# Matériaux pour servir à l'Histoire de la Déesse Bouddhique Tārā. ## Par Godefroy de Blonay, #### Élève diplômé de l'école pratique des hautes études. ### Paris, 1895. #### Librairie Émile Bouillon, Éditeur. ### 67, Rue de Richelieu, au premier. --- # [Bibliographie](#bibliographie-1) # [1\. Sources Littéraires.](#1-sources-littéraires-1) # [2\. Documents Épigraphiques.](#2-documents-épigraphiques-1) # [3\. Les Images de Tārā.](#3-les-images-de-tārā-1) # [4\. Le Rôle de Tārā dans Tāranātha.](#4-le-rôle-de-tārā-dans-tāranātha-1) # [5\. Textes.](#5-textes-1) # [6\. Introduction du Commentaire de Jinarakṣita.](#6-introduction-du-commentaire-de-jinarakṣita-1) ## [_addendum editoris_ : Devanāgarī (देवनागरी).](#addendum-editoris--devanāgarī-देवनागरी-4) # [7\. Traduction.](#7-traduction-1) # [8\. Āryatārāsragdharāstotra.](#8-āryatārāsragdharāstotra-1) ## [_addendum editoris_ : Devanāgarī (देवनागरी).](#addendum-editoris--devanāgarī-देवनागरी-5) # [9\. Traduction.](#9-traduction-1) # [10\. Āryatārābhaṭṭārikānāmāṣṭottaraśatakastotra.](#10-āryatārābhaṭṭārikānāmāṣṭottaraśatakastotra-1) ## [_addendum editoris_ : Devanāgarī (देवनागरी).](#addendum-editoris--devanāgarī-देवनागरी-6) # [11\. Traduction de la Liste des cent huit Noms d'Ārya Tārā.](#11-traduction-de-la-liste-des-cent-huit-noms-dārya-tārā-1) # [12\. Ekaviṃśatistotra.](#12-ekaviṃśatistotra-1) ## [_addendum editoris_ : Devanāgarī (देवनागरी).](#addendum-editoris--devanāgarī-देवनागरी-7) # [13\. Conclusion.](#13-conclusion-1) --- Le présent travail a pour sujet la déesse bouddhique Tārā. Jusqu'ici cette divinité n'était connue que par les rares mentions que lui accordaient les ouvrages généraux ; on savait aussi qu'un certain nombre d'hymnes adressés à cette divinité existaient en manuscrit dans les collections bouddhiques. Je me suis proposé de coordonner les documents principaux que j'ai recueillis sur Tārā, afin qu'il fût possible de se rendre compte du rôle que cette divinité et son culte ont joue dans le bouddhisme. Le hasard a mis à ma disposition trois textes qui caractérisent heureusement les différents aspects du sentiment religieux dans le bouddhisme : Le _Sragdharā stotra_, composé par Sarvajñamitra, un lettré distingué qui se meut à l'aise dans les difficultés d'un mètre compliqué et qui met les ressources d'un style savant au service d'une foi ardente et d'une dévotion exaltée. Ce petit poème peut figurer parmi les inspirations les plus heureuses de la poésie personnelle à côté des _Cent cinquante Stances de Mātṛceṭa_* qu'I-Tsing admirait comme un chef-d'œuvre, et surpasse assurément en mérite littéraire les hymnes bouddhiques publiés jusqu'ici.* *) Fujishima : _Deux chapitres_, etc. *) Minayeff : _Mémoires de la Société Archéologique_, t. 2, fasc. 1, etc. Les _Cent huit Noms de Tārā_ ou _Āryatārānāmāṣṭottaraśatakastotra_ forment avec l'œuvre de Sarvajñamitra un étrange contraste. Pour parfaire le nombre consacré, qu'une superstition commune imposait aux bouddhistes aussi bien qu'aux brahmanes, l'auteur anonyme fait défiler une litanie d'épithètes incolores aisément transportables d'une divinité à l'autre, et qui n'ont d'autre vertu que de concourir au total obligatoire. La liste des _Cent huit Noms_ encadrée comme à l'ordinaire dans un dialogue, entre Vajrapāṇi et Avalokita, est sans nul doute un chapitre isolé d'un de ces tantras de Tārā auxquels Sarvajñamitra fait allusion, où l'adoration de la déesse se mêlait à des pratiques magiques ou répugnantes.* *) Les catalogues nous font connaître les titres de plusieurs ouvrages qui se rattachent au culte tantrique de Tārā sans spécifier le caractère brahmanique ou bouddhique de la divinité : _Tārāpaddhati_, 170 p., 800 vers ; _Tārāpūjanapaddhati_, 120 p., 1200 vers ; _Tārārahasyavārttika_, 250 p., 6000 vers ; _Tārābhaktisudhārṇava_ ; _Tārānityārcanavidhi_ (avec les mille noms de la déesse). Ces textes citent d'autres ouvrages intéressant Tārā : _Tārākāraṇīya_, _Tārārṇava_, _Tāropaniṣad_. Voir : _Paṇḍit Devīprasāda_, Catalogue of the sansc. mss. existing in Oudh Province for the year 1889, 15. 21, 22, 23, et _India Office, Cat. of sansc. mss._, n° 2596 et 2603). L'_Ekaviṃśatistotra_ est encore un fragment tantrique où les formules d'adoration se suivent à l'aventure sans que l'auteur ait pris même la peine de leur donner un cadre. La langue, la métrique et la raison sont violées avec un égale indifférence. Mon travail eût été incomplet si je n'avait pas recherché les traces de Tārā dans les pays étrangers à l'Inde, où le bouddhisme a trouvé une grande faveur. Dans la littérature chinoise, je puis signaler plusieurs passages relatifs à Tārā, et je tiens à remercier M. Specht de l'obligeance avec laquelle il m'a prêté son précieux concours en ce domaine. Le Tripiṭaka chinois donne les titres des hymnes sanscrits que je publie ; le contenu que j'ai dû me contenter d'étudier sommairement semble répondre en partie seulement à mes textes. Au Tibet, Tārā semble avoir été spécialement en honneur. Le bouddhisme a eu pour propagateur dans cette région le roi Srong-Tsan-Gampo. Les deux reines ses épouses le secondèrent de leur zèle et restèrent si populaires que la légende en fit les Tārās tibétaines. Au 16e siècle encore, Tāranātha, l'historien du bouddhisme indien, consacre une partie de son ouvrage à la biographie de saints personnages voués au culte de Tārā. Ces biographies ne valent pas seulement par l'intérêt du conte, mais elles représentent certainement une tradition ancienne fondée sur des documents indiens. L'introduction de Jinarakṣita à son commentaire du _Sragdharā stotra_ montre que les légendes recueillies par Tāranātha étaient déjà constituées définitivement dans l'Inde longtemps avant la compilation de l'auteur tibétain. Qu'il me soit permis de remercier mon maître, M. Sylvain Lévi, des conseils et de l'aide patiente dont il n'a cessé de favoriser mes recherches. Si, grâce à lui, mon travail a quelque mérite, c'est pour moi un devoir et un privilège que de lui témoigner ici ma profonde gratitude. G. B. --- # Bibliographie. ## Ouvrages cités. Aufrecht. --- _Catalogus Codicum sanscritorum bibliothecæ bodleianæ._ Oxonii, 1864. Balfour, Sr. G. Edw. --- _The Cyclopedia of India and of Eastern and Southern Asia._ Barth. --- _Les religions de l'Inde._ Paris, 1876. Sandoz et Fischbacher. Barth. --- _Bulletin des religions de l'Inde_, dans _Revue de l'histoire des religions._ 1889. Bendall, Cecil. --- _A Journey of literacy and archæological researches in Nepal and Northern India._ Cambridge, 1886. Bendall, Cecil. --- _Catalogue of buddhist-sanscrit manuscripts in the university library of Cambridge._ Cambridge, 1886. Bhagvanlal Indraji. --- _Inscriptions from Nepal_ (_Indian Antiq._, vol. 9). Bühler. --- Voir _Indian Antiquary_, v. 2, p. 106. Burgess. --- _Elura Cave temples, Archæological Survey of Western India._ 1883. Burgess, voir Fergusson. Burnouf. --- _Introduction à l'Histoire du Bouddhisme indien._ Paris, 1844. _Catalogue of the sansc. Mss._, in the library of the India Office Part. 4, by Windisch and Eggeling. London, 1894. Cunningham. --- _Ancient Geography of India._ London, 1871. Cowell et Eggeling. --- _Catalogue of buddhist-sanscrit manuscripts in the possession of the Royal Asiatic Society_ (Hodgson Collection). _Journ. of R. A. S._, new series, t. 8. Csoma de Körös. _Analyse du Kandjour_, trad., L. Feer. _Annales du Musée Guimet._ T. 2. Dowson, J. --- _A classical Dictionary of Hindu mythology and history._ 1875. Trubner's Oriental Series. Edkins. --- _Chinese Buddhism._ London, 1880. Eitel, Ernest. --- _Handbook of Chinese buddhism._ London, 1888. Fergusson et Burgess. --- _The Cave Temples of India_, London, 1880. Fleet. --- _Corpus Inscriptionum Indicarum._ Calcutta, 1888. Fleet. --- V. _Indian Antiquary_, vol. 10. Bombay, 1881. Fujishima, Ryauon. --- _Deux chapitres extraits des Mémoires d'I-Tsing sur son voyage dans l'Inde, J. A._, 1888. Gaur Dás Bysack. --- _Notice on a buddhist monastery at Bhot Bágān (Howrah), on two rare and valuable Tibetan mss._, etc. _J. of R. A. S._, v. 59, 1890. Hodgson, B. H. --- _Essays on the language, litterature and religion of Nepal and Thibet._ London, 1874. Hodgson. --- _Quotations in Proof of his sketch of Buddhism. J. of R. A. S._, old series, t. 2. Hunter, W. --- _Catalogue of the Hodgson's Manuscripts_, London, 1881. Julien, Stanislas. --- _Mémoires sur les contrées occidentales_, traduits du sanscrit en chinois en l'an 648 par Hiouen-Tsang et du chinois en français. Paris, 1858. Kern. --- _The Saddharma Puṇḍarīka_ (Sacred Books of the East, v. 21). Kern. --- _Der Buddhismus und seine Geschichte in Indien._ Trad. Jacobi, Leipzig, 1884. Kielhorn. --- v. _Ind. Ant._, v. 17. _A buddhist Stone Inscription from Sravasti._ Klaproth, Julius. --- _Reise in den Caucasus und nach Georgien._ Halle-Berlin, 1812. Langlois, M.-A. --- _Harivansa, ou histoire de la famille de Hari_, traduit sur l'original sanscrit. Paris, 1834. Lavallée-Poussin, Louis de --- _Bodhicaryāvatāra_, v. _Muséon_, t. 11. Louvain, 1892. Lévi, Sylvain. --- _Le Théâtre indien._ Paris, 1890. Minayeff. --- _Recherches sur le Bouddhisme_, trad. Assier de Pompignan. Paris, 1894. Mitra, Rājendralāla. --- _The sanscrit buddhist Literature of Nepal._ Calcutta, 1882. Mitra, Rājendralāla. --- _Buddha Gaya, the hermitage of Sakyamuni._ Calcutta, 1878. Oldenberg. --- _Le Buddha_, trad. A. Foucher. Paris, 1894. Paṇḍita Devi Prasáda. --- _A Catalogue of sanscrit manuscripts existing in Oudh Province for the year 1889, compiled_ Allahabad, 1893. Rājataranginī. --- Voir Stein, et Troyer. Schiefner, Anton. --- _Tāranāthas Geschichte des Buddhismus in Indien_, aus dem Tibetischen übersetzt. Saint-Petersburg, 1869. Schlagintweit, E. de --- _Le Bouddhisme au Thibet._ Annales du Musée Guimet, t. 3. Stein, M. A. --- _Kalhaṇa's Rājataraṅgiṇī, or Chronicle of the Kings of Kashmir._ Bombay, 1892. Svayambhupurāna. --- Manuscrit devanagari, n. 78, Cat. Bibl. Nat. Tāranātha. --- Voir Schiefner. Troyer. --- _Rājataraṅgiṇī, histoire des rois du Kasmir_, trad. Paris, 1840. Waddell. --- _J. of R. A. S._, janv. 1894. Wassiliew, W. --- _Der Buddhismus, seine Dogmen Geschichte und Litteratur._ Saint-Pétersbourg, 1860. Wright. --- _History of Nepal._ Cambridge, 1877. Wilson, H. H. W. --- _Works_, etc., London, 1861-1877. --- # 1\. Sources Littéraires. Les documents les plus complets que nous ayons sur le personnage et le culte de la déesse bouddhique Tārā appartiennent à la littérature sanscrite népalaise. Ce sont le _Sragdharāstotra_ avec son introduction dans la ṭīkā de Jinarakṣita, la liste des _Cent huit noms de Tārā : Āryatārānāmāṣṭottaraśataka_, et l'_Hymne en vingt et un vers : Ekaviṃśatistotra_. Il a dû exister encore d'autres textes relatifs à Tārā qui seraient précieux à retrouver ; c'est à Tāranātha que nous devons d'en connaître au moins deux par leurs titres ; il dit à propos de l'ācārya Rāhulabhadra : « Son histoire est racontée dans la _Description de la vie de Tārā._* » Les informations de Tāranātha ne déterminent malheureusement ni la date ni l'origine sanscrite ou tibétaine de cet écrit. *) Tāranātha, p. 93. L'autre est le _Tārāsādhanaśataka_, par Candragomin ; Tāranātha nous apprend que cet ouvrage a été traduit en tibétain.* *) Tār., p. 156. Le catalogue du Kandjour nous apprend l'existence dans le canon tibétain des textes suivants en rapport avec le culte de Tārā : | | | | | |-------|----|----|--------------------------------------------------------| | Rgyud | 4 | 13 | Tārākurukullakalpa. | | Rgyud | 14 | 49 | Sarva Tathāgata mātānī Tārā viśvakarma bhava tantra. | | Rgyud | 14 | 50 | Ārya Tārā bhadra nāma aṣṭaśatakam. | | Rgyud | 14 | 51 | Tārā Devī nāmā aṣṭaśatakam. | | Rgyud | 14 | 53 | Tārā svapratijñā dhāraṇī (mantra). | | Rgyud | 18 | | Bhagavaty Ārya Tārā mūlakalpa. | | Rgyud | 21 | 3 | Origine des noms des divinités, parmi lesquelles Tārā. | On trouve dans le Tandjour, Rgyud 1, 9 un Tārāmahāyogatantra. La source la plus féconde en renseignements sur le grand développement que prit le culte de Tārā est l'_Histoire du Bouddhisme aux Indes_ de Tāranātha. Le culte de cette divinité devait avoir conservé une importance particulière pour que l'auteur de l'_Histoire du Bouddhisme_ nous rapporte une quantité relativement considérable de renseignements au sujet de Tārā ; elle avait parmi les plus notables ācāryas de l'Inde des sectateurs fervents. La popularité de Tārā au Tibet se constate dès une époque assez ancienne : Les Tibétains ont identifié Tārā avec les deux femmes du roi Srong-Tsan-Gampo, l'introducteur du bouddhisme en ce pays (septième siècle CE).* Les deux épouses royales étaient, en tibétain : Dolkar (pron. Dö-Kar') et Dol-jang (pron. Dö-jang ou Dö-ngön), la Tārā blanche et la Tārā verte. Elles portent aussi l'une et l'autre le nom de S'grolma (pron. 'Döma'). L'une était princesse népalaise,* l'autre princesse chinoise* ; ces deux princesses personnifient donc deux influences bouddhiques aussi intenses l'une que l'autre. *) Voir Schlagintweit. _Bouddhisme au Tibet_, 40-42, Waddel, _J. R. A. S._, janvier 1894. *) Nommée Vajrabhrūkuṭi ou Bribsun fille du roi Prabhāvarman ou Aṃśuvarman, 630-640 CE. L'histoire de la Tārā tibétaine, ou des Tārās tibétaines, car leur nombre finit par devenir considérable, échappe à nos moyens actuels d'investigation ; il faudrait entreprendre l'examen de documents littéraires bien peu accessibles encore. Klaproth* donne en allemand un hymne à la verte Darraḥ ou Rogon-Darrki, hymne peu caractéristique. M. Waddell* a étudié ce sujet spécialement et a publié la traduction anglaise d'hymnes extraits du manuel d'adoration à Tārā, hymnes assez semblables à ceux que nous traduisons. Il y a joint la liste d'un certain nombre de Tārās, sans donner malheureusement ses sources. *) Fille de l'empereur Tai-Tsung, elle épousa le roi en 630 CE. V. Gaur Dàs Bysack. _J. A. S._, vol. 59, p. 53. *) _Reise in den Caucasus und nach Georgien_, v. 1, p. 213-215. *) _J. R. A. S._, janvier 1894. La Chine fournit aussi à nos recherches son contingent de renseignements et de documents. Hiouen-Tsang mentionne Tārā à deux reprises : « Au couvent* Tilāḍhaka (dans le Magadha), dans le vihāra du milieu, il y a une statue droite du Buddha haute de trente pieds. A gauche s'élève la statue de To-lo-pou-sa (Tārābodhisattva) et à droite celle de Kouan-tseu-thsaï-pou-sa (Avalokiteśvarabodhisattva). Ces trois statues sont en laiton fondu, leur aspect divin inspire une crainte respectueuse et les effets de leur puissance se répandent secrètement au loin.* » *) St. Julien, v. 2, p. 439-440. *) C'est à M. Specht que je dois la connaissance de ces deux passages avec leur portée précise, qui a échappé à Stanislas Julien. Puis dans la description du royaume de Vaiśālī* : « A deux ou trois lis au nord de la statue en cuivre du Buddha exécutée par le roi Mouan-Tscheou (Poūrṇavarma) on voit au milieu d'un vihāra en briques la statue de To-lo-pou-sa (Tārābodhisattva). Elle est d'une grande hauteur et douée de pénétration divine. Le premier jour de chaque année on lui fait de riches offrandes. Les rois, les ministres et les hommes puissants des royaumes voisins présentent des fleurs d'un parfum exquis en tenant des étendards et des parasols ornés de pierres précieuses. Les instruments de métal et de pierre résonnent tour à tour, les guitares et les flûtes unissent leurs sons harmonieux. Ces assemblées religieuses durent pendant sept jours.* » *) St. Julien, v. 3, p. 40 et suiv. *) St. Julien, v. 3, p. 50-51. Il est fait mention aussi de Tārā dans le livre : _Les pays du Buddha_, chapitre 4, description de toute l'Inde et route pour y aller. L'auteur Tao-Suen, le fondateur de l'École du Vinaya en Chine (650 CE) mentionne dans le royaume de Tsaukūṭa près du Strīrājya, par conséquent dans l'Asie centrale, un stūpa de Tārā. Grâce à l'obligeance de M. Édouard Specht qui m'en a signalé l'existence, je puis constater la présence dans le _Tripiṭaka_ chinois de deux textes relatifs à Tārā : Le premier donne une transcription en caractères chinois d'un texte sanscrit : _Les cent huit noms de la Sainte Tārā_. Quoique ce titre nous permît d'espérer trouver la transcription du texte que nous donnons plus loin en sanscrit, il a fallu renoncer à cette identification, car nous nous trouvons en présence de dhāraṇīs sans caractère propre. Le texte commence ainsi : Ôm, trailokye, vijaye, arthaṃjaye, ariṃghate, jaye, ajaye, vijaye, mahājaye, vijaye, jaye, jaye, hi hi ... etc.* *) Voir _Ta Ts'ang King_, boîte 27, cahier 11, de l'exemplaire de la Société asiatique. Les qualificatifs sont donnés en transcription et le texte sous forme de sūtra est donné en traduction chinoise. Le bodhisattva Avalokita est un des interlocuteurs, comme dans le texte sanscrit. Le second texte donne aussi une transcription en caractères chinois d'un texte sanscrit, ayant pour titre : Chan-to-lo-pou-sa-fan-tsan équivalant au sanscrit : Ārya tārā bodhisattva saṃskṛta stotra, soit : _Éloge en sanscrit de la sainte Tārā bodhisattva_.* *) _Ta Ts'ang King_, b. 27, c. 13. Le nombre des indications fournies par le bouddhisme chinois donne le droit de penser que le bouddhisme japonais a conservé aussi un souvenir plus ou moins vivace de Tārā. Malgré les efforts que nous avons tentés dans cette direction, à cause peut-être de l'insuffisance des moyens d'investigation dont nous disposions, il ne nous a pas été donné de suivre Tārā jusqu'au Japon. M. Horiu Toki, d'après des notes prises dans les documents japonais du Musée Guimet, a pu nous signaler le nom de Ārya Tārā bodhisattva passé au Japon, sous la forme de Ro-tara-ni-bi. « Elle est comme le bateau qui fait traverser à l'homme l'Océan, et lui procure la liberté (d'après le Yoga-ki). » Le bouddhisme du sud n'accorde point de place aux énergies féminines des Buddhas (_śaktis_), aussi Tārā est-elle restée étrangère à la littérature sacrée de Ceylan.* *) Barth. _Bulletin des religions de l'Inde_, 1889, 2 part. p. 5. --- # 2\. Documents Épigraphiques. Les documents épigraphiques seraient les fondements historiques les plus sûrs pour assigner des dates précises aux phases du culte de Tārā aux Indes. D'après les légendes il y a eu une quantité de temples et de collèges consacrés à ce culte. Tāranātha mentionne des fondations de ce genre extrêmement nombreuses. Un examen détaillé des ruines bouddhiques de l'Inde permettra peut-être de trouver plus de vestiges que nous n'avons pu le faire en nous aidant de ce qui a été publié jusqu'à présent. Un document précieux, le plus ancien en date, se trouve dans l'île de Java. M. Brandes l'a publié tout au long, texte et traduction, sous le titre : _Een nāgarī opschrift gevonden tusschen Kalasan en Prambanan_.* *) Voir : _Tijdschrift von indische Taal-Land-en-Volkerkunde._ (Batavia, 1886.) Le texte mutilé au début est de douze strophes en vers, soit vasantatilaka, soit āryā ; je donne ici la traduction complète du texte, plus le texte de l'invocation initiale à Tārā : « Hommage à la bienheureuse Ārya Tārā. » « 1\. Elle qui délivre directement de cet état infini de malheur ... ce qui concerne la nature de ce qui est terrestre et de ce qui est invisible ... l'essence du salut du monde inférieur, des dieux et des hommes ... seule Tārā. » « Namo bhagavatyāy āryatārāyai ॥ yā tārayaty amitaduḥkhabhavāt tiryag na । lokavilokyavidhiva ... rupāyaḥ ॥ sāraḥ surendranāralokavibhūtisāraṃ । tārādi ... bhimataṃ jagad ekatārā. » « 2\. Car les gurus du prince Śailendra ont fait construire un temple majestueux à Tārā. 3. Sur l'ordre des gurus une déesse a été fabriquée par les reconnaissants, et aussi un temple pour elle et aussi un lieu de séjour pour les nobles moines qui connaissent le Mahāyāna de la doctrine du Vinaya. 