippolyte n'est-il qu'un aspect local de Poséidon Hippios, que nous retrouvons associés à la Mêter arcadienne ? Ou bien est-il, comme le croit Pausanias, le héros trœzénien, fils d'une Amazone et favori d'Artémis, dieu chasseur dont les femmes pleurent la mort, qu'Asclepios rend à la vie, et que Zeus change en astre ? On identifiait Hippolyte avec Adonis ; on put le rapprocher de la Grande Mère en l'identifiant avec Attis. Existait-il, d'autre part, un lien entre la Mère et les Dioscures, grands dieux de Sparte ? La présence de l'étoile sur le tympanon autorise à le croire. Près de l'embouchure de l'Eurotas, la ville d'Akriai honore aussi tout spécialement la Mère des Dieux. Notre guide n'y fait mention que du Metrôon, qu'il juge digne de la Mêter ; la statue cultuelle de la Dame, en pierre, passait pour être la plus ancienne du Péloponnèse, où il y en avait beaucoup. A Messène,par contre, la statue était relativement récente ; sculptée en marbre de Paros, elle montrait la signature de l'artiste messénien Damophon, qui paraît avoir vécu au 2e siècle avant notre ère. Nous sommes ici au pied du mont Ithôme où les Messéniens localisaient la naissance de Zeus et dont la cime portait un célèbre autel du dieu . Le culte métroaque s'y liait sans doute à ceux du Zeus Ithomatas, de la nymphe Ithômé et des Curètes, que l'on vénérait dans un antique « megaron. » C'est en Arcadie que ce culte manifeste le plus d'archaïsme. La Mère des Dieux y apparaît surtout comme la Mère de Zeus. Mythes et temples de la déesse Mère, inséparable du dieu Fils, s'y groupent autour de quelques montagnes sacrées. Le sommet du mont Azanion, sur les confins de l'Elide,se couronnait des autels jumeaux de Zeus et de « Mêter Théôn, » comme le sommet de l'Ida troyen ; on y célébrait des fêtes orgiastiques, auxquelles était associé l'ancêtre mythique Azan, fils de la nymphe du lieu. Vers la cime du mont Thaumasion, dans l'Arcadie du nord et près de Methydrion, s'ouvrait une caverne où l'on croyait que Zeus était né. Au temps de Pausanias, ce « spelaion » restait encore un sanctuaire de Rhéa ; et personne n'y pouvait pénétrer, sauf les prêtresses de la Dame. Au mont Lykaion, tout couvert de bois, la dévotion ne séparait point Rhéa de Zeus Lykaios, de Pan et des trois nymphes nourricières. Au pied de la sainte montagne, Rhéa protégeait la source et le cours de la Néda, divinité jadis souveraine, subordonnée plus tard à la mère de Zeus et devenue dans le mythe phigalien l'une des nourrices du dieu Fils. De même, près des sources de l'Alphée, non loin d'Asea, se dressait un antique Metrôon à ciel ouvert ; et sur les sources veillaient deux lions en pierre. Dans toute la vallée de ce fleuve sacré persistait un culte très ancien et très rustique de la Mêter, unie à l'Hercule Idéen ; il était desservi par des prophétesses, que les gens du pays venaient consulter au sujet de leurs troupeaux et de leurs récoltes. A Mantinée, ainsi qu'au mont Thaumasion, Rhéa est rapprochée de Poséidon Hippios, dieu des sources et « conducteur des Nymphes, » honoré en Arcadie comme époux de Déméter et comme père de Despoina-Perséphonè ; Hadrien restaura ce temple de Mantinée. L'alliance de la Dame des eaux courantes avec le dieu Cavalier, chez un peuple d'éleveurs et dans une région célèbre par la supériorité de sa race chevaline, la désigne comme protectrice des pâturages arcadiens. Son alliance avec Déméter la désigne, d'autre part, comme protectrice des récoltes d'orge et de blé. Toutefois la prédominance de Perséphone, dans certains lieux, spécifiait plutôt son caractère funéraire. Lycosoura, qui fut la capitale des rois pélasgiques d'Arcadie, cité sainte, mais presque inhabitée quand y passa Pausanias, renfermait un temple fameux de la Despoina ; devant l'entrée du « naos, » se dressaient trois autels, consacrés à Déméter, à Despoina et à Mégalè Mêter ; on voyait aussi dans l'enceinte un autel d'Artémis Hégémonè, conductrice des âmes. En Argolide, Trézène et Argos n'ont laissé que le souvenir d'un culte privé, comportant des mystères, sans doute introduit par des marchands ou des esclaves, et antérieur à l'Empire. Mais l'Argos romaine demeurait une cité prospère et un centre religieux, où l'on allait recevoir certaines initiations ; il est vraisemblable que s'y continua la tradition des mystères phrygiens. A Hermione, où trônait souverainement Déméter Khthonia, la Mère des Dieux possédait un « sêcos » ou enclos sacré. Elle y voisinait avec Hélios Hypériôn ; et leurs deux cultes paraissent être mis en relations, comme ils le furent en Asie Mineure. Les monnaies frappées à son image, sous les Sévères, témoignent de sa popularité. Enfin Epidaure l'avait accueillie près d'Asclépios, comme elle accueillit Apollon Sôter et Artémis, dieux guérisseurs. De l'enceinte même de l'Asclépieion provient une dédicace « à la Grande Mère des Dieux » ; elle est l'œuvre du prêtre Diogénès, qui se qualifie ailleurs d'hiérophante, de « propolos » de Déo, de prêtre d'Apollon, et qui vivait à l'époque des Sévères. Au nord-est de l'Asclépieion et non loin du portique supérieur, dans un édifice romain, on a découvert des statuettes votives de la déesse, d'Asclépios et de Pan. Dans les Cyclades, les monuments qui nous sont parvenus remontent presque tous à l'époque hellénique ; mais les traditions se perpétuaient sous la domination romaine. On adorait la Mêter à Kéos, vantée pour l'abondance de ses eaux ; son culte y est lié à ceux d'Asclepios, d'Hygie et de Démeter. Elle avait eu ses dévots à Délos, surtout pendant les deux siècles qui précédèrent l'Empire, quand l'île était le centre du trafic méditerranéen. Armateurs et marchands levantins, venus aux foires annuelles, lui dédiaient des autels dans le temple des Dieux Étrangers, sous la protection de Sérapis et d'Osiris. Ceux que leurs comptoirs retenaient à demeure dans l'île ne se contentaient pas toujours du temple ; ils consacraient à la Dame un petit oratoire près du foyer domestique : plusieurs statuettes de Cybèle proviennent de simples maisons. A Paros, elle figure, avec un lionceau sur ses genoux, dans une grotte du mont Marpessos ; le relief, où l'on croit reconnaître également Attis, fut consacré par un certain Adamas, au 4e siècle. Deux siècles après, un autre dévot lui dédie un naos près de Leukai, dans un vallon, au milieu des bois ; elle y était qualifiée de Phrygienne, et sans doute on y célébrait les rites phrygiens. Dans la ville même de Paros, ou dans la campagne suburbaine, s'élevait aussi un Metrôon ; il nous en reste l'ex-voto d'un C. Julius Rufus. Mélos, Amorgos, Théra rendaient un culte orgiastique à la déesse. Dans la ville de Minoa, sur la côte occidentale d'Amorgos, s'était organisé un thiase de mystes Samiens, où chaque initié payait la cotisation d'une drachme ; la prêtresse était élue pour dix ans, présidait aux initiations et fournissait les victimes. Dès le 5e siècle, un Bakèle ou prêtre eunuque desservait un sanctuaire privé de Théra. Sur les falaises occidentales, qui dominent l'ancien cratère, on voyait plusieurs de ces temples rustiques. Nous en connaissons deux. L'un subsiste encore au pied du mont Saint-Elie, dans la partie méridionale de l'île ; c'est une chapelle de plan carré, en marbre bleuâtre du pays, et contemporaine des premiers successeurs d'Alexandre. On y voit encore la place d'un autel rond, destiné aux offrandes, devant une niche à fronton, où trôna la « Reine. » L'autre, dans la partie septentrionale et tout près de Phira, s'entourait d'un petit domaine sacré. Un certain Archinos, qui vivait au 2e siècle avant notre ère, avait donné ce terrain à « Matêr Théôn» ; ou bien il avait simplement agrandi le domaine, si l'on veut rattacher le Bakèle à ce temple. On sacrifiait des bœufs, du froment, de l'orge, du vin et les prémices des fruits. L'une des fêtes avait lieu le 5 du mois Artémision, c'est-à-dire dans la seconde quinzaine de mars, à l'époque même des fêtes phrygiennes. Longtemps on apporta des offrandes et des dîmes à la Bonne Mère, qui faisait mûrir la vigne et protégeait l'île contre les secousses volcaniques. La Crète n'avait point oublié que Rhéa, quinze siècles avant la domination romaine, veillait déjà sur le palais minoen de Knossos. Près de cette ville, au temps d'Auguste, on montrait les ruines d'une « maison » de Rhéa, voisines d'un bois sacré de cyprès. A la pointe extrême du promontoire de Lébéna, port de Gortyne, une roche passait pour être l'un des lions de Rhéa. Sur l'Ida crétois et dans son antre sacré se perpétuait le pieux souvenir de la Déesse Mère et du Dieu Fils. Le culte d'une Mère divine, qui règne sur les montagnes et commande aux fauves, semble être toujours demeuré populaire en Crète. Il y restait sans doute associé, comme en Grèce, au culte des Mères nourrices de Zeus, qui sont ici les Nymphes Melissai. Un naos de la « Mégalé Matêr, » à Phaistos, renfermait une image miraculeuse de la déesse ; on y venait en pèlerinage pour obtenir des enfants. Sous Trajan, le « Koinon » des Crétois fait frapper des monnaies à l'effigie de la Mère des Dieux, assise entre deux lions. Sur l'agora de Gortyne, un Attis enchaîné au pied d'un guerrier, peut-être d'un empereur, exhibait son ventre et son sexe. Il est signé d'un certain Athenaios, fils de Dionysios, Parien, et date du 1er siècle de notre ère. Sa présence même sur le sol crétois, au temps des Flaviens ou des Antonins, paraît témoigner de la pénétration des rites phrygiens dans le culte indigène. Aussi bien celui-ci fut-il tout d'abord un culte orgiastique et mystique ; il avait admis l'extase, le prophétisme, des rites de baptême régénérateur et de communion avec la divinité. Sous l'ascendant delà religion asiatique, il remontait vers ses origines et reprenait ses caractères primordiaux. L'hellénisme avait opposé une longue résistance à l'esprit oriental. Pour les Grecs, Attis n'était qu'un barbare ; et les cultes helléniques l'ignorent. Néanmoins, dès la période macédonienne, il a pris pied au Pirée, à Corinthe ; avant l'Empire, dans les thiases dont nous avons constaté l'existence à Trézène, Argos, Amorgos, on fête les « Attideia. » C'est un culte secret et privé que l'on y célèbre ; mais à l'élément étranger, dont se composèrent tout d'abord les thiases métroaques, viennent s'adjoindre des citoyens. Au temps d'Auguste, l'Olympe officiel reste encore fermé à l'eunuque Attis. Au cours du 1er siècle, le Dieu phrygien réussit à s'y insinuer clandestinement, de même qu'il a su forcer les portes du panthéon romain. Plutarque, qui est de Béotie, consigne le fait avec tristesse.* Il reconnaît toutefois que ce dieu d'androgynes et de femmes, cet étranger qu'il voudrait voir traduire en justice, « se dissimule pour recueillir des hommages immérités. » Autrement dit, les fêtes d'Attis n'ont pas encore un caractère franchement public ; mais ses mystères font à la religion nationale une redoutable concurrence. Sous les Antonins, son audace n'a plus de bornes. Nous le savons par Lucien, qui vécut plus de vingt années en Grèce. « Cet Attis, ce Corybas, ce Sabazios, qui maintenant circulent au milieu de nous, » demande Mômos à Zeus, « d'où viennent-ils ? » Non contents de s'asseoir au banquet des Dieux « en tumultueuse cohue, ils prétendent, contre toutes les lois de la patrie, occuper les premières places.* » Sans doute, déclare ailleurs l'ironique Hermès, ils ne sont pas aimables, beaux et bien faits, comme les Dieux hellènes ; mais ils sont tout d'or massif. « Ce sont des dieux de poids, et de chers dieux, » ajoute-t-il en jouant sur les mots. Lucien qualifie de « Kômos » la fête grecque où l'on commémore « les malheureuses amours de la Daimôn phrygienne et du Pasteur.* » Cette fête est celle de mars, mais il ne s'agit plus ici de cérémonie secrète ; car le « Kômos » comporte une procession dans les rues, avec musique, chants et danses sacrées. Vers la même date, Pausanias cite les deux temples de Patras et de Dymè, qui sont placés sous l'invocation de la Dindyménè et d'Attis. A Hypatè, Milo, Tégée, Sparte, Delphes, Athènes, on a retrouvé des Attis votifs ou funéraires, de l'époque impériale. Ce sont en majeure partie des femmes, il est vrai, même au temps de Lucien, qui constituent la clientèle indigène du dieu.* Mais les jours viendront où Cybèle, triomphante, intronisera son berger à côté delà Démeter Éleusinienne. Démeter présidera aux tauroboles. Ce rite, auquel le génie grec s'était montré si longtemps réfractaire, finit par s'introduire en Attique. Nous avons conservé le premier autel taurobolique d'Athènes ; il n'est pas antérieur à la seconde moitié du 3e siècle, plutôt même au début du 4e. Le nom d'Attis y figure avant celui de la Mêter ; car le petit dieu est devenu le Très Haut, Hypsistos. Quant à la Mêter, elle a repris son ancien nom de Rhéa, qui rattache plus étroitement son culte aux traditions religieuses du pays. Le dédicant est un Athénien du nom d'Archelaos, qui se prétend issu d'une célèbre et vieille famille de la cité. Le pieux personnage avait la religiosité mystique et inquiète de son temps. Aussi cumulait-il déjà les fonctions de Cleidouque d'Héra Reine, en Argos qu'il habitait, et de Dadouque de Coré à Lerne. Sur les reliefs dont il a fait décorer trois faces de l'autel, il associe dans une intime union les Dames d'Éleusis et le couple de Phrygie. On y voit Cybèle et Déméter assises côte à côte, sous des guirlandes, des lustres (Kernoi) et des bucrânes. Près de Cybèle se tient Coré, qui porte deux torches ; Attis dadophore, en costume barbare, remplace Iacchos auprès de Déméter. De telles alliances, dont seul profite le nouveau venu, ne sont point rares dans l'histoire des religions. *) _Amator._ 13, p. 756. *) Luc., _Deor. concil._ 9 ; cf. _Jupiter trag._ 8 ; _Icaromen._ 27 (Attis le métèque) ; _Deor. dial._ 12 ; _Tragodop_ 32 ; _De Syr. dea_ 15 ; _De sacrif._ 7. *) _Amor._ 42 ; _Tragodop._ 35, à propos des fêtes lydiennes de Kybébé. *) _Amor._ 42 ; cf. _De Syr. dea._ 22. Le 27 mai 386, le Clarissime Mousônios recevait dans Athènes le baptême rouge. L'autel de son taurobole, où il fit reproduire les précédentes sculptures, est l'un des derniers monuments que nous ait laissé la religion métroaque. Trois autels seulement, à Rome, sont de quatre et cinq années postérieures. Le paganisme de la Grèce, comme celui de Rome, mettait son suprême espoir dans un culte oriental, qu'il avait durant de longs siècles méprisé et proscrit. ## 6\. Bien avant la conquête romaine, avant même la dynastie des Ptolémées, les marchands anatoliens avaient importé leur Grande Mère sur les côtes d'Égypte. Naucratis était une fondation milésienne, en constante communication avec l'Asie Mineure. On y a découvert des figurines de la dame aux lions, avec des poteries du 5e et du 4e siècles. Sous les Ptolémées, Alexandrie devient le principal entrepôt de la Méditerranée. Cybèle y posséda certainement un sanctuaire et des thiases ; Attis y protégea des sépultures. Sous l'Empire romain, ils jouent un rôle important dans la vie religieuse de la cité. On leur rend un culte public, et l'on frappe des monnaies au type de la déesse. Ses Métragyrtes y font concurrence, auprès des femmes, au clergé indigène d'Isis. De même à Canope, où Sérapis accomplissait des cures miraculeuses, elle reparaît comme Dame de santé et de guérison, que ses fidèles n'invoquent point en vain. Mais ce qui contribue à la propagation et à la prospérité de ses mystères, ce n'est pas seulement le commerce maritime. C'était, avant l'Empire, la présence des mercenaires,* dont beaucoup provenaient d'Anatolie.