4. Sous la surveillance des Ādeśaśāstrin du prince, nommés le Pañkura, le Tawāna, le Tīripa,* a été construit ce temple de Tārā et aussi un lieu de séjour pour les nobles moines 5. dans le royaume florissant du prince qui est l'ornement de la dynastie des Śailendras, (d'après les désirs) des gurus de ce prince des Śailendras auxquels il est satisfait de cette façon : un temple à Tārā a été élevé 6. après que sept siècles se sont écoulés dans l'ère du prince des Śakas ; le prince, pour honorer ses gurus, à la suite d'un vœu, a construit un temple à Tārā. 7. Le domaine du village, nommé Kālasa, est donné à l'assemblée en présence du Pañkura, du Tawāna, du Tīripa et des notables chefs du village. 8. Ce don, à la façon bhura, donné à l'église par le prince, ne peut pas être aboli par les princes de la race Śailendra, mais doit être indéfiniment respecté 9. aussi par les Pañkura, les Tawānas, et les Tīripas et leurs respectables femmes 10. et le roi demande aussi à tous les princes qui régneront plus tard, ceci, qu'il exige : « Puisse cette digue du droit qui est commun à tous, de tout temps être protégée par vous. » 11. Puissent en suite de cette sainte fondation tous les gens avoir connaissance des vibhāgas et des prescriptions du Tribhavā ( ? ). 12. Sa majesté fait un vœu kariyāna, elle prie les princes qui régneront ici plus tard de protéger de plus en plus cette fondation, toujours. » *) Fonctionnaires dont on ignore le rôle précis. Dans cette inscription, rien qui soit très personnel à Tārā et qui se rapproche de nos hymnes, d'autant plus que la première strophe est particulièrement mutilée. Néanmoins, il est important à constater que Tārā a pénétré en même temps que le bouddhisme à Java où son culte, comme partout ailleurs, est attaché à la tradition du Mahāyāna. La date de l'inscription, donnée dans l'ère Śaka, correspond à 779 CE (un siècle après Sarvajñamitra). Un des documents les plus importants a été publié par M. Fleet* ; Elliot en avait donné une transcription.* C'est une inscription trouvée sur une tablette de pierre, près d'un temple jaina, dans le fort de Danṃbal. Les emblèmes figurés sur la pierre sont décrits au chapitre suivant.* Le texte est édité d'après un estampage de M. H. Cousens. Le texte est en écriture vieux canarais, délicatement gravé et parfaitement conservé. Autour du sommet de la tablette deux longues lignes de même écriture contiennent trois vers sanscrits. L'inscription est du temps du roi Cālukya Tribhuvanamalla ou Vikramāditya 6, elle est datée du Juva saṃvatsara, la dix-neuvième année du Cālukya-Vikramavarṣa, ère qui fut fondée par ce prince et qui part de son avènement en l'année śaka 1017, soit 1095-6 CE. L'inscription donne le nom de la reine Lakṣmādevī, qui gouvernait la région nommée « les dix-huit agrahāras » et la ville de Dharmapura ou Dharmavolal, la ville de la religion, qui est certainement Daṃbal même. Il y avait alors à Daṃbal un vihāra bouddhique construit par les seize seṭṭhis (Śreṣṭhin, marchands) de l'endroit, et un vihāra de Tārādevī construit par le seṭṭhi Saṃgavaya de Lokkiguṇḍi, tandis que cette ville était jaina et que ces marchands appartenaient à la secte Vīrabalañja, qui plus tard adopta le culte lingaïte de Basava* : une preuve de plus de la profonde influence que tous ces cultes hindous parallèles exerçaient les uns sur les autres. *) _Indian Antiquary_, v. 10, p. 185. Je cite presque textuellement cet article. *) Elliot, _Mss. collection_, vol. 1, p. 356. *) V. _inf._, p. 9. *) Voir Wilson, _Religious sects of the Hindus_, p. 225 sqq. Voici les passages de l'inscription qui sont spécialement relatifs à Tārā. l\. 1. « Hommage à Buddha, hommage à toi, ô sainte Tārā, qui apaises la crainte des lions, des éléphants, du feu, des serpents à chaperon, des voleurs, des chaînes, de l'eau, de l'océan. --- Toi qui es revêtue d'une splendeur semblable à celle des rayons de la lune. Qu'elle donne toujours sa bénédiction, cette Tārā qui apaise la misère de l'affliction de l'existence, qui sortit du barattement de l'océan du savoir nommé Prajñā ; elle qui donne la puissance au Buddha, qui est l'incarnation suprême de la parfaite sagesse dans les trois mondes, qui demeure dans le cœur du Tathāgata de même que le disque de la pleine lune dans le ciel. » l\. 19. « Hommage à la déesses, la sainte Tārādevī et au dieu Buddha. (Qu'on donne) un mattar de terrain de jardin en concession, à la façon sarvanamasya, dans le domaine Ponnakuruva, à l'est du village, et un aruvana et trois gadyanas d'or à percevoir chaque année comme taxe, dont on profitera avec jouissance pour l'entretien convenable du culte, pour l'approvisionnement de parfums, fleurs, encens, lampes et guirlandes, et pour l'offrande perpétuelle et autres choses, --- pour l'entretien du pūjāri, pour fournir de nourriture et de vêtements les religieux mendiants du lieu, et pour subvenir aux frais de restauration. » Voici la traduction des trois lignes sanscrites qui encadrent l'image : « ... Tārā puisse-t-elle, elle qui se préoccupe avec anxiété de témoigner sa tendresse, préserver les hommes que tourmente la crainte de l'eau, des rois, des masses, du feu, du vent, elle qui ôte la crainte des audacieux, des océans, des éléphants, des lions ... qui accorde sans délai les récompenses désirées ! Que Saṃgama nous préserve toujours ! » L'épigraphie de Tārā est étroitement apparentée à sa littérature ; elle est dans l'une et dans l'autre la sauveuse par excellence, celle qui prend soin d'écarter de ses adeptes les craintes et les supplices ; elle occupe une place prépondérante à côté du Buddha qui lui doit sa sagesse, et dont elle est le principal ornement. Les vers sanscrits de l'inscription sont presque des citations de nos stotras, ou du moins ils les reflètent indirectement par l'intermédiaire d'une tradition précise et fidèle. Une inscription bouddhique de Śrāvastī (Oudh), plus récente encore que celle de Daṃbal puisqu'elle date de l'an 1219 CE, contient une mention de Tārā qui suffit à prouver la persistance vivace de son culte.* *) _Indian Antiquary_, vol. 17, p. 62. La déesse est adorée en ces termes : l\. 2. Saṃsārāmbhodhitārāya tārām uttāralocanām । vande gīrvvāṇavāṇīnāṃ Bhāratīm adhidevatām. ॥ « Pour traverser l'océan des existences, j'adore la sauveuse Bhāratī, Tārā, qui a des yeux dont saillent les pupilles, la déesse souveraine des paroles des dieux. » Tārā est encore celle qui fait traverser et son nom conserve ici toute sa puissance étymologique. --- # 3\. Les Images de Tārā. Les images de Tārā, identifiées jusqu'ici, sont peu nombreuses. Une enquête diligente permettra sans aucun doute d'en reconnaître bien davantage, même dans les monuments déjà explorés, et particulièrement (au témoignage de M. Waddell) dans le pays de Magadha. Près d'un temple Jaina, dans le fort de Daṃbal,* sur une tablette de pierre, outre l'inscription mentionnée plus haut se trouve une figure représentant Tārā, assise à l'intérieur d'une châsse, regardant devant elle, tenant dans sa main gauche un nymphéa épanoui et dans sa main droite un objet difficile à identifier. A la droite de la divinité, une vache et un veau ; le soleil au-dessus d'eux ; à gauche, une figure debout, les mains jointes sur le visage, en adoration, un nénuphar à huit pétales sur les mains, deux candélabres à mèches allumées derrière elle, et la lune au-dessus. L'image, en somme, ne présente pas de traits caractéristiques. *) V. Fleet. _Indian Antiquary_, v. 10, p. 185. A Buddha Gayā,* sur l'emplacement d'un temple voué à Tārā, on a trouvé une figure sculptée que Rājendralāla Mitra dit être Padmapāṇi, et qui ensuite passa pour une Tārā, lorsque le temple fut consacré au culte de cette divinité. Buchanan Hamilton* est d'accord pour constater que ce n'est pas du tout une image originale de Tārā, mais un personnage masculin. *) _Buddha Gayā_, par Rājendralāla Mitra. 1878, pl. 20, fig. 1. *) Même ouvrage, p. 60. A Ellora, Burgess* a constaté la présence d'une statue de Tārā, avec un lotus, au-dessous d'une niche. *) Burgess. _Ellora Cave Temples_, cave 12. Tāranātha* parle d'une statue d'elle, élevée par Vinītasena dans un temple, qui fut transportée à Devagiri par crainte des dégâts que commettaient les Turuṣkas. *) Tār., p. 160. Il semble que les diverses Tārās se distinguaient par la couleur. Chacune d'elles portait les couleurs de son Buddha respectif.* *) Voir Wright, _History of Nepal_, plate 5, p. 28. Kern, _Buddhismus_, vol. 2, p. 215-16. Hodgson, _J. R. A. S._, old s., v. 2, p. 319 et suiv. | | | | |---------------|--------------------|-------------| | Buddha: | Tārā: | Couleur: | | Akṣobhya | Locanā | bleu | | Ratnasaṃbhava | Māmakī ou Māmukī | jaune ou or | | Vairocana | Vajradhātvīśvarī | blanc | | Amitābha | Pāṇḍarā ou Pāṇḍurā | rose, rouge | | Amoghasiddha | Tārā* | vert | *) Voir le manuscrit add. 1476 (Dhāraṇīs) du catalogue de Cecil Bendall, qui contient p. 22 b. une Tārā dont la tête et les membres sont verts. Cette miniature fort belle est du 17e siècle. La position des mains varie aussi de l'une à l'autre. Le Népal, le Tibet et la Mongolie sont d'accord sur la répartition de ces couleurs, c'est surtout dans ces pays que les images des Dhyānibuddhas et de leurs Tārās ont été les plus nombreuses et les plus spécialement révérées. Au Tibet,* comme nous l'avons vu, on connaît deux Tārās : Dolkar et Doljang. On les représente toutes deux dans la même attitude ; le pied droit pendant devant le trône, la main droite tenant le lotus bleu. Leur teint est différent : Dolkar est blanche, Doljang est verte. Elles sont censées créées par le rayon bleu qui sortait de l'œil gauche d'Amitābha s'incarnant en elles.* Certaines représentations de Doljang montrent cet œil de sagesse dessiné dans la paume de ses mains et sous la plante de ses pieds ; ces marques ont même une ressemblance surprenante avec les stigmates chrétiens.* Le Musée Guimet* possède une statuette de bronze représentant Doljang ou Dolkar assise sur un lotus, la jambe droite pendante, coiffée d'une couronne. *) Schlagintweit. _Le Bouddhisme au Thibet_, p. 42. *) Schlagintweit, p. 54. *) Schlagintweit, p. 138. *) Salle 2, vitrine 13, partie verticale, second rang (catal. p. 55). La Tārā japonaise tiendrait de très près à la Tārā tibétaine d'après le témoignage de M. Horiu Toki, fondée sur le Yoga-ghi-Ki. Elle serait verte mêlée de blanc, née des yeux de Kouan-in, elle se nomme aussi Fou-ghen, et fait partie du groupe de Kouan-in. En somme, à en juger sur ces indications trop rares, rien n'a distingué Tārā, au point de vue artistique, de bien d'autres figures féminines que l'art hindou a produites ; de même que la littérature l'a habillée non seulement de toutes les épithètes bouddhiques en vogue, mais encore des qualités et attributs chers au panthéon brahmanique, de même il est difficile de croire qu'une forme extérieure bien arrêtée ait jamais été consacrée à Tārā. Dans le _Sragdharā Stotra_, quoiqu'au point de vue de la charité Tārā ne varie jamais, son apparence néanmoins revêt les aspects les plus divers ; on la voit les pieds illuminés de l'éblouissement de ceux qui l'adorent,* dorée comme le soleil levant,* courbant sous son poids les têtes d'Indra, Rudra et Brahmā, se tenir dans l'attitude de l'ālīḍha qui est une de celles du tireur d'arc, la jambe droite en avant, la gauche repliée* ; ou bien, emportée de colère* elle est revêtue d'armes étincelantes et des serpents affreux lui enserrent les bras, analogue à Kālī* ; ou bien, plus calme,* tous les personnages célestes et terrestres lui offrent leurs hommages et, conclut Sarvajñamitra, « la déesse pareille au cristal qui reflète tout ce qui l'entoure, à sa fantaisie se pare de la pourpre du soleil levant, plus rouge que la laque, d'une couleur sombre plus sombre que le saphir ou la feuille écrasée du lotus, d'un blanc plus blanc que le lait baratté de l'océan.* » *) _Srag._, vers 1. *) _Srag._, v. 5. *) _Srag._, v. 30. *) _Srag._, v. 31. *) Comp. Buchanan Hamilton. _Tantra Sāra. Transact. R. As. S._, 1, 45. *) _Srag._, v. 32. *) _Srag._, v. 33. Cette énumération de couleurs, d'accord avec les couleurs des Buddhas et des Tārās données plus haut pourrait n'être pas fantaisiste et tenir de la tradition ; le bleu, le blanc, le rouge y sont, manqueraient le jaune et le vert pour que la concordance fût complète, et encore le vert on le trouve à côté du bleu-saphir dans la poussière de la feuille du lotus, et l'or ou jaune est tout naturellement impliqué dans la comparaison avec le soleil. Dans la liste des _Cent huit noms d'Ārya Tārā_ comme dans toutes les énumérations de ce genre, Tārā* a mille bras, mille yeux, elle a le visage sombre et revêt toutes les formes.* Avec l'éclat du feu, elle a de grands yeux,* porte toutes les armes, s'orne de crânes* ... etc. *) _108 noms_, v. 26. *) _108 noms_, v. 28. *) _108 noms_, v. 34. *) _108 noms_, v. 37. Évidemment, ce qui ressort le plus clairement de nos hymnes, c'est le privilège qu'a Tārā de revêtir à son gré la forme extérieure qui lui convient, et n'est-ce pas là le privilège indispensable au rôle de charité universelle qu'elle joue* ? Elle est la _très bonne_. Elle paraît à l'upāsaka Śāntivarman sous la forme d'une vieille femme pour lui faire traverser un fleuve* : elle se dépouille de ses joyaux en faveur d'une pauvre vieille lorsque Candragomin* adresse une prière à l'image qui la représente et depuis lors la peinture resta sans bijoux. *) Voir : _Naipālīyadevatākalyāṇapañcaviṃśatikā_, v. 1 (Wilson, Works, vol. 2). *) Tār., p. 142. *) Tār., p. 157. --- # 4\. Le Rôle de Tārā dans Tāranātha. Tāranātha, nous l'avons dit, nous fournit dans son _Histoire du Bouddhisme_, les noms et l'histoire d'une série de fidèles de Tārā. Il faut les reprendre un à un pour suivre, d'après un ordre aussi chronologique que possible, le développement de ce culte au travers des cinquième, sixième, septième et huitième siècles de notre ère. Le premier personnage en date qui soit mentionné est l'ācārya Kāla* dont la personnalité est bien difficile à identifier au milieu du grand nombre de noms qui lui sont donnés* : Kāla, Mātṛceṭa,* Pitṛceṭa, Aśvaghoṣa, Durdharṣa, Durdharṣakāla, Dhārmika, Subhūti, Maticitra, Śūra. *) Tār., p. 89. *) Tār., p. 90 et Kern. _Buddhismus_, 7, 464. *) I-Tsing nous donne la transcription chinoise de ce nom : Mot'ch'a-li-tchi-tch'a dans le chap. 35 de l'_Histoire de la loi intérieure envoyée de la mer du Sud_. Voir Ryauon Fujishima. _J. As._, 1889, 2 chap. d'I-Tsing. Tāranātha place la vie de Kāla sous les règnes de Bindusāra* fils de Candragupta et de Śri Candra son successeur.* Kāla sacra roi Candanapāla et convertit le roi Kanika ( ? ).* *) Tār., p. 88. *) Tār., p. 89. *) Tār., p. 92. Kāla* ou Mātṛceṭa, car c'ast sous ces deux noms qu'il semble le plus connu, est petit-fils d'un marchand de la ville de Khorta qui avait dix filles fidèles à la loi du Buddha ; la dernière épousa un brahmane nommé Saṃghaguhya qui devint père de Kāla.* Kāla devint fort savant dans la connaissance des Vedas et des Vedāṅgas, il étudia ensuite les Tantras et les Mantras et devint un adversaire actif du bouddhisme. Sa mère, restée attachée à la religion, l'envoya à Nālanda dans la persuasion qu'il s'y convertirait. Effectivement, arrivé dans le Magadha* il devint sthavira, apprit le Tripiṭaka et vit en songe* apparaître la vénérable Tārā qui l'invita à composer en l'honneur du Buddha toutes sortes de chants de louanges afin de se laver des péchés commis contre la religion. Il composa alors une centaine d'hymnes à Buddha et l'hymne en cent cinquante ślokas* qu'admirèrent Asaṅga et Vasubandhu et qu'on trouve dans le Tanjour attribué à Vāgbhaṭa, fils de Saṃghagupta* ; un nom de plus à ajouter à la liste de ceux de Kāla.* *) Tār., p. 90. *) D'ap. I-Tsing, _loc. cit._ Kāla renaît d'un rossignol qui avait entendu le Buddha. *) Nālanda, d'ap. Hiouen Tsang, a été fondé par Śakrāditya, _Vie de H. T._, p. 149. *) Tār., p. 91. *) _Śatapañcāśatika nāma Stotra_, v. Tanjour. b. 1. *) Tār., p. 311. *) Kāla mourut avant d'avoir achevé la rédaction du _Livre des dix-fois-dix naissances_ qui en resta à la trente-quatrième naissance, et qui serait contenu, d'après Schiefner, dans le Tanjour, sous le nom du _Buddhacaritamahākāvya_ d'Aśvaghoṣa (chin. : Ma-ming). Si c'est exact, Aśvaghoṣa ou notre Kāla serait le même dont parle la biographie chinoise de Vasubandhu, qui fut appelé au Kasmir pour écrire la Vibhāṣā, et qui fut enlevé du Magadha par le roi des Yue-Tchis. Wassilief. _Buddhismus_, p. 75. C'est lui peut-être aussi qui, sous le nom de Kṛṣṇa (le noir comme Kāla), aurait consacré Rāhulabhadra* son contemporain, l'un des fondateurs* du système naissant du Mahāyāna auquel se rattache déjà Kāla, avec un autre initiateur : Āryadeva, élève de Nāgārjuna.* *) Tār., p. 66. *) Wassilief, p. 219. *) Wassilief, p. 34. L'ācārya Rāhulabhadra,* contemporain de Kāla, plus jeune cependant que lui, est élève d'Āryadeva. Il vint à Nālanda lors du sacre de Candanapāla et fut lui-même alors consacré par Kāla* ou plus exactement Kṛṣṇa. Rāhulabhadra étudia les sūtras et les tantras du Mahāyāna et propagea la doctrine Mādhyamika.* Il succéda dans Nālanda à son maître Āryadeva.* Sa vie, nous dit Tāranātha, était racontée dans un ouvrage intitulé : _Biographie de Tārā_.* De cette mention, il semble logique de conclure que Rāhulabhadra a été spécialement lié au développement du culte de Tārā. Avant de mourir Āryadeva* transmit à son élève, à Raṅganātha près de Kāñcī « le grain du sens de l'enseignement ; » et c'est sous le nom de Śrī-Saraha que Rāhulabhadra succéda à son maître dans l'école mystique.* Le roi Śri Candra embellit Nālanda, alors que Rāhulabhadra y enseignait, de quatorze écoles et de quatorze promenoirs. *) Tār., p. 93. *) Tār., p. 66. *) Tār., p. 67. *) Wassilief, p. 221. *) Tār., p. 93. *) Tār., p. 68. *) Kern, 2, p. 500. Wassilief, p. 218 et suiv. Rāhulabhadra mourut dans le pays Dhiṅkoṭa après avoir vu la face du Buddha Amitābha. Bhagavat lui prédit qu'il serait dans un temps à venir le Tathāgata Saptaratnapadmavikramin.* Nous connaissons comme ses élèves sous le roi Buddhapakṣa et sous son successeur Karmacandra : Rāhulamitra et son disciple Nāgamitra, qui tous deux prirent une part active à la propagation du Mahāyāna ; Nāgārjuna, le fondateur de la doctrine Mādhyamika. *) _Lotus_, p. 133. Tārā avait aussi ses fidèles parmi les laïcs, témoin un certain Śāntivarman.* Revenant du Potala avec un exemplaire en huit parties de la _Pañcaviṃśatisāhasrikāprajñāpāramitā_ Śāntivarman fut rencontré par Vimuktasena, neveu de l'ācārya Buddhapālita, de l'école des Kaurukullakas,* et contemporain de Vasubandhu. Śāntivarman* avait été envoyé au mont Potala par le roi Śubhasāra à la suite d'un songe que ce dernier avait eu. Tārā lui vint en aide pendant son voyage sous la forme d'une vieille femme dirigeant une barque pour lui faire traverser un gouffre d'abord, puis un grand fleuve. Avec le secours de Tārā, Hayagrīva, Ekajāṭī, Amoghapāśa et autres, Śāntivarman réussit enfin dans son voyage, vit les dieux dans le Potala et revint auprès de Śubhāsāra qui en souvenir de ces incidents éleva le monastère Karṣāpaṇa vihāra. Un appela Śāntivārman l'homme aux mollets de fer à cause de ses longs voyages, car il en fit plusieurs autres encore. *) Tār., p. 141. *) Tār., p. 137-138. *) Tār., p. 142-143. Tārā intervient en sa faveur, nous venons de le voir, en lui faisant traverser les eaux. Nous allons constater bien des fois encore ce genre d'intervention. Ravigupta* qui mourut ainsi que Vimuktasena à l'époque du roi Bharṣa, fils de Siṃha, semble se rattacher à un mouvement spécial. C'était un bhikṣu thaumaturge comme Śāntideva et Sarvajñamitra plus tard au Kasmir, les contemporains aussi des magiciens Doṃbiheruka et Vajraghaṇṭa, qui ne sont malheureusement connus que par leur nom.