* Ce fut, au temps d'Auguste, la présence de la légion 22 Dejoteriana, originairement composée de Galates. Cette légion ne devait sortir d'Égypte qu'au temps d'Hadrien, qui l'expédia en Judée (133). La 3 Cyrenaïca ne passe d'Égypte en Arabie que sous Trajan. Elles continuaient à recevoir, l'une et l'autre, des contingents de Galates, de Phrygiens, de Pisidiens, de Bithyniens.* Dans la flotte alexandrine il y avait aussi des Mysiens, qui adoraient Meter Adrasteia.* Toutefois, en Égypte comme en Syrie, la puissance de la religion nationale paralysait l'influence des cultes étrangers ; elle empêcha l'intrusion des dieux phrygiens dans l'intérieur du pays. *) Sur l'importance de cet clément à Alexandrie, cf. Strab. 17, 1, 12. *) Cf. une stèle d'Hermoupolis Magna (Ashmounêin), qui paraît dater du règne d'Evergète 2 (146-116) ; elle signale un Phrygien, Mênophilos, et un Thrace ou Phrygien, Térès ; _Bull. Soc. arch. Alexandrie_ 1908, p. 189 ss : _Rev. Et. Anciennes_ 1908, p. 337. Gens de Kibyra ? _Klio_, 1908, p. 432. *) Cf. Mommsen, _Die Konskriptions ordnung der röm. Kaiserzeit_, dans _Hermès_ 19, 1884, p. 5. Il a relevé la présence de dix Galates d'Ancyre, d'un Bithynien de Nicée, de deux Pisidiens, d'un Amasien. *) Poland, _Gesch. d. gr. Vereinswesen_, p. 215, E 98 a. De l'Égypte au Maroc, nous retrouvons la Grande Mère dans presque tous les ports marchands du littoral africain* : à Cyrène, ancienne et riche colonie grecque, réunie par les Romains à la Crète pour constituer une province ; à Leptis Magna, principal emporium de la Tripolitaine ; à Gightis, près de la moderne Gabès et dans le voisinage de teintureries de pourpre ; en Hadrumète, centre d'exportation pour les blés et l'huile de la Byzacène ; à Carthage, repeuplée par Jules César et redevenue sous Auguste la plus florissante cité de l'Afrique ; à Hippo Diarrhytus, aujourd'hui Bizerte ; à Rusicade (Philippeville), dont le trafic est intense avec Pouzzoles et Ostie ; à Caesarea (Cherchell), dont les Romains firent un port militaire, et Portus Divini (Oran), par où s'effectue le commerce avec l'Espagne. *) Monuments du culte de Cybèle et d'Attis en Afrique (les noms modernes sont en italiques) . Égypte Alexandreia. --- Monnaies au type de Cybèle trônant entre deux lions : Stuart Poole, _Catal. Gr. Coins, Alexandria_ 427 et pl. 7 (Trajanus) ; --- Mionnet 6, p. 243 n° 1643, et p. 274 n° 1879 ; _Suppl._ 9, p. 85 n° 346 ; Poole 1041-42 ; Feuardent, _Égypte ancienne_ 2, p. 130 n° 1895 et _bis_ (Antoninus P.) ; --- Mt 6, p. 310 n° 2135, et p. 316 n° 2192 ; Poole 1350 et pl. 7 : Feuardent, 2146 (Faustina Jun.) ; --- Poole, 1465 et pl. 7 (Domna) . --- Statuettes de t. c., au Musée ; cf. supra, p. 414 n. 3. --- Statuette en bronze, à Paris, Cabinet des Antiques ; Babelon et Blanchet, _Catal. des br._ 668 : Attis ? avec bonnet constellé et chiton court, large ceinture, bras dr. levé, mains brisées ; --- cf. 673, Attis ? ailé, trouvé en Égypte. Canopos (_Aboukir_). --- _CIG._ 4695 : dédicace votive de Polycratès et Hermionè à Meter Theôn Soteira Epekoos, pour eux et leurs enfants. Navcratis. --- Figurines de Cybèle en terre cuite, v. p. 414 n. 3 et add. Fayoum ? --- Dédicace d'un temple à Agdistis Epekoos par Moskhos, prêtre, sous le 1er Philadelphe ? Jouguet dans _Bull. Corr. Hell._, 20, 1896, p. 398. Cyrénaique Cyrénè (_Gurena_). --- Statuette de Cybèle trônant entre deux lions, tenant une patère dans la main dr. et un lionceau sur ses genoux ; au British Muséum. Murdoch, Smith et Porcher, _History of the recent discov. at Cyr._, 1864, p. 107 n° 132. --- Attis ? _ibid._, n°s 62, 97, 111. Afrique Proconsulaire Carthago. --- _CIL._ 8, 12570 : Dendrophores, à leur patron, un procurateur impérial ou un proconsul ? --- Cagnat, _Ann. épigr._ 1898, n° 8 (pente orientale de la colline de Saint-Louis) : dédicace à Mater Magna et Attis par un proconsul qui fut 15vir, peut-être L. Aradius Valerius Proculus, entre 333 et 337. --- Statuette en marbre, à la Marsa : Cybèle assise entre deux lions, mains brisées ; De Villefosse dans _Bull. Soc. Antiquaires_ 1894, p. 201. --- Têtes tourelées, en marbre ; _Musée Alaoni, suppl._ 1907, p. 44 n° 925, cf. _Rev. archéol._ 1902, 2, p. 396 et pl. 17, 8, et 19, 3. --- Tête d'Attis ? en marbre : _Musée Alaoui_, 1897, 1, p. 56 n° 68. --- Fronton, en calcaire (largeur 2 m. 30) : Cybèle ou Caelestis sur le lion et tenant une couronne, entre deux paons. _Musée Alaoni, suppl._, p. 69 n° 1136. --- Figurines en terre cuite, provenant d'un temple de Jupiter Hammon et Silvanus Barbarus : Mên Attis posant le pied sur une tête de taureau ; Cumont, _Mithra_ 1, pp. 148 et 213. --- Lampes avec image de Cybèle ou Caelestis sur le lion : _Mém. Soc. Antiquaires_ 57, 1896, p. 139 ; _Musée Alaoni, suppl._ 1909, p. 185 n° 775 ; --- avec image de Corybante cannophore ? _Mém. S. Ant._ 56, 1895, p. 105 n° 14. --- Cf. supra p. 138, note, la Berecynthia de Carthage, d'après Augustin, _Civ. Dei_ 2, 4 : « nos adulescentes » ; les Galles « per plateas vicosque Carthaginis, » _ibid._ 7, 26. --- Esclave du nom d'Attis, « Aug(usti) serva » ; _Rev. archéol._ 1899, 1, p. 242 n° 53 ; cf. Thieling, _Der Hellenismus in Kleinafrika_, 1911, p. 124, Gightis (_Bou Ghrara_, golfe de Gabès). --- Fragment de statue en marbre : Cybèle ? assise entre deux génies, sur un trône que flanquent deux lions assis. _Musée Alaoui_, suppl. p. 59 n° 1038. --- Industrie, cf. Strab. 17, 3, 18. Hadrvmetvm, Colonia Concordia Ulpia Trajana (_Sousse_). --- Oscillum en marbre : buste de Cybèle tourelée et voilée, en haut relief ; dans le champ, cymbales. Gauckler, Gouvet et Hannezo, _Musée de Sousse_, 1902, p. 41 n° 13. --- Terres cuites. De la Blanchère et Gauckler, _Musée Alaoui_ 2, p. 132 n° 7, et pl. 29 : Orphée, non Attis ; --- n° 8 : tête d'Attis ? --- p. 144 n° 113 (= Lafaye dans _Coll du Musée Al._ p. 124 et pl. 8) : Cybèle sur le lion, décorant la spina d'un cirque ; --- _Bull. archéol. du Comité_ 1889, pl. 3, 7 : Cybèle ? ; --- _Mém. Soc. Antiquaires_ 56, 1895, p. 150 n° 46 ; _Musée de Sousse_, p. 63 n° 19 ; lampe, Cybèle ou Caelestis sur le lion. --- _Mém. S. Ant._ 61, 1900, p. 239 : grande lampe, avec tête de Cybèle ou Caelestis tourelée, sceptre. Hippo Diarrhytvs, colonia Julia (_Bizerte_). --- Patère en argent incrusté d'or, au Musée du Bardo ; _Monum. Piot_ 2, 1895, p. 78 : lutte d'Apollon et de Marsyas ; près de M., Cybèle, un satyre, Olympos. La déesse, tourelée et voilée, pose le bras droit sur le tympanon et étend la main g. vers une ciste. Œuvre hellénistique. Lares, col. Aelia Augusta (_Lorbus_). --- _CIL._ 8, 1776, fragment d'épistyle : « [Matri] Deum Aug[ustae] Magnae Ideae. » --- « Mediis tutissima silvis, » dit Corippus (6e s.), 6, 143. Leptis Magna (_Lebda_, Tripolitaine). --- Tête de Cybèle, en marbre ; au Musée de Syra. Reinach, _Chron. d'Or._ 1, p. 494. Mactaris (_Maktar_). --- _CIL._ 8, 11797. Ruines d'un temple. Deux semelles de plomb encastrées dans le dallage, devant deux autels votifs, l'un : « M(atri) M(agnae) et I(ano) P(atri) Aug(ustis) » ; l'autre : « Bone Deae August(ae) sac(rum) Iulia Casta Felicitas votum solvit l(ibens) a(nimo). » --- Cagnat, _Ann. épigr._ 1892, n° 18 : « M(atri) D(eum) M(agnae) I(daeae) Aug(ustae) sac(rum), » taurobole pour le salut de Probus, cf. supra p. 160, liste A, _y_ ; --- _ibid._ 1897, n° 121, id. pour le salut de Dioclétien et Maximien, cf. liste A, _z._ --- Le temple était dans la partie septentrionale de la ville, entre l'arc de Trajan et le cirque : Gauckler, _Temples païens de la Tunisie_, p. 60. --- Pour le culte de Caelestis, cf. Phil. Berger, _Le temple de Maktar_, dans _Mém. Acad. Inscr._ 36, 1898. Membressa (_Medjez el Bab_). --- Statuette d'Attis, provenant de Chououd el Batel ; au Musée du Bardo. Gsell dans _Mél. École de Rome_ 12, 1892, p. 198. Mididi (_Henchir Meded_). --- Stèle provenant d'un sanctuaire de Saturne : Jupiter ayant à sa dr. Cybèle ou Caelestis, assise sur le lion, et Mars ; à sa g. Cérés et Proserpine. _Musée Alaoui, suppl._ 1907, p. 61 n° 1098. Sicca Veneria, colonia Julia (_Le Kef_). --- _CIL._ 8, 1649 = 15834 : épitaphe d'un prêtre, cf. supra p. 242 ; sur la même pierre, épitaphe d'un autre Q. Valerius, flamine ; --- 15848 : « Matri Deum Magnae sacrum. » Thelepte, près de _Feriana_, Byzacène. --- Lampe en terre cuite, avec image de Cybèle ou Caelestis sur le lion. _Musée Alaoui_, p. 160 n° 113. Thvgga (_Dougga_). --- _CIL._ 8, 15527. Dendrophores sous Alexandre Sévère. Tipasa (_Tifech_), Numidie procons. --- _Ibid._ 4846 : « M. D. M. I. Sanctissimae, » criobole et taurobole, cf. supra p. 159, liste A, _r_ ; prêtre, p. 243. Vthina (_Oudna_). --- Lampe en t. c., avec image de Cybèle ou Caelestis sur de lion ; thermes de la villa des Laberii. _Musée Alaoui_, p. 160 n° 114. Zama Major (_Djama_), Byzacène. --- _CIL._ 8, 16440 : « M. D. M. I. Aug. sac(rum), signum Liberi publicum ex decreto ordinis//. » Numidie _Chebet er Ressas_, près de Madavra. --- _Bull. archéol. du Comité_, 1896, p. 273 n° 202 : « [Matri] Magnae [De]um sacr(um)//// Euth/// proc. m///templum cum///cillis et p/// d(e) s(uo) f(ecit) id(em) q(ue) d(e)d(icavit). » Cirta (_Constantine_). --- _CIL._ 8, 6940-41, dédicaces d'un curateur des Dendrophores à Castor et Pollux ; --- 6955 = 19416, déd. à Jupiter Optimus Maximus, Mater Deum Magna Idaea, Apollon et sans doute Diane, par M. Cocceius M. f. Anicius ? (cf. 7040) ou M. Coculnius Quintilianus ? (décoré du laticlave par Septime Sévère, cf. 6993, 7041-42, 19508). --- Grande statue de déesse tourelée : la Ville ou Cybèle ; _Musée de Const._ 1892, p. 36 ; « deux affreux lions provenant d'un temple, » _ibid._, cf. Delamare, pl. 129, 3 et 4. Cvicvl (_Djemila_). --- _Mém. Soc. Antiquaires_, 1910, p. 275 : « Matri Deum Magnae Aug(ustae) sac(rum)// Caecilius Paulinus, magister Dendrophorum, flamen annuus, curante C. Caecilio Rufino fil(io) v. s. l. a. » ; Cybèle assise. Lambessa. --- _CIL._ 8, 2633 : « [Matri Deum] Magnae Idaeae » ; dédicace ayant orné la façade d'un temple, à l'extrémité nord du plateau d'Esculape. Mascvla (_Khenchela_). --- _Ibid._ 2230 = 17668 : « Matri Deum Aug(ustac) sac(rum) pro salute impp. L. Septimi Severi Pii Pertinac(is) et M. Aureli Antonini Augg. e[t P. Septimi Getae Caes.] et Iuliae Aug. totiusque dom(us) divinae C. Sittius Ianuarius sacerd(os) dono dedit. » Entre 198 et 208. Les Sittii sont fréquents en Numidie. Milev (_Mila_). --- _Ibid._ 8203 = 19981 : « M. D. M. I. Sanctae sacrum factum pro salute Imp. Caes. M. Aureli Se[veri Alexandri] Pii Fel. Aug. etc., Qu[inti] Claudii Basilicus Nap( ? ) et Mnesius criobo[li]um fecerunt et ipsi susceperunt per C. Aemilium Saturninum sacerdotem, ex vaticinatione Archigalli : l(oco) d(ato) d(ecreto) d(ecurionum). » Entre 222 et 235. Nap, peut-être Napulus ou Nampulus, cf. 4774, 6012, nom indigène ? Les Aemilii Saturnini sont fréquents dans la région de Cirta ; cf. à Mileu 8212 ; sur le caractère africain du mot Saturninus qui, malgré sa forme latine, est emprunté à la nomenclature punique, v. Toutain, _Cités rom. de la Tunisie_, 1896, p. 183 s. --- Culte de Caelestis, _CIL._ 8, 8239, 8241 ; de Nutrix, 8245-47 ; des Cereres, 19993. --- La statue colossale et assise, en marbre, publiée dans _Rec. Soc. Constantine_ 20, 1880, p. 195 ss, pl. 22, cf. _Bull. Soc. Antiq._ 1892, p. 203, n'est pas une Cybèle, mais une Dea Nutrix. Rvsicade (_Philippeville_). --- _CIL._ 8, 7956 et p. 1878 : « Sancto Attidi sacrum genio dendrofororum C. Metteius Exuperans, dendroforus decretarius de suo fecit libenti animo dedicavit » ; sur le socle d'une statuette d'Attis, dont ne subsiste que la partie inférieure, jambes croisées, manteau long. Gsell, _Musée de Ph._, 1898, p. 51 et pl. 6, 5. --- Tête d'Attis, en marbre ; _ibid._ p. 52 et pl. 6, 4. --- Culte de Bellona : _CIL._ 8, 7957. Sigvs. --- _CIL._ 8, 5707 : épitaphe d'un prêtre, cf. supra p. 243 ; --- 19125 ; « [Ma]tri Deum [M. I.] Aug(ustae) sacrum Licinia I. f. E(x)tricata s(ua) p(ecunia). » --- _Ibid._ 5708, prêtre de Bellona. Thamvgadi (_Timgad_). --- _CIL._ 8, 17907, Dendrophores, à leur patron C. Annius C. f. Victor, de la tribu Papiria, flamine perpétuel, édile, cf. 2344. --- Statuette en pierre : Cybèle assise entre deux lions, trouvée dans le bassin de l'atrium d'une maison ; Ballu et Cagnat, _Musée de Timgad_, 1902, p. 9 et pl. 3, 6. --- Statuette en marbre rose, acéphale, très mutilée : Attis, de type funéraire, jambes croisées, main dr. sous le menton ; _ibid._, p. 11. --- Statuette en jayet : Attis assis sous un arbre, le coude sur un rocher, jambes croisées, pedum ; Musée du Louvre : Antiq. gr. et rom., acquisitions de 1897, n° 111. Thibilis (_Announa_). --- Tauroboles à Terra Mater, Aerecura, Mater Deum Magna Idaea, par Popilia Maxima, fille de M. Popilius, --- par P. Sextilius Honoratus, tribu Quirina ; v. supra p. 171. --- _CIL._ 8, 5521 : Bellona. Maurétanie Altava (_Lamoricière_). --- _CIL._ 8, 21722 : « [Matri Magnae Idae ? ]ae Sanctae/// [lo]ngo tempore/// [proc(uratore) Au]g(usti) n(ostri) instante [Alta]venenses perfecerunt. » Caesarea (_Cherchell_). --- _CIL._ 8, 9401 et p. 1983 : « /// enio C. f ./// Fatali [dee]urioni [splendi]dissimae [col]oniae C[aes]ariensis, re[li]gioso antistiti sanctissimi numinis Matris Deum Dendrophori dignissimo » ; --- 21070 : « /// Iulius Mustarius dendroforus///. » --- Waille, _De Caes. monumentis_, 1891, p. 89 : Cybèle ? assise sur un trône orné de têtes de béliers, statuette trouvée au phare. --- _Ibid._, p. 50, et Gauckler, _Musée de Ch._, 1895, p. 61 : tête d'Attis ? --- Waille p. 89, et Gauckler p. 141 et pl. 15, 3 : statue d'un prêtre de Cybèle ? en tunique à manches et manteau, couronne de laurier avec médaillon étoilé, longues infules à fusaïoles. --- Waille p. 52 : lampes avec Cybèle ou Caelestis sur le lion. --- Bellona, à Hammam Rirha (Aquae Calidae). Mons (_Kasbait_). --- _CIL._ 8, 8656 et p. 1926 : « M(atri) Deum M(agnae) Id[ae]a[e Aug(ustae) ? ] s(acrum), C. Clodius Felix q(uaestor) aed(ilis), ae/// sunmm ( ? ) petit[um et] ab ordine concessum cum Caecilia Amore genetrice et Pœnia /// coniuge, pecunia sua posuit //// pote fratre. » La restitution du _Corpus_, « Id[aea]e [et] At[tini], » est arbitraire. Nom indigène de _Poenia_. Nvmervs Syrorvm (Lalla Marnia). --- Statuette de Cybèle ? assise, tourelée, un bras abaissé comme pour tendre la patère, l'autre levé comme pour tenir un sceptre ; trouvée dans une tombe romaine ; _Rev. archéol._ 1847-48, p. 776. Portvs Divini (_Oran_). --- Relief d'un autel : déesse tourelée, tenant des épis dans la dr., soulevant de la g. le couvercle d'une ciste d'où sort un serpent ; près d'elle, bélier. De La Blanchère, _Musée d'Oran_, 1893, p. 36 s : Cybèle ? ? Portvs Magnvs (_Saint-Leu_) . --- Mosaïque. Robert dans _Arch. Jahrbuch_, 5, 1890, p. 233 ss et pl. 6 ; De la Blanchère, _l. c._, pp. 42 et 59 s, pl. 2 : « au pied de la statue de la Grande Mère, dans son bosquet sacré dont le gardien Pan est présent, le Cabire et sa compagne, etc. » ; interprétation erronée. Satafis. --- _CIL._ 8, 20246 : « Dis omnipotentibus, Sallustius proc. » ; peut-être P. Sallustius Sempronius, « procurator Mauretaniae » sous Alexandre Sévère, cf. 8828. Sitifis (_Sétif_). --- _Ibid._ 8457 = 20343 : « Deorum Onmipotentium Sancta[e ? M. D. M. I. et Attidis religionisque] » ou « Sanct(orum) A[ttidis et Matris Deum Magnae] Phrygi(a)e religosissimum templum//// una cmh religiosis et dendroforis//// [pietate ? ] singulari simulacrum deae arge[nteum ///, donare] ? et consecrare et exutraq(ue) parte ini[tiorum ? /// a fun]damentis, suis sumptibus magnificent[er ///si]mulacrisq(ue) numinum novis, id est. A[ttidis ? /// cellam ? ] implere votis omnib(us) curaverunt//// Libero ante fores sancti a fundamen[tis//// signum] publicum quia sancto doctius ad//// quadrato lapide instituerunt et ////porticum ? ignis incursionib(us) concrematam colum[nis novis/// re]praesentata dignitate picturae etc..., a(nno) p(rovinciae) 249 et ad therm[as depositum ? ] carpenti capistellis et strobilis ve[ller]eis exornatum dono dediderunt etc. » Année 288. Mais le culte s'est également propagé dans l'intérieur des terres et jusque sur les hauts plateaux. Dame des moissons, comme les « _Cereres_ » adorées déjà dans la Carthage punique, Cybèle fait mûrir le blé qui pousse dans les riches plaines du Tell et que l'on expédie sur les bords du Tibre pour l'approvisionnement de Rome. Associée à Liber Pater, elle protège des vignobles dont les produits sont fort appréciés en Italie. Dame des forêts, dompteuse des lions qui s'y repairent, elle a pris sous sa tutelle maquis et futaies qu'exploitent ses Dendrophores, et où l'on capture les fauves destinés aux cirques de la capitale. La forêt est l'une des richesses de l'Afrique romaine, qui exporte régulièrement en Italie des bois de chauffage et des bois de construction. Aussi les Dendrophores semblent-ils occuper une situation prospère, non seulement dans les centres de régions boisées et au pied des massifs montagneux, mais aussi dans les ports de commerce, à Carthage, Rusicade et Cherchell. Cybèle et Attis ont suivi la route qui reliait Carthage à Constantine. Dans la fertile vallée du Bagradas (Medjerdah), on a rencontré Attis près de Membressa ; sans doute présidait-il aux travaux champêtres dans le domaine d'un de ses dévots. Nous connaissons des temples municipaux de Mater Deum à Thugga, dont les Dendrophores constituent sous les Sévères une importante corporation ; à Sicca Veneria, où le sacerdoce métroaque est aussi recherché que le flaminicat des Augustes ; à Tipasa de Numidie, où l'on célèbre des tauroboles et des crioboles pour le salut de la maison impériale ; à Thibilis, où la pratique du taurobole pour le salut des âmes a pénétré jusque dans la classe bourgeoise et aristocratique. Pour expliquer la présence et le succès de Cybèle à Thibilis, il suffirait de la proximité de « Aquae Thibilitanae » (Hammam Meskoutine), station thermale qui fut parmi les plus fréquentées de l'Afrique romaine ; car Cybèle assume volontiers, en tout pays, la tutelle des eaux qui guérissent. D'autre part, les ruines de villages et de fermes attestent la prospérité agricole de ce territoire ; ce n'est sans doute pas seulement comme maîtresse des âmes et souveraine des enfers, c'est aussi comme protectrice des récoltes que la Grande Mère y est associée à la Terre Mère. Aux environs de Madaura, un temple pourrait être l'œuvre d'un intendant de domaine ; mais peut-être s'agit-il d'un procurateur impérial. Cirta, capitale d'une province, honore l'Idéenne avec les grands dieux du Panthéon romain. Son culte y fut probablement introduit par les fondateurs mêmes de la colonie julienne, en même temps que ceux de Jupiter Capitolin et des dieux chers à la famille des Jules. A Sétif, dont Nerva fit une colonie de vétérans, Cybèle et Attis sont les Omnipotents. Leur temple y fut restauré magnifiquement en l'an 288, après un incendie. Grâce au nombre et à la générosité des fidèles, on put réédifier, ce semble, un portique à colonnes et une salle d'initiation, décorer les parois de nouvelles fresques, ériger une statue de Liber Pater devant la porte à double battant du sanctuaire, restituer aux dieux leur luxe d'ex-voto, renouveler les saintes images et offrir à la Dame une icône en argent. Tout près de Sétif, à Satafis, on vénère également le couple des Tout Puissants ; et peut-être un autel y fut-il consacré dans leur temple par P. Sallustius Sempronius Victor, procurateur de la Maurétanie sous Alexandre Sévère. Entre Sétif et Cirta, sur les voies qui relient les deux capitales, on leur rend un culte public à Mons, où nous voyons un édile et sa famille leur dédier un monument votif sur terrain municipal ; à Cuicul, centre d'une région montagneuse et forestière, où nous avons conservé l'ex-voto d'un flamine qui fut maître des Dendrophores ; à Mileu, où deux affranchis reçoivent le baptême criobolique pour le salut d'Alexandre Sévère, après vaticination de l'Archigalle. De Cirta gagnait-on Thé veste ? On retrouvait les dieux phrygiens à Sigus. Y venait-on de Carthage par Thugga ? On pouvait les saluer à Lares, colonie d'Hadrien, où le voisinage d'immenses forêts explique sans doute la vitalité de leur culte. Entre les deux routes stratégiques et commerciales qui, de Carthage et d'Hadrumète, rejoignent Théveste, ils avaient pénétré dans la région montagneuse dont Mactaris occupe le centre. Leur culte y a laissé des vestiges à Zama Major, peut-être à Mididi, mais surtout à Mactaris, où son activité se manifeste encore sous Dioclétien. Comme sur toutes les frontières de l'Empire, l'armée contribue à sa diffusion. Rome entretient en Numidie la légion 3 Augusta, dont le camp permanent est d'abord Théveste et qui, dès le début du 2e siècle, s'établit à Lambèse. Vers le lin du principat d'Hadrien, malgré le recrutement régional, la majorité des soldats provient d'Asie Mineure et des provinces danubiennes. A leur suite, la Mère des Dieux s'est installée dans les villes neuves que cette légion fonda successivement au pied de l'Aurès. Elle eut ses temples municipaux à Mascula, Thamugadi, certainement à Lambessa. Dans cette dernière ville, son culte fut peut-être associé à celui d'Esculape, comme ceux de Jupiter Depulsor, d'Apollon et de Diane, de Silvanus, de Mercure et d'un dieu dalmate ; sur le plateau même, en effet, où s'élève le grand sanctuaire du dieu guérisseur, se dressait le temple de « Mater Magna Idaea. » A Thamugadi, l'on a retrouvé dans de simples maisons l'image de Cybèle, protectrice du foyer, et celle d'Attis, dieu des morts. Avec les troupes auxiliaires de la Maurétanie Césarienne, dont Septime Sévère fit une ligne de postes à la lisière des hauts plateaux, Cybèle s'avança jusqu'au Maroc. Dans une tombe, près de Lalla Marnia, où campait un détachement d'auxiliaires orientaux, on a découvert une statuette de la Mère divine. Les habitants d'Altava consacrèrent à la déesse un temple qui resta longtemps inachevé ; il fut terminé sur les instances d'un procurateur impérial. Rome favorisa l'expansion du culte. Nous en avons d'autres témoignages que cette intervention officielle des pouvoirs publics. Procurateurs et proconsuls donnent l'exemple de la piété, dédient des monuments, patronnent des confréries. Il y eut en Afrique un fort afflux d'immigrants italiens : employés des administrations provinciales, financières et domaniales, négociants qu'attirait la richesse du pays, agriculteurs qui venaient chercher fortune dans l'exploitation d'une propriété rurale. Certaines communes pérégrines renferment des « convents » de citoyens romains. Pour eux, la Grande Mère Idéenne est une divinité nationale, une des puissantes protectrices de l'Empire ; son culte est un élément de la civilisation latine. Par suite, il s'impose à la population indigène comme un gage de loyalisme. Sur dix-huit dédicaces, huit sont adressées à « Mater Deum Idaea, » quatre à « Mater Deum Idaea Augusta, » trois à « Mater Deum Augusta. » On associe donc son culte à celui des empereurs divinisés, comme en Gaule. On taurobolie pour le salut du prince vivant et de sa Maison divine. Les flamines augustaux se font les patrons des Dendrophores. Édiles et décurions veulent être au premier rang des fidèles. Ce n'est point dans le milieu des affranchis, c'est dans les principales familles de la race indigène que se recrute généralement le clergé de la déesse. Mais il faut tenir compte aussi des traditions religieuses de l'Afrique. Celle-ci est une terre à demi orientale. Avant la conquête, on y pratiquait une religion sémitique. Les dieux de la Carthage punique avaient pénétré dans l'intérieur des terres, jusque sur les plateaux de Numidie et de Maurétanie. Adopté par les Phéniciens, le grand dieu libyen s'était lui-même transformé en Baal. Sous les noms romains de Saturnus et de Virgo Caelestis, c'étaient encore un Baal et un Baalat qui demeuraient les grandes divinités africaines. Plus d'une fois même ils conservèrent leurs anciennes dénominations. Le dieu local de Sigus, en Numidie, est Baaliddir ; les Romains auraient traduit ce vocable phénicien par _Dominus Potens_, le Seigneur Puissant.* Les Africains sont habitués à cette terminologie religieuse qui exprime de préférence les idées de puissance et de domination, comme aussi de sainteté et d'éternité. C'est pourquoi le culte du Pieu Saint Éternel, _Deus Sanctus Aeternus_, que les Syriens propageaient sur toute la surface de l'Empire, prit chez eux de fortes racines. De même ils accueillirent volontiers les Tout Puissants de Phrygie.* Déjà les Carthaginois adoraient la Dame Amma, déesse mère, déesse nourricière, dont les Romains firent _Dea Nutrix_. Or Rhéa-Cybèle est appelée pareillement Ammas.* Tanit, comme Cybèle, est la « Grande Dame.* » Elle est également la Mère ; et sur les stèles puniques on la dénomme la Grande Mère.* A vrai dire, la Vierge Céleste de Carthage est proche parente de la Mère des Dieux, au même titre que l'Ourania syrienne. On retrouve dans son culte la fête du Bain, les tauroboles et la vaticination. Elle porte la couronne de tours, tient le sceptre et chevauche un lion. Baal-Saturne, que l'on adore sur les hauts lieux, est aussi le seigneur des lions. Les fauves l'accompagnent ou lui servent de monture ; parfois même ils remplacent, comme en Phrygie, l'image de la divinité. D'autres attributs, disque du soleil, croissant de la lune, achèvent de préciser sa nature astrale ; il est le principe igné, origine de toutes choses. Par suite il est un dieu frugifère ; on lui donne également pour attribut la pomme de pin, symbole de fécondité.* Bref, Saturne et la Caelestis sont à la fois, comme Attis Pappas et Cybèle, des dieux agraires, qui président aux travaux des champs, et des dieux cosmiques d'un caractère universel. Bien avant que Tertullien et saint Augustin eussent, dans leurs écrits, signalé ces ressemblances,* la piété populaire rapprochait du couple national des Célestes le couple phrygien des Omnipotents. Aussi bien, n'est-il point rare qu'à proximité des plus vénérés sanctuaires de la religion libyphénicienne se dresse un temple de la Mère des Dieux. Nous la voyons honorée à Mileu, qui n'en reste pas moins sous la protection de Caelestis et d'Amma Nutrix ; à Sigus, vieille cité libyenne ; à Tipasa de Numidie, qui garde ses temples puniques ; à Sicca Veneria, qui demeure la ville sainte des tribus indigènes ; à Thugga, dont la population est presque entièrement de race africaine et qui possède un sanctuaire important de la Caelestis ; à Mididi, où Saturne est tout puissant ; à Mactaris, qui n'a pas cessé d'être l'un des principaux centres du culte sémitique. A Carthage même, c'est sur la colline sacrée de Byrsa que s'est installé le couple phrygien ; et l'on y a rencontré l'image de Mên Attis, vainqueur du taureau, dans un temple de Jupiter Hammon et de Silvanus Barbarus. *) _CIL._ 8, 5279, 19121-23. Saturne serait le Baal Hamân que l'on retrouve à Maktar, Guelma, Constantine et Cherchell. *) V. à Sitifis et Satafis ; cf. Graillot, _Les Dieux Tout-Puissants Cybèle et Attis dans L'Afrique du Nord_, dans la _Rev. archéol._ 1904, 1, p. 322-353. *) _CISem._ 1. p. 271 n° 177 ; Clermont-Ganneau, _Études d'archéol. or._ 1, p. 149 ; cf. _Etymol. Magn._, et Hesych., _Lexic._, s. v. Ἄμμας, vocable de Rhéa. *) Cf. _CIL._ 8, 9796 : « Dea Magna Virgo Caelestis. » *) _CISem._ 1, 195 et 380 (Carthage). Elle est toujours réunie à Baal, mais nommée avant lui. *) Toutain, _De Sat. dei in Afr. rom. cultu_, 1894 ; Gsell, _Chronique archéol. afr._ 1896 (extr. des _Mélanges École de Rome_, 16), p. 25 ss. On lui offrait des sacrifices humains, que Rome interdit, mais dont la coutume ne se perdit pas complètement, au dire de Tertullien, _Apol._ 9. Peut-être, en Afrique comme en Gaule, Rome favorisa-t-elle le taurobole peur le substituer à ce type plus barbare du sacrifice de rachat. *) Tertull., _Apol._ 12 ; Aug., _Civ. Dei_ 2, 4. Le culte métroaque a subi l'influence de cette religion indigène, fortement organisée, avec laquelle il présentait de telles affinités. Les temples de Magna Mater sont qualifiés de « très religieux,* » formule d'aspect tout sémitique. Le sanctuaire proprement dit porte le nom de Lieu Saint, _Sanctum_,* suivant la tradition punique ; il est scrupuleusement distingué du temple lui-même, comme sur les inscriptions phéniciennes.