* Tāranātha passe sommairement sur Ravigupta, disant que sa biographie est rapportée ailleurs ; cependant il témoigne que Ravigupta chercha à concilier les doctrines d'Ārya Nāgārjuna et d'Asaṅga.* Il fonda au Kasmir et dans le Magadha douze écoles et propagea le culte de Tārā qui se trouve, dès lors au moins, étroitement uni à la thaumaturgie. *) Tār., p. 147-148. *) Tār., p. 170. *) Cf. Wassilief, p. 227, rem. Une colombe qui avait entendu Vasubandhu* renaquit, dans le sud du Daṇḍakāraṇya, sous la forme d'un fils de marchand ; ce fut l'ācārya Sthiramati. A l'âge de sept ans on l'envoya à Vasubandhu, de qui il apprit la sagesse sans peine. Un jour, comme il avait trouvé une pleine poignée de fèves et pensait à les manger, il estima qu'il ne serait pas convenable de le faire sans auparavant en offrir à la vénérable Tārā dont il y avait là un temple. Lorsque l'enfant eut donné à la statue quelques fèves, celles-ci roulèrent en bas ; il se dit que si la vénérable ne les voulait pas manger il ne pouvait non plus y goûter. Et comme il lui en offrait toujours et que celles-ci s'obstinaient à rouler à terre, l'enfant se prit à pleurer. La divinité lui apparut en face et lui dit : « Ne pleure pas, je te bénirai. » A ce moment se fit en lui la lumière, et la statue fut dès lors connue sous le nom de Māṣa Tārā (la Tārā aux fèves). Sthiramati est un des docteurs formés par Asaṅga et Vasubandhu.* Il commenta les œuvres de Vasubandhu et le Ratnakūṭa.* Sthiramati est le maître de Candragomin* et de Guṇamati. D'après Hiouen-Tsang, Sthiramati aurait vécu dans l'Ouest, dans le royaume de Valabhī.* *) Tār., p. 129. *) St. Julien, v. 3, p. 164. *) Kern, v. 2, p. 519, et Wassilief, p. 84-85. *) Tār., p. 150. *) St. Julien, v. 2, p. 46-164. Vinītasena,* contemporain du précédent et de Candragomin, nous est très peu connu, Tāranātha nous avertit qu'il n'en a pas trouvé de biographie détaillée. Elève de Prasena, il vivait au temps des rois Cala, Pañcamasiṃha, etc., et aurait élevé dans un temple une image à Ajitanātha. Cette divinité aurait exigé de Vinītasena qu'il élevât aussi une image à Tārā,* sa commère dans le salut des êtres. Vinītasena l'exécuta après avoir convié Candragomin. Détail intéressant, ces deux imagos, par crainte des Turuṣkas, furent transportées à Devagiri où elles se trouvaient encore du temps de Tāranātha. *) Tār., p. 159. *) Tār., p. 160. Candragomin* est le plus illustre personnage de l'époque qui se rattache au culte de Tārā, d'une façon même très intime, car c'est avec Sarvajñamitra celui dont Tāranātha raconte les aventures avec le plus de soin. *) Minayeff a publié une étude sur Candragomin et ses œuvres. V. Bulletin de l'Acad. de Saint-Pétersbourg, v. 4, p. 294, dont on trouvera un résumé dans l'_Indian Antiquary_, octobre 1890, p. 319. Tāranātha mentionne Candragomin parmi les six joyaux du Jambudvīpa.* A la naissance de Candragomin, à Varendra, dans l'ouest,* se rattache une légende étrange, qui donne dès l'abord une couleur mystique à toute l'histoire de l'ācārya : Durant sept ans il ne parle point, et ne prend ensuite la parole que pour défendre la religion contre les attaques d'un maître Tīrthya.* *) Tār., p. 5. *) Tār., p. 148-149. *) Tār., p. 150. Candragomin est élève laïc de l'école d'Asaṅga* de Vasubandhu et de Sthiramati,* leur disciple. Aussi, il a brillé surtout dans le domaine de la grammaire et de la métrique. Il a écrit le _Candravyākaraṇa_, le _Sambaraviṃśaka_,* le _Tārāsādhanaśataka_, l'_Avalokiteśvarasādhanaśataka_ et beaucoup de śāstras. *) Kern, v. 2, p. 520. *) Tār., p. 150. *) Tār., p. 156. Infatigable défenseur de l'idéalisme d'Āryāsaṅga contre Candrakīrti qui suivait la doctrine de Buddhapālita* dont on le considérait comme une réincarnation, Candragomin finit probablement par l'emporter après sept ans de lutte, ce que Wassilief conclut du fait que Candragomin resta à Nālanda, tandis que son adversaire s'en alla au sud dans le Konkan.* *) Tār., p. 153. *) Wassilief, p. 207-208. Candragomin est contemporain des rois Siṃha, Bharṣa et de Dharmapāla* ; il fut consacré par l'ācārya Aśoka.* Comme il récitait une formule magique, il vit face à face, dans le pays du roi Bharṣa, Ārya Avalokiteśvara et Tārā.* Ses succès dans le domaine de la métrique, de l'art et de la grammaire lui valurent la main de la fille du roi et une terre.* Comme une fois la servante de sa femme appelait cette dernière Tārā, l'ācārya trouva peu convenable que sa femme portât le nom d'une divinité protectrice et fut sur le point de se retirer dans un autre pays ; lorsque le roi eut appris la chose, il ordonna que, si l'ācārya ne voulait pas vivre avec sa fille on le mît dans une caisse et on le jetât dans le Gange. L'ordre ayant été exécuté, l'ācārya pria la très haute et très vénérable Tārā et fut poussé sur une île de l'Océan, à l'embouchure du Gange, magiquement créée par la divinité. Cette île reçut ensuite le nom de Candradvīpa, en souvenir de Candragomin. Séjournant dans cette île, l'ācārya érigea des statues de pierre à Avalokiteśvara et à Tārā. Peu après Candragomin alla à Nālanda où commença la lutte entre Candrakīrti et lui. Après que la lutte fut apaisée, grâce à l'intervention merveilleuse des divinités,* Candragomin, trouvant le śāstra _Samantabhadra_ de Candrakīrti de forme plus parfaite que son _Śabdasūtra_ qui devenait inutile, jeta son livre dans une source. Alors la vénérable Tārā lui dit : « Puisque tu as écrit cet ouvrage dans le bon but d'être utile aux autres, à l'avenir il sera pour les créatures intelligentes très utile, tandis que celui de Candrakīrti, qui est plein d'orgueil, sera de moindre utilité aux autres. C'est pourquoi retire ton œuvre de l'eau. » A la suite de cette prédiction, Candragomin sauva son ouvrage, et depuis lors quiconque boit de l'eau de cette source obtient une grande sagesse. *) Tār., p. 158. *) Tār., p. 150. *) Tār., p. 150. *) Tār., p. 150-151. *) Tār., p. 155. Tārā intervint encore plusieurs fois dans la carrière de Candragomin. Comme il faisait étudier à ses élèves ses nombreux ouvrages sur toutes sortes de sciences : la grammaire, la dialectique, la médecine, la métrique, la mimique, la lexicographie, la poésie, l'astronomie, etc., la déesse lui dit : « Lis le _Daśabhūmika_ et le _Candrapradīpa_, le _Gaṇḍālaṃkāra_, le _Laṅkāvatāra_ et la _Prajñāpāramitā_, qu'as-tu à t'occuper de métrique et à redresser ce qui est mal et contourné* ? » Une autrefois* une femme pauvre et vieille qui avait une fort belle fille et était réduite à mendier, renvoyée par Candrakīrti, s'adresse à Candragomin pour obtenir une aumône. Celui-ci, qui ne possède rien, se met en prière devant une riche peinture représentant Tārā et l'implore en pleurant ; Tārā apparaît elle-même, se dépouille de ses bijoux et les donne à l'ācārya qui en comble la vieille femme. Depuis lors l'image resta dépourvue de joyaux. *) Tār., p. 156. *) Tār., p. 156-157. Une dernière fois enfin, Tārā sauve la vie de son fidèle disciple à peu près dans les mêmes circonstances que jadis* : il allait à Potala et le nāga Śeṣa voulant venger d'anciens griefs éleva contre le vaisseau une énorme vague. Une voix crie : « Que Candragomin soit sauvé. » L'ācārya invoque sa sauveuse qui apparaît revêtue de ses cinq formes, assise sur Garuḍa dans les régions aériennes. Les nāgas terrifiés prennent la fuite et le vaisseau atteint sans encombre Dhanaśrī ; là, Candragomin fait une offrande, élève cent temples à Tārā et cent à Avalokiteśvara. Arrivé à Potala, il y vit encore sans avoir abandonné son enveloppe terrestre. *) Tār., p. 157. Peu après Candragomin, presque son contemporain, il faut citer l'auteur de notre _Sragdharā stotra_, Sarvajñamitra, comme un des plus notables adeptes de Tārā ; différents documents nous le font connaître. Nous apprenons par Tāranātha qu'il était élève de Guṇaprabha (mentionné par I-Tsing parmi ses contemporains*) et vivait au Kasmir tandis que régnaient le roi Cala à l'Ouest, et le roi Pañcamasiṃha, fils de Bharṣa, à l'Est et au Nord jusqu'au Tibet.* *) Au septième siècle ; cf. _Deux Chapitres extraits des Mémoires d'I-Tsing_, traduit par Ryauon Fujishima. _J. A._, 1888 2, p. 435. *) Tār., p. 158-159. Tāranātha nous raconte plus loin : Sarvajñamitra,* beau-fils d'un roi du Kasmir, fut pendant son enfance, comme il dormait un jour sur le toit de la maison, enlevé par un vautour et déposé dans le Madhyadeśa sur le faîte du temple Gandhola. Des pandits recueillirent l'enfant, le ranimèrent. Quand il fut devenu plus grand il devint très subtil et fut au nombre des bhikṣus possédant les Piṭakas, à Nālanda. Alors il s'attacha à la haute et vénérable Tārā, il la vit en réalité et obtint d'inépuisables richesses. *) Tār., p. 168. Sarvajñamitra fit des aumônes de tous ses biens, de sorte qu'il arriva qu'il n'avait plus rien à donner ; il s'en alla de son pays vers le Sud, afin de n'avoir pas à renvoyer les mains vides les nombreux mendiants qui ne manqueraient pas de venir. En route il rencontre un brahmane aveugle auquel un petit garçon sert de guide. Comme il lui demandait où il allait, le brahmane dit qu'à Śrī-Nālanda vivait Sarvajñamitra qui donnait satisfaction à tous les quêteurs ; c'est auprès de lui qu'il allait. Lorsque Sarvajñamitra lui eut dit que c'était lui en personne et que précisément il était arrivé à l'épuisement total de ses richesses, le brahmane fut accablé de douleur et une grande compassion s'empara de Sarvajñamitra. Ce dernier avait entendu dire qu'un roi nommé Saraṇa, adonné passionnément à des doctrines mauvaises et obéissant à un perfide ācārya, voulait acheter cent huit hommes pour les sacrifier dans le feu, afin d'obtenir une force surnaturelle et une grande puissance, et par là acquérir en partage la délivrance. Le roi avait trouvé cent sept hommes, il en restait donc un à acheter. L'ācārya pensa à se vendre lui-même afin de venir en aide au brahmane. Il dit au brahmane* : « Ne t'attriste pas, je vais trouver un expédient et revenir. » Arrivé à la ville, il demanda qui achetait des hommes ; le roi l'acheta et lui donna comme prix autant d'or qu'il pesait. Quand Sarvajñamitra eut donné l'or au brahmane celui-ci s'en alla satisfait, puis Sarvajñamitra fut mis dans la prison royale. Là, les hommes lui dirent : « Si tu n'étais pas venu nous aurions peut-être été sauvés, mais maintenant on va nous brûler, » et ils se laissèrent aller à une profonde tristesse. Le soir, les cent huit hommes furent placés, liés, sur un bûcher élevé au sommet d'une montagne. L'ācārya des hérétiques officiait, et lorsque tout le bûcher s'enflamma en craquant au feu, les cent sept hommes sanglotèrent bruyamment. Sarvajñamitra, pris de compassion, implora la vénérable Tārā. Celle-ci apparaissant fit jaillir de sa main un flot de nectar. Tandis qu'il ne pleuvait pas, là où se tenait le peuple, des flots de pluie s'abattaient sur l'emplacement où flambait le bûcher. Lorsque le feu s'éteignit un lac apparut. Le roi, frappé d'admiration, s'inclina plein de respect devant l'ācārya, et laissa aller les hommes après leur avoir donné une récompense. Quoique le roi témoignât beaucoup de respect à Sarvajñamitra, il ne se tourna cependant pas vers la vraie doctrine et ne répandit pas la Loi. Quand il se fut écoulé beaucoup de temps, l'ācārya fut très attristé et pria la vénérable Tārā de le reconduire dans sa patrie. Elle lui dit de saisir son vêtement et de fermer les yeux, puis de les rouvrir, et Sarvajñamitra* se trouva dans un endroit qu'il n'avait jamais encore vu, où était un très grand palais royal. Il demanda à la déesse pourquoi elle l'avait porté là et non pas à Nālanda ;--- celle-ci lui dit que c'était là précisément sa patrie. Sarvajñamitra resta dans cet endroit, éleva un grand temple à Tārā, enseigna très bien la Loi et conduisait tous les êtres au salut. Sarvajñamitra est élève de Ravigupta. *) Tār., p. 169. *) Tār., p. 170. En regard du récit très détaillé de Tāranātha nous pourrions placer l'introduction de la _Sragdharā Ṭīkā_ de Jinarakṣita, que nous donnons plus loin avec le texte et qui, chronologiquement, est bien plus proche de Sarvajñamitra que le récit postérieur de Tāranātha. On constatera le peu de différence qui existe entre les deux récits, à part la façon dont intervient Tārā dans le dénouement, et le nom du roi cruel que Jinarakṣita appelle Vajramukuṭa tandis que Tāranātha le nomme Saraṇa. D'autre part, nous trouvons dans la _Rājataraṅgiṇī_* la mention suivante : « Le mendiant religieux Sarvajñamitra s'éleva dans ce couvent (de Kayya*) à la dignité de Jina. » *) _Rājataraṅgiṇī_, l. 4, v. 210. śrīmān kayyavihāro'pi tenaiva vidadhe' dbhutaḥ । bhikṣuḥ Sarvajñamitro'bhūt kramād yatra jinopamaḥ ॥ *) Ce couvent, avait été bâti par le roi de Lāṭa nommé Kayya, à une époque où nous voyons le bouddhisme fleurir d'une façon très intense, si nous en croyons la _Rājataraṅgiṇī_. Or, cet événement se place sous le règne de Lalitāditya,* suivi de celui de Kuvalayāpīḍa,* qui ne régna qu'un an ; après lui régna Vajrāditya ou Vappiyaka, ou aussi Lalitāditya,* roi méchant et de mœurs cruelles* : « Il livra, en les vendant, un grand nombre d'hommes aux Mlecchas et fit régner dans le pays les coutumes propres aux Mlecchas. » Ces indications coïncideraient avec les grands traits du récit que nous étudions. Entre les noms de Vajramukuṭa du Stotra et Vajrāditya des annales du Kasmir il n'y a que la différence du deuxième élément du nom ; Vajrāditya aurait régné dans le courant du huitième siècle, et Sarvajñamitra, élève de Ravigupta* et de Guṇaprabha, se place vers la fin du septième et au commencement du huitième siècle. *) _Rājataraṅgiṇī_, l. 4, v. 126. *) _Rājataraṅgiṇī_, l. 4, v. 372. *) _Rājataraṅgiṇī_, l. 4, v. 393. *) _Rājataraṅgiṇī_, l. 4, v. 397. *) Tār., p. 170. Ravigupta est contemporain de Sukhadeva, élève de Candragomin. Śāntideva se rapproche beaucoup de Sarvajñamitra. L'auteur du _Bodhicaryāvatāra_ et celui du _Sragdharā Stotra_ sont contemporains. M. de la Vallée-Poussin* a déjà signalé la grande analogie de ces deux productions. Śāntideva n'est pas étranger à Tārā, Tāranātha nous dit de lui, après l'avoir mis au même rang que Candragomin, comme maître accomplissant des miracles* : « Il naquit dans le Saurāṣṭra, de famille royale. Dès son enfance, par la vertu de ses mérites, il jouit de la bienveillance de Mañjuśrī ; le dieu personnifiant la sagesse lui apparaissait en songe.* » *) _Le Muséon_, 1892, p. 109. Bodhicaryāvatāra. *) Tār., p. 103 et suiv. *) _Le Muséon_, p. 72-73, et Tār., p. 163. Devenu grand, la veille du jour où il devait être élevé au rang royal, Śāntideva vit pendant son sommeil Mañjuśrī assis sur le trône qui lui était destiné à lui. « Mon fils, dit le bodhisattva, ceci est mon siège, je suis ton ami spirituel, il n'est par conséquent pas convenable que toi et moi soyons assis sur le même trône. » Après que le bodhisattva eut ainsi parlé, Ārya Tārā revêtant la forme de la mère de Śāntideva l'aspergea du haut en bas d'eau brûlante. Śāntideva demanda ce que cela signifiait, elle dit : « La royauté est l'inépuisable eau bouillante de l'enfer, en l'acceptant, tu te destines à cette eau brûlante. » Śāntideva prit la fuite ce jour même. Après vingt et un jours (de fuite), comme il voulait boire d'une source qui se trouvait dans une forêt, une femme l'en empêcha, lui donna d'autre eau très douce, et le mena auprès d'un ascète, dans une caverne. L'ascète donna à Śāntideva la bonne direction. C'était Mañjuśrī, la femme était Tārā.* *) Tār., p. 164. Śāntideva devint dans la suite ministre de Pañcamasiṃha. Il possédait des vertus magiques extraordinaires et fut ordonné moine par Jayadeva. Il se rattache encore d'autres miracles à son histoire,* mais ce qui précède suffit à montrer combien l'histoire de Śāntideva, comme celle de Sarvajñamitra, est empreinte de merveilleux et le rattache au même mouvement. *) Tār., p. 165, 166, 167. Śāntideva se place donc comme Sarvajñamitra du septième au huitième siècle, un peu plus tard que Jayadeva, élève de Dharmapāla.* *) Dharmapāla est cité avec Guṇaprabha par I-Tsing entre ses contemporains. Cf. _Deux Chapitres_, etc., _loc. cit._ Bhavabhadra, le sixième des douze tantrācāryas de Vikramaśīla entre Śrīdhara et Bhavyakīrti,* était très versé dans le système Nyāya. Il fut béni en songe par Cakrasambara et vit la face de Tārā. Il atteignit la siddhi.* Les ācāryas de Vikramaśīla,* à part les deux premiers, se succèdent de douze en douze ans ; le premier, Buddhajñānapāda est contemporain du roi Dharmapāla. Trente-six ans après lui vient Bhavabhadra, ce qui permet de le placer à peu près au commencement du huitième siècle.* *) Tār., p. 5, 6. *) Tār., p. 258, 259. *) Voici la liste des douze ācāryas de Vikramaśīlā d'ap. Tār., p. 257-260 : Buddhajñānapāda. Dīpaṃkarabhadra. Laṅkājayabhadra. Śrīdhāra. Bhavabhadra. Bhavyakīrti. Līlāvajra. Durjayacandra. Kṛṣṇasamayavajra. Tathāgatarakṣita. Bodhibhadra. Kamalarakṣita. *) Tāranātha (p. 225) place la mort de Mahīpāla 70 ans après la mort de Dharmapalā et la fait coïncider avec la mort du roi tibétain Kri-ral, à laquelle les Chinois (_Histoire des Thang_) assignent la date de 797 CE. A Vikramaśīla se rattache aussi Jinarakṣita, l'auteur d'un des commentaires du _Sragdharā_ (manuscrit C.) mentionné ailleurs. En effet, le colophon du manuscrit désigne ainsi ce personnage : « Śrīmadvikramaśīladevamahāvihārīyarājagurupaṇḍitabhikṣuśrījinarakṣitakṛtābālārkastutiṭīkā parisamāptā ॥ » « Fin de la glose de l'hymne bālārkā ... etc., composée par Jinarakṣita le bhikṣu, savant, guru royal, du grand vihāra de Vikramaśīla. » Jetāri* est un peu mieux connu que Bhavabhadra. C'est le fils du brahmane bouddhiste Garbhapāda et d'une femme que ce dernier avait reçue du roi Sanātana, régnant dans le Varendra. Il se rattache aussi des miracles à son enfance.* Jetāri devint un upāsaka (laïc) fort versé dans les écritures, les lettres et la métrique. Il s'aperçoit un jour qu'il a été incrédule, se repent et voit la face de Tārā qui lui dit que ses péchés seront rachetés s'il compose beaucoup de śāstras du Mahāyāna.* Jetāri est l'auteur du _Bodhipratideśanāvṛtti_ et du _Sugatamahāvibhaṅgakārikā_* (ces deux ouvrages se trouvent dans le Tanjour) de commentaires : du _Śikṣāsamuccaya_, du (_Bodhi_) _Caryāvatāra_ (de Śāntideva), de l'_Akāśagarbhasūtra_ et d'environ une centaine de sūtras. Au temps du roi Mahāpāla on lui donna une belle résidence à Vṛkṣapurī ; à Vikramaśīla, il reçut son diplôme de paṇḍit.* *) Tār., p. 230. *) Tār., p. 231. *) Tār., p. 232. *) Tār., p. 327. *) Tār., p. 233. Asvabhāva,* laïc, issu d'une famille de marchands, attaché au Mahāyāna, fit des miracles dans le pays de Kāmarūpa et vint à Hacipura où il expliquait le Nyāya-Madhyamika. On peut le dater du huitième siècle, car il fleurit à la mort de Dharmakīrti, quand Govicandra monte sur le trône.* *) Tār., p. 198, 199. *) Tār., p. 195. Tārā intervient miraculeusement en faveur d'Asvabhāva. Un serpent éveillé par son passage et celui de ses compagnons en dévore plusieurs, en mord un grand nombre, et ceux qui veulent fuir tombent étourdis par le poison de l'haleine du reptile. Alors le laïc s'adresse à Tārā et compose un hymne. Immédiatement le serpent venimeux ressent de violentes douleurs, rend deux de ses victimes et disparaît. Lorsque ceux qui avaient été dévorés, les blessés et ceux que le poison avait saisis eurent été aspergés d'une eau sur laquelle on avait récité un mantra à Tārā, le poison disparut et les hommes revinrent à la vie.* *) Tār., p. 198, 199. Une autre fois encore, que l'upāsaka était menacé par un serpent, il lui lança une fleur sur laquelle il avait récité un mantra à Tārā. Le serpent vomit beaucoup de perles dites sarvamukti devant l'ācārya et disparut. Asvabhāva avait le pouvoir, lorsqu'une forêt brûlait, d'éteindre l'incendie par la récitation d'un mantra à Tārā. Vāgīśvarakīrti* est le dernier des personnages mentionnés par Tāranātha qui semble avoir des attaches spéciales avec le culte de Tārā. Il vivait sous le règne du fils aîné du roi Caṇaka, Śreṣṭhapāla. Né à Vāraṇāsī de race kṣatriya, de l'école Mahāsāṃghika* il passa dans les ordres. Devenu très savant, dans tous les domaines, il voyait continuellement la face de Tārā et dissipait tous les doutes. Il alla à Nālanda, fut tantriste, et comme ses prédécesseurs accomplit différents actes merveilleux. *) Tār., p. 235. *) Tār., p. 236. Un jour* qu'il avait une conversation au sujet de la loi avec le bhikṣu Avadhūti, ce dernier cita l'_Āgama_ de Vasubandhu. Par plaisanterie Vāgīśvarakīrti se moqua de Vasubandhu. Le même soir sa langue enfla, et il ne pouvait plus enseigner la doctrine ; il resta ainsi plusieurs mois souffrant. Tārā, interrogée par lui, répondit que son mal venait de ce que par ses paroles il avait blessé (la mémoire de) Vasubandhu, il devait donc composer un hymne en l'honneur de cet illustre personnage. Ainsi fit-il, et la maladie disparut. *) Tār., p. 237. Vāgīśvarakīrti resta longtemps à Vikramaśīla, puis alla dans le Népal. Enfin, dans son quarante-troisième chapitre, où Tāranātha examine les sources du Mantrayāna,* il conclut : « Qui pourrait rapporter toutes les histoires des magiciens de l'Āryadeśa ? Rien qu'à l'époque de Nāgārjuna cinq mille personnes ont obtenu la siddhi grâce aux mantras de Tārā ; mais si l'on considère l'histoire de l'entourage de Dārika* et de Kālacārin on verra que leur nombre est incalculable. » *) Tār., p. 278. *) Dārika, qui aurait été avant sa vocation religieuse le roi de Śalaputra, paraît avoir été un magicien très puissant, contemporain de Heruka, d'origine indoue, élève de Nāropa dont l'histoire est racontée dans le _Livre des 84 sorciers_. Il usurpa le trône royal dans le pays d'Oḍiviśa. Il se rattache à l'école de Lūjipa. Ce dernier est un clef d'école dont l'histoire mystérieuse ouvre le _Livre des 84 sorciers_. (Tār., 127, 249, 315, 319.) Si nous serrons de près l'étude des ācāryas auxquels le souvenir de Tārā reste attaché, nous constatons que nous nous trouvons en présence d'une suite de personnages qui se rattachent au Mantrayāna de beaucoup plus près qu'au Mahāyāna proprement dit : personnages dont la vie est fortement empreinte d'éléments merveilleux, thaumaturges mystiques, dont la puissance résidait dans la connaissance des formules magiques. Cette école était représentée par quelques noms restés célèbres. La tradition s'était transmise de Kāla et Rāhulabhadra jusqu'aux véritables magiciens Naropa, Dārika et Doṃbi, qui marquent l'apogée de ce mouvement. --- # 5\. Textes. Je me suis servi, pour la présente édition du _Sragdharā stotra_, des textes suivants : 1\. Manuscrit de la bibliothèque de la Société asiatique : _Sragdharā stotra_ (H. 21), en vingt et un feuillets, de sept à huit lignes chacun et de trente-sept vers accompagnés d'un commentaire anonyme. Le manuscrit est en écriture devanagārī du Népal, peu régulière et incorrecte, le texte lui-même est très correct et demande extrêmement peu de modifications (je le nomme **A**). 2\. La bibliothèque de la Société asiatique possède un deuxième texte du _Sragdharā stotra_ dans un volumineux manuscrit qui porte pour titre : _Stotras et dhāraṇīs_* (H. 14) et compte cent cinquante-six feuillets de six lignes. Le texte du _Sragdharā stotra_ se trouve du feuillet quatre-vingt _b_, ligne quatre, au feuillet quatre-vingt-cinq _a_, ligne trois, où est le colophon : ityāryatārābhaṭṭarikāyāḥ sragdharā stotra samāptaṃ. Le texte est incorrect et mal écrit (je le nomme **B**). *) Voir _J. A._, série 9, tome 2, p. 369. 3\. Le troisième texte (que je nomme **C**) dont je disposais est dû à l'amabilité du secrétaire de l'Asiatic Society of Bengal, qui a bien voulu m'envoyer une copie de la _Sragdharāṭīkā_ de la Société (cat. de Rājendralāla Mitra, p. 229). Ce manuscrit, de cinquante-neuf feuillets à cinq lignes et cinq cent quatre-vingts ślokas, contient en introduction l'histoire de Sarvajñamitra, puis les trente-sept vers du _Sragdharā stotra_ avec le commentaire composé par Jinarakṣita (différent du commentaire anonyme de **A**). Le colophon de ce manuscrit nous fournit un renseignement précieux sur la valeur du commentaire. 4\. Le quatrième texte qui a servi à établir la présente édition est dû aussi à la Société du Bengale ; copie m'en a été également envoyée (Catal. de Rājendralāla Mitra, p. 228). C'est un manuscrit de douze feuillets à huit lignes, il contient le texte des vers du _Sragdharā stotra_, plus un colophon. Parmi les manuscrits sanscrits offerts par Hodgson à l'India Office se trouvent deux _Sragdharā stotra_ (2743 _h_, 2743 _l_) dont je dois communication à l'amabilité du docteur Rost* : *) Voir _Catalogue of sanscrit manuscripts_, coll. by Hodgson. Trübner, 1881 (p. 11 : 2. 24 et 29). 5\. Le manuscrit 2743 _l_ est de onze feuillets à cinq lignes, d'écriture incorrecte et souvent fautive. Il paraît n'être qu'un fragment d'un manuscrit plus considérable, car le premier feuillet est numé roté 33 et contient au recto un colophon qui appartenait à un texte du _Sragdharā stotra_ précédant immédiatement celui qui reste. Ce colophon ne présente d'autre intérêt que la date : saṃvat 771. (1651) et le nom d'un couvent : Cakravihāra. Les mots difficiles du texte sont expliqués par un synonyme ajouté sur le mot, soit entre les lignes, soit en marge. Le texte du premier feuillet est annoté à l'encre rouge. 6\. Le manuscrit 2743 _h_ en très bel état contient dix-huit feuillets à cinq lignes. Il est écrit à l'encre d'or sur noir. Il offre de l'intérêt par son colophon qui donne une date nouvelle pour l'histoire du Népal et quelques noms jusqu'ici inconnus.* *) _J. A._ Janvier-février 1894, p. 183-4. J'ai relevé encore les textes suivants du _Sragdharā stotra_, que je n'ai pas consultés : 7\. _Sragdharā stotra Tārābhaṭṭāraka_ avec commentaire, de trente-neuf feuillets à cinq lignes, n° 29 du catalogue de Cowell et Eggeling,* de la Royal Asiatic Society. *) Journal of R. A. S., new series, t. 8, p. 23. 8\. Dans le n° 30 du même catalogue, intitulé _Stotra saṃgraha : Sragdharā stotra āryatārābhaṭṭārākaya_, dix feuillets. 9\. _Sragdharā stotra_ : Université de Cambridge, add. 1104,* vingt-cinq feuillets à six lignes, date du 18e siècle. *) Cat. Cecil Bendall, p. 29. 10\. _Sragdharā Stotra_, Cambridge, add. 1362,* avec commentaire, dix-huit feuilles de huit à onze lignes, daté de 1846. *) Cat. Cecil Bendall, p. 69. 11\. _Sragdharā stuti_. Cambridge, add. 1272* avec commentaire, vingt-cinq feuilles, 5 lignes, daté de 1784. *) Cat. Cecil Bendall, p. 35. 12\. Le texte du _Sragdharā stotra_ a été imprimé à Calcutta par Jībānanda Vidyāsāgara, sous ce titre : _Sragdharā stotram Sarvajñamitrapādaviracitam_, publié d'une façon tellement incorrecte qu'on en peut à peine tenir compte. (Je nomme ce texte J.) Pour l'édition du texte des _Cent huit noms de Tārā_ je me suis basé : 1\. Sur le manuscrit de la Société asiatique (H. 9) (que je nomme **A**) : _Āryatārābhaṭṭārikāyānāmāṣṭottaraśataka_, comprenant le texte de cinquante-sept vers en huit feuillets de cinq lignes, en écriture devanāgarī du Népal correcte et très lisible. Ce manuscrit ne porte point de date. La stance que je numérote 10 _b_ y fait défaut; le copiste est néanmoins arrivé au nombre voulu de cinquante-sept stances en dédoublant à la fin du manuscrit la strophe cinquante-cinq. J'ai conservé la numérotation de ce manuscrit, le prenant pour type, tout en intercalant sous la rubrique 10 _b_ le vers manquant qui est donné par tous les autres textes consultés. 2\. La bibliothèque de la Société asiatique possède un deuxième texte des _Cent huit noms de Tārā_ (que je nomme **B**) dans le manuscrit : _Stotras et dhāraṇīs_ (H. 14).* Au feuillet 145, ligne 4, commence notre texte complet, à peu près correct, jusqu'au feuillet 148, ligne 3. Le vers 10 _b_ s'y trouve. *) Voir _J. A._, série 9, tome 2, p. 371. 3\. Jībānanda Vidyāsāgara a imprimé les _Cent huit noms de Tārā_ dans le même fascicule que le _Sragdharā stotra_ sous titre : _Tārāśatanāmāni_. Le texte est un peu moins incorrect que celui du _Sragdharā_ (je le nomme **C**). J'ai relevé les textes suivants que je n'ai pas consultés personnellement : 4\. _Tārā Nāmāṣṭottara-śataka_, Université de Cambridge,* add. 1549, neuf feuillets, cinq lignes, daté de 1801. *) Bendall, p. 120. 5\. _Ārya Tārābhaṭṭārikāyā nāmāṣṭottaraśatakaṃ_, Cambridge,* add. 1318, moderne. *) Bendall, p. 45. 6\. Le manuscrit intitulé _Dhāraṇīs_, Cambridge,* add. 1476, qui date du 17e ou 18e siècle, contient les _Cent huit noms de Tārā_ sous titre : _Ārya Tārā Dhāraṇī_, du feuillet vingt-deux _b_, au feuillet vingt-neuf. *) Bendall, p. 105-106. La figure de Tārā mentionnée ci-dessus se trouve dans ce manuscrit qui, quoique incorrect, est luxueusement décoré de figures et de lettres dorées. 7\. Nous trouvons le texte des _Cent huit noms de Tārā_ dans le catalogue des manuscrits offerts par Hodgson à l'India Office : add. 1549. Nāmāṣṭottaraśataka.* *) Voir p. 11, 2, n° 16. Pour établir le texte de l'_Ekaviṃśatistotra_, j'ai disposé des deux textes suivants : 1\. _Ekaviṃśatistotraṃ_, man. n° 32 (_Tārāstotraṃ_), quatre feuillets de cinq lignes.* *) Voir Cowell et Eggeling. _J. of R. A. S._, n. s., t. 8, p. 25, et _Catalogue of sanscrit mss. collected by Hodgson_, p. 7 ; 1, 32. 2\. Page 4 du manuscrit, add. 1551, Cambridge, intitulé _Dhāraṇīs_ sous-titre : _Bhagavatyāryatārādevyā namaskāraikaviṃśatistotraṃ_.* *) M. le professeur Cowell a bien voulu faire pour moi la collation de ce manuscrit. --- # 6\. Introduction du Commentaire de Jinarakṣita. Oṃ namas Tārāyai Natvāryatārāṃ jagadarthasārāṃ dharmākarādhyeṣaṇayā samāsāt । bālārkam atra karomi ṭīkāṃ sphuṭāṃ ahaṃ śrījinarakṣitaḥ kṛtī ॥ prabhūtavidveṣahutāśanāntaḥsphuracchikhādagdhamukhena hanta । khalu tvayā satsukhadā mameyaṃ ṭīkā nā dūṣyā tvayi me ñjaliś ca ॥ Tatra vṛttau upodghātam ādau prastūyate । iha kāśmīraviṣaye bodhisatvadeśīyo munīndrapravacanakṛpayarāvārīṇā sāndro mahākaruṇāpraguṇīkṛtahṛdayātmā sarvajñamitro nāma bhikṣur abhavat ॥ sa cintāmaṇir ivārthināṃ yathābhilaṣitārthasaṃpādānād dātṛtvena jagati vikhyātaḥ svam arthajātam arthibhyo visṛjya cīvarapātravibhavo deśāntaraṃ vrajan vajramukuṭasya rājño viṣayam āgamat ॥ tatra jarājarjarīkṛtaṃ parityaktaparijanaṃ dvijam ekam adhvany apaśyat ॥ sa kathāprasaṅgena iva virthayitum api tu sarvajñamitrasya bhikṣor antikaṃ ॥ ayaṃ svavibhavajātam arthibhyo vibhajya sa bhikṣur deśānaraṃ gata iti kiṃ na śrutaṃ ityukto vārddhakamuniḥ suciram abhiniḥśvasyāniśceṣṭa iva muhūrtam avālīyata ॥ tatas tam evaṃvidhaṃ sakaruṇaṃ śocayantam aham eva sarvajñamitra iti samāśvāsayann uvāca maivam adhīro bhavāhaṃ sarvam abhimataṃ saṃpādayiṣyāmīty uktvā tam ādāya varjramukuṭasya nṛpater antikaṃ suvarṇena samīkṛtya svaśarīraṃ vikrīya tanmūlyaṃ tasmai pradāyāpanīya prasthāpya rājñaḥ purato vasthitaḥ ॥ tasmiṃś ca samaye tasya rājño yathoktavicitralakṣaṇopetapuruṣaikaśatakartitamastako parisnānād abhimataṃ setsyatīty upadiṣṭaṃ kenāpi tad vākyaṃ mahatā kālena yatnato nviṣya suvarṇasamatulam ekonaśataṃ puruṣāṇāṃ krītam āste anenaikena śataṃ paripūrṇaṃ ॥ ataḥ kartitamastako parisnānaṃ kariṣyāmi dhāyai tanmadhyaṃ nayety ādiśati sma ॥ tadādiṣtabhṛtyena tathaiva saṃpāditaṃ paścāt tam ekam avalokya sarva eva te vadhyapuruṣāḥ prātar mṛtā vayam ity uccair ākrandantaḥ sākṣānmṛtyubhaya upasthito muṇḍa ity avadan ॥ te bodhisatvenābhihitāḥ ॥ kasmād evam adhīratā pūrvam evam ajñātvaiva kim ātmā krīta iti tata etān atikātarān samāśvāsya mahākaruṇārdrayā dṛśā cāvalokya mātaraṃ vihāya nāsti kaścid eṣām anyo nistāro ya iti niścitya sa yatir bhūyasā sarvajñamitro bhagavatīm āryatārāṃ stotum ārabdhavān ॥ tataḥ ślokakatipayam anantaraṃ bhagavatī svayam āgatya yathākartavyam ādiśyānucintitā cādhitiṣṭhaty antarhitā ॥ tataḥ sakalalabdhavaraḥ sarvajñamitraḥ ॥ yuṣmābhiḥ sarvaiḥ prātar yugapad eva snātavyam ity ādiṣṭavān ॥ tataḥ prātar āgatya rājapuruṣais te vadhyāḥ sarastīre nītāḥ ॥ tatas tān abhihitavantaḥ ॥ sarvair asmābhir ekadaiva snātavyaṃ kiṃ bahuvilambenety uktvā sarasi nimagnā bhagavatīprabhāvāt svaṃ svaṃ deśam upajagmuḥ ॥ paścān muhūrtadvitayānantaraṃ yatnato nviṣṭāḥ santas tair nopalabdhāḥ tanmūlyasuvarṇaṃ ca yathāsvarāśirāśikṛtya sarastīre param ālokitaṃ ॥ tatas te rājapuruṣā bhayavismayākulitamanaso rājānaṃ vijñāpayām āsuḥ ॥ tac chrutvā sa rājā vismayāvarjitamanās tasyaivaikasya vikrītasya bhikṣor ayaṃ prabhāva ity abhidhāya saṃjātādhikataraprasādas tam anviṣyānīya tacchiṣyatām upagata ityādikathā prasiddhaiva noktā ॥ śrīdevyai namaḥ. --- ## _addendum editoris_ : Devanāgarī (देवनागरी).* ओं नमस् तारायै नत्वार्यतारां जगदर्थसारां धर्माकराध्येषणया समासात् । बालार्कम् अत्र करोमि टीकां स्फुटां अहं श्रीजिनरक्षितः कृती ॥ प्रभूतविद्वेषहुताशनान्तःस्फुरच्छिखादग्धमुखेन हन्त । खलु त्वया सत्सुखदा ममेयं टीका ना दूष्या त्वयि मे ञ्जलिश् च ॥ तत्र वृत्तौ उपोद्घातम् आदौ प्रस्तूयते । इह काश्मीरविषये बोधिसत्वदेशीयो मुनीन्द्रप्रवचनकृपयरावारीणा सान्द्रो महाकरुणाप्रगुणीकृतहृदयात्मा सर्वज्ञमित्रो नाम भिक्षुर् अभवत् ॥ स चिन्तामणिर् इवार्थिनां यथाभिलषितार्थसंपादानाद् दातृत्वेन जगति विख्यातः स्वम् अर्थजातम् अर्थिभ्यो विसृज्य चीवरपात्रविभवो देशान्तरं व्रजन् वज्रमुकुटस्य राज्ञो विषयम् आगमत् ॥ तत्र जराजर्जरीकृतं परित्यक्तपरिजनं द्विजम् एकम् अध्वन्य् अपश्यत् ॥ स कथाप्रसङ्गेन इव विर्थयितुम् अपि तु सर्वज्ञमित्रस्य भिक्षोर् अन्तिकं ॥ अयं स्वविभवजातम् अर्थिभ्यो विभज्य स भिक्षुर् देशानरं गत इति किं न श्रुतं इत्युक्तो वार्द्धकमुनिः सुचिरम् अभिनिःश्वस्यानिश्चेष्ट इव मुहूर्तम् अवालीयत ॥ ततस् तम् एवंविधं सकरुणं शोचयन्तम् अहम् एव सर्वज्ञमित्र इति समाश्वासयन्न् उवाच मैवम् अधीरो भवाहं सर्वम् अभिमतं संपादयिष्यामीत्य् उक्त्वा तम् आदाय वर्ज्रमुकुटस्य नृपतेर् अन्तिकं सुवर्णेन समीकृत्य स्वशरीरं विक्रीय तन्मूल्यं तस्मै प्रदायापनीय प्रस्थाप्य राज्ञः पुरतो वस्थितः ॥ तस्मिंश् च समये तस्य राज्ञो यथोक्तविचित्रलक्षणोपेतपुरुषैकशतकर्तितमस्तको परिस्नानाद् अभिमतं सेत्स्यतीत्य् उपदिष्टं केनापि तद् वाक्यं महता कालेन यत्नतो न्विष्य सुवर्णसमतुलम् एकोनशतं पुरुषाणां क्रीतम् आस्ते अनेनैकेन शतं परिपूर्णं ॥ अतः कर्तितमस्तको परिस्नानं करिष्यामि धायै तन्मध्यं नयेत्य् आदिशति स्म ॥ तदादिष्तभृत्येन तथैव संपादितं पश्चात् तम् एकम् अवलोक्य सर्व एव ते वध्यपुरुषाः प्रातर् मृता वयम् इत्य् उच्चैर् आक्रन्दन्तः साक्षान्मृत्युभय उपस्थितो मुण्ड इत्य् अवदन् ॥ ते बोधिसत्वेनाभिहिताः ॥ कस्माद् एवम् अधीरता पूर्वम् एवम् अज्ञात्वैव किम् आत्मा क्रीत इति तत एतान् अतिकातरान् समाश्वास्य महाकरुणार्द्रया दृशा चावलोक्य मातरं विहाय नास्ति कश्चिद् एषाम् अन्यो निस्तारो य इति निश्चित्य स यतिर् भूयसा सर्वज्ञमित्रो भगवतीम् आर्यतारां स्तोतुम् आरब्धवान् ॥ ततः श्लोककतिपयम् अनन्तरं भगवती स्वयम् आगत्य यथाकर्तव्यम् आदिश्यानुचिन्तिता चाधितिष्ठत्य् अन्तर्हिता ॥ ततः सकललब्धवरः सर्वज्ञमित्रः ॥ युष्माभिः सर्वैः प्रातर् युगपद् एव स्नातव्यम् इत्य् आदिष्टवान् ॥ ततः प्रातर् आगत्य राजपुरुषैस् ते वध्याः सरस्तीरे नीताः ॥ ततस् तान् अभिहितवन्तः ॥ सर्वैर् अस्माभिर् एकदैव स्नातव्यं किं बहुविलम्बेनेत्य् उक्त्वा सरसि निमग्ना भगवतीप्रभावात् स्वं स्वं देशम् उपजग्मुः ॥ पश्चान् मुहूर्तद्वितयानन्तरं यत्नतो न्विष्टाः सन्तस् तैर् नोपलब्धाः तन्मूल्यसुवर्णं च यथास्वराशिराशिकृत्य सरस्तीरे परम् आलोकितं ॥ ततस् ते राजपुरुषा भयविस्मयाकुलितमनसो राजानं विज्ञापयाम् आसुः ॥ तच् छ्रुत्वा स राजा विस्मयावर्जितमनास् तस्यैवैकस्य विक्रीतस्य भिक्षोर् अयं प्रभाव इत्य् अभिधाय संजाताधिकतरप्रसादस् तम् अन्विष्यानीय तच्छिष्यताम् उपगत इत्यादिकथा प्रसिद्धैव नोक्ता ॥ श्रीदेव्यै नमः॥ *) [IAST.](https://arshavidya.org.uk/vyasa.html) --- # 7\. Traduction. Hommage à Tārā ! Ayant adoré Ārya Tārā, essence du bien du monde, en recherchant le principe de la loi en abrégé, je compose ce clair commentaire sur les vers bālārka, etc., moi, le bon Jinarakṣita. Toi, dont la bouche brûle des flammes étincelantes que jette le feu de la haine violente, ne maltraite pas ma glose qui procure le vrai bonheur ; à toi mon añjali. Au commencement de ce commentaire, le sujet est indiqué : Ici, dans le pays de Kasmir, se trouvait celui qui tient lieu d'un bodhisattva, mouillé par l'eau de la compassion de l'enseignement, l'Indra des munis, celui qui a l'esprit et le cœur rendus supérieurs par une grande miséricorde, et qui a nom Sarvajñamitra, le bhikṣu ; celui-ci, pareil à une gemme magique par le fait qu'il procurait aux pauvres tous les objets de leurs désirs, était célèbre dans le monde par sa générosité. Comme il avait donné aux pauvres les richesses qu'il avait, et qu'il ne lui restait pour tout bien que les haillons et l'écuelle, il alla dans un autre pays ; et, comme il arrivait dans le pays du roi Vajramukuṭa, en chemin, il rencontra un brahmane cassé par la vieillesse et abandonné des siens. Tout en conversant, ce brahmane lui dit qu'il allait trouver le bhikṣu Sarvajñamitra. Celui-ci lui dit : « Ce bhikṣu a distribué toutes ses richesses et est allé dans un autre pays, ne l'as-tu pas entendu dire ? » Le vieux religieux ainsi interpellé, ayant soupiré longuement, resta un instant immobile et stupide. Comme il restait dans cet état et se lamentait pitoyablement, Sarvajñamitra lui rendit confiance en lui disant : « C'est moi qui suis Sarvajñamitra, ne sois pas si faible, je comblerai tous tes désirs. » Il se rendit en présence du roi Vajramukuṭa, et ayant pesé son corps, il le vendit au prix de son pesant d'or et en donna le prix au religieux qu'il avait amené, puis il le congédia et resta devant le roi. Or, en ce temps-là, le roi avait entendu cet avis : « Ton projet réussira si tu te baignes sur les têtes coupées d'une centaine d'hommes doués de signes divers tels et tels ... » A ce moment même on tenait à la disposition du roi quatre-vingt-dix-neuf hommes achetés leur pesant d'or, qu'on avait cherchés à grand'peine et par cet _un_ là, la centaine était rendue complète. « Eh bien, je m'en vais me baigner sur les têtes coupées, qu'on les amène ici devant, » ordonna le roi. Le serviteur qui avait reçu l'ordre l'exécuta ainsi, et regardant ensuite tous ces hommes qui allaient être rais à mort, il les vit criant à haute voix : « Ce matin nous sommes morts ! c'est ce chauve-là qui s'est présenté comme un danger mortel imminent. » Injurié de cette façon, le bodhisattva leur répondit : « Pourquoi un pareil manque de courage, jadis lorsque vous vous êtes vendus, ne le saviez-vous pas ? » Il relevait ces lâches et les regardait d'un œil humide de compassion : « A part la Mère, il n'y a point de salut pour ceux-là. » A cette pensée, Sarvajñamitra se mit à célébrer la vénérable Ārya Tārā. Aussitôt après quelques ślokas, Bhagavatī en personne apparut se tenant au-dessus d'eux, elle réfléchit et enseigna ce qu'il y avait à faire, puis disparut. Ayant ainsi reçu toutes les grâces, Sarvajñamitra leur indiqua : « Il faut que vous tous ensemble le matin vous alliez au bain. » Le matin étant venu, ils furent tous les cent amenés par les gardes royaux sur les bords d'un étang pour être tués, et ils dirent aux gardes : « Il faut que tous en même temps nous nous baignions, pourquoi longtemps tarder ? » Ayant dit cela, ils plongèrent dans l'étang et par la puissance de Bhagavatī, ils furent transportés chacun dans son pays. Au bout d'une minute, les gardes les recherchèrent avec zèle, ils ne furent pas trouvés, mais l'or de leur prix fut trouvé sur le bord de l'eau par tas selon chaque individu. Alors les gardes royaux, ayant l'esprit troublé de stupéfaction et de peur, informèrent le roi. Entendant cela, le roi gagné par la surprise dit : « Ceci est l'effet de la puissance unique de ce bhikṣu qui a été acheté, » et comme l'apaisement dans la foi était né en lui, il fit chercher Sarvajñamitra, et l'ayant fait amener, il devint son élève. Voilà le commencement de l'histoire ; comme elle est bien connue, nous ne la raconterons pas. --- # 8\. Āryatārāsragdharāstotra. Om namo bhagavatyai Āryatārāyai. 