* D'autre part les confréries de la Grande Mère ont pris, ce semble, un développement très particulier. Dans chaque ville ses fidèles sont organisés en véritables communautés de « Consacrés des deux sexes » et de « Religieux.* » Ils ont à leur tête un Supérieur, _Antistes_, dont la dignité ne se confond pas avec celle du prêtre, qui est plus que le prêtre, qui est le grand maître de tous les adeptes et qui est élu par l'ensemble des confréries. La population africaine était accoutumée à ces groupements pieux. Melqart et Astarté avaient eu leurs congrégations d'hommes et de femmes* ; Jupiter Hammon à Carthage, Tanit à Mactaris ont conservé leurs confréries sous la domination romaine. Caelestis n'a pas seulement ses collèges liturgiques, analogues à ceux des Dendrophores et des Cannophores ; elle a ses communautés de _Sacrati_, de _Sacratae_, de _Religiosi_.* *) A Sétif ; cf. Lactant. (un Africain), _Div. Inst._ 2, 4 : « religiosissima delubra. » *) A Sétif : « ante fores Sancti » ; cf. Arnob. (de Numidie), _Adv. Nat._ 5, 16 et 39 : « Matris Deum Sanctum. » *) Ph. Berger, _l. c._ (v. Mactaris), p. 149 ; cf. _CISem._ 135 (à Gaulos). *) Cf. à Mactaris, Sitifis, Caesarea. *) _CISem._ 1 (Carthage), 263 : Emastarte, qui est dans la confrérie des hommes d'Astarté ; 264 : Abdimileat, qui est dans le peuple du temple de Melqart ; cf. Clermont-Ganneau, dans _Rec. d'archéol. or._ 3, 1900, p. 22 ss, 4 p. 343, 5 p. 210. C'est peut-être une confrérie religieuse qui élève le temple punique de Mactaris : Ph. Berger, _l. c._, p. 148. *) Cf. Frère dans _Rev. archéol._ 1907, 2, p. 22 ss. A Sétif, à Mileu, Cybèle est la Sainte Mère ; à Cherchell, à Tipasa de Numidie, elle est la Très Sainte. A Rusicade, on invoque le saint Attis. On est prêtre de « la Très Sainte Puissance de la Mère des Dieux. » Il est vrai que la diffusion des cultes syriens avait développé dans presque tout le monde occidental, surtout dans les provinces militaires, l'habitude sémitique d'appliquer aux dieux le titre de Saints. Mais nulle part celte coutume n'est aussi répandue qu'en Afrique, pour la raison qu elle est bien antérieure à cette nouvelle invasion de l'orientalisme. Tanit y était déjà la Dame Sainte. Il est un autre vocable qui appartient en propre à Cybèle et qui paraît être familier au peuple de Carthage. On y désignait la déesse sous son nom patronymique de Bérécynthienne.* S'il y est vraiment populaire, ne serait-ce point tout simplement pour sa ressemblance formelle avec une série de termes puniques, très fréquents sur les dédicaces en langue phénicienne et dans l'onomastique indigène : _Berec_, _Berectina_, qui expriment l'idée de bénédiction ? *) Aug., _Civ. Dei_ 2, 4 ; Arnob. 5, 13. Reine des enfers, Cybèle est associée ou identifiée à Terra Mater et à Aerecura que nous retrouvons en Gaule, mais qui représente peut-être en Afrique l'hypostase funéraire de la grande déesse indigène.* Reine du ciel, on lui donne pour compagnon les célestes Dioscures. Ils sont également devenus ses satellites à Pessinonte, à Pergame et sur les bords de la mer Noire. Mais le culte des Dioscures, sous leur aspect sémitique de Cabires, devait être fort ancien à Carthage ; nous savons du moins qu'il constitue, après la romanisation, un élément de la religion africaine. Nous les voyons aux côtés du Saturne africain, Seigneur des cieux ; ils escortent parfois Caelestis qui, « portée sur un lion, parcourt les espaces éthérés.* » Rapprochés de Cybèle et d'Attis, ils complètent le caractère cosmique du couple phrygien ; et si le peuple ne comprend pas toujours ces subtilités théologiques, il sait très bien que les Dioscures s'intéressent, eux aussi, à la fertilité du sol. *) Clermont-Ganneau, _Et. d'arch. or._ 1, p. 139. D'autre part, Aerecura-Kora figure avec Hadès sur des stèles consacrées au Saturne africain ; cf. à Tebessa. *) Apul., _Met._ 6, 4. Enfin la tradition punique des couples divins exerce sa part d'influence. Elle détermine l'association cultuelle de la Mère des Dieux avec certains Dieux Pères. Sur une stèle de Tebessa, par exemple, Saturne a pour parèdre une déesse qui pourrait être Ops, mais qui fait penser à Cybèle ; car entre les deux divinités est assis un lion qui se tourne, non point vers Saturne, mais vers la déesse assise et coiffée du voile.* A Mactaris, un autel votif est dédié « à la Grande Mère et à Janus Père, Dieux Augustes. » Cette union de la déesse phrygienne et du dieu latin n'est pas dans la tradition purement romaine. Mais Saint Augustin, qui est un Africain, la signale.* Janus, Père des Dieux, remplace ici le Baal Saturne, maître du ciel. On lui rend pour la même raison un culte dans les temples de Caelestis.* Un autre Dieu Père, Liber Pater, jouait un rôle dans le culte métroaque. Sa statue se dressait « devant les portes du Lieu Saint* » ; on l'adorait avant de pénétrer dans le sanctuaire. L'expansion du mysticisme, qui surtout à partir des Antonins transforma les temples de Cybèle et ceux de Dionysos en centres actifs d'initiations, devait rendre plus intimes les rapports des deux divinités et des deux clergés.* Mais le Liber Pater des Africains n'est pas seulement un dieu thrace ou gréco-romain. Son caractère solaire lui a permis de s'identifier à un Baal. Il s'est assimilé au dieu indigène qui, sur les stèles puniques, tient comme attribut la grappe de raisin.* *) Gsell, _Musée de Tebessa_, p. 14 et pl. 1, 4 ; au-dessus du lion, deux personnages à mi-corps : Pluton et Proserpine (Aerecura). Toutain, _op. l._, p. 50 ; cf. _CIL._ 8, 2670 : « Saturno Domino et Opi Reginae. » *) _Civ. Dei_, 7, 28 : « dicitur caput deorum Janus, caput dearum Tellus, Mater scilicet Magna » : cf. 7, 16, où il établit les relations Janus = Mundus = Jupiter, et Terra = Mater Magna = Ceres = Juno. Proclus, _Hymn._ 6 (Abel, _Orphica_ p. 281) qualifie Janus de Propatôr Zeus et le rapproche d'Hécate = Meter Théôn. Autres références dans la _Rev. archéol._, 1904, 1, p. 344 s. *) _CIL._ 8, 16417 : statue de Janus Pater, dédiée par un prêtre de Caelestis. *) Cf. à Sétif et à Zama Major. *) Strabon 10, 3, 13, insiste déjà sur le lien qui unit les deux cultes. Au 2e s., prêtre de Meter Theôn et de Dionysos Kathegemôn : _CIG._ 6206 = _IGSI._ 1449. Au 4e s., Julian., _Or._ 5, 13. --- Pour les mystères de Liber, cf. Serv. ad Georg. 1, 166 : « sacra Liberi ad purgationem animae pertinebant. » En Afrique, cf. Cagnat. _Ann. épigr._ 1896, 33 : « antistes sacrorum Liberi Patris, » et Cumont dans _C. r. Acad. Inscr._ 1912, p. 154. *) Sur la culture delà vigne eu Afrique, v. Tissot, _Géogr. comparée de la prov. rom. d'Afrique_ 1, p. 302 ss. Après Dioclétien, il n'est plus fait mention du culte de la Grande Mère dans l'épigraphie africaine. Au moment où les confréries métroaques de Sétif reconstruisent le temple de leurs Tout-Puissants (288), un autre Tout-Puissant règne en Afrique sur beaucoup d'âmes, y multiplie ses églises, ses chapelles, les « mémoires » de ses martyrs ; et la chrétienté d'Afrique a déjà produit Tertullien et Saint Cyprien.* Cent ans après, Théodose faisait fermer les temples païens. Mais Saint Augustin, dans sa jeunesse, avait encore pu voir se dérouler dans les rues de Carthage les processions de la Bérécynthienne, escortée de Galles quêteurs.* *) Dans son traité _Quod idola dii non sint_ 4 (éd. Hartel, 1, 1, p. 21), Cyprien cite Mater Deum Idaea. *) En 390, d'après sa correspondance, le forum de Madaura est encore peuplé d'idoles ; on y adore les dieux publiquement, en présence des magistrats, dans de bruyantes cérémonies qu'il compare à des Bacchanales. # Chapitre 13 ### Le Culte au 4e Siècle. --- La Résistance au Christianisme. _Et ipse Pileatus christianus est._ S. Augustin, _In Johann. ev._ 7, 1, 6. 1\. La foi populaire. La religion des hautes classes. Théologie, politique et philosophie. Le néoplatonisme et l'héliolâtrie. La Bible métroaque de Proclus ; l'opuscule de Julien sur la Mère des Dieux ; le résumé de Salluste. Firmicus Maternus. --- 2. Privilèges de Cybèle et Attis. Le monopole du sacrifice taurobolique. Cathartique métroaque et influence du christianisme. Faiblesses et tares du métroacisme. --- 3. Tentatives de restauration du paganisme. Rôle qu'y joue la Grande Mère. Julien en Orient. Nicomaque et la noblesse païenne à Rome. Triomphe du christianisme. --- 4. Survivances. Légendes médiévales. Culte métroaque et culte marial. « Nea Kubelé. » ## 1\. Le culte phrygien devint, au 4e siècle, l'une des ressources dernières du paganisme.* Celui-ci, pour organiser la suprême résistance contre l'invasion du christianisme, dut se réfugier dans les mystères orientaux. Les anciens cultes de Rome étaient incapables, par nature, d'opposer aucune défense. Comme ils ne portaient en eux aucun germe de régénération, ils se mouraient. Seule la religion des mystères, parce qu'elle offrait un aliment à la vie spirituelle, pouvait encore exercer un empire sur les âmes, arrêter les désertions et constituer une sainte milice contre l'armée du Christ. *) Sur cette période, v. textes et bibliographie dans Wissowa, _Religion de Rœmer_, 1902, pp. 84-90, et Gruppe, _Griech. Mythol. u. Religionsgeschichte_, 1906, pp. 1642-1676. Ajouter Franz Cumont, _Religions or. dans le paganisme romain_, 1907, chap. 8, sur l'évolution religieuse au 4e siècle. A cette organisation de combat ont collaboré deux forces. Elle est à la fois l'œuvre impulsive et inconsciente des foules, l'œuvre réfléchie et savante des esprits les plus cultivés. Les humbles dévots allaient d'instinct vers ces divinités consolatrices qui savaient guérir l'âme malade et qui promettaient une éternelle félicité. Aussi bien beaucoup d'entre eux étaient-ils des esclaves, des affranchis, des marchands, des soldats, des vétérans de races levantines, qui demeuraient fidèles aux dieux de leur pays et dont le prosélytisme s'exerçait avec succès sur la plèbe indigène. D'autre part, pour chacun de ces dévots, son Seigneur Dieu est le tout puissant, le plus puissant, le seul puissant. Tout en ignorant les subtilités de la théocrasie érudite, ils avaient donc tendance à concentrer en lui les attributs et les fonctions des autres dieux. « Sérapis seul est Zeus, » proclament les habitants d'Alexandrie ; et nous possédons des monuments votifs à Serapis Pantheus, à Isis Panthea. « Atargatis est la mère omnipotente et universelle, » _Omnipotens et Omniparens_, affirme le Syrien qui, dans les moindres villes d'Europe, installe ses bazars.* De même, pour le Phrygien déraciné, Cybèle et Attis restent les maîtres du ciel, de la terre et des enfers. Le bel Attis du Metrôon d'Ostie, don de l'affranchi Euplus, est un dieu panthée qui porte sur sa tête les rayons solaires et le croissant de lune. *) Apul., _Met._ 8, 25. Dans les hautes classes, c'est encore vers ces mêmes cultes que se tournent les espérances de la société païenne.* On y cherche l'apaisement des inquiétudes morales qui travaillent alors toutes les consciences. Aussi les saints mystères, qui délivrent des péchés et de la mort, y prennent-ils une place prépondérante ; ils finissent par se confondre avec le culte public. On ne peut plus être religieux sans être myste. Aux occultes cérémonies, bonnes jadis pour des esclaves et des femmes de mœurs douteuses, on voit maintenant participer des Clarissimes. Mais tandis que les petites gens se confinent en général dans les mystères d'un seul dieu, les païens éclairés multiplient les initiations.* Ils sont en même temps zélateurs d'Attis, de Mithra, des divinités égyptiennes. Ce n'est point chez eux religiosité pure. Ils ont étudié la théologie. « Ils connaissent la nature secrète des dieux a, par conséquent la raison profonde des cultes et des rites. Comme Symmaque, ils savent que, pour atteindre jusqu'à la vérité divine, un seul chemin ne peut suffire.* *) Sur la différence qui existe entre la religion du peuple et celle des classes élevées, où la culture grecque favorise le syncrétisme, v. les réflexions judicieuses de Macchioro, _Il sincretismo relig. e l'epiqrafia_, dans _Rev. archéol._ 1907, 1, p. 141 ss. *) _CIL._ 6, 500, 501, 504, 507, 509-512, 1675, 1778-80, 30966 ; cf. Boissier, _Fin du paganisme_, in-8, 1891, 2, p. 272 s. Noter qu'Apulée déjà se vantait d'avoir reçu les initiations de tous les mystères connus, et que Commode se fait successivement sectateur d'Isis, de Bellone, de Mithra : _Vita Comm._ 9. Au 3e siècle, saint Cyprien, évêque d'Antioche en Pisidie (martyrisé en 304), fut à sept ans myste de Mithra, à 10 ans dadouque aux mystères d'Éleusis, à 15 ans téleste d'Hera en Argos, puis d'Artémis Tauropole à Lacédémone ; à 20 ans, il se faisait initier en Égypte même aux mystères isiaques ; il pratiquait aussi la divination phrygienne et fut sans doute en Anatolie un sectateur de la Grande Mère ; _Acta SS. Bolland._, sept. 7 (26 sept.) p. 204 s ; Preller dans _Philologus_ 1, 1846, p. 349. *) _Rel._ 3 : « uno itinere non potest perveniri ad tam grande secretum. » _Divumque numen multiplex doctus colis_, lit-on sur l'épitaphe du sénateur Vettius Agorius Praetextatus, qui fut en effet une sorte de docteur en théologie païenne vers la fin du 4e siècle. _Te teste, cunctis imbuor mysteriis_, ajoute Aconia Fabia Paulina, sa femme, qui converse avec lui dans la tombe.* Leur science religieuse, formée à l'école de l'hellénisme, attire aussi ces Romains vers les mystères grecs de Dionysos Liber, d'Hécate et de Déméter. Il en est même qui vont se faire initier à Egine, à Lerne, à Éleusis, où du reste ils retrouvent le couple phrygien et l'influence dominatrice de l'Orient. *) _CIL._ 6, 1779. Prétextât et sa femme étaient des tauroboliés. Sur ce personnage, « homme de haute intelligence et de mœurs antiques » (Amm. Marc. 22, 7), cf. Boissier, _l. c._, p. 304 ss. Cette multiplicité d'initiations ne répond pas seulement à la ferveur d'une piété raisonnée et savante. Elle est en corrélation avec une idée politique. Les hommes d'état, aidés sans doute par les hauts fonctionnaires des provinces et par une partie de l'aristocratie municipale, tentent une restauration du paganisme. Ils comptent sur les dieux toujours jeunes des mystères pour sauvegarder l'ancien état de choses, d'où dépend la stabilité de l'Empire. Ils entrevoient même la possibilité d'une religion œcuménique, accessible aux Romains de toute race et de toute langue/ conforme au principe de l'unité romaine. Encore faut-il que cette religion s'accommode avec les traditions du passé, sans obliger personne à renier la foi de ses pères. On peut adorer Attis, Serapis ou Mithra, tout en sacrifiant à Jupiter Capitolin et à la divinité d'un Auguste. C'est pourquoi les Clarissimes accumulent volontiers sur leur tête, avec les sacrements mystiques, les sacerdoces strictement nationaux. Ils sont augures des Quirites, Septemvirs Epulons, Duodécemvirs de Dea Roma, Quindécemvirs, Pontifes majeurs.* C'est pourquoi aussi, non contents de donner l'exemple de la dévotion, ils tiennent à jouer un rôle actif dans les mystères. En 313, sous Constantin, le Clarissime C. Magius Donatus Severianus est myste d'Attis, _Pater sacrorum_, de Mithra, hiérophante de Liber, hiérophante des Hécates. Vers le milieu du siècle, Caecina Lolliana, femme d'un ancien préfet de la ville, est prêtresse d'Isis. En 370, le pontife Petronius Apollodorus occupe les fonctions de Pater dans la hiérarchie mithriaque et est _Antistes_ taurobolié de la Mère des Dieux et d'Attis Hypsistos. En 376, Sextilius Aedesius est _Pater Patrum_ de Mithra, hiérophante d'Hécate, archibucole de Liber, _Antistes_ taurobolié du couple phrygien ; et la même année nous voyons l'augure Ulpius Egnatius Faventinus en possession des mêmes dignités, auxquelles s'ajoute un sacerdoce isiaque. Rufius Caeionius, autre pontife, initié aux principaux mystères et parvenu aux grades supérieurs, se qualifie de chef des mystes, _Dux Mysticus_. Enfin Praetextatus était un véritable prince de la religion, _Princeps Religiosorum_. Leurs titres ne sont pas simplement honorifiques. Ils permettent à la classe dirigeante d'exercer son action sur le mouvement religieux et de grouper en un bloc toutes ces énergies éparses, dont le concours seul semble devoir sauver le paganisme. *) Il faut faire aussi la part des intérêts matériels. Ces sacerdoces constituent des privilèges très lucratifs, « privilégia maxima, lucra ingentia, » dit saint Ambroise, _Ep._ 18. La philosophie, « ancilla theologiae, » favorisait doublement les efforts de cette politique. Depuis longtemps elle avait pénétré peu à peu la doctrine ésotérique des mystères orientaux, transformé le contenu des traditions, substitué à des croyances puériles de hautes idées morales et métaphysiques, spiritualisé le sens des rites grossièrement naturalistes.* Ce travail d'épuration fut surtout précieux aux mystères de Phrygie, dont la morale resta sans doute, pendant de longs siècles, fort rudimentaire. En outre, l'influence sans cesse renouvelée de la philosophie grecque tendait, malgré les résistances nationales, à détruire l'esprit particulariste en matière de religion. Après que les échanges et compromis nécessaires se furent opérés entre la pensée gréco-latine et les vieilles idées de l'Orient, qui passaient pour être de révélation divine, le néoplatonisme essaya de concilier dans la plus grandiose des synthèses, mais aussi la plus mystique, tous les systèmes philosophiques de la Grèce avec toutes les religions. *) Dans les temples, les fidèles entendaient des sermons, qui étaient des interprétations morales des mythes (saint Augustin le dit expressément, _Epist._ 91 (202) : « in templis populis congregatis recitari huiuscemodi salubres interpretationes heri et nudiustertius audivimus » ; cf. _Civ. Dei_ 2, 6. L'un des derniers néoplatoniciens, Proclus, qui s'intitule hiérophante universel, avait écrit, vers le milieu du 5e siècle, une Bible métroaque.* Il est très regrettable qu'elle soit perdue. Car, nous apprend son biographe, « il y exposait, non sans une inspiration de la divinité, la théologie du métroacisme ; il y expliquait en philosophe tout ce qui se fait et se dit, selon les données du mythe, au sujet de la déesse et d'Attis. » Cette inspiration d'en haut n'était pas une garantie de clarté.* Mais sur le rôle des dieux phrygiens dans les conceptions de l'école, et sur l'organisation même des mystères, le livre de Proclus nous eût mieux renseigné peut-être que les élucubrations nébuleuses de l'empereur Julien. D'après un fragment d'hymne de ce même Proclus, qui fut un philosophe poète, Attis était considéré par lui comme un équivalent d'Hélios.* On admettait généralement, en effet, dans l'école, que tous les anciens dieux du paganisme se confondaient avec le Soleil, « le plus certain de tous les dieux.* » Macrobe, dans ses Saturnales, fait défendre cette thèse par Praetextatus ; et l'on suppose qu'il en avait emprunté les développements au néoplatonicien Jamblique. A vrai dire, il y avait longtemps que se préparait, sous l'influence de l'astrolâtrie orientale, le triomphe d'Hélios Invincible. Quand Hélagabal, au début du me siècle, voulut imposer à Rome son Baal solaire, lui soumettre les autres dieux et rattacher à son culte les mystères phrygiens, cette tentative d'unification religieuse échoua parce qu'elle fut l'œuvre violente d'un déséquilibré. Mais déjà Marc Aurèle avait proclamé la prééminence d'Hélios.* Dès la seconde moitié du siècle, Aurélien pouvait instituer le culte de Sol Invictus, le faire desservir par un clergé de pontifes et lui attribuer le premier rang dans la religion officielle. Ce dieu, dont le souverain est une émanation, prenait le titre de « Seigneur de l'Empire romain. » Un siècle plus tard, profitant des fêtes solennelles qui se perpétuaient depuis Aurélien, un autre empereur résumait la théologie du Soleil, seigneur du genre humain et roi de l'univers. *) Marinus, _Vita Procli_, 33, éd. Boissonade ; cf. 19, où il nous apprend aussi que Pr. observait les commandements du métroacisme, en particulier le jeûne mensuel II y avait depuis longtemps des manuels du culte, pour faire comprendre le sens symbolique des fêtes ; l'un d'eux avait été écrit par le pontife Valerius, à une date inconnue, cf. Arnob. 5, 7. *) Proclus passait pour disposer de la pluie et arrêter les tremblements de terre. Après s'être annoncée comme un grand mouvement philosophique, l'école tombait dans les pratiques mystérieuses de la théurgie. Elle évoluait dans une atmosphère d'oracles, de divination et de sorcellerie. Déjà Jamblique, au début du 4e siècle, conversait avec les dieux. *) _Orphica_, éd. Abel p. 277, _Hymn. in Solem_ 24-26 ; cf. Arnob., _Adv. nat._ 5, 42 ; Macrob., _Saturn._ 1, 17 et 21 ; Martian. Cap., _De nuptiis Philol. et Merc._, 2, 191 s ; Incerti _Carmen contra paganos_ 109. Sur le syncrétisme solaire, cf. Réville, _Religion sous les Sévères_, chap. 10. Au 3e s., Porphyre s'en tenait encore à l'ancienne explication « physique » du mythe ; Attis personnifiait la végétation ; cf. Euseb., _Praep. evang._ 3, 11, 12, et 11, 15 ; Augustin., _Civ. Dei_ 7, 25 : « Porphyrius, philosophus nobilis, Attim flores significare perhibuit, et ideo abscisum, quia flos decidit ante fructum. » *) Vopisc., _Aurelian._ 14 : « Deus certus Sol. » *) M. Aur. 8, 19. L'opuscule de Julien sur le Soleil Roi nous aide à comprendre, du moins en partie, celui qu'il écrivit sur Cybèle et Attis.* Un être suprême, unique, éternel, anime et régit l'organisme universel ; mais notre intellect seul en conçoit l'existence. Il a engendré de toute éternité le soleil « dont le trône rayonne au milieu du ciel. » C'est ce second démiurge qui, « de sa substance éminemment intelligente, » procrée les autres dieux. A son tour il leur communique ses dons, perfection d'intelligence, surabondance d'énergie génératrice, infinie beauté. Par suite, non seulement il possède l'hégémonie sur eux, mais, de plus, il maintient entre eux la cohésion et l'harmonie. Principe d'unité, il relie les deux extrémités du divin, « l'Un qui est la seule cause efficiente de l'univers, » et « la multitude des divinités démiurgiques dont le ciel est peuplé. » Vers lui doivent monter nos premières adorations, d'abord parce qu'il est le père des dieux, ensuite et surtout parce qu'il est le médiateur nécessaire entre notre monde visible et le dieu invisible, inaccessible, inconnaissable. Attis n'est pas ce Soleil des Intelligences. Mais il est le troisième démiurge, ou il en est une émanation. Il est préposé à la matière, que sa fonction est d'engendrer, d'ordonner, de diriger et d'améliorer. Il renferme donc en lui « tous les principes des formes matérielles et sublunaires » ; il est le Seigneur des êtres « sujets à la génération et à la corruption » ; et « son règne commence au point où la série entière des dieux se termine par le monde visible. » Sa communion avec la matière est symbolisée par la descente dans l'antre avec la nymphe ; sa mutilation marque l'arrêt dans la production de cette matière. Quant à la Mère des Dieux, « grande déesse existant par elle-même, après et avec le grand démiurge, vierge sans mère, » assise sur le trône même du Très Haut, Julien la conçoit surtout comme Providence. C'est à ce titre qu'elle tient sous sa dépendance Attis. C'est elle qui, par l'intermédiaire du dieu, organise en beauté notre monde « magnifique et divin, » ne cesse de lui prodiguer ses bienfaits, veille éternellement sur nos âmes ; c'est elle qui, dans sa suprême sagesse, a provoqué la mutilation d'Attis, pour limiter la génération à un nombre déterminé de formes. Suivant une expression de l'école, Attis est l'ange de Rhéa. Il apparaît aux êtres qui s'agitent ici-bas comme le second médiateur entre la terre et le ciel. Mais, malgré tous les efforts de Julien pour dégager la personnalité d'Attis, ce médiateur est-il si complètement distinct de l'autre ? Ce dieu « qui n'est pas immuable, » qui est « beau comme les rayons solaires, » qui « se couvre du ciel comme d'une tiare, » qui commande aux Lions, symbole du principe igné, qui est le Roi du monde visible et dont la substance « descend du sein des astres jusque sur la terre » pour la féconder, n'emprunte-t-il pas les attributions du soleil ? Ailleurs Julien considère le soleil visible comme le troisième démiurge ; son Attis tend constamment à se confondre avec la dernière hypostase de la trinité solaire. Le mélange des spéculations astrologiques avec le concept philonien du Logos rend encore plus abstruse cette dissertation, qui s'achève dans le lyrisme d'une prière. *) _Or._ 5, éd. Hertlein. Nous y retrouvons la hiérarchie néoplatonicienne du monde intelligible, du inonde intelligent et du monde sensible. Aux côtés de l'empereur philosophe et rhéteur, dont la foi pédantesque se réclame souvent du divin Jamblique, l'ancien préfet des Gaules Sallustius, consul en 363, rédigeait le catéchisme de cette religion doctrinale et universelle.* On y retrouve, plus brièvement, mais aussi plus clairement exprimées, les idées chères à son impérial ami. La Mère est par excellence la divinité zoogone ; Attis est le démiurge de ce qui est sujet à la vie et à la mort. C'est pourquoi elle l'a rencontré, dit-on, près du fleuve Gallus, qui est la figure mythique de la Galaxia ou Voie Lactée, frontière entre le monde des Impassibles et le monde sensible. La Mère appartient au groupe des dieux du premier ordre, Attis à celui des dieux secondaires ; et ceux-ci ne peuvent rien sans ceux-là, qui les parachèvent. C'est pourquoi l'on raconte que Cybèle aima le jeune dieu et lui donna, en gage d'amour, le pilos étoilé, c'est-à-dire « les puissances célestes. » On prétendait aussi, avec la même intention symbolique, qu'elle l'avait initié à ses mystères et qu'il fut son premier prêtre. Attis aime la nymphe ; autrement dit, les nymphes président à la génération. Mais, au lieu d'expliquer en philosophe cette intervention du principe humide, Salluste n'a recours qu'à un symbolisme puéril. *) _De diis et mundo_, 4 ; cf. Hepding, _Attis_, pp. 58 s, 120. Un autre système théologique, réservant aux religions orientales la part importante qu'elles avaient conquise, respectait mieux aussi leur caractère profondément naturaliste. Il nous est exposé vers le milieu du 4e siècle par Firmicus Maternus, auteur païen d'un traité d'astrologie, puis polémiste chrétien, qui s'attache à combattre « l'erreur des religions profanes.* » Les quatre grandes nations de l'Orient y sont représentées par leurs dieux majeurs, qui constituent précisément les quatre éléments. L'Égypte adore l'eau, émanation d'Osiris, principe fécondant de la nature. Les Phrygiens adorent la terre, qu'ils appellent la Mère omnipotente.* La Syrie et Carthage adorent l'air, qui est à la fois leur Hera (= aer) Ourania et leur Virgo Cælestis. Enfin les Perses vénèrent le feu, qui s'identifie avec Mithra. De la synthèse de ces cultes résulte une religion panthéistique de l'univers divinisé. Elle offrait l'avantage de conserver à chacun d'eux sa personnalité. « Dans le péril commun, ils se regardent comme des divisions et, si j'ose dire, des congrégations d'une même église.* » Mais le principe igné manifeste malgré tout ses tendances à garder une suprématie ; et c'est à l'héliolâtrie qu'aboutit en somme tout le paganisme. *) Firmicus appartient à l'aristocratie ; _Vindob. Corpus Script. Eccl. Lat._ 2, p. 130 note. Son livre est dédié aux fils de Constantin. *) Firm. Mat., _De err. prof. rel._ 3, 1 : « Phryges qui Pessinunta incolunt... terrae ceterorum elementorum tribuunt principatum et hanc volunt omnium esse matrem » ; cf. Macrob. 1, 21, 7. *) Cumont, _Rel. or._, p. 247. ## 2\. Dans ce concert d'Orientaux, Attis bénéficiait des privilèges de l'Idéenne.* Depuis le temps des Antonins, le prince et sa maison, le sénat, les hauts dignitaires, l'armée assistaient aux cérémonies et processions de mars. La protection des pouvoirs publics attira sans doute aux mystères phrygiens, en province comme à Rome, une grosse clientèle. En outre, le culte métroaque jouissait d'un précieux avantage, qui était le monopole du sacrifice taurobolique. *) Il a droit, comme la Grande Mère, au titre d'Auguste : _CIL._ 14, 3534 ; cf. les dédicaces « Invicto Augusto, Soli Invicto Augusto. » Le taurobole public pour le salut de l'empereur fut surtout en vogue au 3e siècle. Nous n'en connaissons pas d'exemple après l'avènement de Constantin, protecteur officiel du christianisme. Sur la vitalité du taurobole purement baptismal, l'épigraphie nous renseigne de façon moins précise. Car la plupart des autels commémoratifs, en ce cas, ne sont point datés. Un autel de l'an 263, à Narbonne, est le dernier que fournisse la province. A Rome, le premier que l'on rencontre date de l'année 295. Dédié par le Clarissime L. Cornelius Scipio Orfitus, il est contemporain des persécutions de Dioclétien ; et il s'érigeait, comme un symbole, tout près de la chapelle où reposait la plus vénérée des dernières victimes, saint Sébastien, officier de la garde prétorienne, martyrisé en 290. C'est au moment même où l'autre type de taurobole disparaît de l'histoire que celui-ci fait son apparition dans l'épigraphie urbaine. Toutefois, qu'il ait eu de nombreux adeptes à Rome avant le 4e siècle et dans les provinces après le 3e, on n'en saurait douter. Il est le baptême païen par excellence, en face du baptême chrétien. L'affusion du sang, en raison même de sa sauvagerie, prétend être plus efficace que l'affusion de l'eau sainte ; et elle se prévaut de cette autre supériorité, que le sacrement s'y double d'un sacrifice. « Pollution, votre sang, et non rédemption ! » déclarent les polémistes chrétiens* ; mais, répliquent leurs adversaires, le rachat par le sang du Christ, l'expiation par le sang du mystique Agneau ne semblent-ils pas donner raison au baptême rouge* ? « Invention de l'esprit malin pour tromper les sectateurs du Christ, » affirme Saint Augustin, Il y en avait donc qui se laissaient séduire et, comme Julien l'apostat, demandaient au taurobole de « laver l'eau par le sang.