1\. --- Bālārkālokatāmrapravarasuraśiraścārucūḍāmaṇiśrīsaṃpatsaṃparkarāganāticiraracitālaktakavyaktabhaktī । bhaktyā pādau tavārye karapuṭamukuṭātopabhugnottamāṅgas tāriṇy āpaccharaṇyair navanutikusumasragbhir abhyarcayāmi* ॥ *) Commentaire du vers 1. bālārketyādi he tāriṇi uddhāriṇi ārye pūjye tava bhavatyāḥ pādau caraṇau abhyarcayāmi pūjayāmi kena navanutiknusumasragbhir tavāstāṃ nutayaḥ tā eva kusumāni puṣpāni teṣāṃ srajo mālāḥ tābhiḥ he āpaccharaṇya vipaccharaṇya kīdṛśau pādau bālaḥ prathama udito yo sāv arkaḥ raviḥ tasya ālokaḥ uddyotanaṃ tadvat tāmrāḥ lohitāḥ pravarāṇāṃ pradhānānāṃ surāṇāṃśiraḥsu mūrdhasu cāravo darśanīyāḥ ye cūḍāmaṇayaḥ śikhāratnāni teṣāṃ yā śrīḥ kāntiḥ tasyā yāsau samṛddhiḥ. tatsaṃparkena tatsaṃyogena yo sau rāgaḥ rañjanaṃ tena nāticiraṃ svalpakālaṃ racitā digdhā alaktakasya vyaktā sphuṭā bhaktiḥ vicchitir yayos tāu katham arcayāmi bhaktyā sevayā kīdṛśo haṃ karapuṭena hastāñjalinā mukuṭe kiriṭe ya ātopo yogaḥ tena bhugnam ātamraṃ uttamāṅgaṃ śiro yasya saḥ । 1 । 2\. --- Durlaṅghe duḥkhavahnau vinipatitatanur durbhagaḥ kāṃ-                                                                                                             [diśīkaḥ kiṃ kiṃ mūḍhaḥ karomīty asakṛd api kṛtārambhavaiyarthya-                                                                                                             [khinnaḥ । śrutvā bhūyaḥ parebhyaḥ kṣatanayana iva vyomni candrārka-                                                                                                             [lakṣmīm ālokāśānibaddhaḥ paragatigamanas tvāṃ śraye pāpahantrīṃ ॥ 3\. --- Sarvasmin satvamārge nanu tava karuṇā nirviśeṣaṃ                                                                                                             [pravṛttā tanmadhye tatgraheṇa grahaṇam upagataṃ mādṛśasyāpy ava-                                                                                                             [śyam । sāmarthyaṃ cādvitīyaṃ sakalajagadaghadhvāntatigmāṃśubimbaṃ duḥkhīvāhaṃ tathāpi pratapati dhig aho duṣkṛtaṃ durvidagdham ॥ 4\. --- Dhig dhig māṃ mandabhāgyaṃ divasakararucāpy apra-                                                                                                             [ṇuṇṇāndhakāraṃ tṛṣyantaṃ kūlakacche himaśakalaśilāśītale haimavatyāḥ । ratnadvīpapratolyāvipulamaṇiguhāgehagarbhe daridraṃ nāthīkṛtvāpy ānāthaṃ bhagavati bhavatīṃ sarvalokaikadhātrīm ॥ 5\. --- Mātāpi stanyahetor viruvati bahuśaḥ khedam āyāti putre krodhaṃ dhatte pitāpi pratidivasam asatprārthanāsu prayuk-                                                                                                             [taḥ । tvaṃ tu trailokyavāñchāvipulaphalamahākalpavṛkṣāgravallī sarvebhyo bhyarcitārthān visṛjasi na ca te vikriyā jātu kācit ॥ 6\. --- Yo yaḥ kleśoghavahnijvalitatanur ahaṃ tāraṇī tasya tasye- tyātmopajñāṃ pratijñāṃ kuru mayi saphalāṃ duḥkhapātālama                                                                                                             [gne । vardhante yāvad ante paruṣaparibhavāḥ prāṇināṃ duḥkhavegāḥ samyaksaṃbuddhayāne praṇidhidhṛtadhiyāṃtāvad evānukampā ॥ 7\. --- Ity uccair ūrdhvabāhau nadati nutipadavyājam ākranda-                                                                                                             [nādaṃ nārhaty anyo py upekṣāṃ janani janayituṃ kiṃ punar yādṛśī                                                                                                             [tvam । tvattaḥ paśyan pareṣām abhimatavibhavaprārthanāḥ prāptakāmā* dahye sahyena bhūyastaram aratibhuvā saṃtatāntarjvareṇa ॥ *) Corr., ms. : °kamo. 8\. --- Pāpī yady asmi kasmāt tvayi mama mahatī vardhate                                                                                                             [bhaktir eṣā śrutyā smṛtyā ca nāmno py apaharasi haṭhāt pāpam ekā tvam eva । tyaktavyāpārabhārā nudasi mayi kathaṃ kathyatāṃ tathyakathye* pathyaṃ glāne mariṣyaty api vipulakṛpaḥ kiṃ bhiṣag rorudhīti ॥ *) _Tathyakathye_ mot nouveau : le commentaire explique : he tathyakathye he satyavādini. 9\. --- Māyāmātsaryamānaprabhṛtibhir adhamais tulyakālaṃ                                                                                                             [kramāc ca svair doṣair vākyamāno maṭhakarabha ivānekasādhāraṇāṃsaḥ । yuṣmatpādābjapūjāṃ kṣaṇam api na labhe yat tadarthaṃ viśeṣād eṣā kārpaṇyadīnākṣarapadaracanā syān mamāvandhyakāmā ॥ 10\. --- Kalpāntabhrāntavātabhramitajalavalallolakallolahelā- saṃkṣobhotkṣiptavelātaṭavikaṭacaṭasphoṭamoṭāṭṭahāsāt । majjadbhir bhinnanaukaiḥ sakaruṇaruditākrandaniṣpandamandaiḥ svacchandaṃ devi sadyas tvadabhibhūtiparais tīram uttīryate                                                                                                             [bdheḥ ॥ 11\. --- Dhūmabhrāntābhragarbhodbhavagagaṇagṛhotsaṅgariṅgat-                                                                                                             [sphuliṅga- sphūrjaj jvālākarālajvalanajavaviśadveśmaviśrāntaśayyāḥ । tvayy ābaddhapraṇamāñjalipuṭamukuṭā gadgadodgītayācñāḥ prodyadvidyudvilāsojjvalajaladajavair āpriyante kṣaṇena ॥ 12\. --- Dānāṃbhaḥpūryamāṇobhayakaṭakaṭakālambirolambamālāhuṃkārāhūyamānapratigajajanitadveṣavahner dvipasya । dantāntottuṅgadolātalatulitatanus tvām anusmṛtya mṛtyuṃ pratyācaṣṭe prahṛṣṭaḥ pṛthuśikharaśiraḥkoṭikoṭṭopaviṣṭaḥ ॥ 13\. --- Prauḍhaprāsaprahāraprahatanaraśiraḥśūlavallyutsavāyāṃ śūnyāṭavyāṃ karāgragrahavilasadasisphoṭakasphītadarpān । dasyūn dāsye niyuṅkte sabhṛkuṭikuṭilabhrūkaṭākṣekṣitākṣāṃś cintālekhany akhinnasphuṭalikhitapadaṃ nāmadhāmaśriyāṃ te ॥ 14\. --- Vajrakrūraprahāraprakharaṇakhamukhotkhātamattebha-                                                                                                             [kumbha- ścyotatsāndrāsradhautasphuṭavikaṭasaṭāsaṃkaṭaskandhasaṃdhiḥ । krudhyann āpitsur ārād upari mṛgaripus tīkṣṇadāṃṣṭrotkaṭāsyas trasyann āvṛtya yāti tvaducitaracitastotradugdhārthavācaḥ ॥ 15\. --- Dhūmāvartāndhakārākṛtivikṛtiphaṇisphāraphūtkārapūravyāpāravyāttavaktrasphuradururasanārajjukīnāśapāśaiḥ । pāpāt saṃbhūya bhūyas tava guṇagaṇanā tatparas tvatparātmā dhatte mattālimālāvalayakuvalayasragvibhūṣāṃ vibhūtiṃ ॥ 16\.--- Bhartṛbhrūbhedabhītodbhaṭakaṭakabhaṭākṛṣṭaduḥśliṣṭakeśaś cañcadvācāṭaceṭotkaṭaraṭitakaṭugranthipāśopagūḍhaḥ । kṣuttṛṭkṣāmoṣṭhakaṇṭhas tyajati sa sapadi vyāpadaṃ tāṃ durantāṃ yo yāyād āryātārācaraṇaśaraṇatāṃ snigdhavandhūjjhito pi ॥ 17\. --- Māyānirmāṇakarmakramakṛtavikṛtānekanepathyamithyārūpārambhānurūpapraharaṇakiraṇāḍaṃbaroḍḍāmarāṇi । tvattantroddhāryamantrasmṛtihṛtaduritasyā vahanty apradhṛṣyaṃ pretaprotāntratantrīnicayaviracitasrāñji rakṣāṃsi rakṣāṃ ॥ 18\. --- Garjajjīmūtamūrtitrimadamadanadībaddhadhārāndhakāre vidyuddyotāyamānapraharaṇakiraṇe niṣpatadbāṇavarṣe । ruddhaḥ saṃgrāmakāle prabalabhujabalair vidviṣadbhir dviṣadtvaddattotsāhapuṣṭiḥ prasabham arimahīm ekavīraḥ pinaṣṭi ॥ [bhis 19\. --- Pāpācārānubandhoddhatagadavigalatpūtipūyāsravisratvaṅmāṃsāsaktanāḍīmukhakuharagalajjantujagdhakṣatāṅgāḥ । yuṣmatpādopasevāgadavaraguṭikābhyāsabhaktiprasaktā jāyante jātarūpapratinidhivapuṣaḥ puṇḍarīkāyatākṣāḥ ॥ 20\. --- Viśrāntaṃ śrotrapātre gurubhir upahṛtāṃ yāsya nām-                                                                                                             [nāyaṃ bhaikṣyaṃ* vidvadgoṣṭhīṣu yaś ca śrutadhanavirahān mūkatām abhyupaiti । sarvālaṃkārabhūṣāvibhāvasamuditaṃ prāpya vāgīśvaratvaṃ so pi tvadbhaktiśaktyā harati nṛpasabhe vādisiṃhāsanāni ॥ *) Ms. : yasyāmnāya. 21\. --- Bhūśayyādhūlidhūmrasphuṭitakaṭakaṭīkarpaṭotghāṭitāṅgo yūkāyuṃṣi prapiṃśan parapurapurataḥ karpare tarpaṇārthī । tvām ārādhyādhyavasyanvarayuvativahaccāmarasmeracārvīm urvīṃ dhatte madāndhadvipadaśanaghanām uddhṛtaikātapatrāṃ ॥ 22\. --- Sevākarmāntaśilpāpraṇayavinimayopāyaparyāyakhinnaḥ prāgjanmopāttapuṇyopacitaśubhaphalaṃ vittam aprāpnuvantaḥ । daivātikrāmanīṃ tvām kṛpaṇajanajanany artham abhyarthya bhūyo bhūmer nirvāntacāmīkaranikaranidhīn nirddhanā prāpnuvanti ॥ 23\. --- Vṛtticchede vilakṣaḥ kṣatanivasanayā bhāryayā bhart-                                                                                                             [syamāno dūrād ātmaṃbharitvāt svajanasutasuhṛdbandhubhir varjyamānaḥ । tvayy āvedya svaduḥkhaṃ turagakhuramukhotkhātasīmnāṃ gṛhāīṣṭe svāntaḥpurastrīvalayajhaṇajhaṇājātanidrāprabodhaḥ ॥ [ṇām 24\. --- Cakraṃdikcakracumbi sphuradurukiraṇā lakṣaṇālaṃkṛtāstrī saḍdanto dantimukhyaḥ śikhigalaruciraśyāmaromā varāśvaḥ । bhāsvadbhāsvanmayūkho maṇir amalaguṇaḥ koṣabhṛt pūrṇakoṣaḥ senānīr vīrasainyo bhavati bhagavati tvatprasādāṃśaleśāt ॥ 25\. --- Svacchandaś candanāṃbhaḥsurabhimaṇiśilādattasaṃketakāntākrīḍānurāgād abhinavaracitātithyatathyopacāraḥ । [kāntaḥ tvadvidyālabdhasiddhir malayamadhuvanaṃ yāti vidyādharendraḥ khaḍgāṃśuśyāmapīnonnatabhujaparigha prollasatpārihāryaḥ ॥ 26\. --- Hārākrāntastanāntāḥ śravaṇakuvalayaspardhamānāyatākṣā mandārodāraveṇītaruṇaparimalāmoghamādyaddvirephāḥ । kācīnādānubandhoddhatataracaraṇodāramañjīratūryās tvannāthaṃ prārthayante smaramadamuditāḥ sādarā devakanyāḥ ॥ 27\. --- Ratnacchannāntavāpīkanakakamalinīvajrakiñjalkamālām unmajjatpārijātadrumadhuramadhūddhūtadhūlīvitānām । vīṇāveṇupravīṇāmarapuraramaṇīdattamādhūryatūryāṃ kṛtvāyuṣmatsaparyām anubhavati ciraṃ nandanodyānayātrām ॥ 28\. --- Karpūrailālavaṅgatvagagarunaladakṣodagandhodakāyāṃ dāntākandarpadarpotkaṭakucakuharāvartaviśrāntavīcyām । mandākinyām amandacchaṭasalilasaritkrīḍayā sundarībhiḥ krīḍanti tvadgatāntaḥkaraṇapariṇatottaptapuṇyaprabhāvāḥ ॥ 29\. --- Gīrvāṇagrāmaṇībhir vinayabharanamanmaulibhir vandi-                                                                                                             [tājñaḥ svargotsaṅge dhirūḍhaḥ surakariṇi raṇadbhūṣaṇodbhāsitāṅge । śacyā dordāmadolāviralavalayitoddāmaromāñcamūrtiḥ pūtas tvaddṛṣṭipātair avati suramahīṃ hīrabhinnaprakoṣṭhaḥ ॥ 30\. --- Cūḍāratnāvataṃsāsanagatasugatavyomalakṣmīvitānaṃ prodyadbālārkakoṭipaṭutarakiraṇāpūryamānatrilokam । prauḍhālīḍhaikapadaṃ kramabharainamadbrahmarudrendra-                                                                                                             [viṣṇu tvadrūpaṃ bhāvyamānaṃ bhavati bhavabhayocchittaye janma-                                                                                                             [bhājām ॥ 31\. --- Paśyanty eke sakopaṃ praharaṇakiraṇodgūrṇadordaṇḍa-                                                                                                             [khaṇḍa- vyāptavyomāntarālaṃ valayaphaṇiphaṇādāruṇāhāryacaryām । dviṣṭavyuttrāsihāsoḍḍamaraḍamarukoḍḍāmarāsphālavelāvetālottālatālapramadamadamahākelikolāhalogram ॥ 32\. --- Kecit tv ekaikaromodgamagatagagaṇābhogabhūbhūtalasthasvasthabrahmendrarudraprabhṛtinaramarutsiddhagandharvanā-                                                                                                             [gam । dikcakrākrāmidhāmasthitasugataśatānantanirmāṇacitram citraṃ trailokyavandyaṃ sthiracararacitāśeṣabhāvasvabhāvam ॥ 33\. --- Lākṣāsindūrarāgāruṇatarakiraṇādityalauhityam eke śrīmatsāndrendranīlopaladaladalitakṣodanīlaṃ tathānye । kṣīrābdhikṣubdhadugdhādhikataradhavalaṃ kāñcanābhaṃ ca kecit tvadrūpaṃ viśvarūpaṃ sphaṭikavad upadhāyuktibhedād vibhin-                                                                                                             [nam ॥ 34\. --- Sārvajñajñānadīpaprakaṭitasakalajñeyatattvaikasākṣī sākṣād vetti tvadīyāṃ guṇagaṇagaṇanāṃ sarvavit tatsuto vā । yat tu vyādāya vaktraṃ valibhujaraṭitaṃ mādṛśo raṭīti vyāpat sā tīvraduḥkhajvarajanitarujaścetaso hāsyahetuḥ ॥ 35\. --- Yan me vijñapsyamānaṃ prathamataram adas tvaṃ viśe-                                                                                                             [ṣena vettrī tvatvyāhārātirekaśramavidhir abudhasvāntasaṃtoṣahetuḥ । kiṃ tu snigdhasya bandhor viṣaṃ iva purato duḥkham udgīrya                                                                                                             [vācā jñātārthasyāpi duḥkhī hṛdayalaghutayā svasthatāṃ vindatīva ॥ 36\. --- Kalyāṇānandasindhuprakaṭaśaśikale śītalāṃ dehi dṛṣṭiṃ puṣṭiṃ jñānopadeśaiḥ kuru ghanakaruṇe dhvaṃsaya dhvāntam-                                                                                                             [antaḥ । tvatstotrāṃbhaḥpavitrīkṛtamanasi mayi śreyasaḥ sthānam ekaṃ dṛṣṭaṃ yasmād amoghaṃ jagati tava guṇastotramātraṃ prajā-                                                                                                             [nām ॥ 37\. --- Saṃstutya tvatguṇaughāvayavam aniyateyattam āptaṃ                                                                                                             [mayā yat । puṇyaṃ puṇyāhavāñchāphalamadhurarasāsvādam āmuktibho-                                                                                                             [gyam । lokas tenāryalokeśvaracaraṇatalasvastikasvasticihnām ahnāyāyaṃ prayāyāt sugatasutamahīṃ tāṃ sukhāvatyupākhyām ॥ --- ## _addendum editoris_ : Devanāgarī (देवनागरी).* *) [IAST.](https://arshavidya.org.uk/vyasa.html) **आर्यतारास्रग्धरास्तोत्र** ओम् नमो भगवत्यै आर्यतारायै॥ १\. --- बालार्कालोकताम्रप्रवरसुरशिरश्चारुचूडामणिश्रीसंपत्संपर्करागनातिचिररचितालक्तकव्यक्तभक्ती । भक्त्या पादौ तवार्ये करपुटमुकुटातोपभुग्नोत्तमाङ्गस् तारिण्य् आपच्छरण्यैर् नवनुतिकुसुमस्रग्भिर् अभ्यर्चयामि* ॥ *) Commentaire du vers १. बालार्केत्यादि हे तारिणि उद्धारिणि आर्ये पूज्ये तव भवत्याः पादौ चरणौ अभ्यर्चयामि पूजयामि केन नवनुतिक्नुसुमस्रग्भिर् तवास्तां नुतयः ता एव कुसुमानि पुष्पानि तेषां स्रजो मालाः ताभिः हे आपच्छरण्य विपच्छरण्य कीदृशौ पादौ बालः प्रथम उदितो यो साव् अर्कः रविः तस्य आलोकः उद्द्योतनं तद्वत् ताम्राः लोहिताः प्रवराणां प्रधानानां सुराणांशिरःसु मूर्धसु चारवो दर्शनीयाः ये चूडामणयः शिखारत्नानि तेषां या श्रीः कान्तिः तस्या यासौ समृद्धिः ॥ तत्संपर्केन तत्संयोगेन यो सौ रागः रञ्जनं तेन नातिचिरं स्वल्पकालं रचिता दिग्धा अलक्तकस्य व्यक्ता स्फुटा भक्तिः विच्छितिर् ययोस् ताु कथम् अर्चयामि भक्त्या सेवया कीदृशो हं करपुटेन हस्ताञ्जलिना मुकुटे किरिटे य आतोपो योगः तेन भुग्नम् आतम्रं उत्तमाङ्गं शिरो यस्य सः । १ । २\. --- दुर्लङ्घे दुःखवह्नौ विनिपतिततनुर् दुर्भगः कां-                                                                     [दिशीकः किं किं मूढः करोमीत्य् असकृद् अपि कृतारम्भवैयर्थ्य-                                                                     [खिन्नः । श्रुत्वा भूयः परेभ्यः क्षतनयन इव व्योम्नि चन्द्रार्क-                                                                     [लक्ष्मीम् आलोकाशानिबद्धः परगतिगमनस् त्वां श्रये पापहन्त्रीं ॥ ३\. --- सर्वस्मिन् सत्वमार्गे ननु तव करुणा निर्विशेषं                                                                     [प्रवृत्ता तन्मध्ये तत्ग्रहेण ग्रहणम् उपगतं मादृशस्याप्य् अव-                                                                     [श्यम् । सामर्थ्यं चाद्वितीयं सकलजगदघध्वान्ततिग्मांशुबिम्बं दुःखीवाहं तथापि प्रतपति धिग् अहो दुष्कृतं दुर्विदग्धम् ॥ ४\. --- धिग् धिग् मां मन्दभाग्यं दिवसकररुचाप्य् अप्र-                                                                     [णुण्णान्धकारं तृष्यन्तं कूलकच्छे हिमशकलशिलाशीतले हैमवत्याः । रत्नद्वीपप्रतोल्याविपुलमणिगुहागेहगर्भे दरिद्रं नाथीकृत्वाप्य् आनाथं भगवति भवतीं सर्वलोकैकधात्रीम् ॥ ५\. --- मातापि स्तन्यहेतोर् विरुवति बहुशः खेदम् आयाति पुत्रे क्रोधं धत्ते पितापि प्रतिदिवसम् असत्प्रार्थनासु प्रयुक्-                                                                     [तः । त्वं तु त्रैलोक्यवाञ्छाविपुलफलमहाकल्पवृक्षाग्रवल्ली सर्वेभ्यो भ्यर्चितार्थान् विसृजसि न च ते विक्रिया जातु काचित् ॥ ६\. --- यो यः क्लेशोघवह्निज्वलिततनुर् अहं तारणी तस्य तस्ये- त्यात्मोपज्ञां प्रतिज्ञां कुरु मयि सफलां दुःखपातालम                                                                     [ग्ने । वर्धन्ते यावद् अन्ते परुषपरिभवाः प्राणिनां दुःखवेगाः सम्यक्संबुद्धयाने प्रणिधिधृतधियांतावद् एवानुकम्पा ॥ ७\. --- इत्य् उच्चैर् ऊर्ध्वबाहौ नदति नुतिपदव्याजम् आक्रन्द-                                                                     [नादं नार्हत्य् अन्यो प्य् उपेक्षां जननि जनयितुं किं पुनर् यादृशी                                                                     [त्वम् । त्वत्तः पश्यन् परेषाम् अभिमतविभवप्रार्थनाः प्राप्तकामा* दह्ये सह्येन भूयस्तरम् अरतिभुवा संततान्तर्ज्वरेण ॥ *) Corr., ms. : °kamo. ८\. --- पापी यद्य् अस्मि कस्मात् त्वयि मम महती वर्धते                                                                     [भक्तिर् एषा श्रुत्या स्मृत्या च नाम्नो प्य् अपहरसि हठात् पापम् एका त्वम् एव । त्यक्तव्यापारभारा नुदसि मयि कथं कथ्यतां तथ्यकथ्ये* पथ्यं ग्लाने मरिष्यत्य् अपि विपुलकृपः किं भिषग् रोरुधीति ॥ *) _Tathyakathye_ mot nouveau : le commentaire explique : हे तथ्यकथ्ये हे सत्यवादिनि. ९\. --- मायामात्सर्यमानप्रभृतिभिर् अधमैस् तुल्यकालं                                                                     [क्रमाच् च स्वैर् दोषैर् वाक्यमानो मठकरभ इवानेकसाधारणांसः । युष्मत्पादाब्जपूजां क्षणम् अपि न लभे यत् तदर्थं विशेषाद् एषा कार्पण्यदीनाक्षरपदरचना स्यान् ममावन्ध्यकामा ॥ १०\. --- कल्पान्तभ्रान्तवातभ्रमितजलवलल्लोलकल्लोलहेला- संक्षोभोत्क्षिप्तवेलातटविकटचटस्फोटमोटाट्टहासात् । मज्जद्भिर् भिन्ननौकैः सकरुणरुदिताक्रन्दनिष्पन्दमन्दैः स्वच्छन्दं देवि सद्यस् त्वदभिभूतिपरैस् तीरम् उत्तीर्यते                                                                     [ब्धेः ॥ ११\. --- धूमभ्रान्ताभ्रगर्भोद्भवगगणगृहोत्सङ्गरिङ्गत्-                                                                     [स्फुलिङ्ग- स्फूर्जज् ज्वालाकरालज्वलनजवविशद्वेश्मविश्रान्तशय्याः । त्वय्य् आबद्धप्रणमाञ्जलिपुटमुकुटा गद्गदोद्गीतयाच्ञाः प्रोद्यद्विद्युद्विलासोज्ज्वलजलदजवैर् आप्रियन्ते क्षणेन ॥ १२\. --- दानांभःपूर्यमाणोभयकटकटकालम्बिरोलम्बमालाहुंकाराहूयमानप्रतिगजजनितद्वेषवह्नेर् द्विपस्य । दन्तान्तोत्तुङ्गदोलातलतुलिततनुस् त्वाम् अनुस्मृत्य मृत्युं प्रत्याचष्टे प्रहृष्टः पृथुशिखरशिरःकोटिकोट्टोपविष्टः ॥ १३\. --- प्रौढप्रासप्रहारप्रहतनरशिरःशूलवल्ल्युत्सवायां शून्याटव्यां कराग्रग्रहविलसदसिस्फोटकस्फीतदर्पान् । दस्यून् दास्ये नियुङ्क्ते सभृकुटिकुटिलभ्रूकटाक्षेक्षिताक्षांश् चिन्तालेखन्य् अखिन्नस्फुटलिखितपदं नामधामश्रियां ते ॥ १४\. --- वज्रक्रूरप्रहारप्रखरणखमुखोत्खातमत्तेभ-                                                                     [कुम्भ- श्च्योतत्सान्द्रास्रधौतस्फुटविकटसटासंकटस्कन्धसंधिः । क्रुध्यन्न् आपित्सुर् आराद् उपरि मृगरिपुस् तीक्ष्णदांष्ट्रोत्कटास्यस् त्रस्यन्न् आवृत्य याति त्वदुचितरचितस्तोत्रदुग्धार्थवाचः ॥ १५\. --- धूमावर्तान्धकाराकृतिविकृतिफणिस्फारफूत्कारपूरव्यापारव्यात्तवक्त्रस्फुरदुरुरसनारज्जुकीनाशपाशैः । पापात् संभूय भूयस् तव गुणगणना तत्परस् त्वत्परात्मा धत्ते मत्तालिमालावलयकुवलयस्रग्विभूषां विभूतिं ॥ १६\. --- भर्तृभ्रूभेदभीतोद्भटकटकभटाकृष्टदुःश्लिष्टकेशश् चञ्चद्वाचाटचेटोत्कटरटितकटुग्रन्थिपाशोपगूढः । क्षुत्तृट्क्षामोष्ठकण्ठस् त्यजति स सपदि व्यापदं तां दुरन्तां यो यायाद् आर्याताराचरणशरणतां स्निग्धवन्धूज्झितो पि ॥ १७\. --- मायानिर्माणकर्मक्रमकृतविकृतानेकनेपथ्यमिथ्यारूपारम्भानुरूपप्रहरणकिरणाडंबरोड्डामराणि । त्वत्तन्त्रोद्धार्यमन्त्रस्मृतिहृतदुरितस्या वहन्त्य् अप्रधृष्यं प्रेतप्रोतान्त्रतन्त्रीनिचयविरचितस्राञ्जि रक्षांसि रक्षां ॥ १८\. --- गर्जज्जीमूतमूर्तित्रिमदमदनदीबद्धधारान्धकारे विद्युद्द्योतायमानप्रहरणकिरणे निष्पतद्बाणवर्षे । रुद्धः संग्रामकाले प्रबलभुजबलैर् विद्विषद्भिर् द्विषद्त्वद्दत्तोत्साहपुष्टिः प्रसभम् अरिमहीम् एकवीरः पिनष्टि ॥ [भिस् १९\. --- पापाचारानुबन्धोद्धतगदविगलत्पूतिपूयास्रविस्रत्वङ्मांसासक्तनाडीमुखकुहरगलज्जन्तुजग्धक्षताङ्गाः । युष्मत्पादोपसेवागदवरगुटिकाभ्यासभक्तिप्रसक्ता जायन्ते जातरूपप्रतिनिधिवपुषः पुण्डरीकायताक्षाः ॥ २०\. --- विश्रान्तं श्रोत्रपात्रे गुरुभिर् उपहृतां यास्य नाम्-                                                                     [नायं भैक्ष्यं* विद्वद्गोष्ठीषु यश् च श्रुतधनविरहान् मूकताम् अभ्युपैति । सर्वालंकारभूषाविभावसमुदितं प्राप्य वागीश्वरत्वं सो पि त्वद्भक्तिशक्त्या हरति नृपसभे वादिसिंहासनानि ॥ *) Ms. : यस्याम्नाय. २१\. --- भूशय्याधूलिधूम्रस्फुटितकटकटीकर्पटोत्घाटिताङ्गो यूकायुंषि प्रपिंशन् परपुरपुरतः कर्परे तर्पणार्थी । त्वाम् आराध्याध्यवस्यन्वरयुवतिवहच्चामरस्मेरचार्वीम् उर्वीं धत्ते मदान्धद्विपदशनघनाम् उद्धृतैकातपत्रां ॥ २२\. --- सेवाकर्मान्तशिल्पाप्रणयविनिमयोपायपर्यायखिन्नः प्राग्जन्मोपात्तपुण्योपचितशुभफलं वित्तम् अप्राप्नुवन्तः । दैवातिक्रामनीं त्वाम् कृपणजनजनन्य् अर्थम् अभ्यर्थ्य भूयो भूमेर् निर्वान्तचामीकरनिकरनिधीन् निर्द्धना प्राप्नुवन्ति ॥ २३\. --- वृत्तिच्छेदे विलक्षः क्षतनिवसनया भार्यया भर्त्-                                                                     [स्यमानो दूराद् आत्मंभरित्वात् स्वजनसुतसुहृद्बन्धुभिर् वर्ज्यमानः । त्वय्य् आवेद्य स्वदुःखं तुरगखुरमुखोत्खातसीम्नां गृहाीष्टे स्वान्तःपुरस्त्रीवलयझणझणाजातनिद्राप्रबोधः ॥ [णाम् २४\. --- चक्रंदिक्चक्रचुम्बि स्फुरदुरुकिरणा लक्षणालंकृतास्त्री सड्दन्तो दन्तिमुख्यः शिखिगलरुचिरश्यामरोमा वराश्वः । भास्वद्भास्वन्मयूखो मणिर् अमलगुणः कोषभृत् पूर्णकोषः सेनानीर् वीरसैन्यो भवति भगवति त्वत्प्रसादांशलेशात् ॥ २५\. --- स्वच्छन्दश् चन्दनांभःसुरभिमणिशिलादत्तसंकेतकान्ताक्रीडानुरागाद् अभिनवरचितातिथ्यतथ्योपचारः । [कान्तः त्वद्विद्यालब्धसिद्धिर् मलयमधुवनं याति विद्याधरेन्द्रः खड्गांशुश्यामपीनोन्नतभुजपरिघ प्रोल्लसत्पारिहार्यः ॥ २६\. --- हाराक्रान्तस्तनान्ताः श्रवणकुवलयस्पर्धमानायताक्षा मन्दारोदारवेणीतरुणपरिमलामोघमाद्यद्द्विरेफाः । काचीनादानुबन्धोद्धततरचरणोदारमञ्जीरतूर्यास् त्वन्नाथं प्रार्थयन्ते स्मरमदमुदिताः सादरा देवकन्याः ॥ २७\. --- रत्नच्छन्नान्तवापीकनककमलिनीवज्रकिञ्जल्कमालाम् उन्मज्जत्पारिजातद्रुमधुरमधूद्धूतधूलीवितानाम् । वीणावेणुप्रवीणामरपुररमणीदत्तमाधूर्यतूर्यां कृत्वायुष्मत्सपर्याम् अनुभवति चिरं नन्दनोद्यानयात्राम् ॥ २८\. --- कर्पूरैलालवङ्गत्वगगरुनलदक्षोदगन्धोदकायां दान्ताकन्दर्पदर्पोत्कटकुचकुहरावर्तविश्रान्तवीच्याम् । मन्दाकिन्याम् अमन्दच्छटसलिलसरित्क्रीडया सुन्दरीभिः क्रीडन्ति त्वद्गतान्तःकरणपरिणतोत्तप्तपुण्यप्रभावाः ॥ २९\. --- गीर्वाणग्रामणीभिर् विनयभरनमन्मौलिभिर् वन्दि-                                                                     [ताज्ञः स्वर्गोत्सङ्गे धिरूढः सुरकरिणि रणद्भूषणोद्भासिताङ्गे । शच्या दोर्दामदोलाविरलवलयितोद्दामरोमाञ्चमूर्तिः पूतस् त्वद्दृष्टिपातैर् अवति सुरमहीं हीरभिन्नप्रकोष्ठः ॥ ३०\. --- चूडारत्नावतंसासनगतसुगतव्योमलक्ष्मीवितानं प्रोद्यद्बालार्ककोटिपटुतरकिरणापूर्यमानत्रिलोकम् । प्रौढालीढैकपदं क्रमभरैनमद्ब्रह्मरुद्रेन्द्र-                                                                     [विष्णु त्वद्रूपं भाव्यमानं भवति भवभयोच्छित्तये जन्म-                                                                     [भाजाम् ॥ ३१\. --- पश्यन्त्य् एके सकोपं प्रहरणकिरणोद्गूर्णदोर्दण्ड-                                                                     [खण्ड- व्याप्तव्योमान्तरालं वलयफणिफणादारुणाहार्यचर्याम् । द्विष्टव्युत्त्रासिहासोड्डमरडमरुकोड्डामरास्फालवेलावेतालोत्तालतालप्रमदमदमहाकेलिकोलाहलोग्रम् ॥ ३२\. --- केचित् त्व् एकैकरोमोद्गमगतगगणाभोगभूभूतलस्थस्वस्थब्रह्मेन्द्ररुद्रप्रभृतिनरमरुत्सिद्धगन्धर्वना-                                                                     [गम् । दिक्चक्राक्रामिधामस्थितसुगतशतानन्तनिर्माणचित्रम् चित्रं त्रैलोक्यवन्द्यं स्थिरचररचिताशेषभावस्वभावम् ॥ ३३\. --- लाक्षासिन्दूररागारुणतरकिरणादित्यलौहित्यम् एके श्रीमत्सान्द्रेन्द्रनीलोपलदलदलितक्षोदनीलं तथान्ये । क्षीराब्धिक्षुब्धदुग्धाधिकतरधवलं काञ्चनाभं च केचित् त्वद्रूपं विश्वरूपं स्फटिकवद् उपधायुक्तिभेदाद् विभिन्-                                                                     [नम् ॥ ३४\. --- सार्वज्ञज्ञानदीपप्रकटितसकलज्ञेयतत्त्वैकसाक्षी साक्षाद् वेत्ति त्वदीयां गुणगणगणनां सर्ववित् तत्सुतो वा । यत् तु व्यादाय वक्त्रं वलिभुजरटितं मादृशो रटीति व्यापत् सा तीव्रदुःखज्वरजनितरुजश्चेतसो हास्यहेतुः ॥ ३५\. --- यन् मे विज्ञप्स्यमानं प्रथमतरम् अदस् त्वं विशे-                                                                     [षेन वेत्त्री त्वत्व्याहारातिरेकश्रमविधिर् अबुधस्वान्तसंतोषहेतुः । किं तु स्निग्धस्य बन्धोर् विषं इव पुरतो दुःखम् उद्गीर्य                                                                     [वाचा ज्ञातार्थस्यापि दुःखी हृदयलघुतया स्वस्थतां विन्दतीव ॥ ३६\. --- कल्याणानन्दसिन्धुप्रकटशशिकले शीतलां देहि दृष्टिं पुष्टिं ज्ञानोपदेशैः कुरु घनकरुणे ध्वंसय ध्वान्तम्-                                                                     [न्तः । त्वत्स्तोत्रांभःपवित्रीकृतमनसि मयि श्रेयसः स्थानम् एकं दृष्टं यस्माद् अमोघं जगति तव गुणस्तोत्रमात्रं प्रजा-                                                                     [नाम् ॥ ३७\. --- संस्तुत्य त्वत्गुणौघावयवम् अनियतेयत्तम् आप्तं                                                                     [मया यत् । पुण्यं पुण्याहवाञ्छाफलमधुररसास्वादम् आमुक्तिभो-                                                                     [ग्यम् । लोकस् तेनार्यलोकेश्वरचरणतलस्वस्तिकस्वस्तिचिह्नाम् अह्नायायं प्रयायात् सुगतसुतमहीं तां सुखावत्युपाख्याम् ॥ --- # 9\. Traduction. Om, Hommage à la vénérable Ārya Tārā. 1\. --- Avec des louanges nouvelles en guise de guirlandes de fleurs, oh ! toi qui es un refuge dans le malheur, oh ! toi qui donnes le salut, oh ! Āryā, j'honore tes pieds, dévotement, la tête courbée sous l'éblouissement des diadèmes, les mains jointes en adoration, --- j'honore tes pieds qu'illumine comme d'une teinture laquée l'éclat de l'éblouissance des pierreries des aigrettes gracieuses sur les têtes des plus illustres divinités prosternées devant toi, dorées comme le soleil levant. 2\. --- Dans la fournaise du malheur, rude à traverser, mon corps est tombé ; misérable, je ne sais où me diriger ; égaré, que fais-je ? que fais-je ? Constamment brisé par la non-réussite des entreprises tentées, j'entends les autres, et c'est comme si j'avais les yeux crevés, qui parlent de la beauté de la lune et du soleil, et l'espérance de voir m'enchaîne, et je suis obligé de me laisser guider par un autre ; je me réfugie vers toi, qui détruis le mal ! 3\. --- Oui, c'est sur le chemin de tous les êtres que ta compassion qui ne fait point de distinction s'étend et elle les embrasse tous. --- Je suis sûr d'être de ceux-là. --- Ta puissance sans seconde est le disque solaire des ténèbres que sont les péchés du monde entier. --- Je suis un misérable, moi aussi le péché que j'ai commis me brûle ;--- oh, malheur à ce félon ! 4\. --- Malheur, malheur à moi ! l'obscurité qui m'environne ne se dissipe même pas à l'éclat du soleil ; je reste altéré au bord de la rive de la fille d'Himavat, cette rive froide et rocheuse enflaconnée de neige, dans les cavernes de laquelle sont des pierreries précieuses en grand nombre, c'est le chemin de l'Île aux Perles. --- Pauvre moi, qui suis sans protecteur, quoique ayant choisi, ô divinité, ta seigneurie, qui est l'unique soutien de tous les mondes. 5\. --- Une mère même se lasse, lorsque son fils pleure nombre de fois pour avoir du lait ; un père aussi s'irrite lorsque son fils demande chaque jour des choses qui ne sont pas ;--- mais toi, branche de l'arbre aux souhaits, qui donne pour fruits les désirs des trois mondes, tu donnes à tous ceux qui te prient des biens, et tu ne varies jamais. 6\. --- « Celui dont le corps est brûlé par le feu des passions, je suis hi barque qui le sauve. » Réalise en ma faveur cette promesse que tu as révélée, car je plonge dans l'enfer du malheur. Quand croissent les flots du malheur, pour finir par de rudes insultes, tant que les mortels attachent leur pensée à la contemplation de la voie du parfait Buddha, aussi longtemps s'exerce pour eux ta compassion. 7\. --- Si quelqu'un crie d'une voie forte, en élevant les bras, une clameur de détresse sous la forme de paroles louangeuses, personne ne doit rester indifférent ; combien plus une telle que toi, ô mère, --- quand je vois les autres obtenir de toi les biens qu'ils souhaitent et satisfaits dans tous leurs désirs, un feu intérieur que le déplaisir fait naître me trouble insupportablement. 8\. --- Si je suis méchant, pourquoi ma dévotion envers toi va-t-elle toujours croissant ? Le seul fait d'entendre et de se rappeler ton nom fait que tu enlèves avec force le péché ; comment se fait-il, dis-le-moi, toi qui es toujours véridique, que tu me repousses, renonçant vis-à-vis de moi à ton action coutumière ? Est-ce que le médecin ému d'une grande compassion garde jalousement le remède approprié à la langueur du malade qui va mourir ? 9\. --- Tiraillé soit en même temps, soit tour à tour par mes péchés vils, illusion, envie, orgueil, etc., comme le chameau du couvent dont les membres sont propriété commune à plusieurs, je n'obtiens pas d'adorer même un instant le lotus de tes pieds. Pour le faire, j'ai spécialement composé ces syllabes et ces mots qu'attriste mon malheur : puissent par là mes vœux n'être pas stériles ! 10\. --- Comme le vent des derniers temps du monde, l'ouragan entraîne avec grâce et violence l'eau, elle se soulève en vagues toutes coquettes d'allure qui courent avec la marée vers la rive et s'y brisent en un effroyable fracas, comme en un immense éclat de rire. --- Qu'ils t'appellent les naufragés dont la barque est mise en pièces, avec des cris, des pleurs, pitoyables, paralysés qu'ils sont par l'angoisse, et aussitôt, ô divinité, ta protection conduira aisément au rivage de l'océan ceux dont la ressource suprême est en ta puissance. 11\. --- Hors des nuages errants de fumée se dégage, comme une retraite, une demeure céleste ; tandis que les étincelles crépitent et que les flammes jaillissantes augmentent l'horreur du feu dont l'ardeur pénètre la maison, ils trouvent comme un lit de repos, ceux qui te présentent comme un diadème le creux de leurs mains en adoration, qui te chantent leur invocation d'une voix entre-coupée ; parmi les jeux et les feux des éclairs, l'eau rapide des nuages leur apporte la joie au moment même. 12\. --- Lorsque la liqueur du rut découle des deux tempes comme des flancs d'une montagne et que les essaims d'abeilles s'y attachent avec un bourdonnement qui affole l'éléphant ennemi et l'enflamme de fureur ; alors si l'éléphant du bout de ses défenses comme d'une haute balançoire soulève le corps de celui qui fixe sur toi sa méditation, la mort s'écarte de ton fidèle, et tout joyeux il se tient comme s'il était sur la tête même de l'éléphant, pareille avec son large sommet à une forteresse. 13\. --- Dans la forêt déserte décorée en guise de lianes par les pieux auxquels sont empalées les têtes des hommes qu'ont frappés des traits violemment lancés, les brigands orgueilleux qui, pour se railler, tiraient l'épée du bout des doigts sont marqués comme esclaves, eux aux regards torves, aux sourcils froncés et tortueux, par le pinceau de la pensée qui tracé distinctement sans se lasser les syllabes du nom de ta splendeur et de ta majesté. 14\. --- Il frappe comme un carreau de foudre, laboure de ses griffes les tempes des éléphants en troupe, et un sang épais ruisselle le long de sa puissante crinière partagée sur l'épaule ; tout proche et impatient de bondir, la gueule largement ouverte, ornée de dents aiguës, le lion, cet ennemi des gazelles, se détourne en tremblant et fuit devant l'homme qui prononce des mots de louange dignes de toi. 15\. --- Des tourbillons de fumée obscurcissent la face hideuse d'innombrables serpents, qui sifflent ensemble ; leur gueule s'ouvre toute grande et montre une large langue ; c'est le lien dont le dieu avare Yama entoure pour le punir le pécheur, mais si sa pensée unique est l'énumération de tes vertus, si tu es son principal souci, il ne porte que guirlandes de fleurs de lotus et bracelets d'abeilles enivrées. 16\. --- Les cheveux mal attachés, arrachés par les soldats du service royal rendus farouches et tremblants par les froncements de sourcil de leur maître, enlacé de nœuds de cordes blessants au milieu des cris excités que poussent les serviteurs bavards et agités, la gorge et les lèvres desséchées par la soif et la faim ; il se débarrasse de ces infinies calamités s'il se réfugie aux pieds protecteurs d'Ārya Tārā, quand ses parents même et ses amis l'auraient abandonné. 17\. --- Quand les rakṣas habiles aux métamorphoses décevantes, peuvent changer de costume, prendre des formes menteuses, s'équiper d'armes dont le rayonnement épouvante et éblouit, celui qui se souvient alors des formules qu'on tire de ton Tantra, rien que par ce souvenir est délivré de son malheur et même ces monstres qui se parent de guirlandes d'entrailles de cadavres, servent de garde pour le défendre de tout mal. 18\. --- Les corps des éléphants sont comme les nuages qui tonnent, les flots pressés du mada répandu sont comme les ténèbres, le rayonnement des armes fait une lueur d'éclairs, les flèches sont la pluie qui tombe sur le champ de bataille. A celui que cernent les ennemis acharnés aux bras d'une force extraordinaire tu donnes un accroissement de force, et devenu sans égal le héros réduit en poudre les ennemis avec fracas. 19\. --- Ceux dont les membres sont couverts de blessures, dévorés de vers qui remuent dans les plaies béantes des veines attachées à la peau et aux chairs puantes de sang et de pus, dont l'infection dégoutte, châtiés par la maladie de leurs péchés passés ; ceux-là lorsqu'ils s'attachent dévotement à la pratique d'un remède de choix et salutaire, au culte de tes pieds, leur corps prend la beauté de l'or en fusion et leurs longs yeux sont des lotus. 20\. --- Même quand, dans le vase de son oreille un précepteur n'a pas déposé l'aumône de la science ; même quand, l'ignorance le rend muet dans la société des savants ; passé maître de beau langage, il est revêtu de tous les ornements, de toutes les parures et de toutes les dignités ; il obtient à la cour des rois les trônes des gens éloquents, grâce à la puissance de la dévotion qu'il a pour toi. 21\. --- Les membres mal couverts par des loques qui pendent à ses hanches, déchirées et sales de poussière à force de coucher sur le sol, écrasant ses poux vivants devant les demeures des autres, demandant à manger dans un tesson ; celui qui te gagne avec une ferme conviction gouverne une terre que rend aimable le sourire des jeunes beautés agitant le chasse-mouche, terre abondante en défenses d'éléphants enivrés de rut, et cet homme est abrité sous un parasol incomparable. 22\. --- Ceux que lasse la constante recherche des moyens de trafiquer, de solliciter, de s'occuper, d'avoir une profession, de remplir un office ; qui n'obtiennent pas les richesses, fruits des mérites accumulés par les bonnes actions amassées durant les existences antérieures ; ces gens-là, s'ils te demandent la fortune, ô Mère des malheureux qui triomphes du destin, ils trouvent, eux les pauvres, des trésors de masses d'or vomi par la terre. 23\. --- Celui qui se trouve sans moyens d'existence, sans plus savoir que faire, que sa femme dont les vêtements sont usés, menace ; que ses parents, ses amis, ses enfants et ses proches, même de loin évitent, par fierté ; un tel homme par le seul fait de te faire connaître sa misère, devient maître d'une maison dont les abords sont foulés par les sabots des chevaux et, dans son sommeil, seul le cliquetis des bracelets des femmes de son gynécée le réveille. 24\. --- Pour que le disque pénètre de ses rayons le cercle de l'horizon, pour que la femme soit parée des signes de la beauté et irradie de tous côtés, pour que l'animal aux six défenses devienne le premier entre les éléphants, pour que le cheval de choix ait la robe sombre et luisante comme le plumage du cou du paon, pour que la pierre fine se purifie et brille comme le soleil, pour que le trésorier trouve son trésor comble, pour que le général d'armée dispose d'une multitude de héros, ô vénérable, il suffit d'une bribe de ta grâce. 25\. --- A son gré, le roi des Vidyādharas rend les hommages sincères d'une hospitalité toujours renouvelée aux amantes dont le plaisir est de folâtrer en ces lieux où elles donnent des rendez-vous, sur ces roches de pierres précieuses parfumées de santal. C'est qu'il doit une magique puissance aux formules qu'il t'adresse ; lorsqu'il se rend à la forêt printanière du Malaya, comme des verrous l'enserrent de bracelets frémissants les bras tendus vers lui, gras, assombris par le reflet de ses armes. 26\. --- Un collier bat leurs seins, leurs yeux allongés rivalisent avec le lotus qui orne leur oreille, de leurs tresses s'exhale une senteur fraîche, tresses fleuries de fleurs de _mandāra_ auxquelles s'enivrent les abeilles, le bruissement des anneaux de leurs pieds s'harmonise au cliquetis continu des ceintures, joyeuses d'excitation amoureuse et respectueuses aussi, elles, les vierges célestes sollicitent celui qui t'adore. 27\. --- Là des guirlandes de pistils de diamants dans les lotus d'or, là des étangs dont les bords sont cachés par les pierreries, là se soulève en dais gracieux la poussière du pollen des fleurs de l'arbre _pārijāta_ qui s'élance dans les airs, là se donne un concert d'harmonie par les belles de la ville des immortels habiles à jouer de la flûte et du luth : c'est le jardin du Nandana, où celui qui se livre à ton culte goûte longtemps la joie d'être. 28\. --- Dans la Mandākinī à l'onde parfumée par la poudre du nard, de l'agaru, et des écorces odorantes du giroflier, du cardamum et du camphrier, dont les vagues s'arrêtent en tourbillons dans le creux d'entre les seins que soulève l'excitation de l'ivresse amoureuse des amantes peu paresseuses au jeu do l'eau, ils folâtrent avec de belles femmes, ceux qui ont la puissance épanouie de leurs bonnes œuvres mûrie par l'attachement de leur cœur à toi. 29\. --- Par les premiers des dieux, la tête inclinée sous le fardeau de la discipline, ses ordres sont honorés dans le sein du Svarga ; il est monté sur l'éléphant des dieux, dont les membres brillent de parures sonnantes ; il est enlacé par le balancement du collier des bras de Śacī : sur son corps ses poils frissonnent ; c'est que purifié par ton regard qui s'abaisse sur lui, il règne sur la terre des dieux et son avant-bras est encerclé de diamants. 30\. --- Ta beauté s'épand dans le ciel où le Sugata est assis sur un siège que forme une couronne, par toi les trois mondes resplendissent de rayons plus brillants que des milliers de soleils levants dans leur fraîcheur ; Viṣṇu, Indra, Rudra et Brahma se courbent sous le faix de ton pas lorsque tu te tiens sur un pied dans l'attitude fière de l'_Ālīḍha_,* si dévotement elles honorent ta beauté, tu supprimes la crainte des renaissances pour les créatures. *) Ālīḍha. Position particulière de tir, la jambe droite en avant et la gauche repliée. 31\. --- Il y en a qui te voient sous ton aspect furieux, alors que tu agites des armes étincelantes à tes bras tels que les troncs d'une forêt qui pénétreraient le milieu du ciel ; en guise de bracelets tes serpents aux aigrettes effroyables : c'est la forme que tu prends pour inspirer la peur. Les ennemis tremblent à ton rire bruyant qui est comme un tambour aux vibrations intenses au moment où elles éclatent ; et les vampires dressent leurs mains et les entrechoquent et font un tumulte d'ivresse folle et de joie bruyante qui fait frémir.* *) Le commentaire applique le vers 31 à l'aspect que Tārā revêt aux yeux des méchants, tandis que pour les pieux dévots elle est toute compassion. 32\. --- D'autres te voient sous un autre aspect : dans l'intervalle de tes poils s'étendent et le vaste ciel et la surface de la terre, où demeurent en la béatitude Brahma, Indra, Rudra et le reste des dieux et des hommes, et les Maruts, et les Siddhas, et les Gandharvas, et les Nāgas. Le cercle de l'horizon est envahi par la splendeur de Buddhas que tu te plais à créer par centaines et sans fin, prodigieuse, digne des hommages des trois mondes, embrassant dans ta propre nature toutes les créatures tant mobiles qu'immobiles. 33\. --- Il y en a qui te voient empourprée comme le rouge soleil aux rayons plus rouges encore que la laque et le sindūra, d'autres te voient sombre comme la poussière impalpable des éclats d'une pierre splendide de saphir opaque, d'autres encore te voient plus blanche que le lait baratté de l'Océan ou brillante comme l'or. Ta forme universelle est semblable au cristal qui change d'aspects quand les choses qui sont autour de lui changent. 