* » *) Firm. Mat., _De errore prof. rel._ 27, 8, 28, 1. « Pro salute hominum agni istius venerandus sanguis effunditur, ut sanctos suos filius Dei profusione pretiosi sanguinis redimat... Neminem aput idola profusus sanguis munit ; ...polluit sanguis iste, non redimit ...Miseri sunt qui profusione sacrilegi sanguinis cruentantur ; tauribolium quid vel criobolium scelerata te sanguinis labe perfundit ? ...Quaere fontes ingenuos, quaere puros liquores. » *) Augustin., _In Johann. evang. tract._ 7, 1, 6 : « nescio quid simile imitatus est quidam spiritus, ut sanguine simulacrum suum emi vellet, quia noverat pretioso sanguine quandocumque redimendum esse genus humanum. » Déjà saint Paul, comparant le sacerdoce lévitique avec celui du Christ, dans son épître aux Hébreux, 9, 11 ss, avait dit : « Si le sang des taureaux et des boucs, dont on asperge ceux qui sont souillés, sanctifient jusqu'à donner la pureté extérieure, combien plus le sang du Christ, qui s'est offert lui-même sans tache à Dieu, purifiera-t-il votre conscience des œuvres mortes. » *) Cf. Mansi, _Concil._ 3, p. 493 (synode de Valence, Gaules, en 374) : « circa eorum personas qui se post unum et sanctum lavacrum vel profanis sacrificiis daemonum vel _incesta lavatione_ polluerint. » Pour Julien, v. infra. Théodose punit les chrétiens qui retournent « ad paganos ritus cultusque,... ad aras et templa » ; lois de 381, 391, 393. En Espagne, parents chrétiens mariant leurs filles aux prêtres des dieux ; cf. Allard, _Julien_, 1, p. 84. Le calendrier païen de 354, qui indique toutes les fêtes de Cybèle et Attis en mars, a été compilé parle graveur chrétien Philocalus. Cette cathartique païenne a-t-elle subi l'influence du christianisme* ? Il contribua, ce semble, à développer la notion du baptême individuel, en tant que rite d'initiation et principe de vie divine. Il en accrut surtout les mérites. Depuis longtemps, certes, les idées dont s'inspire l'immolation ont cessé d'être aussi barbares que la pratique de la douche sanglante. Sous l'ascendant du mazdéisme, où la mort du taureau mithriaque devient une cause de création et de résurrection, le rite pré-phrygien s'était dépouillé de sa signification grossière et toute matérielle. Mais c'est au contact de la nouvelle religion qu'il achève de se spiritualiser. La limitation de durée de sa vertu purifiante était encore un reste de grossièreté. A la régénération temporaire tend à se substituer la renaissance éternelle. S'il est encore question de renaissance vicennale en 376, 390 et 394, c'est que les traditions invétérées ne s'éliminent jamais complètement. A la même époque, d'autres tauroboliés se croient régénérés _in æternum_. Pour qu'une telle régénération soit possible, il faut que le baptême efface toutes les souillures héréditaires en même temps que la faute de l'homme présent. Car l'impureté d'un seul ancêtre se transmet à toute la descendance. Cette notion était très ancienne dans les mystères. Elle fut certainement mise en rapport avec l'idée judéo-chrétienne du péché originel. Des fautes inconnues d'aïeux inconnus on remonta jusqu'à la désobéissance du premier ancêtre. Et, par cette interprétation nouvelle de la rédemption taurobolique, un progrès nécessaire s'accomplit dans la théologie phrygienne. *) Van Dale, _Dissert._ (1702) p. 6, considère le taurobole comme une imitation tardive de la régénération par le sang du Christ. De Boissieu, _Insc. ant. de Lyon_ (1854), p. 22, croit que « l'influence des dogmes chrétiens de la régénération par l'immersion baptismale, de l'expiation et de la rédemption par le sang de l'agneau, ne fut sans doute pas étrangère au développement et aux rites de ces taurobolies. » Celle-ci avait toujours fait preuve d'une précieuse faculté d'assimilation. La hantise du christianisme lui imposait d'autres comparaisons dont elle sut tirer profit. L'initiation chrétienne comporte, par exemple, des onctions d'huile et de baume qui se retrouvent également dans les mystères métroaques. C'était un simple rite d'exorcisme. Mais il nous aide à comprendre l'exclamation d'un prêtre de Cybèle, entendue par Saint Augustin : « notre dieu au bonnet, lui aussi, est un chrétien ! » _Et ipse Pileatus christianus est_.* Le prêtre jouait sur un mot. Attis, comme le Christ, apportait à ses ouailles le sacrement du saint chrême, devenu le symbole de l'athlète qui va combattre : _habet ergo diabolus christos suos_.* Pour le chrétien, la véritable participation aux mystères sacrés est la communion. Les zélateurs d'Attis se vantaient de la pratiquer aussi, sous la double espèce de l'aliment solide, mangé dans la patère mystique du tambourin, et de l'aliment liquide, bu dans le calice de la cymbale. Ce n'est plus un magique festin, comme aux temps barbares où l'on croyait participer aux énergies divines en dévorant la chair d'un animal-dieu. Ce ne sont pas seulement les familiales agapes de frères qui reçoivent des frères à leur table sainte. A cette absorption se sont attachées des idées morales, qui se perfectionnent au cours de la lutte contre la religion adverse. Ces liqueurs et ces mets sont une nourriture de vie spirituelle, qui renferme un principe de salut et d'immortalité. Ils soutiennent le myste dans les épreuves d'ici-bas et l'acheminent vers le suprême félicité du ciel. Les chrétiens reprochaient à la religion métroaque de contrefaire diaboliquement le culte du vrai Dieu* ; et elle les accusait à son tour de plagier ses rites. Leur semaine sainte rappelle les fêtes de la Passion et de la Résurrection d'Attis, et ils l'ont placée de même vers l'équinoxe du printemps. A l'arbre-dieu correspond le bois symbolique de la croix.* De part et d'autre, comme aussi bien dans la plupart des mystères orientaux, ce sont jeûnes et abstinences préparatoires,* jours de deuil, nuits de pieuse vigile, onctions et communions, figuration expressive de la résurrection par des feux, des cierges et des lampes qui s'éteignent et se rallument, hymnes de joie succédant à des lamentations funèbres. Les fêtes phrygiennes de mars sont immédiatement suivies de l'_Initium_ ; et c'est de même à la fin du temps pascal que l'on baptise les catéchumènes. Enfin les dévots de la Grande Mère célébraient peut-être aussi le _Natalis invicti_ ou Noël des mithraïstes, qui tombait le 25 décembre, exactement neuf mois après la solennité hiérogamique des Hilaria.* Cette observance festale complétait l'apparente similitude entre les deux cultes rivaux, de même que les spéculations théologiques déterminaient des analogies entre les deux Rédempteurs et Médiateurs, de même que la terminologie mystique et l'art religieux facilitaient le rapprochement des deux Bons Pasteurs.* *) Augustin., _l. c._ *) Firm. Mat., _op. l._ 22, 3. *) Cf. Tertull., _De ieiunio_ 16 : « quam diabolus divinorum aemulator imitatur » ; S. Hieronym., _Adv. Iovinian._ 2, 17. Cybèle est qualifiée de « mater daemoniorum » ; id., _in Hoseam_, 1, 4, 14. *) Comparaison indiquée dans Firmicus Maternus, _op. l._ 27, 1 : « sacra sua perditus carnifex, pro nefas, per lignum semper renovari disposuit ut, quia sciebat ita fore ut ligno crucis adfixa vita hominis perpetuae immortalitatis conpagine stringeretur, perituros hommes ex ligni imitatione deciperet » ; cf. Min. Fel., _Oct._ 12. *) Comparaison indiquée par S. Jérôme, _Epist._ 107, _ad Laetam_ 687 (Mign c _P. L._ 22, col. 876) ; _Adv. Jovinianum_ 2, 5 et 17 (_P. L._ 23, 330 et 354). *) Cf. Cumont, dans _Rev. d'Hist. et Litt. religieuses_ 8, 1903, p. 423 ss, et dans _C. R. Acad. Inscr._ 1911, pp. 292 ss. Un passage de Cosmas, appuyé par d'autres textes, témoigne de cette croyance que, le 25 décembre, le Soleil naissait d'une Vierge. Cette Vierge mère d'Hélios était la Virgo Caelestis. Au 4e siècle, probablement entre 354 et 360, le pape Libère transporta au 25 décembre la Noël, qui se confondait d'abord avec l'Épiphanie (6 janvier) ; il voulait opposer ainsi au Sol Invictus, fils de la Vierge céleste, le Messie, fils d'une Vierge humaine. Sur le soleil symbole du Christ, cf. Cumont _Mithra_, 1, p. 355. Dans l'Euchologe : « Sauve ceux qui espèrent en toi, Mère du soleil qui ne connaît point de coucher, Mère de Dieu. » *) Je me borne à indiquer ces analogies sans prétendre en tirer une conclusion. Elles ne supposent pas nécessairement une imitation. Bien souvent, surtout en matière religieuse, les similitudes d'idées, de pratiques et de formes doivent s'expliquer, non par des emprunts, mais par une communauté d'origine: cf. Anrich, _Ant. Mysterienwesen in s. Einfl. auf das Christentum_, 1894 ; Cumont, _Rel. or._, préface, p. 13-22. Mais ni les mérites du taurobole, ni les apports du progrès moral, ni certaines ressemblances fallacieuses avec le culte du Christ ne pouvaient dissimuler les faiblesses du métroacisme. En face d'une religion neuve, exempte de toute compromission impure, affranchie de tout élément naturaliste, il représentait le type le plus ancien des religions de la nature. Il vivait sur un fonds très primitif, qui était celui des cultes préhistoriques de l'eau, de l'arbre, du rocher, de la montagne. Et toute une longue hérédité de barbarie pesait sur lui. Cette barbarie se prolonge dans les diverses formes du mythe et dans la liturgie. La fable qui perpétuait ses plus vieilles traditions, et telle que nous la raconte Arnobe, est franchement grossière. Elle achevait de se discréditer au théâtre, où l'on mimait les amours de Cybèle et d'Attis.* Sans doute elle n'était pas dans tous ses détails article de foi. Mais elle constituait la base indispensable d'une théologie ; et celle-ci se trouvait, par suite, irrémédiablement frappée de déchéance. En vain le symbolisme philosophique s'ingéniait-il à transformer les fictions en récits édifiants. En vain essayait-on de rapprocher Attis du dieu de Platon et de Philon. Quoi que l'on fît, le mythe comportait comme élément essentiel une aventure scandaleuse, où s'accomplissait un acte sauvage. De plus, cet acte ne restait point purement mythique. Il se reproduisait à travers les siècles, et chaque année, dans l'émasculation volontaire des Galles. Même en ces derniers temps d'anarchie morale, de décomposition sociale, où l'orientalisme triomphait des mœurs romaines, il est à croire que beaucoup, parmi les familiers du temple, ne subissaient pas sans répulsion la présence de ces eunuques malfamés.* Toute dévotion n'est pas fanatisme. A l'égard de dieux qui veulent être « les gardiens de l'âme et de la pensée, » l'orgiasme barbare et sanglant devient une indécence. Dans une religion qui lutte pour la conquête des âmes, les Galles n'apportent pas seulement un mysticisme de mauvais aloi ; ils traînent après eux toute une séquelle de basses superstitions et de compromettantes magies. Enfin le taurobole, qui prétend satisfaire aux plus nobles aspirations de l'homme, le purifier dans son âme et lui préparer une immortalité divine, est une ignoble « douche de sang » et « fait songer à quelque orgie de cannibales.* » Il fallait être affolé de mysticité pour se soumettre sans répugnance à cette pratique. Nulle part ne se manifeste plus nettement la discordance entre la grossièreté fondamentale des rites, survivance d'un rude naturalisme, et les spéculations tardives des théologiens, qui suivent le progrès général des idées. *) Tertull., _Ad nationes_, 1, 10 ; Hippolyt., _Refut. omn. haer._ 5, 9, p. 168 éd. Duncker et Schneidewin ; Arnob. 4, 35, 7, 33 ; cf. les contorniates, qui paraissent représenter des scènes du mythe et dont la fabrication commence précisément sous Constantin pour durer jusqu'à la fin du 4e siècle. *) Il ne faut pas oublier toutefois que les eunuques étaient fort nombreux dans la maison des empereurs ; à la cour de Constance, il y en avait, dit Libanius, _Epitaph. Iuliani_ (Reiske 1, p. 565), « autant que de mouches en été. » *) Cumont, _Religions or. dans le pagan. rom._, p. 88. Il faut ajouter que le taurobole coûte cher et constitue par conséquent un sacrement réservé à des privilégiés. C'est encore une cause d'infériorité dans la lutte contre la religion nouvelle ; cf. le mot d'Origène, _Contra Cels._ 7, 60 : « vos docteurs font comme ces médecins qui gardent leurs remèdes pour les riches. » ## 3\. Sous la dynastie solaire des seconds Flaviens,* et malgré la conversion de Constantin au christianisme, malgré même les efforts de Constance pour détruire l'idolâtrie, les dieux solaires purent espérer qu'ils resteraient les Invaincus.* L'apostasie de Julien parut assurer leur triomphe.* Ce fut, semble-t-il, par des lustrations mithriaques et par un taurobole que le César transfuge voulut laver la souillure du baptême chrétien.* Non seulement il célébra désormais avec ferveur les fêtes de mars, mais il apprit les « secrets ineffables » de la Mère des Dieux, suspendit sa lampe devant l'image d'Attis, selon la coutume des mystes,* et pratiqua régulièrement toutes les observances. Il aimait à s'entourer de mages et de métragyrtes* ; car ce philosophe se plaisait dans une atmosphère de divination et de sorcellerie. Lorsqu'il tente de sauver le paganisme par l'hellénisme, Julien attribue dans son essai de restauration religieuse une large place aux mystères phrygiens, qu'à dessein il rapproche des mystères grecs de Demeter.* Fidèle à la tradition des grands empereurs païens, il recommande même le culte de la Mère des Dieux comme un acte de loyalisme politique ; la Mère des Dieux est, en effet, la Providence de l'empire romain. Quand il eût improvisé son discours sur la déesse, la nuit du 27 mars 362, à la fin des fêtes de Cybèle et d'Attis, il en expédia copie à Rome* pour que l'on en donnât lecture publique, comme d'un mandement pastoral ou d'une encyclique pontificale. Au mois de juin de la même année, marchant contre les Perses et traversant l'Anatolie, l'empereur fit un détour pour visiter Pessinonte.* Sa visite fut un vrai pèlerinage aux lieux saints. Mais de plus en plus la ville « aimée des dieux* » abandonnait Attis pour le Galiléen. Il se plaint amèrement de cette désertion au grand-prêtre de Galatie ; et il joint aux bons conseils son impériale menace. Julien n'accordera défaveur que si la population tout entière se rend au temple en suppliante et demande pardon à la Mère.* Lui-même donne l'exemple, chante des hymnes devant les saintes images, immole des victimes, offre des présents, consulte Cybèle et s'engage par des vœux.* Au cours de son voyage, il fait mettre à mort deux jeunes chrétiens qui ont profané un autel de la grande déesse.* Le 27 mars 363, il s'arrête à Callinicum, sur l'Euphrate, pour célébrer dignement « et selon le rite primitif » la fête de la Lavation.* Mais, trois mois après (26 juin), il tombe percé d'un javelot perse ; et son successeur Jovien est un chrétien. *) Cf. Jules Maurice, dans _Rev. archéol._ 1911, 1, p. 377 ss. *) L'auteur de l'_Expositio totius mundi_ écrit vers 350 : « colunt (Romani) et deos ex parte Iovem et Solem, necnon et sacra Matris Dcurn perficere dicunt. » *) Sur Julien, v. la bibliographie donnée en 1906 par Gruppe, _Gr. Mythol._, p . 1627 n. 7, et p. 1680. *) Greg. Naz., _Or._ 4, 52 ; Sozom. 5, 2, 1 ; cf. un rescrit de Julien aux habitants de Bostra, _Ep._ 52, p. 436 D, où il ordonne aux chrétiens qui voudraient participer aux cérémonies païennes de se soumettre d'abord à des lustrations. *) _Or._ 5, 13, p. 179 B. *) S. Jean Chrysostome, _In S. Babylam contra. Iulian et gentiles_, 14, dit qu'ils accouraient des divers points du monde au palais de Constantinople. *) Julian. _Or._ 5, 8, p. 172 s ; _Ep._ 21, où il réunit les deux sacerdoces sur la tête de Callixena (le rapprochement de ces sacerdoces était dans la tradition anatolienne, cf. supra, p. 392, n. 4). Sur les rapports intimes de Julien avec l'hiérophante d'Éleusis, v. Eunap., _Vit. Soph. Maxim._, p. 476, et Allard, _Julien_, 2, p. 154. *) Il était alors à Constantinople. *) Liban., _ad Iulian. cons._, éd. Reiske, 1, p. 398. *) Julian _Ep._ 21. *) _Ep._ 49. *) Amm. Marc. 22, 9 ; Libanius, _Monodia super Jul._, éd. Reiske, 1, p. 512. *) Greg. Naz., _Or._ 5, 40. Il ne dit pas que le fait se passe à Pessinonte. *) Amm. Marc. 23, 3. C'était un rêve conçu par des philosophes et des humanistes qu'avait voulu réaliser F Apostat. A vrai dire, l'espoir d'une restauration païenne ne se maintenait un peu vivace que dans Rome, et dans un certain milieu de Rome. Le populaire, qui ne comprenait pas grand-chose aux raisons ni aux raisonnements de ces philosophes, se détachait plus facilement du paganisme. La nouvelle aristocratie, par contre, défend avec ténacité la tradition.* Nous avons vu que le couple phrygien est parmi ses dieux préférés. Elle prêche d'exemple. Symmaque reproche à un ami d'être absent le jour de la fête de Magna Mater.* Il y a recrudescence de tauroboles.* Les autels tauroboliques des Clarissimes ne sont pas de simples commémorations. Ce sont des professions de foi. Ils comportent tout un enseignement religieux. Au passant ils apprennent que Cybèle et Attis sont les Plus Puissants, les Tout Puissants, les Immortels, les Saints, les Tutélaires, les Sauveurs, les Gardiens de l'âme et de la pensée, qu'Attis est le Très Haut, « celui qui contient et maintient le tout.* » Le retour aux plus anciens dieux s'y manifeste par un retour à l'archaïsme. Sans doute on conserve à la Grande Mère son titre si romain d'Idéenne, qui perpétue une tradition près de six fois séculaire. Mais on la qualifie également de Rhéa Pammêtor.* Attis est le Ménotyrannos, vocable dont on a perdu le véritable sens et qui prétend désigner le « Seigneur des mois.* » C'est par affectation d'archaïsme que l'on rédige les dédicaces en langue grecque, voire même en dialecte ionien, et en vers.* La plupart de ces autels se dressaient sur le Vatican parce que là se trouvait le baptistère phrygien. Mais le Vatican était aussi devenu l'une des collines saintes de la chrétienté. En face de la basilique élevée par Constantin sur le tombeau de Saint Pierre, en face du baptistère chrétien qu'édifiait le pape Damase, ils prenaient un air de protestation et de défi. Le gouvernement ne s'en inquiétait pas outre mesure. Il se rendait compte que toutes ces manifestations réactionnaires devaient rester platoniques. Il avait besoin des services de l'aristocratie païenne ; et, loin de lui tenir rigueur, il cherchait à se la concilier par des faveurs personnelles. Parmi les tauroboliés que nous connaissons, Clodius Hermogenianus Caesarius fut proconsul d'Afrique en 368-370 et préfet de la ville en 374 ; Sextilius Agesilaus Aedesius fut directeur des principaux services de la chancellerie et membre du consistoire ; Vettius Agorius Praetextatus, chef de la réaction avec Symmaque, fut préfet de la ville en 367 et préfet du prétoire en 384. *) « Presque toute la noblesse de Rome est idolâtre, » déclare S. Augustin, _Confess._ 8, 2, à propos d'une conversion advenue en l'an 361. Dans Prudence, « nobilitas » est synonyme d'aristocratie païenne, comme s'il n'y avait pas de nobles chrétiens, cf. Symmaque, _Epist._ 10, 3, sui les nominations des nobles aux sacerdoces païens. Par contre, Prudence prétend que « le petit peuple tout entier » fréquente la crypte de S. Pierre : _Contra Symm._ 1, 580 ss. Quant à la tradition dont les Clarissimes se font les gardiens jaloux, elle est beaucoup moins éloignée, à vrai dire, de l'idéal religieux des chrétiens que de celui des contemporains d'Auguste. *) Symm., _Epist._ 2, 34. *) Prudence fait allusion à ces « Taurica sacra, » _ibid._ 395. *) _CIL._ 6, 499-504, 508-512. L'expression συνέχων τὸ πᾶν (509) est empruntée à la langue des mystères ; cf. Kroll, _Oracl. Chald._, p. 19, 27-30 ; Zosim. 4, 3, 2 (Agorius Praetextatus, à propos d'Éleusis). *) _CIL._ 6, 509, 30966. Ce titre de Rhéa manifeste bien l'influence prédominante de l'hellénisme. *) _CIL._ 6, 499-501, 508, 511. *) _Ibid._ 509, 30780, 30966. Les deux derniers autels qui nous signalent des tauroboles au Vatican sont datés du 23 mai 390 ; mais, deux ans après, l'usurpation d'Eugène donnait au paganisme un dernier regain d'apparente vitalité. Cet empereur chrétien ne pouvait lutter contre Théodose qu'en s'appuyant sur le parti d'opposition. Un suprême effort fut tenté ; et l'on put croire un moment que tout l'Olympe ressuscitait. Symmaque n'eut-il pas confiance ? Ce fut son cousin et gendre, Nicomachus Flavianus, préfet du prétoire, qui se chargea du premier rôle.* Avec les biens des temples, restitués non directement aux dieux, mais aux chefs du parti païen, on organisa des fêtes retentissantes. Les vieilles divinités latines, tels Janus, Jupiter Latialis, Silvain, Flore, en reçurent leur large part. Elles ne pouvaient cependant rivaliser avec les dieux des mystères, sur qui l 'on comptait le plus et qui prêtaient à plus d'éclat. Les pastophores d'Isis, les fanatiques de Bellone, les Galles de Cybèle reprirent bruyamment possession de la rue. Cybèle fut particulièrement fêtée. La Dame noire du Palatin, si vénérée dans le monde entier que l'on en reproduisait le type pour les sanctuaires de l'Italie et des provinces, n'était-elle pas l'un des sept gages sacrés de la perpétuité de Rome à travers les siècles* ? Les processions métroaques retrouvèrent leur faste d'autrefois, mais avec une certaine fièvre de mysticité qui trahissait les inquiétudes des zélateurs. L'élite de la noblesse, mêlée aux Galles eunuques, ne se contentait point de faire à la déesse une escorte d'honneur, autour du char d'argent. Elle s'enrôla dans la sainte confrérie des Dendrophores, et mit humblement son orgueil à transporter elle-même le pin sacré, un vit des Clarissimes garder sur eux des toges toutes souillées du sang miraculeux d'un taurobole. On en vit d'autres, vêtus de loques, mendier par pénitence.* Un sénateur chrétien se laissa toucher par la grâce de la divine Mère, peut-être aussi par des intérêts temporels ; caries païennes étaient maîtres à la cour.* Il eut tort. Dès 394, Théodose survint ; et sa rapide victoire fît tout rentrer dans l'ordre.* *) Rufin., _Hist. eccl._ 2, 33 : « superstitiosius haec agente et cum omni animositate Flaviano tum praefecto. » *) V. supra p. 328 n. 4. Rutilius Namatianus qualifie encore d' « aeterni fatalia pignora regni » les Livres Sibyllins, que Stilicon fit brûler en 399. *) _Carmen contra paganos_, 57-77 et 103-109 (_Poet. Lat. Min._, éd. Baehrens, 3, p. 286 s). *) Pseudo-Cyprianus, _Ad senatorem ex christiana religione ad idolorum servitutem conversum_, 6-23 (éd. Hartel, _Corp. Script. Eccl. Lat._ 3, 3, p. 302) ; cf. Schultze, _Gesch. d. Untergangs d. Heidentums_, 1 p. 288. *) Privilèges des prêtres païens supprimés en bloc par une constitution de l'an 396 ; _Cod. Theod._ 16, 10, 4. Toutefois le paganisme ne mourut pas, comme Nicomaque et Eugène, de mort violente. Le culte phrygien agonisa lentement. Ammien Marcellin semble dire que de son temps, sous Théodose 2, les fêtes et processions de mars avaient encore lieu.* Dans son temple du Palatin, parée de ses magnifiques bijoux et entourée d'ex-voto qui témoignaient de la piété d'antan, la Dame noire attendait toujours des adorateurs. Mais ceux-ci se faisaient bien rares ; et sans doute ils longeaient les murs pour n'être point vus, comme ceux qui, cinq ou six siècles auparavant, s'en allaient pratiquer avec les Galles des rites défendus. Une fois, ce fut la femme de Stilicon, nièce du premier Théodose, qui entra, mais en curieuse ; et trouvant à son goût le plus beau collier de la déesse, elle l'emporta.* Le vénérable sanctuaire n'eut peut-être pas trop à souffrir jusqu'à l'invasion des Barbares. Sur le Vatican, par contre, la survivance du Phrygianum parut être une impiété. Un jour vint où l'on rasa l'édifice. Les autels tauroboliques furent jetés dans une fosse comme des cadavres. Toutes les générations chrétiennes du moyen-âge qui se succédèrent devant le tombeau de Saint Pierre les ont foulés aux pieds. *) Amm. Marc. 23, 3, 7. Saint Paulin, devenu évêque de Noie en 409, y voit encore célébrer les mystères de Cybèle : _Carm._ 19, 179 ss ; 32, 87 ss : « _nunc quoque_ semiviri mysteria turpia plangunt, nec desunt homines quos haec contagia vertant. » Mais en 449 Polemius Silvius parle des fêtes métroaques comme de choses d'autrefois : « Lavationem veteres nominabant, » Fast. ad 6 Kal. Apr., _CIL._ 1, 2, p. 314. Dans les provinces, elles se perpétuent plus longtemps ; il semble qu'à la fin du 5e s. on célébrait les Hilaria en Crète : Ps. Dionys. Areop., _Epist._ 8, 6. Les derniers maîtres de la philosophie païenne restent fidèles à la vieille religion ; Proclus au 5e siècle, Damascius au début du 6e, conservent une dévotion pour Cybèle et Attis ; Marinus, _Vita Procli_, 19 ; Damasc., _Vita Isidori_ excerpta a Photio cod. 242, p. 345 a, éd. Bekker. *) Zosim. 5, 38. Serena fut plus tard accusée d'avoir, par son impiété, attiré sur Rome les hordes d'Alaric. Elle mourut étranglée, et ce genre de mort parut être une vengeance de la déesse. ## 4\. Mais, dans cette Rome où pendant six siècles avait trôné la Grande Mère des Dieux, tout souvenir de la déesse ne s'était point effacé. On se rappelait que le Vatican avait jadis entendu les prophéties de ses prêtres.* Au 12e siècle, on racontait que la basilique de Sainte-Marie-Majeure avait été bâtie sur l'emplacement d'un temple de Cybèle. Une tradition analogue s'était formée sur le Panthéon, après qu'il eût été converti par Boniface 3, au début du 7e siècle, en église de la Vierge et de tous les martyrs.* « Aux temps des consuls et des sénateurs, » narrait la légende, « le préfet Agrippa fut chargé de faire la guerre aux Perses. Une femme lui apparut en songe et lui dit : Agrippa, que fais-tu ? Je te vois en grand souci de pensée. Et Agrippa lui répondit que c'était vrai. Elle lui dit : prends courage ; promets-moi de m'élever un temple pareil à celui que je vais te montrer, et tu sauras si tu dois être vainqueur. Et Agrippa promit d'élever le temple. Elle le lui montra dans une vision. Et alors il lui demanda qui elle était. Je suis, dit-elle, Cybèle, la Mère des Dieux. Va offrir des libations à Neptune, qui est un grand dieu, afin qu'il te vienne en aide. Fais-nous dédier ce temple, à lui et à moi, parce que nous serons avec toi et que nous te donnerons la victoire. Et Agrippa, se levant tout joyeux, alla conter au Sénat cette apparition, et il partit avec un grand convoi de navires et cinq légions, et il battit tous les Perses. Revenu à Rome, il édifia ce temple, le fit dédier à la Mère des Dieux, à Neptune et à toutes les divinités ; et il appela ce temple Panthéon. En l'honneur de Cybèle il fit exécuter aussi une statue dorée de la déesse, la fit placer au faîte du monument, sur l'ouverture de la coupole, et la protégea d'un toit de bronze doré, qui était une merveille ». *) V. supra p. 337, n. 3. *) _Mirabilia Urbis Romae_ (12e siècle), dans Urlichs, _Codex Urbis R. topographicus_, p. 99 ss ; cf. Gregorovius, _Storia d. città di Roma_ 6, p. 632 s. Au 15e s., Anonymus Magliabecchianus dans Urlichs, _l. c._, p. 163. En dehors de Rome, et bien avant que les humanistes delà Renaissance n'abusent de ces identifications faciles, plus d'une église de la Mère de Dieu passa pour être un ancien temple de la Mère des Dieux. Ce n'était pas toujours pure légende. Nous avons constaté cette substitution à Cyzique, et peut-être au Monte Sant Angelo. Mais la légende même nous apparaît comme un posthume et involontaire hommage à la Mère païenne. Le culte métroaque avait préparé le culte marial.* Répondant lui-même à un éternel besoin de l'humanité, il avait développé la notion d'une Mère divine, « source » de vie,* symbole de tendresse, d'indulgence et d'infinie bonté,* qui trône à la droite du Tout-Puissant.* Julien qualifie Cybèle de Vierge Mère, _Parthenos_* ; pour plus d'un chrétien des premiers siècles, la Mère du Christ fut la Nouvelle Cybèle, _Nea Kubelé_.