34\. --- Témoin unique de la vérité absolue qui peut être connue tout entière lorsqu'elle est éclairée par la lampe de l'omniscience, l'Omniscient ou son fils connaît par ses propres yeux le compte du nombre de tes qualités, mais tout ce qu'un homme comme moi en ouvrant toute grande la bouche peut faire entendre n'est que croassement de corneille, et cette misère est cause de ridicule pour mon esprit qui en souffre une fièvre de maux intenses. 35\. --- Ce que je désire te faire connaître, tu le sais en détail déjà d'avance, mais la façon dont se fatigue extrêmement l'ignorant en s'exprimant à toi devient une cause de satisfaction pour lui ; comme en présence d'une mère affectueuse alors même qu'elle sait tout déjà, le malheureux qui vomit sa douleur comme un poison obtient le bien-être. 36\. --- O toi qui es le croissant de lune manifesté sur l'océan de la joie du bien, donne-nous ta vue rafraîchissante, fais-nous croître par l'enseignement de la science, ô toi dont la compassion est intense, dissipe l'obscurité intérieure ; j'ai purifié mon cœur dans l'eau lustrale de ta louange, le salut unique est assuré pour moi, puisque l'éloge de tes vertus est la seule ressource infaillible des créatures. 37\. --- En louant une fraction insignifiante de la foule de tes mérites j'obtiens un mérite spirituel, qui a la saveur du suc exquis du fruit du souhait du jour pur, pour en jouir jusqu'à la délivrance. Puisse le monde entier par ce même mérite s'en aller tout de suite vers la terre des fils de Sugata, terre qui porte la bienheureuse empreinte du Svastika de la plante des pieds du noble seigneur du monde, terre qui a nom Sukhāvatī ! --- # 10\. Āryatārābhaṭṭārikānāmāṣṭottaraśatakastotra. Oṃ namaḥ śrīmadāryatārāyai śrīmatpotalake ramye nānādhātuvirājite । nānādrumalatākīrṇe nānāpakṣinikūjite ।1। nānānirjharajhaṃkāre nānāmṛgasamākule । nānākusumajātībhiḥ samantād adhivasite ।2। nānāhṛdyaphalopete ṣaṭpadodgītanisvane । kinnarair madhurair gītair mattavāraṇasaṃkule ।3। siddhavidyādhāragaṇaiḥ gandharvaiś ca ninādite । munibhir vītarāgaiś ca satataṃ saṃniṣevite ।4। bodhisatvagaṇaiś cānyaiḥ daśabhūmīśvarair api । āryatārādibhir devīvidyārājñīsahasrakaiḥ ।5। krodharājagaṇaiś cānyaih hayagrīvādibhir vṛte । sarvasatvahitodyukto bhagavān avalokitaḥ ।6। vijahāra tataḥ śrīmān padmagarbhāsane* sthitaḥ । mahatā tapasā yukto maitryā ca* kṛpayānvitaḥ ।7। *) B. tale. *) B. va. dharmaṃ dideśa tasyāṃ sa mahatyāṃ devaparṣadi । tatropaviṣṭam āgamya vajrapāṇir mahābalaḥ* ।8। *) C. varaḥ. paramakṛpayā yuktaḥ papracchety* avalokitam । taskaroragasiṃhāgnigajavyāghrāmbusaṃkaṭe ।9। *) D'ap. C. --- A. papraccha so. sīdanty amī mune satvā magnāḥ saṃsārasāgare । baddhāḥ saṃsārakaiḥ pāśai rāgadveṣatamopahaiḥ ।10। mucyante yena saṃsārāt tan me brūhi mahāmune । evam ukte jagannāthaḥ sa śrīmān* avalokitaḥ ।10 _bis_। *) B. supprime le second hémistiche du vers 10 et le premier hémistiche du vers 10 _bis_, où il remplace śrīmān par varmān. uvāca madhurāṃ vāṇīṃ vajrapāṇiṃ prabodhinam । śṛṇu guhyakarājendra amitābhasya tāyinaḥ ।11। praṇidhānavaśotpannā mamājñā lokamātarāḥ mahākaruṇayopetā jagaduddharaṇoddhṛtāḥ ।12। uditādityasaṃkāśāḥ pūrṇenduvadanaprabhāḥ । bhāsayanti drumāṃs tārāḥ sadevāsuramānuṣān ।13। kampayanti trayo lokān trāsyantī yakṣarākṣasān । nīlotpalakarā devī mā bhair mā bhair iti bruvan ।14। jagatsaṃrakṣaṇārthāya aham utpāditā jinaiḥ । kāntāre śastrasaṃparke nānābhayasamākule ।15। smaraṇād eva nāmāni satvān rakṣāmy ahaṃ sadā । tārayiṣyāmy ahaṃ nātha* nānābhayamahārṇavāt ।16। *) B. satvā. tena tāreti maṃ loke gāyanti munipuṃgavāḥ । kṛtāñjalipuṭā bhūtvā tataḥ sādarasādhvasāḥ ।17। jvalatīryantarīkṣestha idaṃ vacanam abravīt* । nāmāṣṭaśatakaṃ brūhi yat purā kīrtitaṃ jinaiḥ ।18। *) B. abruvan. dāśabhūmīśvarair nāthair bodhisatvair maharddhikaiḥ । sarvapāpaharaṃ puṇyaṃ māṅgalyaṃ kīrtivardhanam ।19। dhanadhānyakaraṃ caiva ārogyapuṣṭivardhanam* । maitrīm ālambya satvānāṃ tat kīrtaya mahāmune ।20। *) B. : dhanadhānyakaraṃ caivārogyapuṣṭivardhanam ayurārogyajanaṃ sarvasatvasukhavaham, etc. ... evam ukte tha bhagavān prahasann avalokitaḥ । vyavalokya diśaḥ sarvā maitryā sphuraṇayā dṛśā ।21। dakṣiṇakaram uddhṛtya puṇyalakṣaṇamaṇḍitam । tam uvāca mahāprājñaḥ sādhu sādhu mahātapaḥ ।22। nāmāni śṛṇu mahābhāga sarvasatvaikavatsalaḥ । yāni saṃkīrtya manujāḥ samyak te syur dhaneśvarāḥ ।23। sarvavyādhivinirmuktāḥ sarvaiśvaryaguṇānvitāḥ । akālamṛtyunirdagdhāś cyutā yānti sukhāvatīm ।24। tāny ahaṃ saṃpravakṣyāmi devasaṃghāḥ śṛṇudhva me anumodeta [sad] dharme bhaviṣyadhvaṃ sunirvṛtāḥ* ।25। *) C. anumode bhavetadvā bhaviṣyadhvaṃ sunirvṛtāh ॥25॥ oṃ locane sulocane tāre tārotsave sarvasatvānukampini sarvasatvottāriṇi sahasrabhuje sahasranetre ।26। oṃ namo bhagavate valokya āvalokyā* । sarvasatvānāṃ cāhaṃ phuṭ svāhā* ॥27। *) C. ajoute : mām. *) C. ajoute : Ōm tāre tuttāre ture svāhā. oṃ śuddhe viśuddhe śodhanaviśodhani* । sugatātmaje maitrīhṛdaye nirmale śyāme śyāmarūpiṇi ।28। *) Śodhana viśodhani manque dans B et dans C. mahāprājñe pravare pravarabhūṣite parājite । mahāraudri viśvarūpi mahāyaśa* ।29। *) B. mahabalā. kalpāgnimahātejā lokadhātrī* mahāyaśā । sarasvatī viśālākṣī prajñāśrībuddhivardhanī ।30। *) D'ap. B. --- A. : lokatrī. oṃ dhṛtidā puṣṭidā svāhā oṃkārā kāmarūpiṇī । sarvasatvahitodyuktā saṃgrāme tāraṇī jayā ।31। prajñāpāramitādevī āryātārā manoramā । dundubhisakhinī pūrṇavidyārājñī priyaṃvadā ।32। candrānanā mahāgaurī ajitā pītavāsasā । mahāmāyā mahāśvetā mahābalaparākramā ।33। mahāraudrī mahācaṇḍī duṣṭasatvanisūdanī । praśāntā śāntarūpā ca vijayā jvalanaprabhā ।34। vidyunmālī dhvajī khaḍgī cakrī cāpayutāyudhā । jambhanī stambhanī kālī kālarātrī niśācarī ।35। rakṣaṇī mohinī śāntā kāntā vibhāvinī śubhā । brāhmaṇī vedamātā ca guhā ca guhavāsinī ।36। māṅgalyā śaṅkarī* saumyā jātavedā manojavā । kāpālinī mahābhāgā* saṃdhyā satyāparājitā ।37। *) A. Sakari. *) B. --- vegā --- ce qui éviterait un double, v. v. 39. sārthavāhā kṛpadṛṣṭī naṣṭamārgapradarśanī । varadā śāsanī śāstrī strīrūpāmitavikramā ।38। śavalī yoginī siddhā cāṇḍālī cāṃṛtā dhruvā । dhanyā puṇyā mahābhāgā subhāgā priyadarśanī ।39। kṛtāntatrāsanī bhīmā ugrā ugramahātapā । jagadekahitodyuktā śaraṇyā bhaktivatsalā ।40। vāgīśvarī śivā sūkṣmā nityā sarvārthamātṛkā* । sarvārthasādhanī bhadrā goptrī dhātrī dhanaṃjayā ।41। *) B. donne : °manuṣa. et C. : sarvatracānuga. abhayā gautamī puṇyā śrīmallokeśvarātmajā* । tārā nāmaguṇānantā sarvāśāparipūraṇī ।42। *) C. donne prokta pour puṇyā. Corr. d'ap. B. --- A. : jeti. nāmāṣṭottaraśatakaṃ tat kīrtitaṃ hitena vaḥ । rahasyam adbhutaṃ guhyaṃ devānām api durlabham ।43। saubhāgyaṃ bhāgyakaraṇaṃ sarvakīlbiṣanāśanam । sarvavyādhipraśamanaṃ sarvasatvasukhāvaham ।44। trikāraṃ yaḥ paṭhed dhīmān śuciḥ snānasamāhitaḥ । *acireṇaiva kālena rājyaśriyam avāpnuyāt ।45। *) B. porte : śodhane sādhakasyevarādhyaśriyaṃ. A. : śodhakasyeva. duḥkhitaḥ syāt sukhī nityadaridro dhanavān bhavet । [jaḍo] bhavet mahāprājño medhāvī ca na saṃśayaḥ ।46। bandhanān mucyate baddho vyavahāre jayo bhavet । śatravo mitratāṃ yānti śṛṅgiṇaś cātha daṃṣṭriṇaḥ ।47। saṃgrāme saṃkaṭe durge nānābhayasamākule । smaraṇād eva nāmāni [sarvapāpāny] apohati ।48। nākālaṃṛtyur bhavati prāpnoti vipulāṃ śriyam । mānuṣyaṃ saphalaṃ janma yasya* kasya mahātmanaḥ ।49। *) D'ap. B. et C. au lieu de : tasya. yaś cedaṃ prātar utthāya mānavaḥ kīrtayiṣyati । sa dīrghakālam āyuṣmān śriyaṃ ca labhate naraḥ ।50। devā nāgās tathā yakṣā gandharvāḥ kaṭapūtanāḥ । piśācarākṣasā bhūtā mātaro raudratejasaḥ ।51। *kṣayāpasmārakārakaś caiva kṣatakākhorḍakādayaḥ * । ḍākinyās tārakā pretāḥ skandā mārā mahāgrahāḥ ।52। *) B. --- bhayāni. *) Dans C. les hémistiches du v. 52 sont intervertis, et le second finit ainsi : kṛtyākārkoṭakādayaḥ ॥48॥. chāyām api na laṅghante* kiṃ punas tasya vigrahaḥ । duṣṭasatvā na vādhante vyādhayo nākramanti ca ।53। *) Corr. d'ap. B. au lieu de : nalaghake. devāsura[m]api saṃgrāmam anubhavanti maharddhikāḥ । sarvaiśvaryaguṇair yuktaḥ putrapautraiś ca vardhate ।54। jātismaro bhaved dhīmān kulīnaḥ priyadarśanaḥ ।55। prītimāṃś ca mahāvāgmī sarvaśāstraviśāradaḥ ।56। kalyāṇamitrasaṃsevī bodhicittavibhūṣitaḥ । sadāvirahito buddhair yatra yatropapadyate ।57। Ity āryatārābhaṭṭārikāyā nāmāṣṭottaraśatakaṃ buddhabhāṣitaṃ samāptam । । śubham । --- ## _addendum editoris_ : Devanāgarī (देवनागरी).* *) [IAST.](https://arshavidya.org.uk/vyasa.html) **आर्यताराभट्टारिकानामाष्टोत्तरशतकस्तोत्र** ओं नमः श्रीमदार्यतारायै श्रीमत्पोतलके रम्ये नानाधातुविराजिते । नानाद्रुमलताकीर्णे नानापक्षिनिकूजिते ।१। नानानिर्झरझंकारे नानामृगसमाकुले । नानाकुसुमजातीभिः समन्ताद् अधिवसिते ।२। नानाहृद्यफलोपेते षट्पदोद्गीतनिस्वने । किन्नरैर् मधुरैर् गीतैर् मत्तवारणसंकुले ।३। सिद्धविद्याधारगणैः गन्धर्वैश् च निनादिते । मुनिभिर् वीतरागैश् च सततं संनिषेविते ।४। बोधिसत्वगणैश् चान्यैः दशभूमीश्वरैर् अपि । आर्यतारादिभिर् देवीविद्याराज्ञीसहस्रकैः ।५। क्रोधराजगणैश् चान्यैह् हयग्रीवादिभिर् वृते । सर्वसत्वहितोद्युक्तो भगवान् अवलोकितः ।६। विजहार ततः श्रीमान् पद्मगर्भासने* स्थितः । महता तपसा युक्तो मैत्र्या च* कृपयान्वितः ।७। *) B. तले. *) B. व. धर्मं दिदेश तस्यां स महत्यां देवपर्षदि । तत्रोपविष्टम् आगम्य वज्रपाणिर् महाबलः* ।८। *) C. वरः. परमकृपया युक्तः पप्रच्छेत्य्* अवलोकितम् । तस्करोरगसिंहाग्निगजव्याघ्राम्बुसंकटे ।९। *) D'ap. C. --- A. पप्रच्छ सो. सीदन्त्य् अमी मुने सत्वा मग्नाः संसारसागरे । बद्धाः संसारकैः पाशै रागद्वेषतमोपहैः ।१०। मुच्यन्ते येन संसारात् तन् मे ब्रूहि महामुने । एवम् उक्ते जगन्नाथः स श्रीमान्* अवलोकितः ।१० _bis_। *) B. supprime le second hémistiche du vers 10 et le premier hémistiche du vers 10 _bis_, où il remplace श्रीमान् par वर्मान्. उवाच मधुरां वाणीं वज्रपाणिं प्रबोधिनम् । शृणु गुह्यकराजेन्द्र अमिताभस्य तायिनः ।११। प्रणिधानवशोत्पन्ना ममाज्ञा लोकमातराः महाकरुणयोपेता जगदुद्धरणोद्धृताः ।१२। उदितादित्यसंकाशाः पूर्णेन्दुवदनप्रभाः । भासयन्ति द्रुमांस् ताराः सदेवासुरमानुषान् ।१३। कम्पयन्ति त्रयो लोकान् त्रास्यन्ती यक्षराक्षसान् । नीलोत्पलकरा देवी मा भैर् मा भैर् इति ब्रुवन् ।१४। जगत्संरक्षणार्थाय अहम् उत्पादिता जिनैः । कान्तारे शस्त्रसंपर्के नानाभयसमाकुले ।१५। स्मरणाद् एव नामानि सत्वान् रक्षाम्य् अहं सदा । तारयिष्याम्य् अहं नाथ* नानाभयमहार्णवात् ।१६। *) B. सत्वा. तेन तारेति मं लोके गायन्ति मुनिपुंगवाः । कृताञ्जलिपुटा भूत्वा ततः सादरसाध्वसाः ।१७। ज्वलतीर्यन्तरीक्षेस्थ इदं वचनम् अब्रवीत्* । नामाष्टशतकं ब्रूहि यत् पुरा कीर्तितं जिनैः ।१८। *) B. अब्रुवन्. दाशभूमीश्वरैर् नाथैर् बोधिसत्वैर् महर्द्धिकैः । सर्वपापहरं पुण्यं माङ्गल्यं कीर्तिवर्धनम् ।१९। धनधान्यकरं चैव आरोग्यपुष्टिवर्धनम्* । मैत्रीम् आलम्ब्य सत्वानां तत् कीर्तय महामुने ।२०। *) B. : धनधान्यकरं चैवारोग्यपुष्टिवर्धनम् अयुरारोग्यजनं सर्वसत्वसुखवहम्, etc. ... एवम् उक्ते थ भगवान् प्रहसन्न् अवलोकितः । व्यवलोक्य दिशः सर्वा मैत्र्या स्फुरणया दृशा ।२१। दक्षिणकरम् उद्धृत्य पुण्यलक्षणमण्डितम् । तम् उवाच महाप्राज्ञः साधु साधु महातपः ।२२। नामानि शृणु महाभाग सर्वसत्वैकवत्सलः । यानि संकीर्त्य मनुजाः सम्यक् ते स्युर् धनेश्वराः ।२३। सर्वव्याधिविनिर्मुक्ताः सर्वैश्वर्यगुणान्विताः । अकालमृत्युनिर्दग्धाश् च्युता यान्ति सुखावतीम् ।२४। तान्य् अहं संप्रवक्ष्यामि देवसंघाः शृणुध्व मे अनुमोदेत [सद्] धर्मे भविष्यध्वं सुनिर्वृताः* ।२५। *) C. अनुमोदे भवेतद्वा भविष्यध्वं सुनिर्वृताह् ॥२५॥ ओं लोचने सुलोचने तारे तारोत्सवे सर्वसत्वानुकम्पिनि सर्वसत्वोत्तारिणि सहस्रभुजे सहस्रनेत्रे ।२६। ओं नमो भगवते वलोक्य आवलोक्या* । सर्वसत्वानां चाहं फुट् स्वाहा* ॥२७। *) C. ajoute : माम्. *) C. ajoute : ओम् तारे तुत्तारे तुरे स्वाहा. ओं शुद्धे विशुद्धे शोधनविशोधनि* । सुगतात्मजे मैत्रीहृदये निर्मले श्यामे श्यामरूपिणि ।२८। *) शोधन विशोधनि manque dans B et dans C. महाप्राज्ञे प्रवरे प्रवरभूषिते पराजिते । महारौद्रि विश्वरूपि महायश* ।२९। *) B. महबला. कल्पाग्निमहातेजा लोकधात्री* महायशा । सरस्वती विशालाक्षी प्रज्ञाश्रीबुद्धिवर्धनी ।३०। *) D'ap. B. --- A. : लोकत्री. ओं धृतिदा पुष्टिदा स्वाहा ओंकारा कामरूपिणी । सर्वसत्वहितोद्युक्ता संग्रामे तारणी जया ।३१। प्रज्ञापारमितादेवी आर्यातारा मनोरमा । दुन्दुभिसखिनी पूर्णविद्याराज्ञी प्रियंवदा ।३२। चन्द्रानना महागौरी अजिता पीतवाससा । महामाया महाश्वेता महाबलपराक्रमा ।३३। महारौद्री महाचण्डी दुष्टसत्वनिसूदनी । प्रशान्ता शान्तरूपा च विजया ज्वलनप्रभा ।३४। विद्युन्माली ध्वजी खड्गी चक्री चापयुतायुधा । जम्भनी स्तम्भनी काली कालरात्री निशाचरी ।३५। रक्षणी मोहिनी शान्ता कान्ता विभाविनी शुभा । ब्राह्मणी वेदमाता च गुहा च गुहवासिनी ।३६। माङ्गल्या शङ्करी* सौम्या जातवेदा मनोजवा । कापालिनी महाभागा* संध्या सत्यापराजिता ।३७। *) A. सकरि. *) B. --- वेगा --- ce qui éviterait un double, v. v. 39. सार्थवाहा कृपदृष्टी नष्टमार्गप्रदर्शनी । वरदा शासनी शास्त्री स्त्रीरूपामितविक्रमा ।३८। शवली योगिनी सिद्धा चाण्डाली चांृता ध्रुवा । धन्या पुण्या महाभागा सुभागा प्रियदर्शनी ।३९। कृतान्तत्रासनी भीमा उग्रा उग्रमहातपा । जगदेकहितोद्युक्ता शरण्या भक्तिवत्सला ।४०। वागीश्वरी शिवा सूक्ष्मा नित्या सर्वार्थमातृका* । सर्वार्थसाधनी भद्रा गोप्त्री धात्री धनंजया ।४१। *) B. donne : °मनुष. et C. : सर्वत्रचानुग. अभया गौतमी पुण्या श्रीमल्लोकेश्वरात्मजा* । तारा नामगुणानन्ता सर्वाशापरिपूरणी ।४२। *) C. donne प्रोक्त पोुर् पुण्या. Corr. d'ap. B. --- A. : जेति. नामाष्टोत्तरशतकं तत् कीर्तितं हितेन वः । रहस्यम् अद्भुतं गुह्यं देवानाम् अपि दुर्लभम् ।४३। सौभाग्यं भाग्यकरणं सर्वकील्बिषनाशनम् । सर्वव्याधिप्रशमनं सर्वसत्वसुखावहम् ।४४। त्रिकारं यः पठेद् धीमान् शुचिः स्नानसमाहितः । *चिरेणैव कालेन राज्यश्रियम् अवाप्नुयात् ।४५। *) B. porte : शोधने साधकस्येवराध्यश्रियं. A. : शोधकस्येव. दुःखितः स्यात् सुखी नित्यदरिद्रो धनवान् भवेत् । [जडो] भवेत् महाप्राज्ञो मेधावी च न संशयः ।४६। बन्धनान् मुच्यते बद्धो व्यवहारे जयो भवेत् । शत्रवो मित्रतां यान्ति शृङ्गिणश् चाथ दंष्ट्रिणः ।४७। संग्रामे संकटे दुर्गे नानाभयसमाकुले । स्मरणाद् एव नामानि [सर्वपापान्य्] अपोहति ।४८। नाकालंर्त्युर् भवति प्राप्नोति विपुलां श्रियम् । मानुष्यं सफलं जन्म यस्य* कस्य महात्मनः ।४९। *) D'ap. B. et C. au lieu de : तस्य. यश् चेदं प्रातर् उत्थाय मानवः कीर्तयिष्यति । स दीर्घकालम् आयुष्मान् श्रियं च लभते नरः ।५०। देवा नागास् तथा यक्षा गन्धर्वाः कटपूतनाः । पिशाचराक्षसा भूता मातरो रौद्रतेजसः ।५१। *क्षयापस्मारकारकश् चैव क्षतकाखोर्डकादयः * । डाकिन्यास् तारका प्रेताः स्कन्दा मारा महाग्रहाः ।५२। *) B. --- भयानि. *) Dans C. les hémistiches du v. 52 sont intervertis, et le second finit ainsi : कृत्याकार्कोटकादयः ॥48॥. छायाम् अपि न लङ्घन्ते* किं पुनस् तस्य विग्रहः । दुष्टसत्वा न वाधन्ते व्याधयो नाक्रमन्ति च ।५३। *) Corr. d'ap. B. au lieu de : नलघके. देवासुर[म्]पि संग्रामम् अनुभवन्ति महर्द्धिकाः । सर्वैश्वर्यगुणैर् युक्तः पुत्रपौत्रैश् च वर्धते ।५४। जातिस्मरो भवेद् धीमान् कुलीनः प्रियदर्शनः ।५५। प्रीतिमांश् च महावाग्मी सर्वशास्त्रविशारदः ।५६। कल्याणमित्रसंसेवी बोधिचित्तविभूषितः । सदाविरहितो बुद्धैर् यत्र यत्रोपपद्यते ।५७। इत्य् आर्यताराभट्टारिकाया नामाष्टोत्तरशतकं बुद्धभाषितं समाप्तम् । । शुभम् । --- # 11\. Traduction de la Liste des cent huit Noms d'Ārya Tārā. Hommage à la glorieuse Ārya Tārā. Sur le noble Potalaka, qui est agréable, qui resplendit de l'éclat de divers minéraux, que recouvrent des lianes et des arbres variés, qui résonne des cris d'oiseaux de toutes sortes, --- 1. rendu bruyant par de nombreuses cascades, peuplé de gibier de toutes les espèces, que parfument de tous côtés les fleurs de jasmins et de lotus variés, --- 2. fourni de fruits délicieux et divers, tout plein du susurrement des abeilles et rempli des doux chants des kinnaras et des éléphants ivres, --- 3. fréquenté par des troupes de vidyādhāras, de saints et de gandharvas bruyants, et par les ascètes exempts de passions ; fréquenté aussi, éternellement, --- 4. par les foules des bodhisattvas et par les autres seigneurs des dix terres, et par des milliers de déesses et de reines de la science, à commencer par Ārya Tārā, --- 5. couvert par les troupes du roi de la Colère et d'autres, à commencer par Hayagrīva ; (sur ce Potalaka) le bienheureux Avalokita qui est attentif au bien de toutes les créatures, --- 6. se tenant sur le siège fait du cœur d'un lotus, le bienheureux était là, doué d'un grand ascétisme et plein de compassion et d'amitié. --- 7. Il enseignait la Loi dans cette grande assemblée des dieux. Étant venu vers lui, qui était assis là, Vajrapāṇi à la grande force --- 8. inspiré par la plus vive compassion, interrogea ainsi Avalokita : « Voleurs, serpents, lions, feu, éléphants, sont comme des flots qui rendent plus périlleux encore l'océan des transmigrations ;--- 9. ô Muni ! ces êtres y tombent noyés, liés par les lacets du saṃsāra qui entraînent les ténèbres, la haine et les passions ;--- 10. ce par quoi on est délivré du saṃsāra, dis-le-moi, ô grand Muni ! » 10. _bis_ Ainsi interpellé, Avalokita, le maître du monde, répondit --- une douce parole à Vajrapāṇi qui veille : « Écoute, souverain des Guhyakas, le sauveur Amitābha. --- 11. Les Mères du monde, nées par la puissance de mon recueillement, douées d'une grande pitié et attentives à sauver le monde, --- 12. semblables au soleil levant, ayant un éclat pareil à celui de la pleine lune, les Tārās illuminent les arbres avec les dieux, les asuras et les hommes, --- 13. elles font trembler les trois mondes, épouvantant les yakṣas et les rākṣasas. La déesse qui a en main un lotus bleu : N'aie pas peur, n'aie pas peur, ainsi dit-elle, --- 14. c'est pour protéger le monde que j'ai été créée par les jinas. Dans les fourrés quand les épées se croisent, quand le danger est pressant, --- 15. par le seul souvenir de mes noms, je protège toujours les créatures, je les ferai traverser, moi, ô protecteur, hors des grands flots et des craintes diverses, --- 16. C'est pourquoi sous le nom de Tārā, ils me célèbrent les taureaux des Munis, ayant fait l'añjali en forme de coupe, là, avec respect et émotion. » ... 17. Il (Vajrapāṇi) dit cette parole : « Dis les Cent huit noms qui ont été proclamés autrefois par les jinas, --- 18. par les seigneurs des dix terres, par les bodhisattvas qui sont doués de force surnaturelle, noms qui enlèvent tout péché, purs, qui portent bonheur, qui développent la splendeur, --- 19. qui donnent la richesse et les moissons, et qui accroissent aussi la prospérité et la santé ; au nom de ton amitié pour les créatures, fais cela, ô grand Muni. » 20\. A ces paroles, le bienheureux Avalokita, souriant, jetant ses regards sur toutes les régions de l'horizon, d'un œil étincelant de bienveillance, --- 21. soulevant la main droite ornée d'un signe propice, dit à celui-ci, le grand sage : 22\. « Bien, bien, ô toi qui as un grand tapas, entends les noms, ô toi bienheureux, unique chéri, en les répétant les hommes sont tous des princes des richesses, --- 23. ils sont délivrés de toutes les maladies, doués de toutes les qualités et de tous les pouvoirs, ils écartent la mort qui est hors de temps, et une fois tombés, ils arrivent à Sukhāvatī. --- 24. Ces noms, je vais les énumérer, divinités assemblées, écoutez-moi, réjouissez-vous dans la loi --- et soyez bien apaisées dans le dharma. 