* Elle est restée en Italie la « Gran Madre, » _Magna Mater_. *) Cf. supra p. 409 s ; Farnell, _Cults of the gr. States_ 3 p. 304 ; Gruppe, _Gr. Mythol._, p. 1613 n. 2, p. 1630 n. 5. Le culte de Marie, mère du Sauveur, apparaît déjà en Arabie sous Théodose. Des femmes l'avaient, paraît-il, importé de Thrace. « Ce culte consistait en une fête annuelle. On s'assemblait autour d'un trône monté sur roues (cf. le char de Cybèle), et l'on offrait à la Vierge Mère des gâteaux d'une préparation spéciale. Il y avait toute une liturgie que les femmes seules pouvaient célébrer » ; Duchesne, _Hist. anc. de l'Église_, 2, p. 622. Sur les survivances de la Grande Mère, v. Trede, _Das Heidentum in d. röm. Kirche_ 2, 1890, pp. 85-121 (la Mater Magna Maria en Campanie) et 379-384 (à Afragola, en Campanie, procession de la Madone dans un char triomphal et fleuri, traîné par huit bœufs). A Milan, Madone dite Idea, et persistance de la cannophorie ? De Marchi, cité par Hepding, _Attis_, p. 149 n. 3. *) Épithète de la Grande Mère dans Julien, _Or._ 5, 166 A, et dans Proclus (Abel, _Orphica._ fr. 305, περὶ τῆς ζωογόνου πηγῆς Ῥέας) ; --- des déesses Mères dans les cultes babyloniens ; --- de la Vierge Marie, ζωοδόχος πηγή, cf. les textes réunis par Usener, _Weihnachtsfest, Relig. geschichtl. Untersuch._, 1889, p. 34 ss, et Eisler dans _Philologus_ 68, p. 197 s. *) Cf. dans Apul., Met. 11, 25, cette prière à Isis : « tu quidem sancta et humani generis sospitatrix perpetua, semper fovendis mortalibus munifica, _dulcem matris affectionem_ miserorum casibus tribuis. » *) Cf. Hippolyte, _Refut. omn. haeres._, 5, 14, p. 166 : Δύναμις δεξιά, ἣν ἐκάλεσεν ἡ ἀγνωσία Ῥέαν. *) Cf. supra, p. 203 n. 5. Sur l'ancienneté d'un culte de Parthenos Meter, voir Fehrle, _Die kultische Keuscheit im Altertum_, 1910. *) Cf. Eisler, _l. c._, p. 171, citant Geltzer, _Africanus_ 1, 19. Dans Isidore de Péluse, comparaison entre la Mère des Dieux et la Mère de Dieu : _Epist._ 1, 54 (à propos des Nestoriens, qui refusaient à la « Christotokos » le titre de « Theotokos » ). # Conclusions Le culte d'une Mère divine est l'un des plus anciens que nous connaissions dans le bassin de la mer Egée. Il fut l'un de ceux en qui le paganisme gréco-romain mit ses dernières espérances. Nous pouvons suivre ainsi le cours de ses destinées pendant près de vingt siècles, dont six appartiennent à l'histoire de Rome. Sa protohistoire commence pour nous dans le palais minoen de Knossos et sur les cimes de l'Ida crétois. Mais il fut commun, ce semble, aux Etéocrètes, aux Pélasges, aux Lélèges, aux Hittites. Déesse de la Terre, qui est la mère féconde de toutes choses, cette Grande Mère avait fini par grouper autour d'elle et sous sa dépendance les principaux totems des tribus primitives, fauves, reptiles, oiseaux, arbres et pierres sacrées. A côté d'elle, on adorait un dieu, son fils et son époux ; mais la primauté restait à la Mère, souvenir et survivance probable d'un très antique régime de matriarcat. Dans la Grèce hellénique, la Grande Mère aux lions fut supplantée par Déméter. En Asie Mineure, elle est demeurée au premier rang des divinités nationales. Les divers conquérants du sol l'ont tour à tour adoptée, non sans exercer de multiples influences sur le développement interne de son culte et sur la conception même de sa divinité. Le rite de l'eunuchisme, entre autres, et le mythe du dieu favori, qui se substitue à celui du dieu fils, paraissent être importés de l'Asie orientale. Peu à peu, au contact des religions sémitiques, de la religion thraco-phrygienne, de la religion perse, de la religion et de la philosophie grecques, se transforment les vieilles et instinctives croyances. Il s'en dégage une doctrine théologique et morale, qui correspond aux progrès de la conscience religieuse et qui donne une portée nouvelle aux rites magiques des « mystères ». Des petits états sacerdotaux qui s'étaient constitués autour de temples, sur des domaines sacrés de Meter Kybélè et d'Attis, celui de Pessinonte fut de beaucoup le plus célèbre. Il subsiste jusqu'au début de l'Empire romain ; et la ville sainte attire des pèlerins jusqu'à la fin du paganisme. Parmi les centres les plus actifs du culte métroaque, il y avait aussi la région de l'Ida et d'importantes cités maritimes, telles que Cyzique et Smyrne. L'expansion coloniale et commerciale des ports levantins favorisa, dès la vie siècle, sa diffusion hors de l'Anatolie. Cybèle est venue à Marseille avec les colons de Phocée. Elle est venue à Corinthe et au Pirée avec les marchands. Pour adorer leur grande déesse et célébrer les « Attideia, » ceux-ci s'organisaient en thiases et fondaient des temples ; le Metrôon du Pirée était florissant à l'époque macédonienne. Ce fut directement d'Asie Mineure, par l'intermédiaire de Pergame et sous la forme d'une pierre noirâtre, que la Grande Mère des Dieux Idéenne pénétra dans Rome. Elle n'y fut point importée par des trafiquants orientaux ; le Sénat et le peuple romain l'avaient eux-mêmes appelée sur le Palatin, vers la fin du 3e siècle avant notre ère. Il n'est pas impossible, assurément, que son nom ait figuré dans les Livres Sibyllins. Toutefois, à cette date, l'adoption de la Dame Noire apparaît surtout comme l'œuvre de la diplomatie sénatoriale. Non seulement, après les désastres de la seconde guerre punique, Rome se conciliait une puissante alliée contre les dieux de Carthage ; mais elle se créait en même temps des liens religieux avec le royaume des Attalides, dont l'alliance lui devenait indispensable pour sa politique extérieure. Simple épisode des premières relations de Rome avec l'Asie, cet événement prend, dans l'histoire des religions, une importance considérable. Car il constitue la première conquête de l'Orient sur Rome. L'histoire du culte métroaque à Rome comprend deux périodes. Pendant la première, qui se prolonge jusqu'au temps de l'empereur Claude, le génie romain se défend contre le fanatisme oriental. Durant la seconde, l'orientalisme a triomphé définitivement des traditions romaines. La Grande Mère recevait en Asie Mineure un culte orgiastique, desservi par des prêtres, des prêtresses et des Galles eunuques. Ce fut une obligation sacrée pour Rome, en l'acceptant dans ses murs, de lui conserver son culte et son clergé primitifs. Le Sénat dut laisser s'introduire, sur le Palatin, des rites étrangers et barbares, célébrés dans une langue étrangère ; il dut tolérer la présence d'un prêtre et d'une prêtresse d'origine anatolienne, seuls qualifiés pour accomplir ces rites. Mais il interdit aux citoyens de participer à de telles cérémonies ; il n'autorisa le contact de la population et de ce clergé qu'à certains jours de quête, dont il fixa le nombre ; et les Décemvirs furent chargés d'organiser un culte romain de la Mère des Dieux. Les lois, les précautions policières, les mœurs publiques, plus fortes que les lois, maintiennent longtemps encore l'intégrité de la religion nationale. Rome, cependant, apprenait à connaître l'Orient en Orient même. Elle se familiarisait avec les religions de l'Asie Mineure, peu à peu transformée en provinces romaines. L'introduction du culte de Mâ Bellone dans la cité, au temps de Sylla, témoigne de l'influence grandissante de ces religions. De son côté, l'Orient commençait à envahir Rome avec ses esclaves et ses affranchis. Autour de la Dame Noire se groupait une église phrygienne. La dévotion des premiers Césars à la Mère Idéenne favorisa, chez les affranchis impériaux, l'esprit de prosélytisme. La faiblesse d'un prince assura le triomphe d'Attis. Mais tôt ou tard, avec la complicité des impératrices, Attis eût triomphé. Aussi bien, de toutes parts, voyait-on s'affirmer la supériorité de l'Orient en matière de religion. Rome devint ainsi, pour le culte phrygien, un second foyer de rayonnement. S'il s'est propagé dans l'Empire, c'est avec l'aide de Rome, qui lui donne l'existence légale, qui lui prête l'appui de sa protection souveraine, qui lui accorde le privilège des tauroboles pour le salut des empereurs ; de Rome capitale, qui compte dans le personnel administratif de ses provinces un nombre considérable d'affranchis, compatriotes et zélateurs de Cybèle et d'Attis ; de Rome guerrière, qui recrute des soldats d'élite sur les hauts plateaux de l'Anatolie et les envoie sur toutes ses frontières ; de Rome pacificatrice, dont la domination facilite et développe le trafic entre l'Orient et l'Occident. Ce sont les privilèges officiellement reconnus à la Mère des Dieux qui ont fait la fortune des mystères phrygiens. Aussi, dans la répartition géographique des différents cultes venus d'Orient, comme dans l'origine ethnique et la condition sociale de leurs adeptes, celui-ci se distingue-t-il nettement des autres. Les mystères syriens et persiques, plus encore que les mystères égyptiens, se sont propagés surtout aux frontières, dans les ports de commerce et le long des grandes voies de pénétration. Leurs dévots sont des immigrés, presque tous d'origine orientale, marchands, colons, agents subalternes de la maison impériale et de l'administration procuratorienne, ou bien des officiers, des sous-officiers, des soldats.* Cybèle et Attis ont pénétré plus profondément dans l'intérieur des provinces latines. Ils ont recruté une bonne part de leurs fidèles dans la population indigène, bourgeoisie des villes ou plèbe des campagnes. Leur sacerdoce, confié d'abord à des affranchis, voire même à des esclaves, passa généralement à des ingénus ; souvent il excita l'ambition des plus notables citoyens. Les magistrats municipaux donnent l'exemple de la dévotion. Aux 2e et 3e siècles, en Gaule, en Afrique, le taurobole apparaît comme une des plus curieuses manifestations du loyalisme à l'égard de l'Empire. Tel fut le succès du culte dans certaines grandes villes, comme Lyon, Salone, Aquilée, qu'elles devinrent à leur tour des centres provinciaux d'expansion. *) Cf. Toutain, _Cultes païens dans l'Empire romain_, 1re partie, 2, 1911. Ce succès, Cybèle et Attis ne le devaient pas seulement à la protection de Rome et au fanatisme de leurs zélateurs. Ils ont aussi conquis le monde par leurs propres vertus. Ils l'ont conquis, selon les cas, par ce qu'il y avait de plus grossièrement primitif dans leur vieux fonds de naturalisme, et par ce qu'il y avait de plus moderne dans le spiritualisme doctrinal de leur mystique. Les traditions naturalistes de leur passé barbare, nous l'avons vu par maint exemple, ne sont pas restées étrangères à leur diffusion. Dieux des sources, des monts, des forêts, ils purent s'adapter aux divinités similaires par qui se perpétuaient, dans les religions occidentales, les cultes préhistoriques des eaux, des rochers et des arbres. Leurs fonctions agraires, qui les ont fait adorer dans les campagnes comme protecteurs des moissons et des vendanges, ont contribué plus encore à leur popularité. Ce qui les rendait non moins populaires sans doute, c'étaient les pratiques de sorcellerie qu'enseignaient les Galles nomades pour assurer leur protection. Enfin la sauvagerie même de certains rites devenait un attrait, parce qu'on y voyait une preuve de leur antique origine et, par suite, une raison supérieure d'efficacité. Mais, si le triomphe du culte phrygien ressemble parfois à un réveil de la barbarie, on ne saurait méconnaître que ce culte, au temps des Antonins et des Sévères, représente un type avancé de religion. Les vraies conquêtes religieuses s'expliquent, avant tout, par des causes morales. Pour exercer une telle action sur la société, il fallait bien que son contenu satisfît aux exigences nouvelles des âmes. Il savait prendre l'homme tout entier : par les sens et le sentiment, avec le cérémonial imposant de ses fêtes, avec les émouvants offices de la Passion et de la Résurrection d'Attis ; par l'intelligence, en proposant une solution au problème de la destinée ; par la conscience surtout, en apportant des moyens de purification à Pâme malade et pécheresse, en assurant l'immortalité bienheureuse à l'âme guérie et sanctifiée.* L'expansion du taurobole, à la fin du 2e siècle, témoigne de l'accueil qui fut fait à ses offres de régénération. La diffusion des Attis funéraires, dès le 1er siècle, prouve combien l'on eut foi dans ses promesses d'éternelle félicité. *) Cf. Cumont, _Rel. or. dans le pagan. rom._, chap. 2 : _pourquoi les cultes orientaux se sont propagés_. Beaucoup de ces croyances et de ces dogmes qui lui attiraient des fidèles, il les avait sinon adoptés, du moins précisés et sublimés au cours des derniers siècles. Nous connaissons mal le développement interne des mystères phrygiens. Mais leur précieuse faculté d'assimilation ne fut pas l'une des moindres causes de leur succès. En Asie Mineure, sous l'Empire, ils paraissent avoir subi particulièrement l'ascendant du judaïsme. C'est en majeure partie à Rome et dans les provinces latines que s'achève leur évolution. Le contact avec les autres mystères orientaux y devient plus intime. Car Mithra, les divinités syriennes, Isis même, dans les premiers siècles de l'Empire, venaient volontiers chercher asile auprès de la puissante Mère des Dieux. Mithra surtout vécut avec Attis et Cybèle en véritable communion. Il continua d'exercer sur Attis la plus heureuse influence. En même temps l'astrologie, inséparable de l'astrolâtrie, et dont les Césars se font les adeptes fervents, complétait l'œuvre des religions sémitiques. Elle acheva la transformation d'Attis en dieu solaire. Au 4e siècle, quand la religion astrale domine à la fois l'Occident et l'Orient païens, Attis et Mithra sont vraiment de Grands Dieux. Cybèle reste une grande déesse ; car cette religion astrale prend aussi les caractères d'une religion cosmique. Mais en vain se font-ils les champions du paganisme contre le christianisme. En vain, pour mieux lutter, essaient-ils de fortifier leurs armes. Déjà le Galiléen avait vaincu. Les polémistes chrétiens, de Tertullien à saint Augustin, ont dit et redit tout le mal qu'ils pensaient de ces adversaires tenaces. Ils ont insisté sur les tares du culte phrygien. Ce sont, plus grossièrement apparentes, celles de tous les mystères païens, parce que tous étaient issus d'antiques religions naturalistes et qu'en eux se prolongeait un passé de barbarie. Mais ce qui nous intéresse aujourd'hui, c'est précisément de voir l'effort constant du vieux culte pour s'affranchir du naturalisme originel et pour s'élever aux formes supérieures de la dévotion. De ce fonds barbare est sortie l'une des religions qui, aux temps où se préparait le triomphe du christianisme, ont consolé et réconforté l'humanité. Elle-même, en proposant aux hommes le culte d'un dieu qui meurt dans la souffrance et ressuscite glorieux, mieux encore en enseignant l'éminente dignité de l'homme et en exaltant la vie spirituelle, préparait la victoire du Christ. Enfin, au paganisme devait survivre le culte si profondément humain d'une Mère divine.