25. Ôṃ ! hommage à celle qui a des yeux, qui a de beaux yeux, Tārā, fête à Tārā qui est miséricordieuse envers toutes les créatures, qui sauve toutes les créatures, qui a mille bras, qui a mille yeux, --- 26. ôṃ, hommage à Bhagavatī, ... de toutes les créatures --- 27. phuṭ ! svāhā ! Ôṃ, hommage à la pure, à la très pure, qui purifie, qui nettoie, fille du Sugata, qui a le cœur plein d'amitié, qui est sans tache, de couleur sombre, qui a le visage sombre, --- 28. très sage, excellente, excellemment parée, invincible, inspirant un grand effroi, revêtant toutes les formes, à la grande splendeur, --- 29. au grand éclat du feu du kalpa, protectrice du monde à l'immense gloire, Sarasvatī, 30. aux grands yeux, faisant croître la sagesse, la beauté et la raison ; qui est ôm, qui revêt à son gré la forme qu'elle souhaite, qui est bonne pour toutes les créatures, dans le combat sauveuse et victorieuse, --- 31. déesse de la perfection de la science, noble Tārā qui réjouit le cœur, amie du tambour, reine de la complète science, qui dit des choses agréables,--- 32. qui a un visage de lune, au teint grandement clair, invincible, au vêtement jaune, grande Māyā, très blanche, très forte, très puissante, --- 33. très terrible, pleine de grande fureur, meurtrière des créatures mauvaises, apaisée, à la beauté calme et victorieuse, qui a l'éclat des flammes, --- 34. enguirlandée d'éclairs, porte-drapeau, porte-glaive, portedisque, qui a un arc et des armes, destructrice, soutien, Kālī, nuit du temps, noctambule, --- 35. protectrice, qui trouble, qui est apaisée, bien-aimée, brillante, brāhmaṇī et mère des Vedas, cachée et habitante des cavernes, --- 36. propice, heureuse, douce, qui a engendré le Veda, prompte comme l'esprit, ornée de crânes, qui a une grande destinée, crépuscule, véridique, victorieuse, --- 37. conductrice des caravanes, qui regarde avec compassion, qui montre la route aux égarés ; elle donne des faveurs, elle ordonne, maîtresse parée de la beauté féminine, au grand courage, --- 38. bigarrée, pratiquant le yoga, sainte, Cāṇḍālī, immortelle, inébranlable, opulente, pure, à la glorieuse destinée, ayant une belle existence, agréable à voir, --- 39. faisant trembler la mort, terrible, farouche, elle a un puissant et effrayant tapas, elle n'est attentive qu'au bien du monde, protectrice, amie de la dévotion, --- 40. princesse de l'éloquence, favorable, subtile, éternelle, réalisant toutes les fins, elle réalise l'exécution de tous les projets, heureuse, bienfaitrice, nourricière, elle conquiert les richesses, --- 41. intrépide, Gautamī, sainte fille du vénérable maître du monde. Tārā est infinie par les qualités de ses noms, elle comble entièrement toute espérance. --- 42. Ces cent huit noms ont été promulgués pour votre utilité, noms mystérieux, miraculeux, secrets, difficiles à acquérir même pour les dieux, --- 43. ils procurent la bonne fortune et un heureux destin, ils détruisent tous les péchés, ils sont l'apaisement de toutes les maladies et apportent la joie à tous les êtres. --- 44. Celui qui les réciterait trois fois intelligent, pur, après avoir pris un bain, obtiendra en peu de temps les honneurs royaux, --- 45. le malheureux deviendra heureux perpétuellement, le pauvre sera dans l'opulence, l'idiot deviendra très sage et très intelligent, il n'y a aucun doute à cet égard, --- 46. celui qui est lié sera délivré de ses liens, dans les procès il triomphera, les ennemis deviendront des amis, et les bêtes à cornes ou à défenses ;--- 47. dans la bataille, dans les lieux impraticables, dans les endroits difficiles, remplis de causes variées de frayeur, par le fait du souvenir de ces noms, les péchés sont entièrement enlevés. --- 48. Il n'a pas de mort intempestive, il obtient une grande prospérité, sa naissance comme homme sera fructueuse pour qui que ce soit qui sera magnanime, --- 49. qui, s'étant levé le matin, célébrera ceux-ci ;--- un tel homme obtiendra une longue vie et le bonheur. --- Les dieux, les Nāgas et aussi les Yakṣas, les Gandharvas, les démons destructeurs et les Piśācas, les Rākṣasas, les Bhūtas, et les Mères à l'éclat terrible, --- 51. ceux qui apportent la mort et l'épilepsie, les Kṣatas ( ? ) Kākhorḍaka, etc., 52. les Ḍākinis, les Tārakas, les Pretas, les Skandas, les Māras, les grands monstres, ne franchissent même pas son ombre, à bien plus forte raison ils ne le saisiront pas ; les créatures impures ne le frappent pas, les maladies même ne l'approchent pas. --- 53. Les dieux et les Asuras l'assistent au combat ( ? ), eux qui ont une grande puissance surnaturelle, il est doué des qualités de la domination universelle, il s'accroît par ses fils et ses petits-fils. --- 54. Il aura le souvenir de ses naissances antérieures, intelligent, noble et agréable à voir, --- 55. doué de charmes, très éloquent, versé dans tous les śāstras ; orné de la pensée de la bodhi, fréquentant de bons amis spirituels, et toujours non abandonné par les Buddhas, où qu'il se trouve. » Ainsi est terminée la liste des Cent huit noms de Ārya Tārā, la princesse, énoncés par Buddha. --- # 12\. Ekaviṃśatistotra. 1\. --- Namas tāre ture vīre kṣaṇadyutinibhekṣaṇe । trailokyanāthavaktrābjavikasatkesarodbhave ॥ 2\. --- namaḥ śāntasaraccandrasaṃpūrṇapaṭalānane । tāre sahasravikalpaprahasatkiraṇojjvale ॥ 3\. --- namaḥ kanakanīlābjapāṇipadmavibhūṣite । dānavīryatapaḥkṣāntititikṣādhyānagocare ॥ 4\. --- namas tathāgatoṣṇīṣavijayānantacāriṇi । aśeṣapāramitāprāptajinaputraniṣevite ॥ 5\. --- namas tuttārahūṃkārapūritāśādigantare । saptalokakramākrāntā aśeṣākarṣaṇakṣaṇe ॥ 6\. --- namaḥ śakranarabrahmamarudviśveśvarārcite । bhūtavetālagandharvagaṇayakṣapuraskṛte ॥ 7\. --- namas tratritriphaṭkāre paramantrapramardani । pratyālīḍhapādanyāse śikhijvālākulojjvale ॥ 8\. --- namas ture mahāghore māravīravināśani । bhṛkuṭīkṛtavaktrābjasarvaduṣṭanisūdani ॥ 9\. --- namas triratnamudrāṅke hṛdyāṅgulivibhūṣite । bhūṣitāśeṣadikcakranikare sukulākule ॥ 10\. --- namaḥ pramuditāṭopamukuṭākṣiptasāriṇi । hasatprahasattuttāre māralokabhayaṃkari ॥ 11\. --- namaḥ samantabhūpālāpātālākarṣanakṣaṇe । bhṛkuṭikṛtahūṃkāre sarvāpadavimocani ॥ 12\. --- namaḥ śikhaṇḍakhaṇḍendumukuṭābharaṇojjvale । amitābhatathābhāre bhāsvare kiraṇadhruve ॥ 13\. --- namaḥ karatalāghātacaraṇāhatabhūtale । bhṛkuṭikṛtahūṃkārasaptapātālanāśini ॥ 14\. --- namaḥ kalpāntahutabhugjvālāmālāntare sthite । ālīḍhamuditābaddharipucakravināśini ॥ 15\. --- namaḥ śive śubhe śānte śāntanirvāṇagocare । svāhā praṇamya saṃyukte mahāpātakanāśini ॥ 16\. --- namaḥ pramuditābaddharipugātraprabhedani । daśākṣarapādanyāse vidyāhuṃkāradīpite ॥ 17\. --- namas ture pādāghāte huṃkārakārajīvite । merumaṇḍalakailāśabhūvanatrayacāraṇi ॥ 18\. --- namaḥ surāsarākārahariṇīkakare sthite । haradviruktaphaṭkāra aśesaviṣanāśini ॥ 19\. --- namaḥ suragaṇayakṣāsurakinnarasevite । ābaddhamuditābhogakari duḥ(sva)pnanāśini ॥ 20\. --- namaś candrārkasaṃpūrṇa nayanadyuti(sva)bhāsvare । tāre dviruktottāre viṣamajvalanāśini ॥ 21\. --- namas tritalavinyāse śivaśaktisamanvite । grahavetālayakṣādyanāśani pravare ture ॥ 1\. --- Mantramūlam idaṃ stotraṃ namaskāraikaviṃśati । yaḥ paṭhet prāyaśo dhīmān devyā bhaktisamanvitaḥ ॥ 2\. --- so yaṃ vā prātar utthāya smaret sarvābhayapradaṃ । sarvapāpapraśamanaṃ sarvadurgatināśanam ॥ 3\. --- abhiṣiktobhaya tūrṇaṃ asmin mahattām āsādya । viṣaṃ tasya mahāghoraṃ smaraṇāt pralayaṃ yānti ॥ 4\. --- grahajvalaviṣārtānām anyeṣāṃ caiva satvānām । putrakāmo labhet putraṃ sarvakāmān avāpnoti ॥ 5\. --- saptabhir jinakoṭibhiḥ so nte bauddhapadaṃ vrajet । sthāvaraṃ vātha jaṅgamaṃ sāḍ idaṃ pīḍam eva ca ॥ 6\. --- paramārtivināśanaṃ dvitrisaptābhivartinām । dhanakāmo labhed dhanaṃ na vighnaiḥ pratihanyate* ॥ Iti śrīsaṃyaksaṃbuddhavairocanabhāṣitaṃ bhagavatyāryatārādevyā namaskāraikaviṃśatistotraṃ saṃpūrṇaṃ samāptaṃ ॥ ॥ śubham ॥ *) Variantes du ms. B : v. 7. --- kulajvale. v. 8. --- sundani. v. 10. --- māriṇi. v. 12. --- abharaṇajvale. Les vers des strophes de louange de la fin sont donnes dans un ordre diffèrent par le ms. B., mais le texte en est identique. --- ## _addendum editoris_ : Devanāgarī (देवनागरी).* *) [IAST.](https://arshavidya.org.uk/vyasa.html) **एकविंशतिस्तोत्र** १\. --- नमस् तारे तुरे वीरे क्षणद्युतिनिभेक्षणे । त्रैलोक्यनाथवक्त्राब्जविकसत्केसरोद्भवे ॥ २\. --- नमः शान्तसरच्चन्द्रसंपूर्णपटलानने । तारे सहस्रविकल्पप्रहसत्किरणोज्ज्वले ॥ ३\. --- नमः कनकनीलाब्जपाणिपद्मविभूषिते । दानवीर्यतपःक्षान्तितितिक्षाध्यानगोचरे ॥ ४\. --- नमस् तथागतोष्णीषविजयानन्तचारिणि । अशेषपारमिताप्राप्तजिनपुत्रनिषेविते ॥ ५\. --- नमस् तुत्तारहूंकारपूरिताशादिगन्तरे । सप्तलोकक्रमाक्रान्ता अशेषाकर्षणक्षणे ॥ ६\. --- नमः शक्रनरब्रह्ममरुद्विश्वेश्वरार्चिते । भूतवेतालगन्धर्वगणयक्षपुरस्कृते ॥ ७\. --- नमस् त्रत्रित्रिफट्कारे परमन्त्रप्रमर्दनि । प्रत्यालीढपादन्यासे शिखिज्वालाकुलोज्ज्वले ॥ ८\. --- नमस् तुरे महाघोरे मारवीरविनाशनि । भृकुटीकृतवक्त्राब्जसर्वदुष्टनिसूदनि ॥ ९\. --- नमस् त्रिरत्नमुद्राङ्के हृद्याङ्गुलिविभूषिते । भूषिताशेषदिक्चक्रनिकरे सुकुलाकुले ॥ १०\. --- नमः प्रमुदिताटोपमुकुटाक्षिप्तसारिणि । हसत्प्रहसत्तुत्तारे मारलोकभयंकरि ॥ ११\. --- नमः समन्तभूपालापातालाकर्षनक्षणे । भृकुटिकृतहूंकारे सर्वापदविमोचनि ॥ १२\. --- नमः शिखण्डखण्डेन्दुमुकुटाभरणोज्ज्वले । अमिताभतथाभारे भास्वरे किरणध्रुवे ॥ १३\. --- नमः करतलाघातचरणाहतभूतले । भृकुटिकृतहूंकारसप्तपातालनाशिनि ॥ १४\. --- नमः कल्पान्तहुतभुग्ज्वालामालान्तरे स्थिते । आलीढमुदिताबद्धरिपुचक्रविनाशिनि ॥ १५\. --- नमः शिवे शुभे शान्ते शान्तनिर्वाणगोचरे । स्वाहा प्रणम्य संयुक्ते महापातकनाशिनि ॥ १६\. --- नमः प्रमुदिताबद्धरिपुगात्रप्रभेदनि । दशाक्षरपादन्यासे विद्याहुंकारदीपिते ॥ १७\. --- नमस् तुरे पादाघाते हुंकारकारजीविते । मेरुमण्डलकैलाशभूवनत्रयचारणि ॥ १८\. --- नमः सुरासराकारहरिणीककरे स्थिते । हरद्विरुक्तफट्कार अशेसविषनाशिनि ॥ १९\. --- नमः सुरगणयक्षासुरकिन्नरसेविते । आबद्धमुदिताभोगकरि दुः(स्व)प्ननाशिनि ॥ २०\. --- नमश् चन्द्रार्कसंपूर्ण नयनद्युति(स्व)भास्वरे । तारे द्विरुक्तोत्तारे विषमज्वलनाशिनि ॥ २१\. --- नमस् त्रितलविन्यासे शिवशक्तिसमन्विते । ग्रहवेतालयक्षाद्यनाशनि प्रवरे तुरे ॥ १\. --- मन्त्रमूलम् इदं स्तोत्रं नमस्कारैकविंशति । यः पठेत् प्रायशो धीमान् देव्या भक्तिसमन्वितः ॥ २\. --- सो यं वा प्रातर् उत्थाय स्मरेत् सर्वाभयप्रदं । सर्वपापप्रशमनं सर्वदुर्गतिनाशनम् ॥ ३\. --- अभिषिक्तोभय तूर्णं अस्मिन् महत्ताम् आसाद्य । विषं तस्य महाघोरं स्मरणात् प्रलयं यान्ति ॥ ४\. --- ग्रहज्वलविषार्तानाम् अन्येषां चैव सत्वानाम् । पुत्रकामो लभेत् पुत्रं सर्वकामान् अवाप्नोति ॥ ५\. --- सप्तभिर् जिनकोटिभिः सो न्ते बौद्धपदं व्रजेत् । स्थावरं वाथ जङ्गमं साड् इदं पीडम् एव च ॥ ६\. --- परमार्तिविनाशनं द्वित्रिसप्ताभिवर्तिनाम् । धनकामो लभेद् धनं न विघ्नैः प्रतिहन्यते* ॥ इति श्रीसंयक्संबुद्धवैरोचनभाषितं भगवत्यार्यतारादेव्या नमस्कारैकविंशतिस्तोत्रं संपूर्णं समाप्तं ॥ ॥ शुभम् ॥ *) Variantes du ms. B : v. 7. --- कुलज्वले. v. 8. --- सुन्दनि. v. 10. --- मारिणि. v. 12. --- अभरणज्वले. Les vers des strophes de louange de la fin sont donnes dans un ordre diffèrent par le ms. B., mais le texte en est identique. --- # 13\. Conclusion. Le bouddhisme, à son origine, semble avoir été plutôt défavorable à l'élément féminin ; qu'on se rappelle les difficultés qui furent soulevées quand la mère adoptive du Buddha, Mahāprajāpati et les religieuses demandèrent à être admises officiellement dans la communauté et les reproches que dut essuyer Anānda, si nous en croyons les récits relatifs au premier concile, pour les avoir protégées.* Ces traits trahissent, soit chez les fondateurs de l'église une préoccupation déjà motivée par le danger d'une influence féminine, soit chez les rédacteurs du canon un esprit d'hostilité désireux de se légitimer par un appel au passé. *) Voir Minayeff, trad. de M. de Pompignan, p. 35. Tandis que le rationalisme monastique des églises singhalaises réussissait à écarter ce péril, l'église du Nord, plus fidèle au véritable esprit de l'Inde, ouvrait la porte aux divinités féminines et leur permettait d'acquérir peu à peu un rang prépondérant dans son panthéon. La fortune d'Ārya Tārā est la plus éclatante de toutes. La légende et l'étymologie sont d'accord pour donner à Tārā une double physionomie aisément réductible à l'unité. Le bouddhisme rattache de préférence son nom à la forme causative de la racine _tar_, traverser ; Tārā est alors la déesse qui _fait traverser_ ; son nom éveille comme un écho dans l'imagination indienne la métaphore, usuelle au point d'être inaperçue, de l'Océan des existences. La série des transmigrations apparaît en effet à l'Hindou comme une mer infinie ; c'est à trouver le moyen d'en atteindre l'autre bord que la religion et la philosophie ont l'une et l'autre épuisé leurs ressources. Le brahmanisme, de son côté, connaît aussi une Tārā, soit que jaloux d'une déesse née en dehors de ses traditions il l'ait annexée au moyen d'une légende, soit que Tārā, l'épouse brillante de Bṛhaspati, mère de Buddha, eût déjà son histoire telle que nous la donnent les Purāṇas* ; il rattache son nom à la désignation générique de l'étoile, en sanscrit : _tārā, la claire_. *) Cf. Viṣṇupurāṇa, 4. 6, Bhāgavatapurāṇa, 9. 14, 4-8, et Harivansa, 25. Voici le texte du Harivansa d'après la traduction de Langlois, t. 1, p. 113-114 : « Après s'être acquitté de la cérémonie qui complète le sacrifice, heureux et chéri de tous les Devarṣis, il (Soma) brilla parmi les rois dont il était le souverain, étendant sa lumière sur les dix régions du ciel. Mais à peine eut-il obtenu cette domination difficile à acquérir que les munis eux-mêmes avaient sanctionnée de leurs bénédictions, que sa raison se troubla, égarée par l'orgueil. Il enleva la glorieuse épouse de Vṛhaspati nommée Tārā, manquant ainsi au respect qu'il devait au fils d'Añgiras. En vain les dieux et les Rājarṣis vinrent le prier de réparer cet affront : il refusa de rendre Tārā. Le précepteur des dieux Vṛhaspati fut indigné de sa conduite et lui déclara la guerre. Uśanas se mit dans l'arrière-garde du fils d'Añgiras ; il avait été le disciple de Vṛhaspati plutôt que de Bhṛgu son père. Le dieu Rudra lui-même, par amitié pour son maître outragé, prit le commandement de cette arrière-garde et s'arma de son arc Ajagava ; il lança contre les dieux partisans de Soma un trait redoutable qui abattit tout leur orgueil. Alors se livra ce combat terrible auquel Tārā a donné son nom, combat sanglant également funeste aux Devas, aux Daityas et aux mondes. Ceux d'entre les dieux qui avaient échappé et les Tuṣitas se présentèrent devant Brahma, leur protecteur, maître suprême et éternel. Ce dieu arrêta Uśanas et Rudra, et rendit lui-même Tārā au fils d'Añgiras. Mais Vṛhaspati s'étant aperçu qu'elle était enceinte, lui dit : « Le sein de ma femme ne doit pas garder ce fruit. » Aussitôt il la débarrassa avec violence d'un enfant qui devait un jour être terrible pour ses ennemis et qui brilla comme un feu qui tombe sur une jonchée de roseaux. A peine était-il né qu'il offrait toute la beauté des dieux. En ce moment les Suras indécis dirent à Tārā : « Déclare la vérité, de qui est-il fils, de Soma ou de Vṛhaspati ? » A cette question des dieux, elle ne répondit rien de satisfaisant, son fils lui-même allait la punir par une imprécation, Brahma le retint et interrogea cette épouse embarrassée : « Tārā, lui dit-il, explique-toi sur la vérité, de qui est ce fils ? » Saluant Brahma avec respect elle répondit : « Il est fils de Soma. » Alors Soma embrassant ce fils, dit : « Voilà Budha ! (Mercure). » Ces deux aspects se sont facilement confondus : Tārā, gardera toujours l'empreinte de son origine ; nous avons vu qu'elle sauve constamment ses adeptes de l'eau ou par l'eau en les faisant atterrir en lieu sûr ; elle est aussi le guide fidèle, l'étoile du nautonier, _stella maris_ invoquée du navigateur.* *) Se représenter les bouddhistes indiens hostiles à la navigation serait méconnaître un côté important de leur vie et le complément indispensable du caractère missionnaire de leur foi. La traversée à Laṅkā n'était pas la seule qui leur fût familière. Notre inscription javanaise en est une preuve, de même aussi la légende bien connue de Pūrṇa le vertueux (Burnouf, _Introd._, p. 235 et suiv.), qui permet de constater l'existence d'une corporation de marchands marins très puissamment organisée dans la ville de Sūrpāraka (au nord de Bombay). Il serait singulier qu'il n'en eût pas été de même dans bien d'autres villes maritimes commerçantes. Les titres d'honneur que reçoit Tārā montrent le rang qu'elle occupe dans la savante hiérarchie bouddhique : Le plus fréquent de tous est : _āryā_, qui se joint à son nom jusqu'à en devenir un élément inséparable. Cette épithète désigne dans la langue technique de l'église bouddhique le degré suprême de sainteté.* Tārā est souvent aussi qualifiée de _Bhaṭṭārikā, la princesse_. Ce mot est un document historique précis : Bhaṭṭārikā est le féminin du mot _Bhaṭṭāraka_, qui se rencontre à partir du sixième siècle dans les inscriptions pour désigner les mahārājas et les mahārajādhirajas (les rois vassaux ou les suzerains) et aussi les divinités de premier rang* ; il désigne les épouses de ces personnages. Une autre épithète qui est devenue comme un surnom de Tārā est _Sragdharā, la porteuse de guirlande_ ; c'est sans doute la popularité de ce nom qui a déterminé Sarvajñamitra à célébrer sa divinité préférée dans le mètre également appelé _Sragdharā_ ; le _Sragdharā stotra_ est en effet à la fois l'hymne à _Sragdharā_ et l'hymne en _Sragdharā_. L'extension rapide du culte de Tārā, soit en Chine, soit au Tibet, s'explique par l'histoire du monde bouddhique à partir du sixième siècle : des pèlerins hardis parcouraient l'Asie tout entière et propageaient sur leur passage les doctrines, les croyances et les légendes recueillies au hasard de leur course. Fa-Hian, Hiouen-Tsang et I-Tsing symbolisent ce grand mouvement. Néanmoins il ne faudrait pas se représenter les éléments divers, ainsi transportés, comme se pénétrant aisément les uns les autres ; ils formaient une mosaïque et non point une unité compacte. Tandis que nos documents assignent à Tārā une place très éminente parmi les divinités bouddhiques, c'est à peine si nous la voyons mentionnée dans le reste de la littérature étudiée jusqu'ici. La continuité du culte de Tārā nous est confirmée par quelques mentions de tīrthas de Tārā dans le _Svayaṃbhūpurāṇa_* et les titres de plusieurs tantras. (Voir page 6, note 1.) *) Voir Minayeff, trad. Pompignan, p. 87. *) Paśupati, Śiva et le Soleil. Ct. Fleet, _Corp._, p. 17. *) A ce sujet M. de La Vallée Poussin nous communique le passage suivant du _Svayaṃbhūpurāṇa_ manusc. dev. 78 du Cat. de la Bibl. Nat., Paris. F° 147. Le roi Aśoka se rend successivement à tous les tīrthas et adresse des prières à la série des divinités auxquelles ils sont consacrés, notamment à Vāṇīvatī, Mātṛdevī : Tato bhiṣṛtyāryatārātirtham āsadyābhiṣecya Tārām abhipūjya Tārām, bhavasāgaratāre vividhākāre tribhuvanasāre dūrīkṛtamāre saṃsārasāgarato māṃ uddharoddhareti so nyatra snānani pratyagamat. Dans le ms. dev. 93, f. 109 a, est mentionné le _Sragdharā stotra_ : Sahayām āsa bhāvena Āryatārā manoharī Taddhradasya ca madhye tu Āryatārā sulakṣmaṇī ... Tasmin hrade pi snānāc ca kāmaphalaṃ pralabhyate ... Tathāpi _śragdharādi ca Tārāstotraṃ_ paṭhan mudā Evaṃ kṛtvā mānujāiśca vāñchāphalaṃ pralabhyate ... La Tārā originelle est dans l'ordonnancement du panthéon septentrional, attribuée comme épouse au dhyānibuddha Amoghasiddha. Il a fallu créer aussi pour les autres dhyānibuddhas des compagnes qui ont reçu également le nom générique de Tārā avec des attributs particuliers.* *) Voir page 10. On appelle les Tārās : Bhrūkuṭitārā, Sitatārā, Ratnatārā, Viśvatārā. Il faut mentionner aussi avec le sixième Dhyānibuddha Vajrasattva son épouse Vajrasattvātmikā, qui appartiennent en propre aux tantras. Tārā n'est pas restée un type isolé, elle a de nombreuses sœurs, elle présente bien des traits communs avec les divinités féminines du tantrisme. Plus on se rapproche des pratiques tantriques, plus la différenciation entre chaque personnage divin devient difficile. Dans les stotras et dhāraṇīs les hymnes de Tārā se trouvent confondus pêle-mêle avec ceux de Mārici, Kurukullā, Vasundharā, Dhanadā, Saṃpatpradā, divinités féminines qui composent la classe tantrique des Vidyādevīs ou Māṭrkādevīs. Mais dans ces litanies interminables les personnages sont si vagues qu'on se demande si les noms représentent encore des individualités divines distinctes, ou bien s'ils ne sont plus que le souvenir incompris des personnages mythiques qui survivent ainsi aux vieux panthéons indiens pour aller se confondre dans l'océan de l'hindouisme. En résumé, Tārā est une divinité du bouddhisme du Nord, dont le culte se propage en dehors de l'Inde dans toutes les régions où ce bouddhisme est porté. Lorsque le bouddhisme devient de plus en plus le culte adressé aux bodhisattvas et aux dhyānibuddhas, Tārā représente, sous forme de leur compagne, un élément féminin dont la prépondérance va croissant dans la croyance comme dans le rituel. Cet élément finira même par prévaloir sur le reste de ce panthéon composite. **Fin.**